Comme d'habitude, c'est moi qui souligne.
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A l'image des villages du Nord qui furent, au quatorzième siècle, parcourus par des
«flagellants» qui se repentaient (en se fouettant) des péchés du monde auxquels ils
attribuaient les origines de la peste, la France est parfois réveillée de sa sieste par
une manifestation syndicale «pour l'emploi», histoire de se donner bonne
conscience. Chacun prononce alors sa petite litanie: pour les uns, le chômage est le
produit du capitalisme et des profits, pour les autres il exige un partage du travail.
On fait son discours et puis on remballe les stands à merguez jusqu'à la cérémonie
suivante.
On pourrait peut être se demander, à cette occasion, dans quelle mesure l'Etat
Providence en France ne conforte pas un chômage élevé. Puisque l'Etat est la
nouvelle incarnation de Dieu sur terre... si l'Etat ne peut rien contre le chômage,
personne ne peut rien contre lui. Il faut simplement attendre que le mal passe, en
priant pour passer entre les gouttes. L'impuissance de l'Etat est l'horizon
indépassable de nos existences.
Ce faisant, on oublie quelques réalités qui expliquent à leur manière la
permanence d'un chômage élevé en France. Par exemple: en 1970 (date de la
première comptabilisation publique de cette catégorie), la France avait une
population en emploi de 21,5 millions de personnes, dont 4,5 millions
d'indépendants ou non-salariés, et 17 millions de salariés, fonctionnaires compris.
En 2013, la masse des personnes en emploi est passée à près de 26,5 millions de
personnes. En près de 50 ans de crise ininterrompue, la France a donc tout de
même créé près de 5 millions d'emplois, ce qui n'est pas rien. Mais le nombre
d'indépendants s'est effondré [L'argument vient de l'entretien de Marie-France Garaud, voir ci-dessous]: ils ne sont plus que 2,5 millions aujourd'hui,
pendant que le nombre de salariés passait à près de 24 millions.
Pour reprendre ces données autrement, la France a créé, depuis 1970, 7 millions
de postes de salariés (dont un nombre colossal de fonctionnaires), mais elle a
supprimé 2 millions d'entrepreneurs. C'est aussi cela, l'Etat Providence: une
fonctionnarisation progressive de la société, où la salariat représente désormais
90% des emplois, et où la prise de risque a de moins en moins de sens. La France
récolte aujourd'hui les fruits d'une politique systématique de terre brûlée menée
dans le secteur privé à l'encontre des TPE-PME où, au nom de l'Etat Providence, la
multiplication des règles et des taxes en tous genres décourage ses éléments les
plus audacieux d'entreprendre et de créer de l'emploi.
Dieu n'aime pas, il est vrai, les esprits libres qui s'affranchissent des règles fixées
par le clergé.
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Marie-France Garaud ou la dernière des gaullistes
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Les réactions à la crise économique de 2008 ont réaffirmé la force du politique et
des Etats Nations. Loin d'être déconsidérée, la souveraineté nationale s'est élargie
dans la compétition mondiale. Les gouvernements qui en disposent, du géant
américain au modeste Singapour, l'exercent même désormais sur le numérique ou
la propriété intellectuelle, flux immatériels qui étaient pourtant destinés à exclure
le pouvoir politique de l'histoire.
En réalité, la disparition de la souveraineté populaire, actée par des traités et des
institutions qui gangrènent les nations d'Europe pour nourrir l'Union européenne,
est une tragique exception de l'histoire en marche. C'est un cancer qui, petit à petit,
ruine nos démocraties et notre avenir commun.
Seule l'Allemagne a su conserver les instituions capables de préserver les principes
de sa propre souveraineté pour finalement prendre le contrôle de la construction
européenne [l'auteur fait allusion au fait que, contrairement aux autres pays européens et notamment la France, les institutions allemandes ont considéré plusieurs fois que la constitution nationale est supérieure aux traités européens]. Qu'ils s'agissent de la Constitution allemande, de la Cour Suprême de
Karlsruhe ou du Parlement, l'Allemagne est le seul grand pays à avoir maintenu la
prédominance de son intérêt national. Puisque tous les autres grands Etats ont
abandonné leurs prérogatives au profit d'un illusoire «intérêt général européen»,
l'Allemagne peut mécaniquement imposer son agenda.
[…]
Evidemment, nombreux sont les citoyens des différentes démocraties d'Europe qui
ont été choqués par un coup d'Etat [européiste en Grèce] qui n'a trompé personne (1). Pourtant la
résignation domine la colère. En commettant son propre suicide, le pouvoir
politique détruit de facto les liens qui unissent les citoyens dans un destin
commun, et provoquent une telle insécurité économique et identitaire qu'ils
assèchent toute volonté de changement et de progrès.
C'est contre cette résignation face à la débâcle que Marie-France Garaud a tout son
rôle à jouer. Parce qu'elle a été au coeur du pouvoir et qu'elle avait analysé les
conséquences des décisions qui ont été prises, elle crédibilise le combat de ceux
qui portent une alternative [c'est gentil pour elle mais irréaliste : la seule révolution qu'on peut faire à 81 ans, c'est celle du naufrage national, à la Pétain, et je ne pense pas que c'est le désir de Mme Garaud. Il n'empêche que son entretien sur France Cucul était très intéressant. Elle tranche une question qui me turlupine : les partis politiques ne représentent qu'eux-mêmes, les Français ne sont pas responsables de leurs agissements. Elle insiste aussi sur le fait que nous avons tellement perdu notre souveraineté que nous ne savons même plus ce que c'est que de décider souverainement (elle cite, exemple facile, les navires Mistral)].
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Nous sommes dans la même tonalité que Chantal Delsol à un détail près (détail façon Jean-Marie Le Pen) qui me turlupine.
Alors que Chantal Delsol laisse entendre assez clairement que les Français sont responsables des maux de la France et de son destin, Marie-France Garaud dédouane beaucoup plus les Français en arguant que les partis politiques ne représentent pas les Français et, sous-entendu, gouvernent de façon oligarchique.
La discussion n'est pas oiseuse. Si Chantal Delsol a raison, il est vain d'espérer, il faut quitter la France ou s'enterrer dans son trou. Si Marie-France Garaud a raison, il faut se battre.
Les discussions que j'ai autour de moi ne me permettent pas de trancher. J'obtiens quelquefois des réactions surprenantes dans un sens et dans l'autre.
Untel qui paraît bien éloigné de la politique donne un avis d'une clarté réjouissante, Machin, qui semble informé et réfléchi, émet des opinions d'une naïveté à lui taper la tête contre le mur.
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(1) : je ne suis pas tout à fait d'accord. Les Grecs sont contradictoires, ils veulent rester dans l'Euro sans perdre leur souveraineté économique, c'est impossible. Si les Grecs avaient tranché pour sortir de l'Euro et qu'on les avait forcés à rester, cela serait une autre histoire, un vrai coup d'Etat, mais ce n'est pas le cas.
mercredi, août 26, 2015
La peste noire et Marie-France Garaud
Libellés :
l'Etat pire ennemi de la France,
la France qui coule
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