jeudi, septembre 15, 2022

L'internationale nazie (A Bilheran)

 Cet opuscule complète The psychology of totaliarianism, de Mattias Desmet, dont le principal défaut est de ne faire aucune place à la perversité des dirigeants et à la fabrique du consentement. Ariane Bilheran reprend l’intuition de Jacques Ellul en août 1945. 

Hitler a perdu la guerre militaire mais a gagné la guerre politique, il a imposé subrepticement sa vision de l’homme comme moyen et non comme fin.

On sait bien que les anciens nazis ont peuplé les organismes internationaux : CEE, OTAN, ONU … Et que des descendants d'anciens nazis les peuplent toujours.

La question est : quelle part de l’idéologie nazie ont-ils apporté dans ces organismes ?

La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont combattu le nazisme (1) au nom de leur libéralisme. Le feraient-ils encore aujourd'hui ? J’ai un gros doute.

Depuis 2012, la Russie dépose tous les ans à l'ONU une motion condamnant la glorification du nazisme. Les USA et l'Ukraine, les autres pays occidentaux s'abstiennent.

Ariane Bilheran, inspirée par un passage d'Hannah Arendt (je suis toujours méfiant vis-à-vis d'Hannah Arendt : je n'oublie jamais qu'elle a été l'élève, la maitresse et la passeuse d'idées d'un nazi pur sucre), écrit que les nazis ont délibérément sacrifié l'Allemagne pour pouvoir se disperser dans le monde entier.

C'est leur attribuer des capacités de sang-froid et d'anticipation surhumaines, c'est du roman. Cela lui fait écrire de grosses bêtises (Martin Bormann a survécu, le sigle de l'OTAN est inspiré par un sigle SS, ...).

La vérité est plus prosaïque (rasoir d'Ockham) : dans la panique générale de 1945, les nazis ont pu improviser et sauver de petits bouts parce qu'ils avaient à leur service l'organisation de l'Etat allemand.

Ariane Bilheran passe donc complètement à côté du sujet à mon avis, qui est celui des accointances des idées nazies avec la modernité, qui leur ont permis de survivre aisément à travers quelques personnes bien placées, nazis très mollement repentis ou leurs descendants, justement sans avoir besoin de complot machiavélique.

Elle aurait pu développer sur Henry Ford et Charles Lindbergh, à la fois parangons de modernité et authentiques nazis. Ou IBM. Ou encore sur les affinités entre la pulsion anti-humaine des écolos et le nazisme. Ou sur la persistance de la haine du catholicisme.

Elle parle de Bill Gates, dont le père était copain comme cochon avec Margaret Sanger, fondatrice du Planning Familial, eugéniste folle, qui a eu des rapports très ambigus avec le nazisme. Elle parle de George Soros, jeune juif qui a participé à l'extermination d'autres juifs. Mais c'est insuffisant.

Bref, c'est la première fois que je trouve qu'Ariane Bilheran manque de finesse. Elle est influencée par sa vie en Amérique du Sud, où on croit à ses théories, dommage.

Ceci étant dit, oui, le nazisme est plus vivant que jamais : le soutien fanatique des gouvernements occidentaux aux Ukrainiens quelque peu nazis en témoigne tous les jours. Sans compter l'implémentation toujours plus avancée des idées nazies dans notre quotidien (eugénisme, euthanasie, transhumanisme, biologisme, société de contrôle, technocratie, haine du catholicisme, judéophobie, islamophilie, etc.).


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(1) : Une légende m’agace : les Anglo-Saxons auraient attendu la victoire de Stalingrad pour s’engager franchement contre le nazisme et aux côtés de l’URSS. C’est tout simplement faux.

Je rappelle quelques faits :

1) Les Britanniques décident de continuer la guerre sans les Français (ou plutôt, de ne pas rechercher la paix avec Hitler) la dernière semaine de mai 1940 (Five days in London, de John Lukacs).

2) Juillet 1940, après Mers-El Kébir, avant sa réélection en septembre, Roosevelt reprend sa correspondance secrète avec Churchill.

3) Mars 1941 : la loi prêt-bail bénéficie aux Britanniques.

4) 22 juin 1941, le discours de Churchill de soutien à l’URSS est sans ambiguïtés . Le premier convoi de matériel arrive à Mourmansk en juillet 1941.

Je n’ignore pas que :

1) Les USA sont entrés en guerre au bout de deux ans et demi et ont asséché l’or de la Grande-Bretagne. 

2) Le débarquement en France a été retardé (à juste raison, à mon avis) et que cela a laissé le temps aux Soviétiques de saigner les Allemands.

3) Plus anecdotique mais révélateur pour aujourd’hui. La Banque des Règlements Internationaux (la BRI) a maintenu en Suisse le contact entre Américains et Allemands, au point que le sénat américain a demandé sa dissolution en 1945. Les défenseurs de la BRI ont répondu « D’accord, mais il y a plus urgent, plus prioritaire » et la BRI existe toujours en 2022.

Bref, l’Amérique et la Grande-Bretagne ont bien lutté sincèrement contre le nazisme (même s’il y a eu d’autres courants dans les cercles de pouvoir, ils n’ont pas prévalu).

6 commentaires:

  1. Bonjour F., Merci de nous ouvrir l'horizon même si l'avenir semble sombre. Je préfère mourir les yeux grands ouverts que la tête dans le sable. Je vous conseille la lecture de "L'effroyable vérité" de Bruno Riondel, ou à tout le moins le fin du livre, chapitre intitulé "Du communisme au mondialisme ?" Car la finance/politique US s'est associée aux dictatures du XXe s et pas seulement au Nazisme... Personnellement, je ne vois pas comment l'humanité, et plus précisément les populations occidentales vont pouvoir s'en sortir.

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    1. J'ai lu Riondel. J'en ai même fait la recension.

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  2. "Les Britanniques décident de continuer la guerre sans les Français (ou plutôt, de ne pas rechercher la paix avec Hitler) la dernière semaine de mai 1940 (Five days in London, de John Lukacs)"

    J'ai correspondu sur le sujet avec John. C'est un peu plus compliqué. Fin mai, rien n'est joué, Churchill ne fait que gagner du temps en subordonnant la décision au bilan de l'évacuation de Dunkerque.
    Il est tellement inattendu que la discussion ne reprend pas. Elle ne reprendra jamais. Cependant, le partisan le plus déterminé de la négociation avec l'ennemi, Halifax, tente toutes sortes de moyens obliques, surtout fin juin, au moment et au lendemain de l'armistice français.

    L'affaire commence à être un peu mieux connue, le film Darkest Hour de 2017 ayant levé un coin du voile (moyennant beaucoup de déformations).

    Parmi les raisons de l'aveuglement, une conception de l'histoire trop sociologique, ne laissant plus beaucoup de place aux individus même lorsque les institutions les dotent de très grands pouvoirs et qu'ils savent les utiliser pour imprimer leur marque aux événements.

    Ainsi cette guerre, contrairement à presque toutes les autres, est très largement un combat entre le bien et le mal (ou, si l'on préfère une formulation plus laïque, un bien et un mal), incarnés chacun par un champion.

    Après plus de trente ans de décryptage du nazisme, je suis de plus en plus convaincu sue l'essentiel reste à découvrir. Ainsi, ce n'est que depuis une dizaine de jours que m'est venue l'idée que la mort subite de l'ambassadeur allemand à Londres le 10 avril 1936 méritait une enquête et que mieux vaut tard que jamais !

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  3. Je suis en train de faire le tour des morts subites qu'Hitler aurait pu ordonner. Par ordre chronologique :
    - Roland Köster (1993-31 décembre 1935)
    - Leopold von Hoesch (1881-10 avril 1936)
    - Bernhard Wilhelm von Bülow (1885-21 juin 1936)
    - Ernst vom Rath (1919-9 novembre 1938)
    - Franz Gürtner (1881-29 janvier 1941)
    - Ioannis Metaxas (1871-29 janvier 1941)
    - Rudolf Hilferding (1877-11 février 1941)
    - Pal Teleki (1879-3 avril 1941)
    - Marx Dormoy (1888-26 juillet 1941)
    - Hanns Kerrl (1887-12 décembre 1941)
    - Walther von Reichenau (1884-17 janvier 1942)
    - Fritz Todt (1891-8 février 1942)
    - Carl Röver (1888-15 mai 1942)
    - Karl Lasch (1904-1er juin 1942)
    - Henri Mordacq (1868-12 avril 1943)
    - Jakov Djougachvili (1907-14 avril 1943)
    - Fritz Schmidt (1903-26 juin 1943)
    - Maurice Sarraut (1869-2 décembre 1943)
    - Eugène Deloncle (1890-7 janvier 1944)
    - Victor Basch (1863-10 janvier 1944)
    - Galeazzo Ciano (1903-11 janvier 1944)
    - Walter Brugmann (1887-26 mai 1944)
    - Marc Bloch (1886-16 juin 1944)
    - Jean Zay (1904-20 juin 1944)
    - Georges Mandel (1885-7 juillet 1944)
    - Véra Obolensky (1911-4 août 1944)
    - Rudolf Breitscheid (1874-24 août 1944)
    - Joseph Bürckel (1895-28 septembre 1944)
    - Arthur Nebe (1894-21 ? mars 1945)
    - Wilhelm Canaris (1887-9 avril 1945)
    - Albrecht Haushofer (1903-23 avril 1945)

    Je penche pour l'acquittement dans quelques cas. Pas beaucoup.

    Je suis preneur d'autres pistes.

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  4. L'histoire de la survie de Bormann, je ne pense pas que cela est venu d'abord des sud-américains, mais du livre Nazi in Exile du journailste américain (de premier plan) Paul Manning. A qui ce livre a valu la déchéance professionnelle et, a-t-il affirmé, l'assassinat d'un de ses fils. Le fils survivant est persuadé que c'est la raison de la mort de son frère. Est-ce que vous avez regardé des photos de Bariloche en Argentine sur Internet? Lieu visité aujourd'hui assez régulièrement par des dirigeants occidentaux, je n'ai jamais compris pour quelle raison impérieuse, si ce n'est que l'endroit semble agréable. Est-il contestable, en revanche, qu'une partie de l'appareil nazi (sous la direction de Bormann) a organisé, longtemps avant la défaite, qu'ils anticipaient, le transfert à l'étranger de sommes considérables? Les Alliés en ont-ils recouvré l'intégralité?

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    1. La mort de Bormann en 1945 ne fait aucun doute. Identification ADN.

      Trop de gens considèrent les nazis comme tout-puissants, omniscients, omni-prévoyants.

      Dans l'atroce bordel de l'Allemagne de 1945, les nazis songent d'abord à sauver leur peau individuellement.

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