dimanche, décembre 29, 2019

Shirer : avril 1939, la dernière occasion manquée avant la guerre.

J'ai repris la lecture de The collapse of the third republic. C'est un vrai crèvecœur, c'est pourquoi j'y vais par petits bouts.

Depuis les accords de Munich, en septembre 1938, dont l'URSS a été exclue à la demande d'Hitler et sans protestations ni de la France ni de la Grande-Bretagne, Staline se méfie des occidentaux (cette méfiance est encore une grande réussite hitlérienne).

Tout le monde sait lire une carte et se doute qu'il vaudrait mieux avoir la Russie dans son camp pour la guerre que chacun pressent.

Au printemps 1939, Staline n'a pas encore tranché. La France et la Grande-Bretagne le courtisent très mollement. La France traine des pieds et le gouvernement Chamberlain est carrément froid (encore une fois, le rôle catastrophique des Britanniques dans la montée vers la deuxième guerre mondiale ne peut pas être surestimé).

Les Allemands ont bien compris ce qui se passait et, avec le cynisme et l'esprit de décision qui caractérisent le nazisme, sautent sur l'occasion, en répondant positivement aux signaux russes.

Début mai, l'attaché de l'air français à Berlin, Paul Stehlin (1), fort bien informé (au point qu'on peut se demander s'il n'est pas un canal de manipulation), alarmé par la gravité de la situation, fait un saut au Quai d'Orsay. Mais le ministre, Georges Bonnet, un lâche parmi les lâches (qui l'a nommé ? Daladier) refuse de le recevoir et le fait même réprimander, un militaire n'a pas à s'occuper de diplomatie.

Et puis, il y a les Polonais, qui ne veulent absolument pas entendre parler d'un accord avec les Russes, et Gamelin pas plus que Daladier n'ont exercé la moindre pression sur eux. Le gouvernement français est une pétaudière et chacun y est secrètement soulagé que nos obligations vis-à-vis des Polonais restent dans un flou pas très artistique.

Le plus étonnant (avec notre savoir rétrospectif), c'est que les militaires britanniques ne cessent d'encourager le gouvernement Chamberlain à la froideur en arguant que l'Armée Rouge n'est bonne à rien et son aide d'aucun secours. Comme souvent, Churchill, que les militaires méprisent en le traitant d'amateur, est plus clairvoyant.


Halifax (toujours aussi visionnaire, l'homme qui a déclaré « Hitler me rappelle Gandhi ») refuse donc de se rendre à Moscou (le point d'achoppement, c'est que les Soviétiques exigent, avec cynisme mais aussi bon sens -vu le comportement des Polonais, que les petits pays ne soient pas consultés sur les accords de défense les concernant). Message reçu 5 sur 5 par Staline, qui fait alliance avec Hitler.

Les propositions soviétiques étaient pourtant sérieuses, de la realpolitik. Mais quand on est con, on est con.

A cette époque, on ne peut plus accuser seulement la bêtise, la suite crève les yeux, mais Hitler est tellement avancé dans son projet, nous avons déjà laissé passer trop d'occasions. Pour renverser le cours du mauvais destin, il faudrait un caractère exceptionnel qu'il n'y a pas dans les ternes politiciens des gouvernements français et anglais (2) de 1939.

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(1) : plus tard, il sera CEMAA et laquais les Américains. Comme quoi on peut être militaire et traitre.

(2) : j'ai une trouille bleue des politiciens réputés raisonnables. Les fossoyeurs sont raisonnables. Pétain était raisonnable (du moins, en apparence). Personne n'a jamais dit que Richelieu et Clemenceau étaient raisonnables.

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