dimanche, mai 31, 2020

Madame de Pompadour, l'amour et la politique (Jacques Levron)


Pierre Gaxotte a beau avoir réhabilité Louis XV, ce n'est pas, de loin, notre plus grand roi.

Mais le choix de ses maitresses, la marquise de Pompadour et la duchesse du Barry, était excellent : contrairement aux calomnies (Michelet s'y est déshonoré), elles étaient des reines de beauté, mais aussi des femmes intelligentes et d'une grande bonté. C'est une des nombreuses taches sur la révolution que d'avoir guillotiné la du Barry (« Encore un instant, monsieur le bourreau »).

Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, a été maitresse du roi 6 ans et son amie 13 ans, avant de mourir à Versailles (c'est unique pour une maitresse) à 43 ans de la tuberculose. La période amicale est la plus originale, et la plus lourde de conséquences.

Louis XV, Dominique Strauss-Kahn versaillais, a des besoins sexuels de plus en plus impérieux et bestiaux à mesure qu'il vieillit. La Pompadour garde son estime non pas en organisant ces débauches sordides, comme le prétendaient ses calomniateurs, mais en s'en tenant plutôt à l'écart.

Elle a beaucoup de goût, le style Louis XV est en réalité le style Pompadour, elle est humainement recommandable et attachante, mais son influence politique a été mitigée.

Le troisième guerre de cent ans

Le règne de  Louis XV est tout entier pris par la troisième guerre de cents ans contre les Anglais, celle pour la suprématie mondiale, qui se termine à Waterloo.

La France a beaucoup d'atouts extérieurs, en particulier ses nombreuses colonies qui, bien utilisées, devraient lui assurer la maitrise des mers, mais son énergie est sapée de l'intérieur par le parti encyclopédiste que soutient dans une certaines mesure la marquise et par les insubordinations récurrentes des bobos de l'époque, les parlementaires.

Cet enculé de Voltaire, un homme cupide, méchant et vicieux, payé  par les Anglais et par les Prussiens, se moque, hélas avec son immense talent pour la méchanceté, de nos colonies, dont nos ennemis ont compris (ils ne sont pas cons) qu'elles étaient un avantage à discréditer à tout prix.

La situation n'est pas très différente d'aujourd'hui à cet égard : nos possessions d'outremer sont un immense avantage stratégique (la France est l'un des trois pays au monde à avoir légitimité sur tous les continents et notre plus longue frontière terrestre est en Amérique du Sud. L'Allemagne restera toujours un nain enfermé en Europe), mais nos ennemis européistes nous poussent à nous en débarrasser et, gouvernés par des traitres, nous cédons peu à peu.

Aujourd'hui comme hier, ses divisions internes, attisées par ses ennemis, qui ne sont pas tous étrangers, empêche la France de déployer une stratégie mondiale.

Les misères de la guerre de sept ans

La marquise écrit des lettres étonnantes de clairvoyance, plus que bien des diplomates et des soldats de profession. Malraux parle du bon sens de Jeanne d'Arc, on peut transposer.

Mme de Maintenon était du parti de l'abandon mais la ténacité de Louis XIV a fini par lasser ses ennemis. Ici, c'est l'inverse : la marquise, tuberculeuse, accablée de maux, vieille à 37 ans, ne cesse de pousser et de tirer un Louis XV capable de courage mais pas de persévérance.

Elle a bien conscience des faiblesses de la France puisqu'elle paye sur sa cassette 18 navires corsaires.

La marquise met son énergie à l'alliance autrichienne, à raison. Mais ce n'est au fond qu'un pis-aller pour la maitrise des mers perdue. Aucune bataille terrestre n'est décisive en Europe. Tous les printemps, c'est le même cinéma : trois armées désunies se présentent face à Frédéric II, qui les bat successivement, à la manière de Napoléon, et Voltaire, qui apprécie beaucoup l'or et les flatteries du roi de Prusse, lui tresse des louanges.

Les Français se foutent de cette guerre lointaine et ne sont préoccupés que des affaires intérieures, on est très loin des mobilisations générales de la république.

Montcalm battu au Canada, Lally-Tolendal aux Indes, la guerre est perdue. On peut rêver à ce qui serait arrivé si les priorités entre la terre et la mer avaient été inversées.

La perte du Canada est une petite habileté stratégique : Choiseul a prévu que la perte de leur ennemi commun provoquerait l'éloignement des Américains et des Anglais puis une guerre ouverte entre eux. Certes, il a eu raison, mais quel bénéfice pour la France ?

 



La France souffre terriblement de la médiocrité de son commandement.

Problème fondamental qui nous mine encore, ô combien, aujourd'hui. La France ne sait pas sélectionner et renouveler ses élites. Le seul véritable renouvellement des élites que nous ayons vécu dans notre histoire est la révolution : un seul général de Napoléon vaut tous les maréchaux de Louis XV.

La France souffre également d'un parti traitre, celui des encyclopédistes, Voltaire en tête, qui en pincent pour la Prusse et se réjouissent ouvertement des défaites françaises. Comme d'habitude, la désunion interne et la défaite extérieure s'alimentent l'une l'autre.

Vers la fin

La marquise meurt à 43 ans, le dimanche des Rameaux 1763, avec la dignité qui sied à une grande dame.

Le roi regarde passer son cortège funèbre de son balcon en écrasant une larme. Peut-être la seule fidélité, à part à ses enfants, qu'il ait eu de sa vie.

Elle eut été la maitresse d'un grand roi, elle brillerait au firmament de notre histoire, mais elle ne fut que la maitresse de Louis XV. Il ne reste d'elle qu'une rose et un style, même pas baptisé de son nom mais de celui du roi.

Laissons lui la parole. Ardemment catholique et patriote, elle fut l'ami de Voltaire et des encyclopédistes, et pourtant, dans une de ses dernières lettres au duc d'Aiguillon : 

« Je suis dans le désespoir, parce qu'il n'est rien qui en cause que l'excès d'humiliation. Est-il possible d'en éprouver de plus forte ? Etre battu n'est qu'un malheur. Ne pas se battre est un opprobre. Qu'est devenue notre nation ? Les Parlements, les encyclopédistes, etc. l'ont changée absolument. Quand on manque assez de principes pour ne reconnaitre ni divinité ni maître, on devient le rebut de la nature, et c'est ce qui nous arrive. Je suis mille fois plus effrayée de notre avilissement que je ne l'aurais été de la perte de toute l'escadre ».






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