Atlantico.fr : Emmanuel Macron a-t-il mis fin au juppéisme ? En nommant Jean Castex souhaite-t-il tuer le sarkozysme ?
Paul-François Paoli : Je ne sais pas dans quelle mesure Emmanuel Macron a une stratégie, autrement dit une direction claire et pensée en amont. J'ai plutôt l'impression qu'il navigue à vue dans une situation de quasi naufrage politique puisque son parti vient de subir une défaite évidente qui entame très fortement sa légitimité. Il n'est pas question de juger d'avance l'homme qui vient d'être nommé. Critiquer un nouveau premier ministre avant même qu'il ait ouvert la bouche est peut être le rôle des politiciens mais celui des analystes ou des observateurs est plutôt d'être prudent. Personnellement je n'ai aucune opinion concernant Mr Castex. Par contre j'en ai une concernant le juppéisme qui n'est rien d'autre que la version gestionnaire du chiraquisme qui a symbolisé ni plus ni moins la liquidation du gaullisme historique. Alain Juppé n'est plus gaulliste, il le reconnait lui même; il est chiraquien. On peut d'ailleurs se poser la question de savoir s'il a jamais été gaulliste. Ayant lu le livre qu'il a réalisé voici quelques années avec Serge July sur son parcours, j'en doute depuis assez longtemps. Je crois que Juppé est un libéral marqué par la pensée de Montesquieu, ce qui est d'ailleurs très estimable. Mais il n'a jamais eu, à mon sens, la fibre gaulliste.
L’obsession gestionnaire de la droite est-elle l’un des symptômes de son agonie ?
C'est une des possibles expressions de son agonie historique mais l'autre expression de son agonie est son discours inepte sur les "valeurs". Ce n'est pas parcequ'elle refuse tout rapprochement avec le RN, qui n'est plus le FN d'autrefois, que cette prétendue droite est morale. Mittérand a fait alliance avec le PCF quand celui ci en 1972 était le plus stalinien d'Europe et personne à l'époque ne l'a diabolisé. Le parti de G. Marchais justifiait la dictature léniniste du prolétariat! Il niait jusqu'à l'existence même du Goulag et recevait des fonds de l'Urss. Tout cela était connu de ceux qui voulaient bien savoir. Mittérand a quand même fait l'alliance avec un parti qui restait sous l'emprise d'une puissance étrangère. Il a gagné son pari et a même réussi à faire changer le PCF qui est devenu en quelques années un parti réformiste. Voilà ce qu'est un grand politique et voilà ce qui manque aujourd'hui à la droite.
La situation à Marseille est-elle un bon exemple pour comprendre le problème des élites chez Les Républicains ?
L'affaire marseillaise est emblématique pour qui la connait un peu, ce qui est mon cas. Marseille qui était le prétendu laboratoire du multiculturalisme français tant vanté par un Frantz Olivier Giesbert est devenu une des vitrines du malheur français et de son impossible vivre ensemble. Chacun sait que Marseille est une cité extrèmement marquée par les clivages ethniques qui recouvrent aussi des clivages sociaux. Quand Martine Vassal répend ses stéréotypes sur Stéphane Ravier candidat de la "Haine et de l'exclusion" elle amuse la galerie. Comme si elle était elle la candidate de l'Amour avec comme parrain Jean Claude Gaudin dont chacun sait à Marseille qu'il se contrefiche depuis des années du sort de ces quartiers populaires où il ne met jamais les pieds. Gaudin a t'il jamais fait un tour à la Castellane ou à Air Bel pour voir ce que subissent les habitants soumis à l'emprise des Caids magrebins qui dirigent le narco traffic ? Vont t'ils nous faire croire, eux qui vont à la plage au Prado, qu'ils sont l'âme de Marseille? Stéphane Ravier, quoiqu'on pense de lui, est né dans les quartiers populaires et il parle de ce qu'il connait. En réalité s'il n'y a pas d'alliance entre la droite prétendue "propre" et le RN à Marseille c'est parceque LR est devenu, là comme ailleurs, un parti de notables. Un parti bourgeois en somme. Là voilà la vraie raison: elle est sociale elle n'est pas morale. Et c'est bien un des effets du juppeisme que d'avoir embourgeoisé la droite alors que le gaullisme était profondément populaire.