Ce deuxième tome est moins plaisant que le premier : c'est celui de la reprise en main.
Patrick Buisson continue son exploration de la sexualité (débridée) des années noires. Le thème, très iconoclaste, est réjouissant.
L'absence du père, du frère, du mari et son remplacement par les beaux guerriers blonds libèrent des énergies sexuelles habituellement bridées (n'oublions pas qu'à l'époque, la femme mariée a un statut de mineure).
Bien que le phénomène de la collaboration horizontale soit difficile à quantifier, il semble avoir touché les populations féminines vulnérables.
Notamment, les mineures, libérées par les circonstances de la tutelle paternelle (même présent, le père est un vaincu), ont difficilement résisté à l'appel du sexe. Buisson cite le journal intime d'une jeune fille de quinze ans, soeur d'un résistant, déclarant des sentiments patriotiques sans doute sincère, mais collectionnant les amants teutons.
La virilité des mâles français est bafouée, humiliée. La reprise en main est donc terrible.
La lecture des procès-verbaux et des minutes de procès révèle bien à quel point l'atteinte à l'ego du mâle national est un reproche au moins aussi fort que celui d'intelligence avec l'ennemi.
La Résistance rejoint Vichy sur la nécessité de restaurer la toute-puissance masculine et de remettre les femmes à leur «vraie» place. On notera que les femmes du Silence de la mer, livre emblématique de la résistance, sont des femmes au foyer qui se taisent.
Vichy et la résistance s'inscrivent dans une continuité familialiste : les gouvernements de la Libération développent, plutôt que de les abroger, les lois de Vichy sur la famille.
Bien sûr, cohérents dans leurs comportements de ces années-là, les plus bruyants, les plus féroces, les plus sanguinaires sont les communistes. Pour le coup, nos homosexuels de 2009 qui ont une sensibilité de rosières seraient effarés par la violence de l'homophobie des journaux communistes des années 40 (c'est une notation dans notre grande série «Non, le Bien n'est pas à gauche et le Mal à droite»).
Le puritanisme rouge ne le cède en rien au plus rigoriste des confesseurs.
On notera que le droit de vote des femmes fut octroyé non comme un droit mais comme une récompense pour les actions de femmes méritantes (c'est explicite dans les discours).
Bref, la guerre ne fut qu'une parenthèse de libération sexuelle vite et violemment refermée. Elle ne sera rouverte que vingt-cinq ans plus tard. Quant à savoir si cette réouverture fut une bonne chose, c'est une autre paire de manches : mes sentiments et analyses sont mitigés.
Addendum du 14/04 : j'ai oublié de vous parler de la conclusion de Buisson. Ce que la guerre n'a pas fait, une période de paix prolongée et de confort matériel, donnant naissance à une génération d'enfants gâtés, l'a fait : libérer la sexualité.
Mais nous avons seulement changé de prison. Les déviances ne sont plus les mêmes. Aujourd'hui ça serait presque considéré comme un honneur de prendre Cupidon à l'envers. Si tu ne t'es pas fait défoncé l'arrière-train, tu n'as pas vécu. Le «jouissez sans entraves» est une nouvelle prison, orgasme obligatoire pour tout le monde, sous peine d'être regardé de travers, ou pire. Mais les déviances sont tout autant réprimées. On ne parle plus de dénonciation, bouh le vilain mot, mais de «signalement».
Songez à la violence des réactions que suscitent ceux qui s'opposent au sexe à la télévision, prônent l'abstinence, la fidélité dans le mariage, critiquent l'homosexualité ou la débauche ou ne communient pas dans la vénération de la capote ...
Réfléchissez également à ce que signifie la pédophilie érigée en crime suprême, obsessionnellement traqué. Selon le mot extraordinaire de Philippe Muray, l'envie de pénal a remplacer l'envie de pénis.
Enfin, au poids des mots, s'ajoute le choc des chiffres. Près de la moitié des détenus en France le sont pour des crimes sexuels. Cela relativise beaucoup notre prétendue liberté sexuelle.
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