lundi, septembre 25, 2006

Qui gouverne le monde?

Je me suis permis de copier le ce message du blog de Guy Sorman.

J'avoue que le juridisme onusien à la française promu par le duo villepino-chiraquien m'inspire honte et dépit. Et le fait qu'il semble soutenu par une majorité de Français accroit mon désarroi.

C'est donc avec joie que j'ai accueilli ce texte, dont je me suis contenté de mettre en évidence les passages les plus significatifs pour les pressés et pour les paresseux.

J'avoue éprouver un plaisir certain à savoir que je suis du bon coté du manche, je veux dire, du bon coté de la morale. Car, si il m'arrive de douter de bien des choses, il y a du moins une chose dont je suis sûr : je me sens plus près de Bush et de Blair que de Ahmadinejad, de Poutine, de Khadafi et de Hu Jintao.

Que ceux qui font objectivement le jeu de ces derniers y réfléchissent à deux fois : rien ne nous sera épargné au nom de je ne sais quelle complaisance pour tel ou tel dictateur, aucune compromission n'éloignera de nous le calice quand viendra l'épreuve.

Car l'épreuve viendra, l'histoire est tragique, faut-il que nous l'ayons oublié ?

Bien trop tard, les artisans du désastre regretteront-ils de s'être rués à la servitude, suivant l'expression de Tacite ?

Car, il faut être bien naïf ou bien lâche pour ne pas comprendre que tous ces gestes onusiens que nous croyons si raisonnables, si intelligents (mais nous tromponns nous vraiment nous-mêmes ?) sont interprétés par ceux qui se considèrent comme nos ennemis comme autant d'aveux de faiblesse, de symptomes de soumission.



Qui gouverne le monde?

Le gouvernement mondial n’est pas pour demain, Dieu merci. Assemblée générale annuelle de l’ONU : me trouvant à New York, aux premières loges, pour écouter tous les chefs d’Etat pérorer à la tribune, je me réjouis du peu de pouvoir de cette assemblée.

Mon regard serait-il superficiel ? Certains, dans la diplomatie française en particulier, pratiquent une vision transcendantale de l’ONU : oui, ces chefs d’Etat sont pour la plupart des tyrans et des kleptocrates, mais tous ensemble, leurs vices particuliers se métamorphoseraient en une sagesse générale.

En ce moment, à New York, les vices sont tout de même plus évidents que la sagesse : en profitent directement les hôtels, restaurants, boîtes de nuit et services d’escorte payés par les impôts , les razzias et la confiscation de l’aide internationale. Ces exactions sont infligées par les kleptocrates aux peuples les plus pauvres ; le président de la Banque mondiale a dénoncé la facture d’hôtel d’un million de dollars du président du Congo , pays qui ne parvient pas à rembourser ses dettes. Mais il y a pire que la corruption.

À la tribune de l’ONU, la palme de la clownerie et du mensonge aura cette année été fort disputée. On s’attendait à ce que le président iranien l’emporte ; mais, malgré un regard quelque peu allumé, sa dénonciation lancinante, répétitive de l’injustice de l’ordre mondial, anesthésia la salle et la presse. La surprise vint donc de Chavez, le Vénézuélien, qui, grimaces à l’appui, dénonça l’odeur de soufre qui planait encore sur l’estrade où le diable Bush avait parlé la veille. On sait aussi que converti en agent littéraire, il brandit un livre de Noam Chomsky qui, selon Chavez, révélait bien le complot de l’Amérique contre le monde. Les ouvrages délirants de Chomsky sont à peu près aussi scientifiques que le fut en son temps le Protocole des sages de Sion, qui dénonce l’emprise juive sur la planète. Mais Chomsky étant juif lui-même, c’est à l’Iranien Ahmadinejad que revient le prix spécial de l’antisémitisme.

S’étonnant de l’importance excessive que l’on accorde à l’extermination des Juifs d’Europe, Ahmadinejad a demandé la création d’une instance indépendante pour vérifier l’existence ou non de l’Holocauste ! S’il est prouvé qu’elle a eu lieu, ajoute le Président iranien, les Européens en sont responsables et il convient que les Israéliens s’en retournent en Europe, où ils seront logés et nourris. Inutile de se demander pourquoi le gouvernement iranien cherche à se doter d’une bombe atomique ? Sinon pour rayer Israël de la carte du Proche-Orient : nul d’ailleurs dans les couloirs de l’ONU ne doute de ce projet iranien . Comme l’a observé l’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU , l’Iran disposant de quatre siècles de réserve de pétrole et de gaz, n’a aucun besoin de centrales nucléaires pour produire de l’énergie.

Face au délire et plus grave, face à la détermination de ce gouvernement iranien, Jacques Chirac aura aussi créé une surprise qui mérite une mention spéciale du jury. Alors que la France, jusque-là, était d’accord avec les Etats-Unis pour sanctionner l’Iran et bloquer, si faire se peut, son programme nucléaire, le Président français annonça à la tribune qu’il ne croyait pas aux sanctions ; si le Conseil de sécurité en adoptait, précisa Chirac , il fallait qu’elles soient douces.

Les Américains , apparemment pas prévenus de ce volte-face, ont fait bonne figure, considérant sans doute que Chirac, en fin de parcours, était « irrelevant » et les Français de vrais faux alliés.

La presse américaine en conclut que des entreprises françaises, soutenues par Jacques Chirac, devaient réaliser de bonnes affaires en Iran : une interprétation quelque peu superficielle – à mon sens – qui sous-estime le désir véritable de Jacques Chirac de se poser en leader des pays non alignés et en défenseur des grandes civilisations menacées par l’américanisation culturelle. Chirac fut d’ailleurs, pour son ultime prestation à l’ONU, aussi chaleureusement applaudi que Chavez et Ahmadinejad.

La réception la plus glaciale, on le devine, fut réservée au Président des Etats-Unis.

Les Etats-Unis ont tout pour déplaire à l’assemblée des kleptocrates. Tout d’abord, le contribuable américain paye l’essentiel des frais de fonctionnement de l’ONU et de la réception à New York. Nul invité n’a le désir de remercier son hôte. Ensuite, les Américains n’ont que le mot démocratie à la bouche, une insulte permanente pour les trois quarts des délégués. Enfin, George W. Bush a fait appel à l’ONU pour une mission concrète et urgente : stopper le génocide au Darfour . Un massacre qui bouleverse actuellement l’opinion publique américaine mais a laissé l’Assemblée générale des Nations Unies totalement indifférente. Les représentants russes et chinois au Conseil de sécurité s’opposent d’ailleurs à une intervention au Darfour ; perpétuant leurs propres massacres contre les Tchétchènes, les Tibétains et les Ouïgours , ils ne veulent pas créer de précédent humanitaire . Chacun ne doit-il pas rester boucher chez lui ?

Cette passivité de l’ONU face au Darfour ou à l’Iran se drape dans les deux alibis majeurs de la communauté internationale : souveraineté nationale et respect des civilisations. La plupart des génocides sont conduits sous couvert de la souveraineté nationale, exercée par des tyrans, à l’abri des frontières arbitraires. Mais ces tyrans sont maintenant confrontés au droit d’ingérence humanitaire qui conteste la souveraineté nationale.

C’est là qu’intervient la Civilisation. Cet alibi, plus chic, a pris le relais de la souveraineté. Au nom de la Civilisation ( en général définie , proclamée et incarnée par des personnages peu civilisés eux-même), on va refuser la liberté d’expression (Chine) ou la liberté religieuse (Arabie, Soudan ) . Paradoxe des paradoxes : l’ONU, qui est en principe l’assemblée de l’humanité, dénie aux peuples leur appartenance à la nature humaine. Vu de l’ONU , un Chinois est chinois avant d’être un homme doté de droits naturels.

Les Américains sont à peu près les seuls, en compagnie de quelques Anglo-saxons, à estimer qu’il existe, par-delà les frontières et les civilisations, une humanité qui a droit – entre autres – à la liberté. Mais, par chance, l’ONU n’est pas le gouvernement du monde : dans la mesure où ce gouvernement existe, il est américain.

C’est un fait , que l’on aime ou non... Même Chavez, Ahmadinejad, les Chinois, les Russes et les Français sont – de fait – des sujets involontaires de la Pax Americana.Chavez ? Il traite les Américains de fascistes mais à qui vend-il le pétrole du Venezuela ,sinon aux Etats-Unis ? Les Chinois ? Si la flotte américaine disparaissait de l’Océan Pacifique, combien de containers d’exportations chinoise atteindraient-ils, sans être piratés, les côtes de Californie et les consommateurs américains ? Et combien de tankers pétroliers navigueraient-ils sans obstacle des côtes iraniennes aux ports chinois ? Tout le système mondial de communication et d’échanges est, en réalité, garanti par la présence physique des forces américaines sur l’ensemble de la planète.

Ce qui vaut pour les communications physiques est tout aussi vérifiable pour la circulation de la monnaie , le Dollar ( géré par le Federal Board ), des capitaux (régulés par Wall Street) ou des informations (Internet géré aux Etats-Unis ).Mais une lourde menace pèse sur la Pax americana : Chavez ? Non. Ahmadinejad ? Pas plus. La menace véritable vient du contribuable américain. Imaginons que celui-ci fasse ses comptes et en déduise que la Pax americana lui coûte plus qu’elle ne rapporte aux Etats-Unis : il apparaîtrait alors que pire que la Pax Americana, bien pire que l’impérialisme américain, serait leur disparition. Imaginez un monde dirigé depuis l’ONU !

Guy Sorman, New York 25 septembre 2006

3 commentaires:

  1. Vous avez tort. Et Sorman va trop loin dans son pro-américanisme. Oui nous sommes redevables 1000 fois en gratitude aux américains. Oui l'ONU n'est aujourd'hui qu'une vaste mascarade. Mais non les états unis ne sont pas du bon côté de la balance. Parce qu'il n'y a pas de balance. Le jeu diplomatique n'est pas du binaire comme les forces démocratiques modernes droite / gauche. Voilà le problème, les etats unis appliquent le jeu démocratique d'un antagonisme binaire (d'ailleurs virtuellement concrétisé par la guerre froide durant 50 ans) sur une scène internationale qui n'est pas binaire et ne l'a jamais été.
    Les etats unis sont grillés diplomatiquement et ils sont désormais voués à ne plus avoir aucune influence voire légitimité autre que par celle de la force brute.


    Et oui Chirac malgré les apparences a raison de ménager les dictatures, car au moins il peut encore discuter. En fait je pense que bien avant le 11 sepetmbre les USA étaient grillés sur la scène diplomatique. Ils étaient structurellement voués à s'auto-paralyser sur la scène internationale. Trop gros, trop fort.

    La diplomatie ce n'est pas dénoncer au nom des droits de l'homme (paradoxe français) toutes les dictature qui SONT et seront encore, car la démocratie n'est pas applicable partout en l'état. La diplomatie, c'est se mouvoir, discuter, faire semblant pour mieux contrôler. En gros c'est faire de la politique à l'échelle internationale, ce que ne font pas, ce que ne font plus les USA.

    Si l'ONU est fantôche, c'est en tous cas bien par l'intelligence, la subtilité et la discussion que les choses avanceront, et non par la stigmatisation forcenée d'un ennemi invisible.

    En stigmatisant l'Iran ou l'Irak, les USA croient combattre le terrorisme alors qu'ils ne font que donner des coups d'épée dans l'eau (voire provoquer plus d'instabilité, mais c'est à prouver ..).

    Je ne sais pas si le terrorisme se combat par la diplomatie, mais ce qui est certain c'est qu'il ne se combat pas avec une enclume frappée du sceau de la démocratie ...


    ps: désolé si j'insulte votre intelligence, mais je vais au moins peut être réveiller un poil d'orgeuil national chez vous, que je sais déjà patriote. Car c'est un instinct de conscience nationale français qui s'exprime chez Chirac et Villepin. Et personnelement, je les trouve admirables ... :)

    RépondreSupprimer
  2. Je ne sais plus quel Halévi (ils furent nombreux dans la vie intellectuelle française) avait dit entre les deux guerres mondiales :

    Sans la menace de la force armée, la diplomatie n'est qu'aboiements de roquet.

    Voici le cercle vicieux français : la Big Mother étatique épuise ses ressources, qui sont volées dans les poches des Français, à se mêler de tout et à ne plus rien faire bien, notamment pas ses missions régaliennes dont la première concerne l'armée et la défense du territoire.

    Plutôt que de revenir à l'essentiel et de guérir l'armée de son impuissance, nos gouvernants préfèrent théoriser cette impuissance avec des mots bien nobles mais vides tout en critiquant les Américains, parce qu'au fond, nos princes ont la conviction que, quoiqu'on dise, l'armée américaine viendra à notre secours si besoin (n'oubliez pas que l'armée française est déjà quasi impuissante sans certains moyens américains : transports, rensignements etc .).

    N'y a-t-il pas plus hypocrite comme attitude ?

    RépondreSupprimer
  3. Salut,

    "Je ne sais plus quel Halévi (ils furent nombreux dans la vie intellectuelle française) avait dit entre les deux guerres mondiales :
    Sans la menace de la force armée, la diplomatie n'est qu'aboiements de roquet."

    Je pourrais vous retourner la citation : "Sans la diplomatie, la force armée n'est qu'un molosse écervelé (et dangereux)" ...

    "Voici le cercle vicieux français : la Big Mother étatique épuise ses ressources, qui sont volées dans les poches des Français, à se mêler de tout et à ne plus rien faire bien, notamment pas ses missions régaliennes dont la première concerne l'armée et la défense du territoire."

    Vous mélangez politique intérieure et extérieure, je crois qu'il y a confusion ...

    "Plutôt que de revenir à l'essentiel et de guérir l'armée de son impuissance, nos gouvernants préfèrent théoriser cette impuissance avec des mots bien nobles mais vides tout en critiquant les Américains, parce qu'au fond, nos princes ont la conviction que, quoiqu'on dise, l'armée américaine viendra à notre secours si besoin (n'oubliez pas que l'armée française est déjà quasi impuissante sans certains moyens américains : transports, rensignements etc .)."

    Mais c'est vrai ! Les Etats-Unis sont les financiers et logisticiens de l'OTAN et des armées occidentales et heureusement, il faut bien qu'ils fassent tourner leur matériel aujourd'hui démesuré (car calibré par et pour la guerre froide) en rapport aux besoins mondiaux, et surtout aux possibilités de financement. Quand à l'armée française, vous en avez une vision bien étrange. Certes elle est moins glorieuse qu'autrefois, mais elle n'est pas minable et nous savons encore mener des guerres comme peu de nations (avec l'Angleterre), et mieux que les Etats-unis c'est certain ...

    "N'y a-t-il pas plus hypocrite comme attitude ?"

    Mais oui, vous avez raison, c'est hypocrite et c'est cela la diplomatie !
    C'est étonnant comme vous ou Sorman qui n'êtes pas bêtes, même plutôt le contraire, voyez les choses de manière binaire ! Est-ce que la position de la France à l'Onu et son discours :

    1) Signifie qu'elle soutient réellement dans le fond toutes ces dictatures

    2) Qu'elle hait les Etats-Unis ?

    Non. C'est de l'apparat, de la formule, afin de discuter et avancer ; les USA ne peuvent plus discuter, ils ne font que condamner vainement et c'est bien cela que je leur reproche (ou disons à l'administration Bush .. mais ils ont quand même été réélus, et facilement !)

    Je ne suis pas anti-américain, loin de là (ce serait le comble étant un Revelien ! :)), mais comme toujours, il ne faut pas qu'un anti-anti-américanime se transforme en pro-américanisme aveugle et forcené.

    J'ai lu que Revel était revenu sur son soutien à la guerre en Irak ... Mais bon de toutes façon ici, Revel est largement dépassé, inutile de le citer en référence ...

    Réflexion et juste milieu ...

    RépondreSupprimer