La chronique d'Yves de Kerdrel
Par Yves de Kerdrel
Le Figaro 31/05/2010 | Mise à jour : 19:15 Réaction (2)
Société de confiance versus société d'assistance
Lors d'un récent déjeuner réunissant le corps de l'Inspection des finances, Alain Minc a dit, à ses pairs présents, qu'en tant que «représentants de l'élite du pays» ils avaient le devoir «de propager un message d'optimisme». Cette scène incroyable, où le conseiller du monarque demande aux «fermiers généraux» de répandre des mots doux aux oreilles des citoyens, pour qu'ils cessent de penser à la crise, a quelque chose de surréaliste, sinon de suranné.
Les Français n'attendent pas qu'on leur raconte tous les soirs Alice au pays des merveilles, afin de les endormir. Ils réclament des politiques, un devoir de vérité et d'action. En cela, le travail que mène depuis quelques semaines Éric Woerth, sans se laisser distraire par les bruits de la Cour, est exemplaire. Voilà un ministre qui a pris en mains, dans le sillage de ce qu'a déjà fait, sur les régimes spéciaux, Xavier Bertrand, un dossier ô combien complexe. Il s'est fixé un but et un calendrier. Et il trace son chemin. Il mène sa réforme. Il bouscule les tabous. Bref, il fait le job, comme disent les Américains.
Il a réussi à faire passer dans l'opinion le recul de l'âge de la retraite avec une facilité déconcertante. Et les manifestations syndicales de la semaine passée ressemblaient davantage à un convoi funèbre enterrant les dernières illusions d'archéo-socialistes qu'à un baroud d'honneur. Si tout continue de se passer de cette manière, Éric Woerth pourra dévoiler à la mi-juin les couleurs de sa réforme. Et un mois plus tard la présenter en Conseil des ministres.
Une perte de confiance dans l'État
S'il est important que cette réforme soit menée de manière claire, rapide et courageuse, c'est parce qu'elle peut redonner confiance, primo en l'action politique, secundo en la capacité de la France à se transformer et tertio, parce que c'est tout de même un sujet à plusieurs dizaines de milliards d'euros. Les socialistes qui sont encore bouleversés à l'idée que Nicolas Sarkozy ait pu ébranler, la semaine passée, la statue de François Mitterrand, pensent toujours que les Français aiment entendre dire «demain on rasera gratis!». Ils croient que c'est par de nouvelles protections et un surcroît d'État-providence que l'on va redonner de l'enthousiasme à une France anxiogène. Ils ressortent de vieilles théories de sociologues américains sur la société du «care» et du «bien-être», pour réinventer un État surpuissant dont la seule tâche sera de redistribuer davantage d'allocations, et donc de ponctionner plus d'impôts. Quel programme enthousiasmant!
Si au lieu d'aller chercher leurs idées dans des théories éculées, ils regardaient la France de ce début 2010, ils verraient que la consommation s'enraye et que l'épargne atteint des niveaux records. Qu'est-ce que cela veut dire? Tout simplement que lorsque l'on a plus confiance dans un État surendetté, et que l'on ignore encore quel type de retraite on aura, il est rationnel de se créer une épargne de précaution. Dès lors que les Français reprendront confiance dans l'action de ceux qu'ils ont élus et dans la solidité de leur pays, alors ils consommeront de nouveau. Ils s'endetteront. Ils feront des projets pour l'avenir. Et il en est de même pour les 2,7 millions de petites et moyennes entreprises qui n'osent plus investir par peur de cette incertitude ambiante.
Un climat de précampagne
Alain Peyrefitte avait montré, dans le sillage du sociologue Max Weber, les liens qui unissent l'économie et la confiance. Pas un mot n'est à changer dans ce qu'il a écrit sur la société de confiance. Olivier Blanchard, l'économiste en chef du FMI, donnait il y a quelques jours un exemple précis de cette mécanique vertueuse: «Si les gens prennent leur retraite plus tard, rappelle-t-il comme une évidence, ils ont moins besoin d'épargner et ils peuvent donc consommer un peu plus.» De la même manière s'ils constatent que l'État peut mener une politique sérieuse et rigoureuse en matière de finances publiques, ils arrêteront de s'inquiéter pour l'avenir de leurs enfants. Point n'est besoin de parler d'austérité, ou de promettre «du sang, de la sueur et des larmes», il suffit de suivre les prescriptions du rapport Champsaur-Cotis qui suggère une diminution raisonnée, mais tonique, des dépenses publiques au cours des dix années qui viennent.
À deux ans de la prochaine élection présidentielle, la France semble déjà entrée dans un climat de précampagne. Avec, d'un côté, des socialistes en situation de déni de vérité et, de l'autre, une majorité qui a fort à faire avec la sortie de crise. Le plus important, c'est que dans ce moment crucial, le gouvernement ne cède en rien ni sur son calendrier ni sur sa volonté réformatrice. Ce sont les meilleurs gages que la droite pourra présenter en 2012, «à ce vieux pays recru d'épreuves», comme l'écrivait le général de Gaulle. À ce pays qui mérite davantage une société de confiance, qu'une société d'assistance… et donc d'aliénation.
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Rien à dire sur ce passage d'Yves de Kerdel comme celui qui le suit.
RépondreSupprimerBelle trouvaille de notre hôte.
Je crains cependant que tant que l'Etat français ne rencontrera pas des problèmes pour se financer, les diafoirus dépensophiles continueront de plus belle.
Je redoute et je rigole d'avance le jour où le fonctionnaire que je suis se verra demander une baisse de 5% de son traitement.
Ca risque d'être assez drôle dans les couloirs...
cordialement
Malheureusement, je crains que nous n'ayons plus 10 ans devant nous - même pas 2!
RépondreSupprimerMais je ne crois pas que nos si géniales élites en soient réellement conscientes... comme semble le prouver l'exemple cité par M. de Kerdrel!
Le choc va être bigrement rude...
Bonjour Franck,
RépondreSupprimerJe ne comprend pas ce qu’il y à d’exceptionnel dans cet article ?
Kerdrel tient le discours classique des profiteurs du systeme bancaire mondial.
Il cite d’ailleurs Blanchard du FMI (Et son hilarante thèse du cercle vertueux.) et est membre du F.A.F. de Kissinger, je vous laisse faire le lien.
La ou les peuples devraient reprendre leur droit regalien de battre monnaie à tous ces parasites, (*) notre agent de l’empire Kerdrel nous incite donc dans son article à la consommation, a l’endettement et a la confiance, qui sont les trois pieds du systeme economico-bancaire actuel lui-même directement responsable de la crise.
Puisque les Français « [Ils] réclament des politiques, un devoir de vérité et d'action. » Pourquoi ne pas nous expliquer en tant qu’économiste d’où vient le probleme plutot que de toujours proposer de nous vendre de petits pansements a appliquer sur des plaies béantes ?
Ah ben j’ai déjà répondu à cette question, Kerdrel est un agent de l’empire.
Continuer à verser dans le clivage gauche droite n’arrangera rien.
(*) 3 janvier 1973, la Banque de France abandonne son rôle de service public sous l’effet de la loi Pompidou/Giscard d’Estaing . Article 25 : “ "le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France “ i.e. la République s’oblige à emprunter sur les marchés à obligation, contre taux d’intérêt. Cela revient à abdiquer la souveraineté monétaire et à abandonner la pratique du crédit productif public issu des Trentes Glorieuses. (L’état se prete a lui-même a taux zéro afin de dynamiser son économie.)
Je crois que vous vous trompez fondamentalement en mettant en cause la finance moderne.
RépondreSupprimerIl est tout à fait possible d'être prospère et souverain dans un tel système. La Suisse, la nouvelle-Zélande, le Chili, la Corée (du sud évidemment) ou le Canada le prouvent (exemples que j'ai essayé de prendre sur chaque continent - hors l'Afrique, qui ne compte pas).
Je maintiens que l'article de Kerdrel trace les pistes d'une prospérité pour la France sans recourir à une improbable révolution de la finance.
Vous savez, je trouve que l'abandon de l'étalon-or était une très mauvaise idée ; je ne m'en vais pourtant élaborer un système basé sur le retour de l'étalon-or.
La fin de l'Euro, qui, elle, semble accessible, suffirait à ma satisfaction.
Employez votre intelligence à des solutions plus accessibles.
Bonjour Franck,
RépondreSupprimerS’il est effectivement possible d’etre prospère (Mais à quel prix ?) il n’est pas possible d’etre souverain. (Je ne peux pas te le prouver mieux que par l’abandon de cette souveraineté en 73 en ce qui concerne la France - date qui correspond au début des 40 ans de déficits cumulés de notre pays.)
Par ailleurs je ne crois pas que tu puisses me prouver ton point de vue en me designant des pays riches car dans ce cas je prouve le mien en te designant des pays pauvres ! Ca n’aurait aucun sens.
Je me permet d’insister car je suis persuadé que cette privatisation du systeme bancaire est la pierre angulaire du système que nous voulons combattre, que c’est tout à fait accessible et surtout parcque tes commentaires sur d’autre sujets sont souvent justes et pertinents donc je ne désespère pas.
Jusqu’en 73 la France se pretait a elle-même a taux zero, l’objectif etant de dynamiser l’economie par l’injection d’argent. Nous avons absolument besoin d’argent dans nos societes nous sommes bien d’accord. Mais derriere le principe de l’argent la seule et vraie economie, celle qui permet le developpement et l’enrichissement passe par le travail des personnes.
Hors quand l’argent passe du concept au produit on entre dans le syllogisme absurde de la finance moderne. C’est la chaise musicale si tu préferes. (Je vais commencer à manquer de métaphores…)
Donc je réitère, quelles sont les pistes que propose Kerdrel pour la prosperité de la France ? Aucune. Ces pistes sont uniquement orientées vers le maintien du système par la consommation, l’endettement et la confiance. Toujours la meme rengaine, ne rien changer au systeme, parler des crises de la finance comme d’un evenement meteo alors qu’il s’agit d’une science humaine tout a fait maitrisable pour in fine privatiser les gains mais nationaliser les pertes.
Pour rebondir sur ton très bon commentaire de l’article "École : pourquoi pas un élève par professeur ?" tu vises très justre en introduisant l’idée d’un « corpus doctrinaire sur l'infiltration et sur la propagande » c’est d’ailleurs pour ca que je mentionnais que Kerdrel fait partie de lobbies et de think tanks mondialistes qui ont tout interet à maintenir le systeme.
Pourquoi l’Afrique ne compte elle pas ? Si tu as écris un truc la dessus ca m’interesse.
Ciao,
Si je puis m'immiscer dans le débat entre M. Alski et notre hôte, la réforme de 1973 constitue un tournant, certes, mais affirmer qu'elle est à l'origine de la suite de déficit me paraît un peu gros.
RépondreSupprimerIl peut s'agir d'une mesure de complaisance à l'égard des banques - comme il y en aura hélas beaucoup et comme il y en avait déjà eu telle que l'obligation d'avoir un compte bancaire pour un salarié - .
Il peut aussi s'agir d'une mesure de saine gestion financière pour éviter une augmentation trop rapide de la masse monétaire, donc l'inflation.
Dit autrement, le lien causal me paraît ténu, voire inexistant. De très nombreux pays ont su gérer leur budget alors même qu'ils empruntent sur les marchés.
Là où se situe la faille, c'est dans l'utilisation des fonds. M. Alski indique que l'Etat se prête à lui même à taux zéro pour des dépenses productives - le crédit productif public -.
Cela signifie donc que l'argent emprunté ira uniquement dans des investissements - premier biais, eu égard à la manie de notre etat de financer le courant par l'emprunt - et que l'état est capable de repérer les investissements productifs - chose dont je doute largement - voire que ces derniers seront rentables pour l'ensemble de la société - ce qui peut être vrai, mais pas nécessairement -.
Donner à l'état à partir d'une création monétaire ex nihilo les moyens d'investir, même si après il trouve le moyen de détruire la monnaie créée préalablement, ne peut conduire, à mes modestes yeux, à lancer des "éléphants blancs", donc un mal investissements préjudiciables au reste de l'économie.
Pour revenir à l'article de de Kerdel, je ne vois guère où vous le voyez jouer "l'agent de l'empire" en soutenant la consommation.
A mes yeux, il rappelle juste l'impasse budgétaire dans laquelle nous sommes, et la nécessaire confiance pour s'en sortir.
Cordialement
Bonjour Tonton Jack,
RépondreSupprimerVous évoquez plusieurs idées intéressantes que je me permets de commenter.
Se mettre à acheter l’argent (Ce qui, je le répète, est déjà absurde en soi.) que l’on obtenait gratuitement avant (La réforme de 1973.) ne peut pas être une mesure visant à réduire un déficit, puisque qu’il faut désormais ajouter des intérêts à notre passif. Soutenir le contraire me semble absurde.
Mais admettons que je veuille croire l’idée qu’il pourrait s’agir d’une mesure de saine gestion financière ; Cette idée est immédiatement infirmée par la réalité de la crise qui vient de se produire, crise qui est financière et pour laquelle les banques ont plaidé coupable. (Suite à quoi celles qui n’ont pas disparues ont été renflouées par de l’argent public donc rajouté à notre déficit!)
On peut donc en conclure qu’indépendamment du débat sur sa validité, cette réforme n’a pas porté ses fruits.
Qu’en tous les cas les banques ne se sont pas montrées à la hauteur.
Mais surtout que cela vient de nous coûter très cher à tous.
En conséquence je ne vois donc pas en quoi on devrait considérer le fait de leur reprendre ce droit comme une erreur ni en quel honneur nous devrions continuer à faire confiance à quelqu’un qui manifestement ne la mérite pas.
M. Kerdrel est par conséquence soit un imbécile (Ce dont je doute fortement bien entendu.) soit quelqu’un qui à plus d’intérêts pour la finance mondiale que pour la nation Française.
(Idée confirmée par sa participation à des think tanks de type french american foundation, mais je vais finir par me répéter.)
Votre remarque sur l’utilisation des fonds est très juste. Je ne peux qu’etre d’accord avec vous : On peut douter de la capacité d’un état à faire des choix financiers corrects. Je dirais simplement que c’est un risque à prendre, et que finalement au vu de la crise passée, nous n’en courrons pas moins qu’en laissant les banques privées aux commandes.
Au moins à l’argent mal investi nous n’aurions pas à ajouter les intérêts de l’emprunt, ce qui ne serait déjà pas si mal.
Nous sommes chez un garagiste qui continue d’envoyer ses factures pour des réparations qui ne font qu’empirer le problème. Ne trouvez vous pas suspect qu’il nous demande de continuer à lui faire confiance ?
Mais le plus intéressant serait d’essayer de trouver ensemble des idées de construction d’un système financier sain et qui profiterait à tous.
Bon week end,
"Tout simplement que lorsque l'on a plus confiance dans un État surendetté"
RépondreSupprimerA rapprocher des propos tenus en 2007 du candidat à sa propre succession :
"Les ménages français sont aujourd’hui les moins endettés d'Europe. Or, une économie qui ne s'endette pas suffisamment, c'est une économie qui ne croit pas en l'avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. C'est pour cette raison que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour les ménages et que l'Étal intervienne pour garantir l'accès au crédit des personnes malades."
Ce monsieur de Kerdrel doit être un keynésien pur jus. Il oublie que c'est l'épargne le moteur de l'économie et qu'elle est une consommation différée. Les Chinois qui ont un taux d'épargne de 40 % sont-ils tristes ? Probablement pas. Tous les pays qui ont des taux d'épargne élevés ont une forte croissance : l'épargne finance des investissements, qui créent des emplois et des consommations. C'est le B.A.BA de l'économie.
Ce mythe de la consommation soutien de l'économie prouve à quel point les "économistes" sont nuls. Bien entendu, un enfant de dix ans sait que l'investissement, donc l'épargne mise dans autre chose que les dettes d'État et l'immobilier, est le moteur de l'économie.
RépondreSupprimerEntendre tous les mois des "économistes" se féliciter avec enthousiasme que "la consommation se tienne bien" me rappelle à quel point nous sommes dans la merde : les cons démagogues ont la parole et le pouvoir.
Se référer à un article du Figaro – si bon soit-il – pour évoquer le problème des retraites, qui il est vrai doit être considéré, me paraît plus que suspect, pour raisonner sainement sur l’argument ! Il me semble que des gens qui ont bossé une vie entière et cotisé dans l’espoir, légitime de percevoir une retraire méritée, n’ont pas le droit de voir ce droit contesté. S’il est vrai que la retraite à soixante ans pour tout le monde, n’a de sens que dans le monde utopique des chantres du populisme, il n’en est pas moins vrai que certaines professions pourraient réclamer ce droit avant soixante ans ! J’adore le final avec les socialistes qui nagent dans le déni et le gouvernement qui lutte avec ses petits bras musclés, pour sortir d’une crise, dont seule la sortie de l’Euro et de cette daube de parlement européen – ô combien onéreux !! – pourront nous préserver mais ceci est une autre histoire… En parlant de retraite les députés européens eux, peuvent la prendre à 50 ans pour la bagatelle de 9000 euros mensuels, à comment ce fait-il que le FigDassault ou LibéRotchild ne l’évoquent pas ?
RépondreSupprimer«Se référer à un article du Figaro me paraît plus que suspect»
RépondreSupprimerL'argument «d'où parles-tu, camarade ?» est dénué de toute valeur.
«Il me semble que des gens qui ont bossé une vie entière et cotisé dans l’espoir, légitime de percevoir une retraire méritée, n’ont pas le droit de voir ce droit contesté.»
C'est un faux droit, lui aussi sans aucune valeur, comme est en train de nous le prouver, et nous le prouvera de plus en plus, l'actualité.
Si l'actualité à laquelle vous faites référence est celle de la presse officielle, ou mieux (pire encore)à celle de la télévision TéléBouygues ou RadioLagardère, je comprends votre attitude et je compatis à votre malheur!
RépondreSupprimerArrêtez donc de me prendre pour un imbécile sous-informé, alors que vous, par on ne sait quel miracle d'intelligence, vous auriez la bonne information.
RépondreSupprimerComme je ne vois pas bien pourquoi vous disposeriez de sources confidentielles sur l'état du monde, j'en conclus que nous avons à peu près les mêmes informations à disposition, mais que nous ne cherchons pas les mêmes informations ou que nous les interprétons différemment.
Votre propos tombe d'autant plus mal que je ne regarde jamais la télévision et écoute assez peu la radio, essentiellement du jazz.