jeudi, décembre 13, 2018

Post-vérité : quand les progressistes cèdent à leur tour au complotisme

Les bien-pensants m'ont particulièrement énervé ces derniers temps en répandant l'idée que les complotistes et les semeurs de nouvelles fallacieuses étaient exclusivement du coté de leurs ennemis.

Or, nous n'en finirions de recenser leurs mensonges, en général plus graves de conséquences que les théories du complot des « populistes » : « L'Euro nous protège », « L'immigration n'est pas massive » puis « L'immigration est massive mais ce n'est pas grave » puis « De toute façon, c'est trop tard » ou encore « Trump a été élu grâce aux Russes » ou « Les gilets jaunes ont exclusivement des revendications sociales », « Le niveau scolaire monte » ... Je continue ?

Cet article remet les choses en place :








Post-vérité : quand les progressistes cèdent à leur tour au complotisme


«La post-vérité est une réappropriation de la théorie du complot par la bourgeoisie bien-pensante mondialisée», estime Yves Mamou.


FIGAROVOX/TRIBUNE - Yves Mamou dénonce une gauche qui, mise en difficulté, préfère selon lui céder aux théories conspirationnistes plutôt que se remettre en question. Il l'observe en particulier au sujet de l'islam et de l'immigration.



Yves Mamou est un ancien journaliste du Monde. Il a également collaboré au Canard Enchaîné, à Libération et à La Tribune. Collaborateur régulier du site américain The Gatestone Institute, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Hezbollah, dernier acte (éd. Plein jour, 2013) et Le Grand abandonLes élites françaises et l'islamisme (éd. L'Artilleur), paru le 25 septembre 2018.



La «post-vérité» est le terme savant que les médias emploient pour désigner le «populisme», c'est-à-dire le comportement électoral erratique des classes populaires. Sidérées que leurs peuples ne savourent pas les beautés du multiculturalisme, les élites européennes expliquent le ressurgissement d'une extrême droite que l'on croyait quasi exterminée depuis la seconde guerre mondiale (Le Pen en France, l'AfD en Allemagne ou Salvini en Italie) d'une seule manière: dans le monde surmédiatisé qui est le nôtre, les faibles d'esprit, les sous-éduqués, les pauvres en diplômes sont forcément manipulés par des forces agissant de l'extérieur.
En 2015, on a pu lire dans The Guardian que les Britanniques avaient voté le Brexit parce qu'ils avaient été trompés par des fake news sur l'immigration. Aux États Unis, le procureur Mueller enquête depuis deux ans à Washington sur un «complot» russe qui aurait favorisé l'élection de Donald Trump.
Conscient des risques qui pèsent sur son éventuelle réélection, le président Emmanuel Macron s'est protégé en faisant voter une loi contre les fake news en mai 2018. Comme l'expliquait Françoise Nyssen, ministre de la Culture, qui portait le projet de loi, «renvoyer les citoyens à leur seule capacité de discernement serait céder à la démagogie».
Les tenants de la post-vérité jugent qu'un monde surmédiatisé rend le peuple peu fiable et sa cervelle - quand on lui en reconnaît une - apparaît menacée par toutes sortes d'humeurs conspirationnistes, forcément manipulées de l'extérieur.

« Renvoyer les citoyens à leur seule capacité de discernement serait céder à la démagogie », déclarait Françoise Nyssen.


L'idée que le monde soit piloté par des marionnettistes tirant les ficelles en sous-main a longtemps été une caractéristique de la pensée politique d'extrême droite. La post-vérité est une réappropriation de la théorie du complot par la bourgeoisie bien-pensante et mondialisée.
L'essayiste américain John Gray, dans un article récent de la revue The Spectator a narré sa stupéfaction au spectacle offert par l'intelligentsia de New York au lendemain de l'élection de Donald Trump. «La ville était possédée par des visions de conspiration. Personne ne s'intéressait aux raisons qui avaient poussé les partisans de Trump à voter comme ils l'avaient fait. Nombreux étaient ceux qui invoquaient la petite intelligence, la mauvaise éducation et les valeurs rétrogrades des 63 millions Américains électeurs de Trump. Le plus frappant était le nombre, parmi mes interlocuteurs, de ceux rejetaient le résultat. L'élection, ils en étaient convaincus, était le résultat d'une manipulation. Les défaillances de la société n'étaient pas en cause, seule une influence maligne avait pu bouleverser ainsi l'ordre politique américain».
Si la post-vérité est un complot pour dévier le bon sens des individus et des peuples, il n'est pas interdit de se demander si la bourgeoisie qui nous gouverne ne serait pas en réalité elle-même victime de la post-vérité qu'elle dénonce.
Sinon, comment comprendre les propos tenus par Angela Merkel, le 23 novembre dernier, au colloque de la Fondation Konrad Adenauer? S'exprimant à ce colloque consacré au rôle des parlements nationaux dans la mondialisation, Angela Merkel a estimé qu'ils ne devraient en avoir aucun. «Entre globalisation et souveraineté nationale, les États-nations devraient renoncer à plus de souveraineté encore…» a-t-elle déclaré. Ainsi, les mauvais coucheurs qui ne supportent pas l'insécurité physique et culturelle engendrée par une immigration incontrôlée n'auront donc plus de possibilités de l'exprimer démocratiquement par leur bulletin de vote. Les défaites électorales subies par son parti, la CDU, la quasi-rupture idéologique avec son clone, la CSU, la montée en puissance des Verts mais aussi l'entrée au Bundestag d'une droite dure incarnée par Alternative pour l'Allemagne deviennent ainsi autant de migraines que les nouveaux dirigeants supranationaux s'épargneront.

Les politiques libérales faites de bulles financières et d'immigration sans frontières sont la cause du «populisme».


Supprimons la démocratie et le bulletin de vote, faisons le bien des peuples malgré eux, ils nous remercieront plus tard.
Au même colloque de la Fondation Konrad Adenauer, Merkel a défini le nationalisme comme le fait de «penser que vous pouvez tout résoudre tout seul et ne penser qu'à vous-même». Si la chancelière allemande est animée par des dispositions aussi généreuses, pourquoi refuse-t-elle obstinément que les formidables excédents commerciaux de l'Allemagne soient utilisés à redresser la croissance des pays de l'Europe du sud, cela afin de rendre moins douloureux leurs nécessaires ajustements budgétaires? Si «le patriotisme inclut l'intérêt de l'autre» comme l'a encore ajouté Mme Merkel, quel peut bien être l'intérêt de paupériser la population de l'ensemble de l'Europe du sud?
Le traitement politique qu'Emmanuel Macron a réservé à l'affaire des «gilets jaunes» montre que, comme Angela Merkel ou les bobos de la côte Est des États Unis, face à une réalité inattendue, notre président se montre incapable de réévaluer ses propres présupposés. Dans le monde magique du locataire de l'Élysée, il est impensable que des centaines de milliers de Français, surgis de nulle part, entreprennent de bloquer routes et ronds-points contre une si évidente et nécessaire taxation des produits pétroliers. Cette insurrection populaire n'étant ni rationnelle ni acceptable, notre président a d'abord tenté de discréditer l'ampleur du mouvement en diffusant des chiffres fantaisistes sur le taux de participation aux blocages et manifestations. Comprenant que les «gilets jaunes» représentaient finalement un risque politique majeur, il a tenté de les criminaliser en imputant les décès des «gilets jaunes» aux «gilets jaunes» eux-mêmes. Il a aggravé cette tentative de criminalisation en laissant des bandes de voyous (banlieues, extrême gauche, extrême droite) parasiter la manifestation «gilets jaunes» de leurs scandaleuses violences. De pseudo cyber-études ont fini également par surgir pour étayer une manipulation des Gilets Jaunes par de fantomatiques et poutiniens comptes Twitter. Toutes ces tentatives de déréaliser une dure réalité n'ont cependant pas réussi à faire chuter la popularité du mouvement Gilet Jaune dans l'opinion publique. C'est alors que notre président Marie-Antoinette s'est résolu a jeter des morceaux de brioches Smic et CSG par la fenêtre télévisée de son palais de l'Élysée.

Nos bourgeoisies libérales seront-elles assez raisonnables pour éviter d'imposer par la force leurs chimères ?


Est-il si difficile de penser que les politiques libérales faites de bulles financières et d'immigration sans frontières menées depuis trente ans en Europe sont la cause de l'avènement du «populisme» ou de «leaders illibéraux»? Faut-il recourir à de ridicules conspirations russes ou chinoises pour s'éviter le déplaisir de réévaluer ses présupposés? Emmanuel Macron ne voit-il pas la contradiction qui peut exister entre une distribution de pouvoir d'achat aux «gilets jaunes» et la signature le même jour d'un Pacte de Marrakech qui ouvre les frontières de la France à une main-d'œuvre africaine et nord-africaine qu'il faudra loger, financer et soigner aux frais du contribuable?
Les réformes douloureuses qu'Emmanuel Macron inflige aux Français pour complaire aux mythes anti-inflationnistes allemands sont-ils raisonnables en l'absence d'inflation?
Le traitement du terrorisme par le gouvernement n'est pas moins irréel que le traitement réservé aux «gilets jaunes». Sur France Inter, Laurent Nunez, co-ministre de l'Intérieur a estimé que l'attentat de Strasbourg par un musulman, fiché S, connu pour des actes de délinquance - soit toutes les caractéristiques du djihadiste classique - ne pouvait être qualifié «d'attentat, parce que le tireur n'a jamais essayé de se rendre en Syrie». La question n'est pas de savoir si nos ministres croient ce qu'ils racontent, mais s'ils continuent de penser que les Français croient encore en leurs messages.
Se pourrait-il, après la chute du mur de Berlin, qu'une bourgeoisie tout aussi dogmatique que celle qui prévalait à Moscou sous Brejnev, se soit installée aux commandes des économies occidentales? La bourgeoisie soviétique fut somme toute assez raisonnable pour jeter l'éponge en 1989 estimant que le divorce entre la réalité et les chimères du communisme avait assez duré. Nos bourgeoisies libérales seront-elles assez raisonnables pour éviter d'imposer par la force leurs chimères à des populations qui, en nombre croissant, ne les gobent plus?







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