Maurice Genevoix fait partie, comme Stendhal, Péguy ou Maupassant, de ces auteurs qui n'ont pas l'heur de plaire à notre tribu enseignante.
Passons sur le fait que, le niveau baissant, les élèves sont de moins en moins capables d'apprécier des œuvres un peu fines, ironiques et complexes ; tout n'est pas perdu de ce coté.
On peut trouver Zola et Hugo, auteurs recommandés, assommants ; à condition de ne pas le dire car ce serait un blasphème.
Par dessus les auteurs bien vus, on ajoute deux louches de littérature jeunesse misérabiliste, pour achever d'orienter les élèves, et, hop, le tour est joué, voilà formés des «citoyens» (comprendre : de bons petits soldats pour les démagogues de gauche).
Mais, on ne fournira surtout pas aux élèves l'occasion de se frotter à des individualistes, qui prennent leurs distances avec le troupeau et les passions collectives, qui restent sur leur quant-à-soi, dont la fierté ne se soumet pas à l'exaltation de la «bonne cause», des sceptiques devant les enthousiasmes panurgesques. Lucien Leuwen passe ton chemin.
Le cas de Maurice Genevoix est intéressant. On ne peut pas dire que ces œuvres soient de droite, mais ne pas être de gauche suffit à le condamner aux oubliettes.
La qualité de ses écrits n'est pas en cause, elle fait l'unanimité, et l'intérêt de Raboliot ou de La boite à pêche pour des jeunes est difficilement contestable, sauf bien sûr à prendre les élèves des imbéciles capables seulement de s'intéresser à ce qui leur ressemble.
Le vrai crime de Genevoix, qui l'expédie dans l'enfer des bibliothèques scolaires, est tout entier dans ses livres :
> il a pu décrire la guerre, et de quelle façon, sans jamais en accuser la capitalisme et la lutte des classes.
> ses héros sont des paysans, des braconniers et des pêcheurs, pas des ouvriers. Raboliot n'était pas plus riche que Lantier, mais surement moins apte à éveiller la conscience de classe des élèves, à faire d'eux des «citoyens», au sens si particulier que donnent à ce mot nos servants du gauchisme.
> Genevoix, écrivain naturaliste, qui connaissait mieux la nature que tous les élus écologistes de Paris pris ensemble, n'a jamais eu un mot pour un parti politique écologiste.
> Dans Trente mille jours, il a expliqué sans équivoque son refus d'être un écrivain engagé.
Non, vraiment, Genevoix, passé aux critères de notre populace enseignante, c'est pas du monde bien.
Alors, il reste lu par les «happy few» qui ont eu la chance d'être séduits, hors de l'école, par un de ses livres. Il est ainsi dans le même cas que Stendhal, Montherlant, Morand, Maupassant, Péguy et même Proust. Fameuse compagnie, au demeurant.
Mais c'est tout de même rageant. (Ca permet des allitérations en "an" qu'aurait vigoureusement condamnées Flaubert).
(Les lecteurs de Ceux de 14 auront reconnu dans la première photo ce portrait que Genevoix s'est fait tirer en permission à Verdun avant de retourner aux Eparges.)
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