mercredi, avril 17, 2019

Incendie de Notre-Dame : décadence, nous y sommes.





Effondrement du goût

On ne parlera plus, pas un mot, des fidèles de la cathédrale, d’un sanctuaire incendié en plein milieu de la veillée pascale… Cela n’est pas de bon ton. Un «fidèle» est aujourd’hui un être plus étrange qu’un Bantou, qu’un Taupinambou au temps de Voltaire. D’ailleurs, on n’en voit plus. On parlera des «touristes», par centaines de milliers, par millions, déçus de trouver porte close, auxquels le ministère de la Culture - et non des cultes - devra porter par conséquent assistance.
On sait tout cela. Mais a-t-on jamais imaginé que cet effondrement du goût, cette voyoucratie des plaisirs, son laisser-aller dans une langue devenue un désastre, est de ces phénomènes profonds, lents, qui sont dans une société ceux des désastres, désastres d’un pays , d’une patrie, d’une nation, d’une langue, d’une culture - auxquels seul le feu, allumé par le hasard malheureux ou bien par une intention maligne, célébrant la puissance vindicatrice des dieux, alimenté, nourri par tous les déchets d’une modernité agonisante et les humeurs des intestins, mettra fin ? Nous y sommes.
* De l’Académie française. Ancien conservateur général du patrimoine. Ancien directeur du Musée Picasso. Dernier ouvrage paru: La Part de l’ange. Journal 2012-2015 (Gallimard, 2016).
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 17/04/2019. Accédez à sa version PDF en cliquant ici




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