jeudi, mai 28, 2020

Une histoire de France (Edouard Husson, Michel Pinton)

Une recension un peu longue, je vous en présente mes excuses par avance.

Ce livre de 1999, à deux mains entre Edouard Husson et Michel Pinton, fait partie des petits bonheurs des occasions sur internet.

Les auteurs sont des hommes intelligents, ils balayent d'un revers de main les palinodies chiraco-progressistes disant que les racines de la France ne sont pas chrétiennes : l'histoire de France est un dialogue, souvent une lutte, quelquefois une guerre, entre le pouvoir spirituel du christianisme et le pouvoir politique.

Difficile de résumer un livre aussi dense. Quelques idées fortes seulement :

La nation de Clovis

Dieu ne se manifeste pas à des hommes mais à des nations. D'abord, à Israël, puis à toutes les nations. Le Nouveau Testament ne dit pas « Allez parmi les hommes » mais « Allez parmi les nations » (L'Eglise droit-de-lhommiste que dirige le pape François Zéro est anti-nationale et, par là même, hérétique).

A la nation s'oppose l'empire (et la tribu, mais ils n'en parlent pas). L'empire, c'est la violence, le mensonge et l'oppression. Ce sont les outils indispensables pour faire tenir ensemble des peuples qui n'ont aucune raison de vivre ensemble (si ça vous rappelle des choses ...). L'empire romain en est mort : à l'heure du péril existentiel, il ne s'est pas trouvé grand'monde pour le défendre. La nation, c'est la liberté et la vérité.

Michel Pinton pense que la fascination de l'empire romain a été très néfaste à la France.

C'est à son christianisme que la France doit ses figures de jeunes femmes qu'on ne retrouve dans aucune autre histoire : Sainte Blandine, Sainte Geneviève, Sainte Jeanne.

Plus qu’héritiers d’Athènes et de Rome, les peuples européens, au premier rang la France, sont héritiers de la notion juive de peuple élu.

Chaque nation européenne est constituée par son sentiment profond d’être l’Elue de la Providence. Avec, comme corollaire qu’on ne retrouve pas dans les autres cultures, le droit pour le prophète de se lever et d’engueuler le prince et le peuple qui trahissent cette vocation.

Ce droit de chacun à être prophète et à en remontrer à la nation entière est ce qui fonde la liberté européenne, bien plus que l’imitation des esclavagistes Athènes et Rome. Socrate a accepté la loi qui le mettait à mort, il n’a pas invoqué sa liberté de conscience.

Le chrétien, selon la formule du baptême que j’aime beaucoup, est « prêtre, prophète et roi ». On comprend que les candidats à la tyrannie n’ont rien de plus pressé que de déchristianiser.

Clovis, en se faisant baptiser catholique alors que la mode était à l'arianisme, a inauguré le principe de la neutralité religieuse de l'Etat français. Principe malheureusement rompu par les interventions directes et brutales de Louis XIV dans la querelle du jansénisme. Il a quand même eu l'ignominie de faire labourer les tombes de Port-Royal ! Les historiens sont aujourd'hui d'accord pour dire que la violence de la polémique janséniste a décridibilisé l'Eglise en France et préparé le terrain pour notre sanglante et sacrilège révolution (un peu de la même façon que les querelles théologiques en Afrique du Nord ont préparé l'installation de l'islam). Les très surfaites Lumières sont les héritières du jansénisme (notamment, de son mépris du peuple).



La mer toujours recommencée

Les auteurs insistent lourdement (vous savez que rien ne peut me faire plus plaisir) sur la vocation ultramarine de notre pays, commencée avec Saint Louis. Chaque fois que la France s'est (comme aujourd'hui) laissée enfermer sur le continent européen, elle y a perdu (la France n'est pas le nain allemand). Ils accusent Louis XIV, que décidément ils n'aiment pas, d'avoir trop négligé les conquêtes coloniales et en font même une des causes de notre sanglante révolution : si notre énergie avait été tournée vers l'extérieur par des princes avisés, elle ne nous aurait pas dévorés de l'intérieur.

On en revient à la remarque géniale de Chateaubriand (dont il ne faut pas oublier qu'il fut un bon ministre des affaires étrangères de la Restauration) : si Louis XIV s'était plus investi outremer et moins sur le continent, la France aurait pu conquérir sans effrayer ses voisins cette frontière sur le Rhin qui manque tant à sa sécurité. François-René ne connaissait pas nos désastres de 1870, 1914 et 1940 mais il en avait la prémonition.

Et puis, ça nous aurait évité ce non-pays ridicule qu'est la Belgique et ce pays de mangeurs de harengs ladres que sont les Pays-Bas.

Bien sûr, le traitre Voltaire se réjouit de la perte du Canada en 1763. On peut prendre cette date comme repère de la haine de la classe dirigeante pour notre pays.




La trahison des élites françaises

Michel Pinton et Edouard Husson tombent d'accord (et moi aussi !) que les élites françaises ont une propension exceptionnelle à la trahison : les Bourguignons, la Ligue, la Fronde, les Lumières, les Emigrés, les Versaillais, les Pétainistes ... Aujourd'hui, ce sont les macronistes : le vote Macron (de premier ou de deuxième tour, peu importe) est un vote de trahison (très proche du pétainisme).

Cette continuité n'est pas artificielle : j'ai lu dans les années 2 000 une critique de Jeanne d'Arc, venue des Bourguignons, reprise par Voltaire, reprise au XIXème siècle, disant qu'elle a empêché une grande confédération franco-anglaise qui aurait régné sur le monde.

Dans aucun autre pays d'Europe (c'est différent en Amérique du Sud, par exemple), on ne retrouve une telle inclination des élites à la trahison.

Pourquoi ?

Une explication qui en vaut une autre : coincée très tôt entre le pouvoir royal et le peuple, l'aristocratie a été déresponsabilisée de la nation, elle s'est construite dans l'opposition et dans la trahison. La bourgeoisie a pris le relais par mimétisme.

C'est une évidence que nous sommes dans une de ces périodes basses du patriotisme de la classe dirigeante. A cette trahison, somme toute classique, s'ajoute un élément original : l'effondrement intellectuel de la classe dirigeante. On n'imagine pas le maréchal Pétain prenant Sibeth Ndayie comme porte-parole, et pas seulement à cause de sa couleur.

Les trois conditions de la grande politique française

1) Un dirigeant à la main ferme avec une bonne politique (si possible, maritime à l'extérieur et anti-groupes de pression à l'intérieur).

2) Un peuple uni.

3) L'élite qui fait courroie de transmission à cette politique nationale.

Sous Louis XIV, le 2 a manqué à cause des séquelles des guerres de religion (révocation de l'édit de Nantes et querelle du jansénisme).

La IIIème république a presque constamment manqué du 1 et souvent du 3.

De Gaulle a manqué du 3.

Nous manquons de 1, 2 et 3. Tout va bien.

La France ne supporte pas l'imposture

La France ne supporte pas l'imposture, car les ferments de division sont trop puissants. Comme imposteur, ils citent Voltaire. Nous nous rejoignons dans nos détestations !

Dans notre actualité, je pense que c'est la raison du succès populaire de Raoult : dans un espace public rempli d'imposteurs, il n'en est pas un. Il dévoile les impostures. En effet, il joue un personnage, mais tout le monde sent bien que ce personnage, c'est lui-même.

C'est le contraire de Macron : il joue tous les personnages sauf un, lui-même (dont on finit par se dire qu'il n'existe pas).





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