vendredi, mai 12, 2006

L'Etat et l'industrie, Clearstream et EADS, les services discrets

Je ne me prononce pas sur le fond de l'affaire Clearstream ; par contre, une chose est certaine : elle est liée à la rivalité pour la prise de pouvoir au sein d'EADS entre Noël Forgeard (candidat du clan Chirac) et Philippe Camus (soi-disant candidat de Sarkozy, mais essentiellement candidat de la vision large et à long terme).

Noël Forgeard paraît avoir gagné, mais ce sont surtout les Allemands qui en ont profité, et ce n'est que justice devant cet indécent affrontement d'egos, pour tirer leur épingle du jeu. Gergorin (X, ENA) et Forgeard (X, Mines) donnent l'image de ce qu'un apparatchik à la française peut avoir de plus détestable. Car, malgré l'enrobage qui a fait dire qu'il s'agissait d'une querelle de stratégies, il ne faut pas nous prendre pour des cons.

Au final, il y a une morale : depuis le début de l'année, Boeing a reçu trois fois plus de commandes d'avions commerciaux qu'Airbus. Ce fait est très directement relié à la déstabilisation de la direction qui a duré plusieurs mois : l'A350 est très mal parti au point que le développement est quasi à reprendre à zéro. Si le dernier né avait été la préoccupation principale de la direction, comme cela aurait du, on peut douter que les errements se fussent poursuivis aussi longtemps.

Alors, N. Forgeard a "réussi", il est PDG d'EADS. Mais les dizaines de milliers d'employés et de sous-traitants, qui auront moins de travail parce que la direction n'a pas pas fait son boulot, trop prise par les querelles intestines, qui en parle ?

On y retrouve comme une parabole du chiraquisme :

> un mélange des genres malvenu et néfaste

> une vision à court terme et clanique

> des moyens de pression peu avouables

> en conclusion, l'échec car le principal (l'entreprise) a été négligé au profit de l'accessoire (les places à donner aux copains).

Je ne reproche pas aux gouvernants de magouiller (1), cela fait partie du métier. Je leur reproche de perdre de vue l'essentiel.

Enfin, Alexandre Adler a une proposition frappée au coin du bon sens concernant les services dits secrets (discrets serait plus approprié) : puisque ces services sont politisés, assumons ce fait jusqu'au bout, que les directeurs soient nommés par la majorité et leurs adjoints par l'opposition, bien sûr, ce système ne pourrait être formalisé (c'est dommage pour un pays qui vénère les réglements et les circulaires) mais l'expérience anglaise prouve abondamment que certaines pratiques bénéfiques peuvent exister entre gens de bonne compagnie (2).

Enfin, conclusion ultime : nos hommes politiques ne sont pas des gens bien intéressants (3), sauf d'un point de vue d'entomologiste.

(1) Comme disait Montaigne Le bien public requiert qu'on trahisse, et qu'on mente, et qu'on massacre

(2) Par exemple, c'est toujours un parlementaire de l'opposition qui préside le National Audit Office (un genre de cour des comptes, l'efficacité et le pouvoir en plus). Ce n'est écrit nulle part.

(3) Anecdote : Alain Etchegoyen, philosophe, a travaillé avec C. Allègre, il connaît le couple Jospin qui dîne de temps en temps chez lui. Il est nommé par JP Raffarin à la tête du commissariat au plan. C. Allègre lui fait dire qu'il a choisi la droite. Mme Jospin lui dit que "quand une telle distance nous sépare, il est inutile qu'on se revoit." O bêtise ! Il est vrai que je savais que Jospin était un sectaire. Vraiment, la politique française ressemble parfois à la cour de récréation.

1 commentaire: