dimanche, septembre 21, 2008

Une réponse à Pedro à propos du pétrole

A propos du livre The bottomless well, Pedro pose la question suivante :

«Comment explique-t-il que les réserves de pétrole sont encore très abondantes ?»

Peut-être n'ai je pas été très clair dans mon compte-rendu.

La thèse principale des auteurs, thèse qu'ils défendent très efficacement, est que plus on extrait d'énergie de notre environnement, plus on est capable d'en extraire.

S'agissant du cas particulier du pétrole, ils décomposent la chose comme suit :

> nous ne manquerons pas de pétrole, même si il est un peu plus cher, à l'horizon de deux ou trois décennies. Même les plus pessimistes en conviennent.

> Pendant ce temps, le nucléaire et le charbon prendront progressivement le relais. Personne ne prédit une pénurie de charbon ou d'uranium.

> il est simple (sauf sur le plan financier : ça coûte très cher en investissement) de transformer du charbon en pétrole (procédé Fischer-Tropsch) :

«Au début de 1944, le Reich produisait quelque 124 000 barils/jour de combustibles à partir de charbon, ce qui représentait plus de 90% de ses besoins en essence d'aviation et plus de 50% du besoin total du pays en combustibles . Cette production provenait de 18 usines de liquéfaction directe mais aussi de 9 petites usines FT, qui produisaient quelque 14 000 barils/jour. [...] Cependant après structuration du marché pétrolier, et la forte baisse des prix, les États-Unis ont abandonné les recherches et le procédé Fischer-Tropsch est tombé en désuétude. Au cours des années 1950, il a cependant retrouvé de l'intérêt en Afrique du Sud : ce pays, disposant d'abondantes ressources de charbon, a construit des mines hautement mécanisées (Sasol) qui approvisionnent des unités CTL, [...] En 2006, ces unités couvrent environ un tiers des besoins sud-africains, et la société Sasol est devenue l'un des spécialistes mondiaux en la matière. [...] Depuis 2006, un B52 de l'US Air Force réalise des essais avec du carburant Fischer-Tropsch, en mélange à 50% ou pur. Pour l'instant, c'est un succès qui va permettre à l'armée américaine de retrouver une indépendance stratégique pour son carburant militaire. [...] Le rendement énergétique global de cette technologie demeure également un point faible.»

Donc, tant que nous ne manquerons pas de charbon, nous ne manquerons pas de pétrole. Et ensuite ? Hé bien, la question n'a pas de sens. Si ce procédé nous permet d'être approvisionnés en énergie avec les connaissances actuelles pour deux siècles, que demander de plus ? Il est totalement insensé d'essayer de se projeter deux siècles en avance sur les questions techniques. Qu'aurait pu concevoir un homme de 1808 de nos besoins ?

Une remarque importante : les auteurs ne font appel pour leur raisonnement qu'à des réserves et à des procédés connus, ils ne font pas de plans sur la comète. Donc toute innovation technologique, par essence imprévisible donc pas prise en compte dans leurs prévisions, ne peut que renforcer ce raisonnement.

Une remarque annexe : les réchauffistes seront sans doute épouvantés de constater qu'on n'est pas près d'arrêter de bruler des hydrocarbures. Tant pis pour eux.

Il faut bien comprendre que ce qui agitent les foules géopolitiques, ce n'est pas le pétrole en général, dont nous ne manquons pas ni ne risquons de manquer dans un avenir proche (même sans charbon ni procédé FT, d'ailleurs).

Ce qui tracasse nos décideurs, c'est le pétrole bon marché, celui qui coûte moins de 20 $/baril à extraire. Mais ce n'est pas un problème économique, c'est un problème politique.

En effet, aux cours actuels, le coût d'extraction représente 20 % du prix du pétrole brut, qui lui même ne représente qu'une fraction du prix des produits raffinés. Un doublement du coût d'extraction, doublement qui permet de faire bien des choses et d'exploiter des gisements laissés en friches, représenterait donc une augmentation de 20 % du prix du pétrole brut, et moins encore pour les produits raffinés.

Le récent yoyo des cours du pétrole prouve largement qu'une telle évolution n'aurait qu'un impact limité sur l'économie.

En revanche, l'impact politique serait considérable :

> la géopolitique en serait changée. Le Canada se placerait au premier rang des producteurs au détriment de pays plus chauds, dans tous les sens du terme. Certains soupçonnent même, sans preuves mais non sans raisons, le gouvernement américain de ne pas s'être battu pour empêcher la récente hausse du pétrole, justement pour favoriser ce «rebelotage» de la donne géostratégique. Sans l'argent du pétrole, comment l'Arabie saoudite et l'Iran financeraient-ils les terroristes ?

> la politique intérieure également. Les études d'opinion montrent que les citoyens, qui font le plein de leur voiture très régulièrement, sont hypersensibles au prix des carburants.

Politiques intérieure et étrangère sont souvent en contradiction. Mais on peut voir assez clairement un politique américaine se dessiner : assurer l'approvisionnement du pétrole bon marché à court terme, mais se positionner de manière à ce que le pétrole cher favorise les USA (ce n'est nullement un hasard si l'endroit du monde où se concentrent le plus de recherches pour un monde avec pétrole cher s'appelle la Californie).

5 commentaires:

  1. Quand on parle de charbon, il est toujours plaisant de rappeler le pays qui dispose des plus grosses réserves identifiées bien sur : La Chine ?, Russie ?, France ?

    Ben non : Les USA ! Leur charbon a peu servi contrairement à la France, l'Allemagne et le UK.....

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  2. Concernant le pétrole, j'oubliais....sous la Méditerranée il y a plein mais profond. Il y a plein aussi en Nouvelle Calédonie (sables chargés type Canada),....

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  3. Il y a plus simple et efficace pour fabriquer du pétrole, c'est français et dangereux pour les menteurs qui profite de la peur autour du pétrole, voici : http://www.lagrandeepoque.com/LGE/content/view/879
    et : http://www.econologie.com/projet-laigret-faire-du-petrole-vert-biologique-nouvelle-3917.html

    faites circuler ! salutations

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  4. @ Bouif

    Je vous remercie pour ce commentaire fort instructif.

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  5. Merci pour les précisions.
    Il s’agit donc de considérer le pétrole comme énergie finale et non primaire, je comprends mieux le raisonnement concernant les stocks de pétrole.
    Et effectivement, d'une façon ou d'une autre, cela confirme que l'on s'achemine vers la fin d'une énergie bon marché, avec les répercutions diverses qu’on peut imaginer.

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