Nicholas Shakespeare (relation avec William inconnue. NS, pour la suite) raconte les événements tumultueux qui conduisent Churchill au pouvoir en mai 40.
Churchill Premier Ministre, c’est une surprise, et même pas divine, pour beaucoup. Pourtant, un observateur dira qu’elle est le signe le plus clair de l’intervention de Dieu dans l’histoire des hommes, mais ça, c’est après.
Churchill a, dans l’Angleterre d’en haut, une réputation exécrable : brouillon, pas fiable, exalté à tort et à travers, verbeux, trop vieux. Mais chacun reconnaît son énergie. La plupart, dont le roi, préfèrent cependant Halifax. On compte aussi une dizaine de candidats plus ou moins sérieux.
Churchill, en tant que Lord de l’Amirauté, montre tous ses défauts lors de l’affaire norvégienne de Narvik et cela ne l’empêche pas d’être deux jours plus tard au pouvoir suprême. Cette histoire ressemble à un miracle (Bernanos disait que c'était une histoire d'enfants : « Il était une fois, sur une petite île, un grand peuple, seul contre tous ... »).
NS peine à le comprendre parce que, romancier d’origine, il s’attache beaucoup trop aux circonstances et aux personnes et pas assez à la politique. Le fait que Churchill fut le Cassandre de la montée du nazisme est traité quasiment comme une anecdote.
Le débat sur la crise norvégienne qui commence aux Communes le 7 mai 1940 ne semble pas menacer le gouvernement Chamberlain. Mais, tout au long des discours, les heures passant, merveille du parlementarisme anglais, la pression monte. Roger Keyes, avec son uniforme constellé de décorations, étrille les ministres. Puis, Leo Amery assène son terrible « Vous avez occupé cette place trop longtemps pour le peu de bien que vous y avez fait. Au nom de Dieu, partez et qu'on en finisse avec vous ». Chamberlain se défend très maladroitement « Moi aussi, j’ai des amis », ramenant un débat historique à un problème personnel.
Photo (interdite à l'époque) prise en cachette par un parlementaire, de la séance du 7 mai. Chamberlain est debout, en train de parler. On devine Churchill assis.
Le débat reprend le 8 mai, dans une atmosphère électrique, les bancs et les tribunes sont pleins à craquer (Churchill insiste ailleurs sur le fait que la disposition physique des Communes est pour beaucoup dans le fonctionnement de la démocratie anglaise), il fait très chaud. Lloyd George, le « vainqueur » de la première guerre mondial, assassine Chamberlain. La haine entre les deux est palpable. Churchill, à son meilleur, défend habilement son chef, sans se griller.
Le vote a lieu en fin de soirée. Il est minuté par un antique sablier. Les parlementaires doivent choisir entre deux couloirs, l’un Oui, l’autre Non. Ils ont six minutes pour s’y rendre.
Chamberlain garde la majorité, mais très diminuée et, surtout, les parlementaires en uniforme (hé oui, il y avait des parlementaires revenus du front) ont massivement voté contre lui. C’est une humiliation.
Le 9 mai et le 10 mai, Chamberlain s’accroche un peu, hésite à démissionner. Il apparaît clair qu’il faut un gouvernement d’union nationale et que Chamberlain sera refusé par les travaillistes (justement pour son rôle avant-guerre, ce que NS, négligeant la politique, ne voit pas bien). Halifax refuse le poste, NS y voit principalement des raisons personnelles, le manque de couilles. Là encore, il faut aussi prendre en compte la politique. Le destin de Churchill ressemble à celui de Clemenceau : la liste de ses ennemis est très longue, celle de ses défauts encore plus, mais chacun sent, même ses adversaires, que son heure est venue.
On connaît la suite, à son chauffeur qui le félicite, Churchill répond en écrasant une larme : « Je crains qu'il ne soit trop tard. J'espère que non ». Une habileté politique extraordinaire jusqu'en septembre 1940 et un peu au-delà, quelques discours immortels, puis Churchill viré par l'électorat anglais en 1945.
Je suis anglophobe, comme tout Français conséquent, mais j’admire sans réserves le fonctionnement des institutions rosbifs.
Ce n’est pas la vénération de cette saloperie d’Etat de droit des casques à pointe allemands et des connards bien-pensants, genre énarques, prétexte de toutes les saloperies actuelles contre nos pays.
C’est un mélange de tradition, de coutumes et de vieux écrits. C’est beaucoup plus subtil que le juridisme borné. Aucun texte n'obligeait Chamberlain à démissionner, pas plus que Mitterrand en 1986 et 1993 ou Chirac en 1997, mais la tradition voulait qu'un Premier Ministre désavoué démissionnât, ça fait toute la différence. Les pratiques politiques britanniques sont tortueuses, en apparence irrationnelles, mais le résultat est là : à l'époque de Jeanne d'Arc, le pays était cinq fois moins peuplé que la France et assez miséreux. Voyez ce qu'il est devenu.
Bien sûr, le pays parfait n’existe pas et Theresa May, ce n’est pas ce qu’ils ont fait de mieux.
Pendant que les Anglais se donnent Churchill, Reynaud échoue à virer Daladier et Gamelin.
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