lundi, août 13, 2007

Discipline scolaire et discipline intellectuelle



On parle souvent de problèmes de discipline, et même de sécurité, à l'école, et plus spécialement à l'école publique.

Les fonctionnaires de l'éducation nationale, enseignants et administratifs, sont alors prompts à se défausser, jusque sur ce blog, sur l'extérieur : manque d'effectifs, société violente (plus violente qu'en 1920 ? Il faut voir) et pourquoi pas, la faute à l'ultra-libéralisme débridé et "totalitaire".

On fait mine d'oublier que la violence à l'école est un problème de l'école et que la cause principale, si ce n'est unique, doit, en toute logique, d'abord en être cherchée dans l'école.

Passons rapidement sur l'aspect matériel des choses : il est bien possible qu'avec des écoles plus petites, des pouvoirs disciplinaires plus importants, plus de surveillants, les choses iraient mieux. Mais l'éducation nationale n'étant pas en sous-effectifs, il est difficile d'affirmer que la cause des problèmes de discipline et de violence est dans le manque de moyens.

Peut-être les moyens y sont-ils globalement, mais mal utilisés, mal répartis, ils sont sans effet. L'hypothèse est déjà plus intéressante. Ca n'est pas un secret que l'inefficacité de l'éducation nationale la place au rang d'une administration soviétique.

Mais je crois que le problème est avant tout dans les têtes de ceux qui devraient promouvoir la discipline.

La discipline scolaire est une condition et un produit de la discipline intellectuelle.

C'est pour apprendre en classe qu'on a besoin de discipline et c'est parce qu'on a appris et qu'on est en train d'apprendre, pour le dire autrement, parce qu'on a la tête bien faite et bien pleine, qu'on est capable de discipline, et même que la discipline vient naturellement.

Un musicien bien formé se crée sa propre discipline de gammes et de répétitions.

Il en est de même à l'école : un élève avec quelques années d'expérience, encore faut-il qu'il ait été bien formé à des habitudes de travail, se plie de lui-même à la discipline, d'autant plus dans les matières qu'il aime. Ou, si il conteste la discipline, ce qui évidemment arrive, il connaît certaines limites, sauf cas extrême et par définition rare.

Des habitudes de travail, une certaine méthode d'apprentissage, des cours progressifs et structurés assurent de soi l'essentiel de la discipline. Les bons profs que j'ai connus élevaient très rarement la voix, pour ne pas dire jamais, et pourtant, ça n'était pas le foutoir.

Mais, si c'est le savoir lui-même qui est sans structure, amorphe, si on apprend tout et rien, si on ne doit pas travailler mais se faire plaisir, si en histoire, on fait du Français, si en biologie, on fait des maths, si la pédagogie est brouillonne et frustrante, si les classes mélangent des niveaux incompatibles, si on va du complexe vers le simple, si tout n'est qu'opinion, comment apprendrait-on la discipline scolaire là où il n'y a pas la discipline intellectuelle, et, ne l'ayant pas apprise, comment pourrait on la pratiquer ?

Or ce que je décris avec des "si" existe : c'est tout bonnement sous une forme simplifiée les méthodes et les programmes préconisées par notre éducation nationale.

Qu'on ne s'étonne plus alors qu'il n'y ait pas de discipline scolaire, puisqu'on a tout fait pour détruire la discipline intellectuelle qui en était la raison d'être.

Ces histoires de discipline ne sont donc pas des lubies de nostalgiques de la blouse grise, mais un fondement de l'enseignement.

On en revient indirectement aux programmes scolaires : puisque les programmes (les programmes scolaires au piquet) sont sans queue ni tête, comment espérer que l'école fonctionne ?

6 commentaires:

  1. Vous allez encore soulever des grondements sourds de ceux qui affirmeront que vous êtes un affreux réactionnaire, un nostaligique d'un ordre ancien, désuet et périmé. Bref, un quasi-fasciste qui veut embrigader l'esprit des enfants et des jeunes.
    Sachez cependant que si de tels propos émanent de vos accusateurs, je le recevrai pour moi même, certain - oh, le gros mot ! - que je suis que les cadres méthodologiques nécessaires à une pensée construite sont les meilleurs outils pour se forger une conscience et une opinion, les défendre sans violence, en saisir les nuances sans recourir aux simplifications des bonimenteurs de tous poils et, suprême action, être en mesure de les abondonner sans crainte si jamais il s'avère qu'elles étaient erronées.
    Découvrant sur le tard, au moment de l'écriture de ma thèse en science politique, les vertus et les grâces d'un texte sans faute d'orthographe ou de grammaire - certes, il reste encore sur 500 pages -, après des années de "j'm en foutisme", la joie qu'il y a de pouvoir écrire clairement, pour être lu et compris, sans fioritures, ni métaphore absconce qui cache bien souvent les lacunes du langage, je ne peux que déplorer l'état actuel dans lequel mes futurs enfants risquent d'apprendre l'orthographe, la grammaire, la s syntaxe, soit, en un mot, la langue.
    Dans d'autres circonstances, n'en déplaisent aux thuriféraires de le pédagogogie, j'ai pu constater combien l'incapacité d'exprimer clairement, sobrement ou non, une angoisse, une peur, un désir, une envie conduit effectivement à se comporter comme des hommes des cavernes.
    Le langage, je ne me souviens plus des références bibliographiques, ne ressortit pas uniquement d'une fonction utilitaire, échanger des idées, des valeurs, mais bien d'une fonction d'expression plus fondamentale, mettre des mots sur des maux de l'âme et du coeur.
    Lapalissade sans doute pour nombre de lecteurs aussi assidus que l'auteur de ce blog, mais réalité si souvent oublié par ceux qui ne veulent pas que les enfants "s'ennuient".
    Quitte à oser un mélange un peu étrange, ces personnes illustrent un camaïeux singulier fait de Tocqueville et d'Hitler. Le premier redoutait notamment la dictature douce de la majorité, le second, entre autres choses, ne voulait pas entre parler d'éducation et privilégiait la violence. Je me demande donc si par l'absence d'apprentissage efficace du langage, ce n'est pas cette violence, certes sous la forme douce tocquevilienne, que, sans nécessairement que ce soit pensé, les formes actuels de pédagogie mettent en place.

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  2. " je ne peux que déplorer l'état actuel dans lequel mes futurs enfants risquent d'apprendre l'orthographe, la grammaire, la s syntaxe, soit, en un mot, la langue."

    A condition d'avoir conscience du problème et du temps, il est assez facile de résoudre ces difficultés : les éditeurs et les libraires, en bons commerçants, proposent tout une gamme d'ouvrages qui permettent de faire à la maison le travail que l'EN non seulement ne fera pas mais vous contestera le droit de faire. Il y a même un guide intitulé Apprendre à lire à la maison.

    " j'ai pu constater combien l'incapacité d'exprimer clairement, sobrement ou non, une angoisse, une peur, un désir, une envie conduit effectivement à se comporter comme des hommes des cavernes."

    Ca se voit de plus en plus "Pousse toi d'là, nique ta mère, tu me fais chier grave, zy vas ..." est évidemment moins clair que "Madame, pourriez vous pousser, svp ? Je voudrais descendre à la prochaine station."

    Si ça peut vous rassurer (??), d'autres pays ont le même problème, T Darymple à écrit un article (http://www.city-journal.org/html/16_4_urbanities-language.html) pour expliquer comment on peut être prisonnier d'un vocabulaire étriqué. Il cite notamment le cas d'une enquête chez les filles-mères anglaises. Le sujet n'était pas leur vocabulaire, mais on voit que la pauvreté de language les empêche d'exprimer un sentiment complexe, de mettre les choses en perspective.

    Sachant que Tocqueville redoutait la dictature de la majorité, votre concept tocquevillo-hitleriste est un peu baroque ! Néanmoins, je suis d'accord avec vous : l'école a entrepris un important effort d'abrutissement des masses (bien éclairé par Brighelli dans La fabrique du crétin) qui est, de quelque coté qu'on prenne le problème, l'exact antithèse de l'instruction de futurs citoyens libres et responsables. Ce qui n'empêche d'ailleurs pas d'avoir "citoyen" (employé en tant qu'adjectif, pratique fort étrange et disgracieuse) à la bouche à tout bout de champ, je me demande si dans dans certains préaux, il n'y a pas des pissotières citoyennes.

    Brighelli et compagnie font cependant fausse route (quoiqu'ils soient devenus moins bruyants sur le sujet) en attribuant cette dérive à un prétendu complot ultra-libéral visant à produire des moutons consommateurs tout en "marchandisant" l'école.

    Ces gens n'étant pas spécialement idiots, ils finiront bien par ne plus mélanger leurs phobies anti-libérales avec leurs soucis pédagogiques.

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  3. Le niveau de ceux qui enseignent dans les IUFM et leur facilite d'elocution, en dit long sur le dogme et plus prosaiquement sur le but affiche de formater les esprits. N'est-il pas choquant de voir ces beaux esprits bac + 5 ou 6 se servir de leur culture pour assecher les cerveaux des plus jeunes, pire de ceux qui sont senses transmettre le savoir ?

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  4. Le CAPES a vu son niveau global franchement décroître ces dernières années.

    Soyons clairs : je ne dis pas que tous les certifiés sont mauvais, mais que l'hétérogénéité des reçus au concours rend son intérêt de plus en plus aléatoire.

    Les rapports de jury de ces dernières années insistent bizarrement sur le niveau des meilleurs reçus -- dont personne n'a d'ailleurs jamais contesté l'existence. Néanmoins, ils passent sous silence la qualité des professeurs reçus parmi les dernières places, alors que les rapports plus anciens le faisaient encore.

    Par exemple, pour les lettres modernes :

    http://www.education.gouv.fr/personnel/siac2/jury/2006/detail/capes_ext_letrmod.htm

    Or, la qualité d'un concours ne se mesure pas à celle de ses premiers reçus, mais des derniers. C'est un peu comme si la direction de l'aviation civile faisait une conférence de presse sur le thème : "Nous sommes heureux et fiers de vous annoncer que 35% de nos pilotes savent atterrir".

    La réaction immédiate des passagers serait : "on a 65% de chances de se crasher, quelle horreur !".

    Pourtant, les responsables de l'éducation nationale ne craignent pas de tenir de tels propos, sans que la presse ne dénonce leur mauvaise foi.

    Si on regarde le bas du classement (des reçus, on ne parle pas ici des recalés), les choses ne sont franchement pas reluisantes.

    Par exemple, en 2005, la barre d'admissibilité (la note qu'il faut à l'écrit pour passer l'oral) au CAPES de Lettres modernes était à 6.5. En Anglais, à 6. En maths, 6.2. On recrute donc des professeurs qui éprouvent d'énormes difficultés à écrire correctement. Les moyennes sont regonflées à l'oral pour sauver la face, grâce à l'épreuve de didactique dont l'IUFM a la charge.

    De plus, les taux de sélection sont en chute libre. En lettres modernes, le pourcentage de réussite était de 17% en 1999 ; il a bondi à 35% en 2005. Cela prouve que le vivier de volontaires s'épuise de façon catastrophique.

    Le chiffre est d'autant plus inquiétant lorsqu'on le compare à celui d'autres concours de la fonction publique. Les conservateurs de bibliothèques, par exemple, ne sont que 2% à réussir le concours. Cela veut dire que les meilleurs diplômés choisissent prioritairement d'autres voies avant de se rabattre sur l'éducation nationale.

    L'éducation nationale cherche ainsi à recruter par d'autres canaux. Les mères de trois enfants et les sportifs de haut niveau (!) sont dispensés de licence pour passer les concours. De plus, on multiplie les parcours annexes, plus faciles, simplement pour gonfler les chiffres. Existent ainsi, ou ont existé, des concours dit "internes", "spécifiques", ou "réservés"...

    Par conséquent, non seulement les concours (agrégation mise à part) ne valent plus grand chose, mais en plus un nombre important de nouveaux titularisés ne les passent même pas. Ce pourcentage a pu atteindre 40% à la fin des années 90.

    Il est donc hallucinant de voir les pédagogistes pérorer sur le "niveau qui monte", alors que la simple étude du flux des candidats prouve qu'ils ont fait le vide derrière eux. Et ça, c'est une preuve totalement objective : il suffit de compter les jambes et de diviser par deux.

    Pour finir, cela prouve également l'invraissemblable stupidité des syndicats lorsqu'ils réclament "plus de postes". A quoi bon multiplier les postes, si personne ne veut les occuper ?

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  5. j'ai eu l'occasion de rencontrer assez récemment plusieurs personnes d'environ 30 ans, voire moins, qui avaient abandonné l'éducation nationale car ils s'étaient sentis incapable de persister dans ce système.
    La situation de l'Education Nationale est vraiment pourrie.

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  6. L'EN a un petit coté URSS : sont promus ceux qui s'adaptent au système, ceux qui récitent le dogme du jour. Les rebelles, les individualistes ne vont pas au goulag. Ils vont simplement voir ailleurs.

    D'autres font de la résistance passive.

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