Si le mot n'était pas devenu, à cause de la suprématie des cons, tabou dans notre cher et vieux pays, je dirais que c'est en vraie grandeur un plaidoyer pour le libéralisme économique.
En Europe, la politique aéronautique d'après-guerre était menée par les Etats, avec tout ce que cela suppose de décisions politicardes, de corruption et mauvais critères de décision. En France, nous vécumes la désastreuse politique des records.
Un des problèmes les plus graves d'une politique industrielle étatiste est qu'un Etat ne sait pas laisser mourir un industriel bien connecté. La politique industrielle, c'est toujours la défense des calèches contre les automobiles. Cette problématique a des échos très contemporains, «royalistes» et «montebourgeois».
Or, dans une industrie naissante et en expansion, le darwinisme est une nécessité pour que l'innovation puisse s'épanouir. Si on maintient en survie les mauvaises herbes par des subventions, on étouffe les bonnes (il n'y a que dans l'esprit des imbéciles que les moyens financiers sont infinis et que l'on peut garder les mauvaises herbes sans étouffer les bonnes).
Le résultat : une industrie éparpillée avec des moyens saupoudrés et un retard croissant.
De l'autre coté de l'Atlantique, la politique était très différente.
Les Américains possédaient un terrain idéal pour le développement de l'aviation commerciale : un vaste espace sans frontières et une météo assez clémente, mais pas trop. Ils surent exploiter ces avantages à fond.
L'Etat aidait, certes, l'aviation, mais pas les industriels de l'aviation. La NACA, ancêtre de la NASA, prenait en charge la recherche (qui manquait cruellement chez nous). En revanche, l'Etat n'entreprenait pas de sauver tel ou tel industriel en difficultés.
Les industriels ont donc été forcés de se regrouper et de penser rentabilité, au lieu de penser subventions. Ils furent bien obligés d'innover judicieusement, sous peine de mourir. C'était le règne du pragmatisme, tout le contraire d'une industrie sous influence étatique.
En vingt ans, le résultat fut époustouflant. Les deux Lockheed Orion, capables de transporter six passagers, achetés par la Swissair, provoquèrent un drame dans les ministères de l'air européens : ils volaient plus vite que tous les chasseurs de ce coté-ci de l'Atlantique.
Louis Renault, conscient du retard des motoristes français, proposa de construire des moteurs américains sous licence, excellente occasion d'apprendre : refusé ! Nous volerons français, monsieur ! Evidemment, vous devinez la suite : le retard n'était toujours pas rattrapé en 1940 et nous avons acheté dans la panique des avions américains.
Les Anglais, en bons pragmatiques, ont su se remettre en cause in extremis, cela a donné le Merlin, le Spitfire et le radar.
Mais nous, Français, sommes nous condamnés à l'esprit de système, au comportement de caste, au mépris des Cassandre, à l'aveuglement face aux signes précurseurs du désastre ? Tout cela payé au prix du sang, généralement de ceux qui n'y sont pour rien ?
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