mercredi, septembre 17, 2008

La crise financière actuelle (telle que je l'ai comprise)

Certains me demandent des explications sur la crise financière actuelle. Je ne suis pas sûr que d'avoir tout compris, mais je vais essayer d'expliquer ce que j'ai compris.

Des banques, essentiellement américaines mais également européennes, suisses et allemandes notamment, ont prêté à des gens ou à des organismes qui s'avèrent aujourd'hui incapables de rembourser, ou ont acheté des créances douteuses, ce qui revient au même.

C'est la menace qui pèse sur les banques depuis la nuit des temps (enfin, depuis que les banques existent en tout cas). Normalement, les banques trop aventureuses font faillite, ça fait la joie de leurs concurrents, le malheur de leurs clients et on passe à autre chose.

A quoi tient la crise actuelle ? Essentiellement à trois phénomènes, dont on remarquera que les deux premiers sont d'origine étatique ou para-étatique (1) :

> une époque de taux de crédits bas qui n'a pas peu contribué à gonfler la bulle immobilière

> les fameuses subprimes. Une loi américaine oblige les banques à faire des prêts immobiliers hypothécaires aux particuliers à qui le bon sens et la prudence bancaires déconseillent de prêter de l'argent, d'où l'expression «subprime», c'est-à-dire en-dessous de l'acheteur solvable dit «prime». On comprend bien l'intérêt démagogique d'une telle loi.

Comme les banquiers ne sont pas des philanthropes, il leur faut trois incitations pour vendre ces emprunts que l'instinct de survie devrait leur faire fuir : l'hypothèque, un taux d'intérêt plus élevé que le prime et la garantie des réassureurs para-publics Freddie Mac et Fanny Mae (organismes au statut batard : privés à garantie publique).

Quand tout va bien (c'est-à-dire quand le prix de l'immobilier monte) , tout va bien, les banquiers s'en mettent plein les poches. Mais quand tout va mal (quand le prix de l'immobilier descend), ça va très mal : les emprunteurs sont étranglés, les hypothèques ne suffisent plus à couvrir les créances et les réassureurs se trouvent surchargés de créances douteuses (c'est pourquoi l'Etat américain est venu au secours de Freddy et de Fanny : sans cette garantie, le marché immobilier s'écroulait).

Résumons où nous en sommes : taux d'intérêt bas + cupidité privée + loi démagogique + garantie publique = bulle spéculative gigantesque.

> c'est là qu'intervient le seul phénomène véritablement privé de toute cette affaire : les CDO (Collateralised Debt Obligations). Ces instruments financiers complexes ont permis de refiler un peu de créances subprime à tout le monde. Avantage théorique : on partage les profits et les risques. Inconvénient : c'est tellement compliqué qu'on ne sait plus qui à quoi, donc qui est exposé à quel risque. Bref, tout le monde est suspect d'avoir la chtouille.

Or, les banques et les assureurs passent leurs journées à se prêter de l'argent. Mais si vous souçonnez vos copains d'avoir la chtouille, c'est-à-dire de ne plus être solvables, vous arrêtez de leur prêter votre précieux argent. Et le système financier mondial, qui a besoin de cette circulation d'argent, est paralysé.

Les plus fragiles font face à une crise de liquidités : ils ne trouvent plus les prêts d'argent à court terme qui leur permettent d'attendre les rentrées à long terme.

Vous voyez aisément le cercle vicieux : les plus fragiles tombent, leurs créanciers souffrent de défauts de paiement, la défiance augmente, le prix des actifs baisse, l'activité ralentit, un nouveau cercle de plus fragiles tombe et ainsi de suite.

C'est pourquoi les banques centrales ont prêté à court terme de manière à maintenir cette circulation d'argent.

La crise s'arrêtera quand suffisamment de créances douteuses auront été annulées et que suffisamment de canards boiteux auront calanchés.

Bien entendu, cette crise n'est pas la fin du capitalisme, ni même du capitalisme financier, comme le proclament les imbéciles. Les entreprises sont globalement saines et point trop endettées, elles peuvent donc passer une période de ralentissement sans trop de casse.

Bien sûr, il y a toujours possiblité du cercle vicieux activité ralentie-faillites-chomage-activité ralentie, mais, pour l'instant, les autorités américaines ont remarquablement réagi à cette crise dont elles portent une grosse part de la responsabilté.

L'Europe et l'Asie sont inexistantes.

A la fin, les «strong hands» auront pris le contrôle des «weak hands»

(1) : désolé, ça met à mal la thèse à la mode comme quoi la crise actuelle serait due seulement aux folies du capitalisme dérégulé.

13 commentaires:

  1. Tres bon resume. C'est egalement ce que j'ai a peu pres compris.

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  2. je ne suis pas entièrement d'accord avec la formule: "le taux de crédit bas qui a contribué à gonfler la bulle immobilière".

    a) toute baisse de prix est généralement une bonne nouvelle pour le consommateur, pourquoi le crédit ferait il exception ?

    b) Les 3 agglos en plus forte croissance démographique des USA (Houston, dallas, atlanta) ont connu les mêmes taux bas et pas de bulle, malgré une demande stratosphérique (doublement de la population des agglos en 25 ans). Il y a donc autre chose. Or, les 3 villes sus citées n'ont pas de réglementations foncières étranglant la construction.

    c) Ce sont donc les taux bas COUPLES A des réglementations foncières étranglant l'offre de logement qui ont contribué à la bulle immobilière, pas les taux bas seuls.
    Nombreux articles citant des études académiques sur la question sur ce blog ou celui ci.

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  3. Franck,

    Vous allez encore vous faire des amis...

    Blague à part, on peut globalement saluer les interventions de l'équipe américaine en place - Paulson et Berbanke notamment - .
    Il est fort probable que si les équipes de 1929 avaient réagi de la même manière, nous ne parlerions pas de la Crise - je pense notamment aux refus d'injections de liquidités -.

    Certes, il peut sembler étrange de socialiser ainsi certaines pertes, mais le gouvernement US doit savoir mieux que personne les conséquences - les externalités - très négatives pour l'économie d'une faillite bancaire.
    En outre, j'attends de voir dans quelques années ce que pourra faire le gouvernement US des sociétés nationalisées de fait. Peut-être une bonne affaire...

    Reste cependant à assurer par la suite comment prévenir ce genre de débordement, sans rajouter une nouvelle couche règlementaire, qui ne résoudrait sans doute rien.

    Cordialement

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  4. @ Vincent

    Oui, j'ai déjà entendu cette explication. Effectivement, elle tient la route.

    @ Tonton Jack

    Pourquoi paye-t-on des impots si l'Etat n'est pas capable de jouer l'assureur en dernier ressort des risques systémiques (et seulement de ceux-là) ?

    En France, la logique est différente : le risque systémique, c'est l'Etat !

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  5. Avez-vous regardé l'émission "C dans l'air" consacrée à ce sujet ?

    L'émission ayant été diffusée après la parution dans le Figaro de l'article exposant l'explication de Vincent Benard sur les origines de cette crise, j'attendais avec impatience la réaction des invités et notamment celle de M. MARIS.

    Finalement non seulement la thèse de Vincent Benard n'a pas été présentée mais de surcroît il n'a été question que de régulation!

    Apparemment il n'y a pas que le contenu des cours d'économie dispensés en secondaire qui ont besoin d'une sérieuse révision, c'est l'ensemble du monde intellectuel français qui semble être concerné.

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  6. Mais patchan 74, avez-vous regardé qui était invité? Vous savez bien que les économistes dits libéraux ne sont pas en odeur de sainteté... et quand on les invite, cela ressemble souvent à un traquenard!
    En attendant, cette "crise" ne va pas arranger nos affaires franco-françaises! Les étatistes de tout poil vont vouloir en remettre une couche, vous pouvez en être sûr!
    Quand sortirons-nous de ce cercle vicieux...

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  7. A propos de tout ceci, on peut consulter le dernier billet de M. Chevallier sur son site

    JP Chevallier

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  8. Désolé pour le lien, j'avais fait une petite erreur!

    JP Chevallier

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  9. AH ces économistes en herbe.....:-)
    Et tout le monde oublie l'essentiel....les débiteurs. Il y a quelques mois, GM, Ford, Delphi et beaucoup de groupes, sous traitants américains ont licencié massivement. Je vous laisse deviner si ces ouvriers avaient des primes ou des subprimes .....
    Quelque soit la taille de la bulle, pour éclater il faut un truc qui pique.

    Concernant la bulle immo (ici mais pas là....) à la limite peu importe. Que votre maison valent 100k$ ou 1m$, l'effet richesse ne joue pas. Elle aggrave la situation de perte de richesse car elle est bradée.

    Pour le reste, ils me font marrer les pro-régulateurs : ceux qui ont mis en place la réglementation Bâle II dans les banques, savent de quoi je parle.....

    La crise est en grande partie éthique (pas de transparence, la titrisation c'est génial mais totalement opaque, des agences de notation le doigt au vent, des courtiers en crédit véreux, des banquiers européens qui gobent le tout (cf Crédit Agricole et natixis) (chapeau à BNP ! au passage lisez dans le Monde la tribune de Pébereau ancien PDG de BNP) mais des chinois et des russes qui vont payer plus que nous. En fait cette crise est un vengeance pour la Géorgie (ah ah!).

    Je ne suis pas sur que la Fed fasse une bonne affaire au final. A voir.

    Mais souvenons nous des paroles de notre Lagarde nationale (complètement cornichonnée dirait JM Apathie) "la crise est derrière nous" puis "l'économie réelle risque d'être impactée".....A mourir de rire devant tant de bêtise démagogique.

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  10. Je trouve très bien votre explication sur le problème de crise des liquidités due à la méfiance entre sociétés financières. L'action de la FED (et des autres banques centrales mondiales) à ce sujet est d'ailleurs exemplaire.

    Je pense cependant que vous passez trop rapidement sur le cas du "cancer" qui est maintenant implanté dans les sociétés financières, qui est bien toujours présent et reste à traiter (les injections de liquidité de la FED ne guérissant pas ce cancer).

    L'étendue du cancer dépendra de :
    - L'ampleur de la chute de l'immobilier (qui n'a toujours pas trouvé son point bas)
    - De l'exposition aux CDO dont on quantifie mal l'impact à ce jour.
    - De la survie ou pas des copains car évidement un dépot de bilan d'un Lehman Brother ou autre qui vous devait beaucoup d'argent, ça doit faire mal.


    Bref encore pas mal d'incertitudes. La FED n'a pas grand moyen d'action pour traiter ces cancers, si ce n'est peut-être sélectionner qui va vivre ou qui va disparaite ...

    En tout cas certaines banques sont peu impactées donc le capitalisme suvivra.

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  11. magnifique résumé de la situation financière mondiale actuelle

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  12. J'ajoute une nuance : même la titrisation, qui a filé la chtouille à tout le monde, est partiellement d'origine étatique, puisqu'elle est résulte du contournement de normes.

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