Un billet plus long qu'à l'habitude, mais Zemmour le vaut bien.
Dans Destin français, après une introduction personnelle sans précautions excessives, où il compare les banlieues qu'il a connues et les banlieues actuelles, lisant dans cette différence la décomposition de la France, Eric Zemmour nous offre une galerie de portraits historiques.
La trahison des élites
Eric Zemmour écrit plutôt bien et la ligne directrice de son propos me semble juste : les élites françaises ont une tendance spécifique à la trahison dans les périodes difficiles. Je me suis souvent interrogé ici même sur ce trait saillant de l'histoire de France.
Certains de mes aimables commentateurs ont contesté que l'esprit de trahison fût une spécificité des élites françaises. Au moins ai-je un argument d'autorité : Eric Zemmour est d'accord avec moi. Mais, comme il s'agit précisément de critiquer Zemmour, ça n'a pas grande valeur !
Le dernier avatar de cette pente à la trahison des élites françaises est le vote Macron. Il faut bien peu penser au destin national, à ce que devrait être la France dans vingt, trente ou cinquante ans, pour voter Macron. D'ailleurs, pour voter Macron, il ne faut pas penser du tout, il faut juste défendre d'instinct les intérêts patrimoniaux de la bourgeoisie mondialisée.
Les portraits
Le parcours de Zemmour à travers une série de portraits recèle quelques pépites.
Ses exécutions de la de Staël ou du couple Sartre-Beauvoir sont particulièrement réjouissantes.
Zemmour étrille aussi cet empaffé de Voltaire.
Mais le chapitre le plus remarquable est celui sur Catherine de Medicis.
Catherine, Nicolas et Erasme
Zemmour nous délivre, enfin, enfin, de l'anachronisme voltairien et anti-clérical des gentils huguenots persécutés par les méchants catholiques, dirigés par la Jezabel machiavélique, Catherine de Médicis. J'ai d'autant plus plaisir à vous en causer que c'est un des portraits que Causeur a critiqués : mon esprit de contradiction y trouve satisfaction.
J'en veux au très remarquable Fortune de France, de Robert Merle, de s'être fait le propagandiste de ce mensonge (je vous conseille tout de même de le lire -en gardant à l'esprit son penchant pro-huguenot : il n'y a que douze tomes et les personnages sont attachants).
Zemmour remet les choses à leur place.
Catherine de Médicis n'était pas une machiavélique, mais, au contraire, une pacifiste qui, comme tous les pacifistes, réagit beaucoup trop tard et provoque les guerres les plus cruelles. Les huguenots étaient des fouteurs de merde qu'il aurait fallu réprimer beaucoup plus fort dès le début, mais uniquement avec des motifs politiques.
Il m'a fallu une lecture assidue de Montaigne pour le comprendre. Il passe à la fois pour un modéré et un proche des ultra-catholiques du marquis de Trans. Il est consulté pour sa modération et ne cache pas son admiration pour le duc de Guise, tandis que son portrait d'Henri IV est nuancé. Sa seule allusion probable au massacre de la Saint Barthélémy est terrible : « Le bien public requiert qu’on trahisse et qu’on mente et qu’on massacre ». Le bien public requiert qu'on massacre !
Montaigne répugne cependant à le faire lui-même : « Résignons cette commission à gens plus obéissants et plus souples ».
Le fond des choses est donné par Péguy : « L'ordre, et l'ordre seul, fait en définitive la liberté. Le désordre fait la servitude ».
Autrement dit, pour Montaigne, il faut ce qu'il faut. L'ordre juste prime tout car il n'y a pas pire que le désordre. Ce qu'Henri IV lui-même disait ainsi : « Il n'y a pire perte que la perte de l'Etat ». Et comme Montaigne, il savait de quoi il parlait. Montaigne reproche implicitement à Catherine de Médicis d'avoir trop louvoyé.
Nul doute que Montaigne et Henri IV condamneraient avec une extrême sévérité les gens qui, au nom de bons sentiments frelatés, laissent s'installer le désordre en France (immigration, délinquance, islamisme, corruption, abus de pouvoir, « Europe »...). Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, « extrême sévérité » sous ma plume, c'est la peine de mort. Les fossés de Vincennes au petit matin glacial pour quelques énarques soigneusement choisis feraient le plus grand bien à la France.
On comprend alors que nos modernes imbéciles à la Macron (les diplômes ne font rien à l'affaire, au contraire), qui croient pouvoir faire un islam de France, réhabilitent Catherine de Médicis : ils pratiquent la même politique, faussement machiavélique et faussement intelligente, mais vraiment lâche et vraiment funeste.
Nous connaissons donc la fin de l'histoire : Louis XIII et Richelieu, mains de fer dans gants de fer, rétablissent l'ordre d'abord et, en position de force, sur les cadavres des huguenots qui ont refusé de rentrer dans l'obéissance au roi, accordent une certaine tolérance et la paix civile.
Conclusion ?
Si on me disait « Pour rétablir l’ordre français dans les banlieues perdues, il faut quelques milliers de morts, d’un côté et de l’autre », je répondrais « C’est bien dommage, mais il faut ce qu’il faut, y compris si je fais partie des morts. C’est mieux que la guerre civile dans vingt ans et ses centaines de milliers de morts. Ou la servitude. ».
Les lâches, ceux qui refusent toujours de voir les choses en face, argueraient que la situation n’est pas si grave et qu’il faut continuer à procrastiner. C’est ainsi : justement, on redevient maitre de son destin à l’instant même où on cesse d’écouter ces gens.
Napoléon Bonaparte
Zemmour est bonapartiste, plus exactement napoléonien. Je le trouve excessif mais il se défend bien.
Préliminaire : les Français ont totalement intégré la propagande anglaise, l’Ogre Corse et tout le toutim. C’est pourquoi on a aujourd’hui plus de bonapartistes en Angleterre qu'en France : eux ne se laissent pas prendre à leur propre propagande.
Le Napoléon zemmourien est visionnaire. Il a compris avant tout le monde que le temps des nations européennes moyennes finissait, que le temps des empires arrivait, que la France était sur le déclin et qu’il fallait lui bâtir un empire avant qu’il ne soit trop tard.
« Napoléon a été le héros des classes populaires »
Bonaparte est coupable non pas d’avoir fait la guerre mais d’avoir fait la paix chaque fois trop tôt : il n’a pas démantelé la Russie, il n’a pas démantelé l’Autriche, il n’a pas démantelé la Prusse, il n’a pas mis à genoux l’Angleterre, alors qu’après chaque victoire, il en a eu l’occasion.
C’est l’erreur de Clemenceau en 1918 de ne pas avoir démembré l’Allemagne (digression : après l’écroulement de l’Autriche grâce à la victoire italienne de Vittorio Veneto –aucune contribution américaine-, l’armée d’orient avait la voie de Berlin ouverte -les Autrichiens laissaient libre passage- par Budapest, Vienne et Prague, c’est Clemenceau qui a arrêté Franchet d’Espérey. Pétain, lui, avait une offensive toute prête en Lorraine. Quand Foch a annoncé que Clemenceau refusait, Pétain en a pleuré ! Les vainqueurs de 1945 retiendront la leçon et n’auront aucun scrupule à diviser l’Allemagne, ce cancer au centre du continent). Le tsar Alexandre a trahi Napoléon au profit de l’Angleterre alors que l’encre du traité de Tilsitt n’était pas sèche. Joséphine : « Vous humiliez trop et vous ne punissez pas assez ».
Après 1815, c’est fini. Le sceptre continental est définitivement tombé des mains de la France. Désormais, la France vivra dans la peur de ne pouvoir se débrouiller seule et passera son temps à se chercher un tuteur et un protecteur.
L’empire colonial fut une distraction permise par le suzerain anglais, comme l’ont bien compris les anti-colonialistes les plus cyniques : la conquête coloniale gaspillait des ressources bien plus utiles pour reconquérir l’hégémonie continentale.
Talleyrand
Talleyrand est l'anti-Napoléon. Zemmour le déteste et il a bien raison. Son portrait de Talleyrand est aussi sévère que celui qu'en fit De Gaulle.
Notre époque l'adore, spécialement nos technocrates. C'est l'évidence, ils en partagent les vices : immoralisme, venin, absence de vision. Grandes habiletés, petite intelligence.
Petite intelligence, Talleyrand ? Oui, dans cet ordre des choses. Napoléon a compris que le temps des mastodontes arrivait et il a voulu faire à marche forcée de la France l'un d'eux. Talleyrand n'a rien compris, il en est resté à la vision royale (et dépassée) de l'équilibre entre nations de taille raisonnable. Résultat, la France a été écrasée successivement par l'Angleterre, par l'Allemagne et par les Etats-Unis.
Comme nos dirigeants se complaisent dans cette vision servile où la France est toujours dominée par quelque autre puissance, au nom de la raison et de l'équilibre, qui ne sont que de veules prétextes pour éviter le combat, ils vouent un culte au diable boiteux.
Le changement de notre vision de ce sinistre personnage est symptomatique. Tant que la France entretenait l'illusion d'être une puissance, il était fort mal vu. Quand la France a abdiqué sa grandeur, il est devenu un modèle.
De cette soif masochiste de soumission, De Gaulle se moquait en ridiculisant ceux qui sautent comme des cabris en criant « L'Europe ! L'Europe ! ».
Je la connais bien, je la vis au quotidien. Je vois la profondeur de la faille psychologique des élites françaises à ceci : quand je dis à des gens d'en haut que « l'union fait la force » est une illusion, que j'émets l'argument imparable que la Suisse et la Suède sont moins grosses que la France et pourtant plus indépendantes (et je ne parle pas de nos amis anglais qui reprennent leur liberté), ce qui prouve bien que la taille ne fait rien à l'affaire et que l'argument justifiant l'union européenne par la taille est spécieux, on me répond « Oui, mais ... ».
Ce « mais » est tout, il signe la barrière psychologique, le rejet spontané, irréfléchi (la réflexion ne vient qu'après, est un habillage d'une décision déjà prise, celle de refuser le combat), il signifie « Je n'arrive pas à répondre de manière honnête à tes arguments, mais ce n'est pas le problème, ma soumission vient de plus profond que des arguments, elle vient de la veulerie de ma classe sociale depuis des générations, de l'habitude de faire passer les intérêts patrimoniaux individuels avant toute chose, de la trahison que nous avons dans le sang, que nous avons apprise sur les bancs de l'école et dans les repas de famille ».
La sentence de Chateaubriand à propos de Talleyrand s'applique très bien à nos énarques et autres brillants sujets : « Il signait les événements mais ne les faisait pas ».
Le comte de Chambord et le tricolore
Les républicains, fidèles à leur nature, ont été des salopiauds avec la mémoire du comte de Chambord. Ils l'ont ridiculisé en accréditant le mythe qu'il n'était pas devenu roi de France par refus du drapeau tricolore. Ce n'était qu'un prétexte.
Le fond de l'histoire, c'est que le roi était national, catholique et belliciste. Tandis que les républicains étaient devenus pacifistes, car ils avaient besoin de paix pour consolider leur parti (toujours ça la gauche : faire passer les intérêts partisans avant les intérêts de la patrie) et par conséquent germanistes (Gambetta devenu copain comme cochon -comme Cauchon ?- avec l'ambassade d'Allemagne. Mais, vieux débat sur ce blog, qu'attendre d'autre d'un métèque ambitieux ? Qu'il ait la France aux tripes ?) et anti-catholiques.
Le comte de Chambord a refusé de prendre le pouvoir pour pratiquer la politique de grandeur qu'il appelait de ses voeux car il sentait que les Français ne le suivraient pas. C'est un peu plus profond qu'un bout de chiffon blanc.
Zemmour a évolué sur la question de la république. Il n'y a vu longtemps qu'un régime parmi d'autres, celui qui, au moins, avait fait la victoire de 1918 (mais la défaite de 1940). Il réalise aujourd'hui que, pour la France en position de faiblesse, l'universalisme républicain est un virus mortifère. Ce n'est pas un hasard que le discours parle aujourd'hui d'une vague république, mise à toutes les sauces, en oubliant « française ». « République française », ça vous dit quelque chose ?
De plus, il constate que, tout au long de son histoire, la république a été transie d'admiration et pétrifiée de complexe d'infériorité devant l'Allemagne. Ce n'est pas par hasard que le livre anti-napoléonien de Germaine de Staël s'intitulait De l'Allemagne. Même la IIIéme république préparant la revanche prenait modèle outre-Rhin.
Et Zemmour sait bien que le parti-pris germaniste de nos élites élites exaltées de soumission (vous savez le fameux couple franco-allemand qui n'existe que ce coté du Rhin. Si c'est un couple, il est sado-maso) est le pire envisageable pour la France.
La Simone
Ah ! Simone ! De Beauvoir, évidemment.
Zemmour a le courage de dire ce qu’il pense : le féminisme est une lubie de société riche et décadente, c’est la vérole qui finit de désarmer une société suicidaire, ayant perdu l’envie de se battre pour vivre.
Quand vient le temps de la misère et de la guerre, les femmes ont toujours besoin des hommes pour les défendre, parce qu’ils sont plus forts, plus agressifs, parce qu’il faut neuf mois de gestation et quelques années d’éducation pour faire un petit d’homme. La réalité n’est pas féministe. C’est pourquoi les féministes pet-au-casque font un effort désespéré pour détacher leur théorie débile de toute réalité physique.
Zemmour note aussi avec amusement que Simone de Beauvoir, lorsqu’elle tombe amoureuse et trouve une satisfaction sexuelle qu’elle ignorait avec Sartre, pas vraiment monté comme un étalon, jette le féminisme par-dessus les moulins et se comporte avec son amant comme n’importe quelle femme traditionnelle.
De toute façon, le bon sens dit ce que nous n’avons plus le droit de dire : le féminisme militant est un truc de gouines et de mal-baisées. Bien entendu, on naît femme (ou homme), on ne le devient pas puis on apprend à vivre avec. Et les femmes occidentales vivent depuis des siècles dans une culture où elles savent trouver leur place et faire sentir leur pouvoir. Elles n’ont pas attendu nos modernes féministes.
De Gaulle-Pétain
Je ne suis pas d’accord avec Zemmour mais je n’en parlerai pas : la classe jacassante, obsédée par la question juive, qui n’était qu’une question parmi d’autres à l’époque, a pourri ce débat par anachronisme. Je ne veux pas en rajouter sur une polémique convenue.
Zemmour, avec ses erreurs, reste cent fois plus intelligent que ses contradicteurs.
Nommer l'ennemi
Les ennemis d'Eric Zemmour sont toujours les mêmes : l'Europe (l'empire) contre la France, l'universalisme contre le la nation. Et les classes qui portent à travers notre histoire ces ennemis : les féodaux et les bourgeois.
L'histoire de France est tout entière dans ce dilemme : elle est à la fois universaliste et nationale. Soit la nation transcende l'universalisme et cela donne Saint Louis et les soldats de L'an II. Soit l'universalisme dissout la nation, attise les discordes et cela donne les guerres civiles et les défaites honteuses. Et notre état actuel. C'est ainsi qu'il faut comprendre la célèbre phrase de De Gaulle :
« Le côté positif de mon esprit me convainc que la France n’est réellement elle-même qu’au premier rang ; que, seules, de vastes entreprises sont susceptibles de compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ; que notre pays, tel qu’il est, parmi les autres, tels qu’ils sont, doit, sous peine de danger mortel, viser haut et se tenir droit. Bref, à mon sens, la France ne peut être la France sans la grandeur. »
Mais, comme la grandeur et le destin sont pénibles à porter, il suffit que je donne un coup de pied dans une poubelle ou que je sorte de mon bureau pour trouver cinquante Français qui vont m'expliquer qu'au nom de la générosité, il faut être gentil (c'est-à-dire en réalité se soumettre) avec les Anglais, avec les Allemands, avec les Américains, avec les Serbo-Croates, avec les Australopithèques et avec qui sais-je encore. C'est tellement plus facile d'être citoyen du monde ou de l'Europe que de s'assumer français.
Que veut dire s'assumer Français aujourd'hui ? Par exemple, militer pour l'éclatement de l'Euro, au risque d'y perdre, personnellement, son patrimoine ou sa retraite. Ou accepter de former des médecins français plutôt que de faire venir des Roumains. Ou mettre le prix pour que les poubelles soient ramassées par des blancs plutôt que par des noirs. Les sacrifices ne sont pas tous sur le champ de bataille.
Censurons, censurons, il en restera toujours quelque chose
Hélas, ce tour de d'horizon ne serait pas complet si on oubliait de signaler la vague de bêtise et l'appel à la censure que ce livre a provoqués dans les medias. Slate a publié une critique avouant benoîtement ne pas avoir lu l'ouvrage : Zemmour, c'est le Mal, alors pourquoi prendre des gants avec pareil personnage ?
Zemmour est banni du service public, pourtant payé avec nos redevances. On ne saurait mieux donner à voir que la télévision de l'Etat français n'est pas la télévision de la France et que l'intérêt de l'Etat français diverge de celui de la France.
Les optimistes arguent que ce déchainement de haine anti-Zemmour, qui ne prend même plus la peine de se cacher, montre que les salauds sont aux abois. Les pessimistes, dont je suis, en l'occurrence, pensent au contraire que le paysage médiatique est tellement dévasté et unilatéral que les enculés n'ont plus besoin de se cacher.
Alors, bien sûr, on peut répéter en consolation « où croît le péril, croît le remède ». Mais, pour l'instant, si le discrédit des médias ne fait aucun doute, on tarde à voir émerger une concurrence fiable et puissante.
Enfin, une critique radicale de Zemmour par Bruno Bertez (Bertez est un des fondateurs du journal La Tribune, pas un mélenchoniste le couteau entre les dents) (1).
Conclusion
Une série d'excellents portraits, et quelques faiblesses gravissimes. Le bonapartisme de Zemmour est excessif mais je reconnais qu’il le défend très bien.
Je n'apprécie pas totalement sa ligne générale, très pessimiste parce que trop mécanique, trop démographique. Cependant, PY Rougeyron et J. Sapir se trompent en niant la dimension religieuse et démographique de nos problèmes actuels (de toute façon, PYR, louant Zemmour pour son portrait positif de Robespierre et le condamnant pour son portrait négatif d'Hugo, deux totems de la gauche, montre ses limites, les méandres de sa pensée lui cachent les évidence les plus simples : l'universalisme de la gauche joue contre la France en position de faiblesse. PYR préfère le snobisme de se prétendre de droite tout en critiquant son camp, c'est une satisfaction d'amour-propre un peu minable).
Sur ce point, Zemmour a raison : l'islam est une maladie mortelle pour la France.
Je vais même plus loin : Zemmour n’est pas assez raciste (ou racialiste, je ne sais pas. Ces mots sont tellement piégés que j’hésite sur le mot juste). Il dit que la France n’est pas une race, c’est faux et archi-faux.
Ce qui est vrai est que, contrairement à l’Allemagne, et si on met Gobineau et quelques autres de côté, la France ne s’est jamais pensé en termes raciaux.
C’est tout simplement que l’homogénéité raciale était telle qu’elle allait de soi, qu’il n’y avait même pas besoin d’y penser, c’était une donnée. Mais cela ne signifie pas qu’elle n’existait pas et qu’elle n’avait aucune importance, bien au contraire.
Toutes les histoires de Zemmour « cette nation, qui n'est ni une race, ni une ethnie, ni même une géographie, est une construction tout artificielle, toute politique, qui doit tout aux hommes et rien aux éléments » ne prennent pas en compte que, dans l’ancienne France, la race allait de soi. On ne parlait pas de race, non point parce qu’on y avait pensé et qu’on avait conclu que ça ne comptait pas, mais parce que la question ne se posait pas et qu’on n’y avait pas pensé.
Or, l’hétérogénéité raciale porte la violence sociale (cf le Brésil et les Etats-Unis) voire la guerre civile, comme la nuée porte l’orage. C’est humain. La race est un facteur plus fondamental que n’importe quelle politique, surtout quand les différences raciales sont aussi des différences culturelles.
Il faut donc compléter la phrase de Zemmour : « cette nation, qui n'est ni une race, ni une ethnie, ni même une géographie, est une construction tout artificielle, toute politique, qui doit tout aux hommes et rien aux éléments à condition qu’elle soit peuplée en proportion écrasante de blancs catholiques ».
De Gaulle et sa fameuse phrase tant citée « nous sommes un peuple de race blanche, de culture gréco-latine, de religion catholique … » était plus lucide.
En fouillant sur internet pour trouver une critique solide de Zemmour, je tombe sur ceci : La France se fonde-t-elle sur une ethnie ? Sur une erreur majeure d'Eric Zemmour. J’en ai profité pour remanier un peu les quelques lignes ci-dessus.
Le livre de Zemmour est peu vulnérable sur le style et sur le contenu. Il est très agréablement écrit, il a un style, lui, dont je comprends que ces collègues écrivassiers, journalistes ou politocards, soient jaloux. Sur les faits, il fait son travail très sérieusement. On peut, en revanche, critiquer la ligne générale, comme je viens de le faire.
E. Zemmour va répétant qu'il fait de la politique puisqu'il mène la bataille des idées politiques. Mais on dirait qu'il n'y croit pas vraiment. En effet, il parle finalement assez peu des grandes idées politiques. Il croit que la démographie est tout.
Or, la France a toujours été aussi une idée, celle de la monarchie de droit divin, le nouvel Israël, le royaume du fils ainé de l'Eglise. Eric Zemmour n'a visiblement pas assez réfléchi à ce que représente le lys.
Tous les autres pays ont pour symbole des animaux agressifs, lion, ours, aigle, léopard ... La France, c'est le lys, cette fleur fragile et immaculée, interprétée comme un symbole christique. Zemmour qui, bien évidemment, ne l'ignore pas, aurait du plus y songer : on n'abat pas le royaume des lys facilement, parce que rien n'est résistant comme l'humilité. Comme le disait Chesterton, il est facile de vaincre une armée où tous se prennent pour César, c'est plus difficile de vaincre une armée où chacun est prêt à se sacrifier pour la victoire.
Les Français d'aujourd'hui ne sont plus capables de sacrifice ? Pas si sûr : il manque une voix qui les y appelle. C'est au final ce qui manque à Zemmour. Toutes les critiques que j'ai lues ou entendues me convainquent peu : ce livre est bien écrit et les portraits sont excellents. En revanche, il lui manque d'ouvrir des perspectives entrainantes, qui existent toujours. Il a en partage le noir pessimisme de De Gaulle mais sans qu'il soit compensé par le génie de l'action.
Or, l'action, pour la France d'aujourd'hui, consiste à s'arracher à la mélasse européiste, à regarder vers le grand large. Zemmour ne nous soumet aucun plan en ce sens. Pourtant, il en existe un : abandonner l'Allemagne à ses turpitudes, abndonner l'Euro, refaire une politique mondiale ...
Conclusion de la conclusion : lisez Zemmour. Je ne suis pas d’accord avec tout, mais c’est fort bien écrit (il ne fréquente pas les meilleurs auteurs en vain) et profond. Il y a une vraie réflexion personnelle sur le destin français. On est loin des poncifs médiatiques.
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Je n’aime pas Zemmour car c’est un rebellocrate au sens de Muray. Il fait profession d’être rebelle. Et puis j’ai passé l’âge d’être chevènementiste, même si j’ai une tendresse pour Jean Pierre. Pour moi la souveraineté c’est pas celle de la Nation mais celle du peuple, celle des individus concrets, ceux qui existent. La réification de l’Idée de Nation, très peu pour moi.
Je n’apprécie guère les gens qui glosent sur le monde mais contribuent au maintien de ce que j’appelle le désordre, l’ordre pervers actuel qui fait marcher les gens à côté de leurs pompes, les aliène. Les rend étrangers à eux mêmes.
Je me plais cependant à répéter que je n’ai aucun ennemi du côté des contestataires du système.
Le gros problème de ces gens que j’ai cité est qu’ils croient tous que l’on peut lutter contre le système en profitant des facilités qu’il offre. Ils s’attendent tous à ce que le système les laisse utiliser la logistique qu’il a construite, pour lui même pour se reproduire et se maintenir. C’est pure naïveté, le système sait que nous sommes en guerre, une guerre « soft » d’accord, mais une guerre à mort: lui lutte pour sa survie et il a tout à perdre. Ces contestataires quasi officiels voudraient qu’il , le système, les laisse se servir de ses propres armes pour le détruire! Les médias, la culture, l’audiovisuel public, France Culture etc.
Marine et Mélenchon partagent la même naïveté: croire que le système va leur offrir une Tribune pour autre chose que les utiliser à son profit!
Michel Clouscard a bien analysé le phénomène autour duquel je tourne : le système produit les propres moyens de sa reproduction. Il produit le peuple qui lui convient, la société civile qui permet sa reproduction et au passage il annexe sa propre contestation. Il vit, il dure de sa dénonciation. Le système est composé à la fois de ceux qui en font la louange et de ceux qui le critiquent. C’est une médaille à deux faces.
J’ai souvent reproché à tous ces gens d’être des intellectuels, des spiritualistes à la Berkeley, qui croient que la vérité s’impose d’elle même. Ils parlent, écrivent, critiquent mais croient que la vérité s’impose d’elle même par un pouvoir magique, ce fut très net pour le chevènementisme qui a dégénéré en une fonction tribunitienne.
Lénine a résolu le problème de l’impuissance des intellectuels en considérant qu’il faut que la vérité pratique, la praxis soit incarnée dans des groupes sociaux, des fers de lance. On a vu de quelle façon cette philosophie politique a débouché sur une réalisation historique nomenklaturiste encore pire que celle qu’elle était censé combattre.
Je n’ai bien sur pas la solution, mais au moins je suggère que le problème se pose: comment faire de la politique, comment contester efficacement à notre époque ?
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Mes fidèles lecteurs reconnaîtront une vieille critique que je fais à Zemmour (voir ce billet de 2010), même si je ne l'ai pas rappelée depuis quelques années : quiconque passe à la télévision entretient l'illusion que le Système laisse des espaces de liberté et qu'il est réformable (alors qu'il ne peut être que combattu à mort et détruit, ce qu'a très bien compris Trump) : Zemmour est, qu'il le veuille ou non, un pilier du Système, il est absorbé par lui et le sert.
Les vrais ennemis du Système ne participent pas à ses médias, ils les court-circuitent (Trump avec Twitter) ou les concurrencent (TV Libertés).
Alors, ceux qui veulent censurer Zemmour feraient-ils une erreur stratégique, ? Ne feraient-ils pas mieux de le laisser parler pour entretenir le mythe que nous vivons en démocratie ? Je le crois.
Pour conclure, j'ai un point de désaccord avec Bruno Bertez :
Je ne suis pas d'accord, dans le cas particulier de la France, pour mettre le peuple au-dessus de la nation. Sans nation française, il n'y a plus de peuple français, les ferments de divisions sont trop forts. Sans nation française, il n'y a plus que des Bretons et des Basques, des Savoisiens et des Corses et aussi des Noirs et des Blancs, des Chrétiens et des Maures.
C'est d'ailleurs ce qui est en train d'advenir : l'effacement de la nation française nous conduit à la guerre civile des communautés.
Alors, mettre le peuple au-dessus de la nation, c'est une idée. Mais la pratique risque de se solder par des rivières de sang. Bien sûr, comme les Français ont oublié que l'histoire est tragique, je vais me faire traiter de fada.
Mais c'est oublier que si j'avais dit à un Français de 1530 que trente ans plus tard, la France serait à feu et à sang, il m'aurait aussi pris pour un fada.
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