C'est la fin, comme vous voyez : l'Europe fait eau de toute part. Que s'est-il donc passé ? Ceci, tout simplement, que nous étions les sujets de l'histoire et que nous en sommes à présent les objets."
Cette phrase prophétique est de Jean-Paul Sartre, tirée de la préface des "damnés de la terre" de Franz Fanon. Il faut regarder les choses en perspective. Pendant environ 400 ans, de la Renaissance au XXe siècle, l'Europe a dominé, écrasé le monde, par sa révolution industrielle, la suprématie de ses idées, la conquête coloniale. Le XXe siècle a été celui de son déclin, de ses tueries suicidaires. Aujourd'hui, rongée par sa mauvaise conscience - la colonisation, le totalitarisme (fascismes, national-socialisme, marxisme) - elle a mis en place une prodigieuse et impuissante bureaucratie appelée "l'Union européenne" mais la voilà totalement fragmentée, démantelée, décérébrée. On s'habitue à tout au point de ne plus rien voir mais il est extravagant de constater à quel point cette Europe est désemparée, traumatisée, paralysée par l'arrivée sur ses côtes de bateaux de migrants en perdition et dans l'incapacité absolue d'esquisser le moindre geste. Son inertie, sa contemplation, sa lâcheté insigne face à des massacres abominables qui se produisent sous ses yeux à deux pas de ses frontières, fait froid dans le dos. Face au nouveau meurtre médiatisé des chrétiens éthiopiens par le daesh sur une terre d'influence traditionnelle de l'Europe, cette Libye voisine, la passivité, le silence de l'Europe nous laissent pantois. Nous assistons à la mort tragique d'un continent désuni, déboussolé, anesthésié, qui a été le phare de l'humanité pendant des siècles. Les gesticulations et bavardages méprisants de ses politiciens nous révulsent mais ils ne sont pourtant qu'un symptôme de cet effarant déclin qui laisse les Européens désarmés et désormais à la merci de n'importe quel cataclysme à venir.
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