mercredi, février 13, 2019

Si vous doutez encore que Trump est intelligent, la preuve par l'atome. Et nous sommes fous.

Ça fait trois ans que je pense que Donald Trump est supérieurement intelligent.

Cet article est amusant parce que NN Taleb (vous savez, Le cygne noir, Antifragile, Jouer sa peau …) tient (voir les raisons dans l’article ci-dessous) pour un signe d’intelligence supérieure d’être obsédé ou, au moins, très soucieux, de la possible catastrophe ou guerre nucléaire.

Nucléaire, l'apocalypse oubliée

La bombe nucléaire est notre nouveau sacré, en ce sens qu'elle contient la violence: elle est la violence et elle l'empêche.
FIGAROVOX/LECTURE - Dans La guerre qui ne peut pas avoir lieu, le philosophe Jean-Pierre Dupuy démonte la mécanique infernale de «l'équilibre de la Terreur».
- Crédits photo : Desclée de Brouwer
«J'ai toujours beaucoup réfléchi à la question de la guerre nucléaire. C'est un sujet qui a beaucoup d'importance dans la manière dont je pense. C'est la catastrophe ultime, extrême, le monde n'a pas de défi plus important à relever, et pourtant personne n'analyse les mécanismes qui y mènent. Personne ne veut en parler. Je crois qu'il n'y a rien de plus stupide que de croire que ça n'arrivera jamais juste parce que tout le monde sait que les armes nucléaires ont un immense pouvoir de destruction et qu'on va donc se garder de les utiliser.»
L'auteur de cette tirade, mise en exergue dans le livre de Jean-Pierre Dupuy La guerre qui ne peut pas avoir lieu, va vous étonner: il s'agit de Donald Trump, dans une interview donnée à Playboy en 1990. De l'aveu du philosophe, il aurait pu la signer, tant le futur président américain dévoile là la réalité crue des armes de dissuasion. C'est qu'il faut peut-être être un fou pour dire la vérité de la folie nucléaire.
La catastrophe nucléaire, centrale pendant la guerre froide, est devenue une préoccupation secondaire
Cette «guerre qui ne peut avoir lieu», c'est la guerre atomique, évidemment. Celle, qui, selon le mot d'Einstein, serait suivie par l'âge des pierres et des frondes. Celle que plus personne ne pourra raconter. Devant ce trou noir que constitue la possibilité pour l'humanité de s'autodétruire, l'esprit s'arrête, incapable de penser le pire. Comme le lanceur d'alerte Daniel Ellsberg (l'analyste qui a provoqué la «fuite» des Pentagon Papers) demeura interdit lorsqu'il apprit que les plans qu'il contribuait à concevoir pourraient coûter la vie à 600 millions de personnes. Cent Holocaustes. Un chiffre proprement inconcevable.
Est-ce pour cela que nous nous en désintéressons? La catastrophe nucléaire, centrale pendant la guerre froide, est devenue une préoccupation secondaire, passant derrière l'effondrement écologique. Et pourtant. Après la période de désarmement qui avait suivi la fin de l'URSS, la prolifération est repartie de plus belle. L'horloge de l'Apocalypse, horloge conceptuelle créée par des scientifiques pour mesurer la menace nucléaire, est revenue à un stade équivalent au pire moment de la guerre froide: minuit moins deux, minuit figurant l'apocalypse nucléaire. Le récent désengagement des États-Unis et de la Russie du traité de désarmement INFvient confirmer le retour de cette menace un temps oubliée.
Seul un fou pourrait appuyer sur le bouton nucléaire
Malgré tout, peut-on justifier éthiquement l'existence de la bombe? Dans ce livre qui oscille entre théorie des jeux, métaphysique pure et analyses psychologiques, l'auteur de Pour un catastrophisme éclairé démonte la mécanique infernale de la rationalité instrumentale qui structure «l'équilibre de la Terreur», en anglais «Mutually Assured Destruction» (destruction mutuelle assurée) ou MAD, c'est-à-dire «fou». La guerre nucléaire, non seulement en finit avec les règles de la guerre juste (discrimination entre cibles civiles et militaires, proportionnalité), mais les assimile désormais à une utopie pacifiste. Pour être efficace, la guerre nucléaire s'appuie sur la déraison des acteurs: seul un fou pourrait appuyer sur le bouton nucléaire, il faut donc que cette folie soit plausible pour que la dissuasion soit efficace. Dupuy s'attaque aussi à l'argument ressassé selon lequel la dissuasion nucléaire prouverait son efficacité par l'absence de guerre conventionnelle ou nucléaire. Rien ne saurait démontrer en effet qu'en l'absence de la bombe une guerre aurait éclaté entre les grandes puissances.
Disciple de René Girard, et comme lui enseignant à Stanford, le philosophe connaît bien les relations entre la violence et le sacré mis au jour par l'auteur du Bouc émissaire. La bombe est notre nouveau sacré, en ce sens qu'elle contient la violence: elle est la violence et elle l'empêche. Nous devons vivre avec cette idole sanguinaire. Notre époque aime à ricaner des prophètes de malheur, mais Jean-Pierre Dupuy assume son pessimisme. Il nous invite à regarder en face l'«abomination» éthique que constitue la bombe, sans nous rassurer par de prétendus arguments moraux. Depuis le 6 août 1945, l'humanité est entrée dans «l'ère du délai» (Günther Anders) et l'Apocalypse est notre avenir.
La guerre qui ne peut pas avoir lieu, Jean-Pierre Dupuy, Desclée de Brouwer, 226 p., 17,90 euros




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