Je découvre avec beaucoup de plaisir ce livre quinze ans après sa sortie.
P. de Saint Robert y dresse un bilan de la Vème République après Pompidou. C'est féroce pour nos politiciens et, hélas, juste. Giscard, Chirac et Mitterrand sont ramenés à leur juste taille, petite, minuscule.
P. de Saint Robert fait l'erreur fondamentale de renvoyer dos à dos libéralisme et conservatisme pour leur préférer le «gaullisme de gauche», qui n'existe pas. Le gaullisme est au contraire un judicieux mélange de conservatisme et de libéralisme, au sens ancien du terme.
Comme il a un talent pour choisir ses citations, en voici quelques unes :
Abel Bonnard :«La faiblesse d'âme de tant d'hommes qui ont paradé parmi les événements au lieu d'agir sur eux est d'autant plus facile à spécifier qu'il s'agit, comme bien on pense, d'une faiblesse française, c'est-à-dire fardée, pomponnée,attifée de mille raisons, d'une faiblesse à panache.»
Alain Juppé : «De Gaulle était très bien , mais tout de même, il n'avait pas fait les grandes écoles.»
Philippe de Saint-Robert : «Dans le principe, les constitutions sont au dessus du législateur comme Dieu était au dessus des rois. Mais aucun système n'est à l'abri de la faiblesse ou de la trahisons des hommes. C'est pourquoi il ne faut, comme l'avait si fortement établi Simone Weil, idolâtrer aucun système social. Un jour, François Mitterrand a prononcé une phrase bien étrange lorsqu'il a mis en garde contre "la force injuste de la loi". [...] Ce jour-là, le Président a insinué que les démocraties n'étaient pas à l'abri des mêmes excès [que les régimes dictatoriaux usant de lois injustes] et que le rôle arbitral qu'il incarnait pouvait se situer au-delà de tels dilemmes. Malheureusement, le jour où il a dit cela, ce n'était probablement que pour couvrir une filouterie. Le moyen d'en sortir ? Mais pourquoi en sortir ? L'impossible est toujours possible, mais ce qui le caractérise, c'est qu'il n'arrive pas.»
Philippe de Saint-Robert : «En 1970, la France était un pays libre, indépendant, encore prospère, respecté malgré la commotion soixante huitarde. On avait dit et redit qu'elle n'avait pas les moyens de sa politique. Cet argument est fallacieux car on n'a jamais les moyens de faire tout ce qu'on voudrait faire, et c'est sans doute tant mieux ainsi, car le vouloir comme le rêve seraient fous s'ils n'avaient leurs limites. [...] Mais dans ces milieux qui font ou qui imitent l'opinion, on ne croyait pas à des choses aussi simples : choisir, vouloir, assumer, mais plutôt à des exercices très compliqués : nommer, gérer, normaliser. Ils disent tous -c'est le slogan à la mode- qu'il ne faut pas être frileux, mais ils sont déjà morts de peur ou de froid à chaque fois qu'il leur paraît que la France pourrait être "isolé" dès lors qu'elle se ferait un devoir de ne pas s'aligner sur la folie du moment, de ne pas céder aux intérêts exclusifs d'une puissance dominante.»
Henri Hude : «Le progressisme est le degré zéro de la liberté. C'est une conception pitoyablement superficielle de la liberté humaine. C'est un rejet irrationnel, adolescent, puéril même, de la normativité, contraire à toute observation attentive et à toute réflexion sérieuse, misérable bavardage arrogant, inconscient de n'être que la réinstitution d'une normativité d'autant plus tyrannique qu'elle est plus occulte et plus perverse, et d'autant plus nocive qu'elle justifie n'importe quoi, établit une société sans droit et débouche sur le fascisme. Le progressisme, c'est le degré zéro de la liberté. Appelons les choses par leur nom. Ce degré zéro de la liberté, ce n'est rien d'autre que le pouvoir de ne pas être juste. C'est, pour commencer, la liberté de na pas satisfaire aux obligations qui nous incombent au titre de la nécessaire conservation à court terme d'une société riche et en sécurité, et de se délier résolument de toute obligation relative à ses intérêts à moyen et à long terme (les intérêts de la génération montante ou ceux de nos cadets). C'est encore la faculté de faire, sans avoir à craindre une coercition ou un remords, tout le mal qui n'est pas strictement incompatible avec une conception toute matérielle, matérialiste, à court terme et à courte vue, de l'ordre public. Le progressisme, en prétendant n'imposer aucune normativité (ce qui est pure faribole), se permet aussitôt de détruire ses adversaires, alors que c'est lui qui est le plus moralisateur de tous les autoritarismes et le plus fanatique de tous les dogmatismes, parce qu'il est le plus fourbe et le seul à se refuser au débat loyal, auquel il substitue la manipulation. Aussi n'a-t-il pas à faire l'effort de de réfuter ses adversaires. Il lui suffit le les mettre en accusation[écrit vingt ans avant l'"affaire Zemmour" et la chasse permanente aux "dérapages" !]»
Chateaubriand [époustouflante prescience de 1834] : «Quelle sera la société nouvelle ? Je l'ignore. Ses lois me sont inconnues. Je ne la comprends pas plus que les anciens ne comprenaient la société sans esclaves produite par le christianisme. Comment les fortunes se nivelleront-elles, comment le salaire se balancera-t-il avec le travail, comment la femme parviendra-t-elle à l'émancipation légale ? Je n'en sais rien. Jusqu'à présent, la société a progressé par agrégation, par famille. Quel aspect offrira-t-elle lorsqu'elle ne sera plus qu'individuelle ainsi qu'on la voit déjà se former aux Etats-Unis ? Vraisemblablement, l'espèce humaine s'agrandira mais il est à craindre que l'homme ne diminue, que quelques facultés éminentes du génie ne se perdent, que l'imagination, la poésie, les arts, ne meurent dans les trous d'une société-ruche où chaque individu ne sera plus qu'une abeille, une roue dans une machine, un atome dans la matière organisée. Si la religion chrétienne s'éteignait, on arriverait par la liberté à la pétrification sociale où la Chine est arrivée par l'esclavage.»
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Alain Juppé : «De Gaulle était très bien , mais tout de même, il n'avait pas fait les grandes écoles.»
RépondreSupprimerJe viens d'apprendre que Saint-Cyr n'est pas une grande école.
mérite d'être lu ce livre ....
RépondreSupprimerBibi,
RépondreSupprimerVous venez surtout d'apprendre que Juppé est un con. Pas une surprise, non ?
Avec Rocard, il fait la paire.
Saint-Robert est une vieille barbe toujours à remâcher ses aigreurs de gaulliste attardé et à vitupérer contre le libéralisme, doctrine qu'il ne connaît évidemment pas, se contentant de ressasser les mêmes conneries que les cocos ! "gaulliste de gauche" ! c'est un pléonasme ! Ah le bon temps où il y avait une radio d'état, un télé d'état, et où les pourris politiques faisaient leurs petites affaires avec les pourris syndicalistes...
RépondreSupprimerVous êtes sévère, Vincent, mais il y a un peu de ça. Néanmoins, c'est bien écrit et pas mal pensé quand on y apporte les corrections nécessaires.
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