lundi, décembre 05, 2022

Une énigme française (Jacques Semelin avec Laurent Larcher)

L'auteur est un gauchiste Sciences Po, ce qui donne quelques débilités, dont le fameux « ne pas faire le jeu d'Eric Zemmour ».

Le sujet est passionnant : 75 % des juifs en France (et 90 % des juifs français), soit environ 200 000 personnes, n'ont pas été déportés. Cette proportion est l'inverse de celle des Pays-Bas et de la Belgique. Elle est unique en Europe (sauf le Danemark).

Semelin a publié une somme sur le sujet en 2013 et ce livre ci est à la fois une synthèse et un récit de la réception du précédent.

L'auteur est frappé, dans les témoignages qu'il recueille, dans les années 2010 (donc des jeunes en 1940), que beaucoup lui disent que, malgré la peur, ce furent parmi les plus belles années de leur vie.

Les hypothèses connues

L'auteur écarte deux hypothèses :

1) Les Justes reconnus. Ils ne sont pas assez nombreux pour expliquer ce taux de survie. Environ 90 % ds non-déportés se sont débrouillés sans l'aide de réseaux constitués (ce qui ne signifie pas « sans aide du tout »).

2) Par idéologie, l'auteur écarte la thèse de Zemmour : la complaisance du gouvernement de Vichy pour les juifs français au détriment des juifs étrangers. Mais cette thèse a quelque consistance même si elle n'explique pas tout.

Et pourtant, Vichy

L'auteur est rapidement obligé de reconnaitre, « sans faire le jeu d'Eric Zemmour », que le gouvernement de Vichy est schizophrène vis-à-vis des juifs : il les persécute réellement mais, simultanément, cette persécution a des « oublis » tout à fait étonnants. Les juifs continuent à avoir droit aux aides sociales et ils ne sont pas interdits de travaux agricoles, ce qui permet à bon nombre de se réfugier à la campagne.

Les secrétaires de mairie, qui authentifiaient de faux actes de naissance, ont aussi eu un rôle utile.

Robert Paxton, cet Américain francophobe, a réussi l'exploit d'écrire un livre, La France de Vichy, en considérant comme négligeables la défaite et la présence (suivant les époques) de 600 000 à un million de militaires allemands sur le territoire français et donc en considérant comme libre et représentant la France le gouvernement de Vichy.

Bien sûr, comme tout ce qui salit la France, Paxton a déclenché l'enthousiasme de l'intelligentsia (et, en plus, si ça vient d'Amérique, c'est l'orgasme). Le paxtonisme est devenu la doctrine officielle de l'Etat Français, qui est aujourd'hui le pire ennemi de la France. Les traitres Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron en ont fait des tonnes sur « Vichy, c'était la France, la France est coupable ».

Bien que gauchiste, et « sans réhabiliter Vichy », Semelin a l'honnêteté de constater que le gouvernement de Vichy a tenté de finasser avec une situation contrainte (mais que les collabos avaient choisie en demandant l'armistice).

Beaucoup de fonctionnaires plus ou moins hauts ne pouvaient ignorer que leurs subordonnés faisaient des faux papiers à la chaine et ont laissé faire.

La campagne, l'exode, la zone libre, la SNCF.

L'exode a « naturellement » poussé des juifs vers la campagne, et plutôt au sud, en zone qui restera libre jusqu'à la fin 1942. S'ils n'y sont pas restés, des contacts ont souvent été pris. Et comme le réseau de la SNCF était très ramifié, ils ont pu atteindre des trous du cul du monde.

C'est là qu'intervient un facteur primordial : les Français. Une famille juive qui débarque au fin fond de la Drôme à Trifouillis-les-Calbutes ne peut passer inaperçue. Pourtant, contrairement à la légende « délation, sport national », il y a eu très peu de dénonciations.

Les Français

La délation est dissymétrique : le silence de centaines de personnes est nécessaire pour protéger une famille juive mais une seule dénonciation suffit à l'exposer.

Or, contrairement à la légende de millions de lettres de délations, on n'a identifié à Paris que 3000 lettres de dénonciations de juifs. C'est trop, certes, mais c'est à comparer au 30 % de lettres de dénonciation de juifs, c'est-à-dire des centaines de milliers, de la Pologne. C'est corroboré par de nombreux témoignages « Ils savaient et ils n'ont rien dit ».

Paxton, encore lui, nous raconte qu'il y a chez les Français un antisémitisme viscéral. Peut-être, mais il ne se retrouve pas dans les chiffres.

C'est toujours la différence entre la théorie et la pratique : des Français militants politiques, antisémites en théorie, ont sauvé des juifs, en pratique.

Le contexte économique aide : quand il y a deux millions d'hommes prisonniers en Allemagne, voir arriver au village un ouvrier agricole, un tailleur ou un médecin, c'est une bonne nouvelle.

Le contexte politique aussi : en 1942, au moment des grandes rafles, l'entrée en guerre des Etats-Unis et l'échec allemand devant Moscou ont marqué les esprits. Les Français, dans leur grande majorité, savent que les Alliés vont gagner la guerre.

Semelin identifie cinq fonctions parmi les Français qui aident les juifs : l'ange-gardien, l'hôte, le nourricier, le faussaire, le passeur.

Un élément très important : les catholiques. On a beaucoup mis l'accent sur les protestants, comme à Chambon-sur-Lignon, mais les catholiques étaient bien plus nombreux.

Notre époque manichéenne a beaucoup de mal à comprendre la complexité. Les évêques étaient pétainistes pour la plupart, mais encourageaient en sous-main et aidaient leurs ouailles à sauver des juifs. Mgr Rémond à Nice organise le sauvetage de milliers de juifs (l'historien René Rémond ignorait l'action de son oncle).

La lettre pastorale de Mgr Saliège est un tournant politique. Elle se répand comme une trainée de poudre. Elle est lue à la BBC (de Gaulle fera de Saliège l'unique évêque Compagnon de la Libération). Surtout, elle a un effet politique : Laval s'en sert auprès des Allemands pour expliquer que, devant l'opinion publique qui se cabre, il ne peut accélérer les déportations.


Si le sujet n'était pas si grave, on pourrait dire qu'il y a en 1942-1944 un championnat de France du sauvetage de juifs entre les couvents.

Serge Klarsfeld conclut : « Les juifs ont envers les catholiques une dette immense ».

Pourquoi cette ignorance du grand public du rôle salvateur des catholiques ? L'explication la plus simple est la meilleure : à cause de l'anti-catholicisme militant de ceux qui causent dans le poste.

Dans le film Un sac de billes, le rôle du prêtre est négatif alors que dans le roman autobiographique qui a servi de base au film, il est positif. Dans la série télévisée Un village français, on ne voit pas un curé, ce qui est totalement invraisemblable pour un village français de cette période.

Heureusement, dans Papy fait de la Résistance, Michel Blanc sauve l'honneur, en curé qui attend avec impatience le parachutage de la nouvelle lune et qui a autre chose à faire que de s'occuper de Michel Taupin-Christian Clavier.

Défier Paxton

Le livre de Semelin est bien reçu ... sauf par les paxtoniens. C'est tout naturel puisque le rôle officieux mais bien réel des paxtoniens est de salir les Français (je ne serai vraiment pas étonné si on découvre un jour que Paxton était financé, comme Jean Monnet, par une de ces fondations américaines qui nous veulent tant de bien).

Mais les chiffres entravent le raisonnement paxtonien et Semelin est soutenu par les juifs.

Cet enculé de Chirac

En bon gauchiste, l'auteur a apprécié en 1995 le discours du Vel d'Hiv « La France commettait l'irréparable ... ». Aujourd'hui, à la lumière de ses recherches, il trouve ce discours fautif.

Il est plus que fautif, il est ignoble, bien raccord avec ce triste sire qu'était Chirac. Philippe Seguin a dit en quelques phrases cinglantes tout le mal qu'il faut en penser.

En 1997, repentance des évêques (mais pas tous) fort peu judicieuse. Une caractéristique des évêques contemporains est, qu'ayant perdu la Foi, il ne sont plus éclairés par sa lumière et ont fort peu de discernement.

Le halo protecteur ?

Enfin, un mot personnel : le comportement lâche, voire activement méchant, de 90 % Français à l'occasion du délire covidiste (qui n'est pas fini, puisque la justice n'est pas passée) ôte tout droit à notre génération d'émettre un jugement moral sur d'autres générations.

En juin 1940, le choc explique beaucoup. Mais, en avril 2020, au choc de la première assignation à résidence (baptisée « confinement » par les menteurs professionnels), je n'ai pas souvenir que nous fussions très nombreux à dénoncer cette folie totalitaire dont nous commençons à peine à subir les conséquences.

Je peux témoigner que les non-'vaccinés' n'ont pas senti ce halo protecteur dont parlent nombre de Résistants et de juifs. Sauf deux restaurants qui ont « oublié » à répétition de nous demander notre paSS, sur la grosse dizaine que nous avons tentés. Si les restaurateurs crèvent aujourd'hui, je ne verserai pas une larme.

Nous sommes presque en 2023 et on ne peut pas dire que le récit délirant (« Nous avons fait, et faisons, au mieux dans une terrible épidémie ») soit remis en cause par la contrition (« Nous avons été cons comme des bites, pris de panique par un rhume et nous avons eu un comportement ignoble et ridicule, que nous regrettons ») dans la masse de la population.

1 commentaire:

  1. Vous remettez l'Eglise au milieu du village. Grand bien vous fasse.

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