Je suis peiné et très inquiet de voir à quel point a disparu de la scène publique, et même privée, la notion de patriotisme (1), c'est-à-dire le sentiment de ne pas s'être fait que par soi-même, d'hériter d'une culture, d'une histoire, d'ancêtres, d'appartenir à ce pays et pas à un autre.
Certains, à courte vue, s'en féliciteront, confondant les meurtriers excès du nationalisme avec le patriotisme.
Or, le patriotisme s'oppose au tribalisme. Entre patriotisme et tribalisme, mon choix est fait.
Le patriotisme manque, mais aussi le courage et l'intelligence. JD Merchet a bien raison de le rappeler : la guerre tue des hommes jeunes. Si on ne veut pas que de jeunes Français meurent à la guerre, on ne fait pas la guerre.
Si on fait la guerre, on supporte, on endure, on encaisse. On ne se comporte pas comme des mauviettes pleurnichardes.
Vraiment, se faire tuer dix hommes est pénible. Mais la pusillanimité, la pleutrerie, la veulerie de nos dirigeants, de nos medias et, peut-être, de notre peuple sont affligeantes.
Signe qui ne trompe pas : personne n'a encore parlé de vengeance, pourtant réaction naturelle d'un peuple sûr de lui et de son droit en ses circonstances.
Nous sommes tombés bien bas.
(1) : certes, si les notions ont un sexe, celle-ci est masculine, ce qui n'est pas très bien vu de nos jours, dans notre monde maternaliste jusqu'à l'absurde.
Cette exhibition est-elle indispensable à la vérité ?
Le point de vue de Max Gallo
05/09/2008 | Mise à jour : 12:40 | Commentaires 12
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Crédits photo : Le Figaro Magazine
L'académicien s'insurge contre la publication d'un reportage (dans l'hebdomadaire Paris Match) donnant la parole aux talibans et les montrant en train d'exhiber du matériel pris aux soldats français tués en Afghanistan.
Nous savons maintenant que les Talibans peuvent gagner la guerre d'Afghanistan. Non pas parce qu'ils ont tué dix de nos soldats, ou qu'ils remporteront une victoire décisive sur le terrain. Mais parce que leurs succès militaires seront relayés par un triomphe médiatique. La preuve vient de nous en être fournie. Paris-Match titre son reportage exceptionnel sur le commando taliban : «La parade des talibans avec leurs trophées français». En effet les «ennemis» «paradent» avec casque, gilet pare-balles, armes françaises. «Tant que vous resterez chez nous, dit leur chef, nous vous tueront tous». Il ajoute «Ces hommes sont morts à cause de Bush et de votre Président».
Les photos légitiment, authentifient ce discours classique de propagande.
Or les guerres contemporaines ne se gagnent pas sans basculement de l'opinion. Et celle-ci est mise en condition par cette «parade» offerte à l'ennemi. Mais au-delà de cette victoire médiatique flagrante - par capitulation - la publication de ce reportage pose bien des questions.
La liberté de la presse dans le cadre des lois doit être totale. Certes. Mais cela renvoie à la sensibilité, aux valeurs, à la responsabilité de chacun. A une évaluation de ce qu'apporte le choix de la publication et de ce qu'il saccage.
Après avoir vu ces photos, lu cette interview du chef taliban, la connaissance de la vérité a-t-elle progressé ? Point essentiel. Car nos soldats morts exigent la vérité. Rien ne doit être laissé dans l'ombre, ni les buts de guerre, ni les carences et les erreurs éventuelles. Et il faudra sur la guerre, un débat parlementaire et un vote.
Mais est-il indispensable à la vérité qu'on arrache le linceul de nos soldats morts ?
Or les photos de vêtements, d'une montre permettent à ceux qui sont dans la folle souffrance du deuil de tout imaginer et d'abord le pire.
Il ne s'agit pas ici de liberté de la presse mais de morale et de respect. Il y a plus encore. Connaître l'ennemi, comprendre ses mobiles, le combattre en le respectant ce sont les règles qu'applique une armée républicaine, enracinée dans les droits de l'homme. Mais l'ennemi est un ennemi. On ne lui sert pas la soupe qu'il désire. Et est-ce trop demander qu'on respecte les fils de la nation morts en exécutant les missions qu'elle a donné. Autrefois quand la nation était en guerre, on disait en pensant aux soldats en danger, aux soldats morts : «Ce sont les nôtres». Les nôtres ? Ce mot s'est-il perdu ?
Et le point de vue de JD Merchet :
Mon opinion: les autorités françaises affaiblissent la résilience face aux talibans
Dans l'affaire de l'embuscade, les talibans sont en train de gagner la bataille de la communication et, par leur attitude, les autorités françaises les y aident. C'est désolant.
1) Paris Match publie des photos d'insurgés afghans exhibant les armes et les équipements qu'ils ont dérobés aux soldats français tombés sous leurs coups. Ils posent en vainqueurs. Aussitôt les responsables politiques, ministre de la Défense en tête, se précipitent sur les micros pour dire tout le mal qu'ils pensent de l'intiative de Paris-Match ! Ces photos touchent une corde sensible, soit, mais faut-il pour autant s'abstenir de réflechir ? De Daniel Cohn-Bendit à Philippe de Villiers en passant par Max Gallo, le concert est unanime. Plutôt que de taire sa douleur, chacun l'exprime à haute voix, donnant par là un formidable écho à l'opération médiatique des talibans. Tous se laissent gouverner par l'émotion.
2) L'exemple vient d'en haut. A peine la nouvelle de l'embuscade était-elle connue, le 19 aout, que l'Elysée se réservait la communication sur le sujet pour annoncer aussitôt une visite de Nicolas Sarkozy à Kaboul. « Relevez la tête » dit-il alors aux soldats, comme si ceux-ci l'avaient baissée. On passera sur la désinvolture de quelques attitudes et petites phrases... Il y eut ensuite la grande cérémonie aux Invalides, où le ban et l'arrière-ban de la République étaient convoqués. On y vit les familles éplorées et le président en majesté. Avec la mort de ses soldats, la France vivait un drame national. Là encore, l'émotion gouvernait. Et il y a désormais cette idée saugrenue d'emmener les familles des soldats tombés en visite quasi-officielle en Afghanistan, la semaine prochaine. Du jamais vu qui fait tousser la plupart des militaires.
3) Ces attitudes politico-médiatiques ne renforcent pas la résilience du pays, c'est-à-dire sa capacité à encaisser les coups que nos ennemis disent vouloir nous porter. Nos soldats sont engagés dans des opérations de guerre par les autorités françaises. De grâce que l'on ne s'étonne pas que des soldats meurent à la guerre et que ces soldats sont jeunes, qu'ils ont des familles et des copains. La guerre n'a jamais été autre chose. Si on décide de la faire, il faut s'y préparer moralement. Ce n'est jamais une belle chose.
4) Depuis le début, les autorités politiques et militaires peinent à convaincre sur le déroulement exact de l'embuscade. Aujourd'hui encore, le Parisien publie le témoignage de la mère d'un soldat qui met en doute la version officielle. Idem pour les soldats blessés qui s'expriment dans Le Monde. Ce que refuse de dire le ministère de la Défense et l'Etat-major des armées porte sur les circonstances exactes de la mort des soldats. Du coup, toutes les hypothèses fleurissent: éxécution de prisonniers, sévices sur les corps, retards des renforts qui ont conduit à la mort de soldats blessés non secourus, etc. Les autorités, qui ne sont pas claires sur ce sujet, se justifient par le respect dû aux familles des morts. Cet argument est très contestable : les soldats tombés sont les soldats de la France et c'est pour cela qu'ils sont morts. Ils ne sont pas, dans ce cas précis, les enfants de leur famille, mais ceux du pays. Si des soldats français ont été exécutés par les talibans, si leur corps a été maltraité, la France a le droit de le savoir. L'opinion, c'est-à-dire le peuple français, est bien plus capable d'encaisser cette nouvelle que ne le sont la plupart des responsables que l'on a entendu depuis le début de cette triste affaire.
Et celui de l'ADEFDROMIL :
HALTE AU MANAGEMENT COMPASSIONNEL DE L’ARMEE FRANCAISE
Article publié le 28 août 2008 à 12:09
Après avoir traité d’amateurs les paras et les militaires de l’armée française -c’était le 30 juin-il a fallu treize jours au chef des armées pour faire acte de contrition par un message du 13 juillet dans lequel il leur exprimait « toute son estime et son amitié ». Le lendemain après un défilé impeccable devant de nombreux chefs d’état et de gouvernement, il déclarait être « fier d’eux ».
Il est vrai qu’il fallait calmer les rancœurs des troupes vilipendées et auxquelles on impose un plan de restructuration drastique, dont les effets réels ne vont se faire sentir que dans les mois à venir.
Il faut croire que le « château » alerté par les notes des états-majors, de la direction de la protection et de la sécurité de la défense et surtout par celles des services de police craint toujours un beau clash qui rendrait publique la haute estime dans laquelle beaucoup de militaires en activité et en retraite le tienne désormais.
A cet égard, personne ne contredira que l’expérience militaire de Nicolas Sarkozy, ex gondolier de couloir de l’état-major de l’armée de l’air à BALARD en 1979, ne l’a pas vraiment préparé à tenir la fonction de chef suprême des armées. Son style de commandement alterne donc entre le coup de gueule du sous-lieutenant et la compassion paternaliste d’un maréchal de France.
L’épisode afghan est tombé à pic pour lui permettre de tenter de se rabibocher avec son armée sur ce mode compassionnel qu’il maîtrise si bien. Politiquement, il est toujours bon de faire pleurer Margot et en l’occurrence les familles de ceux qui sont morts au combat.
Depuis la terrible embuscade d’Uzbin, le président ne quitte plus ses paras. Car, derrière son rôle de chef des armées meurtries par la perte douloureuse de dix jeunes hommes, il y a surtout le malentendu profond, pour ne pas dire le malaise qui s’est établi entre lui et ses troupes et qu’il s’efforce de dissiper à chaque occasion.
Certains ont critiqué, non sans raisons, la précipitation avec laquelle il s’est rendu à Kaboul au risque d’envoyer un très mauvais message aux talibans. Si les chefs d’état ou de gouvernement des pays de la coalition qui endurent le plus de pertes - Etats-Unis, Royaume Uni, Canada- se rendaient à Kaboul aussi promptement que Nicolas Sarkozy, ce serait un ballet perpétuel chez Amid Karzaï. Toutefois, on peut comprendre que le président ait voulu rendre l’hommage de la nation aux soldats morts pour la France. Ils le méritent.
Il a ensuite logiquement présidé la très belle cérémonie des Invalides où il a remis la croix de chevalier de la Légion d’honneur à ceux qui sont tombés. Depuis l’automne 2007, il semble bien que des consignes aient été données à la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur pour que, désormais, les non-officiers soient traités sur un plan d’égalité avec les officiers face à la mort en service ou au combat. Le « château » n’a fait ainsi que suivre les revendications de l’ADEFDROMIL, comme le laisse entendre un courrier d’un officier de l’état-major particulier adressé à notre association le 25 septembre 2007.
Enfin, il s’est rendu le 26 août à Castres pour en remettre une couche. Certes, le chef des armées est chez lui dans n’importe quelle caserne de France. Mais là encore tant de compassion voire de complaisance laisse à penser qu’on craint en haut lieu des réactions individuelles ou collectives et que les circonstances de l’embuscade n’ont pas toutes été livrées au public. D’ailleurs, les blessés ont reçu des consignes de discrétion à l’égard des médias.
A cet égard, il faut féliciter le courage de Jean Dominique MERCHET, journaliste accrédité à LIBERATION qui a rapporté l’information sur son blog Secret Défense.
Le doute est désormais légitime : y a-t-il eu des prisonniers et si oui dans quelles circonstances ont-ils été assassinés ? C’est une question de transparence expressément promise par le chef des armées aux familles et que l’ADEFDROMIL n’a pas manqué de poser dans son communiqué au moment où tout le monde, médias compris, gobait le beau scénario présenté par le ministre dans sa conférence de presse.
Dans le même temps, on a appris que les familles pourraient se rendre à KABOUL voire sur les lieux de l’embuscade fatale. On croit rêver ! Verra t-on un jour les avocats et les huissiers déboulés sur le champ de bataille pour tenter de déterminer si les bonnes décisions ont été prises et s’il n’y a pas une faute de « l’administration » susceptible d’entraîner sa responsabilité dans le décès de ses agents ? Même les Américains n’en sont pas encore là.
Il est vrai que pour le ministre de la défense, chef du ministère et d’écurie, il n’y pas de guerre en Afghanistan ! Tout au plus des opérations de maintien de l’ordre comme en Algérie ? De la négation de l’évidence de la guerre à l’omission de certaines circonstances de l’embuscade, il n’y a qu’un pas, qui ne serait qu’un faux pas supplémentaire pour Hervé MORIN.
On va donc emmener des civils sur un théâtre d’opérations. Quel sera leur statut juridique : touristes invités par le ministère de la défense, collaborateurs du service public, etc ? Seront-ils couverts par l’Etat en cas de blessures ou de décès ? Leur conseillera t-on de souscrire une bonne assurance décès avant de partir ? Bref, tout cela n’est pas sérieux et procède d’un management compassionnel qui décrédibilise notre armée et la France et envoie un très mauvais message aussi bien à nos adversaires qu’à nos alliés. Que les familles puissent se rendre en Afghanistan avec l’aide de l’Etat, une fois la paix civile revenue, nous semble légitime. En revanche, les autoriser à s’y rendre dans les circonstances actuelles relève de la mascarade.
Par chance pour le gouvernement et le chef des armées, il n’y a pas parmi les victimes de l’embuscade d’Uzbin de militaires pacsés depuis moins de trois ans. En effet, à ce jour, leurs ayants-droits n’auraient pu bénéficier des allocations prévues par le fonds de prévoyance militaire.
La requête de l’ADEFDROMIL pour faire annuler cette disposition aberrante et illégale, mais approuvée naïvement par le CSFM (conseil supérieur de la fonction militaire) va être examinée à l’audience du Conseil d’Etat le 3 septembre prochain. Espérons que les sages du Palais Royal auront suivi l’actualité et rejetteront les arguments entêtés du ministre que nous ne manquerons pas de publier le moment venu… pour en rire ou en pleurer.
Jacques BESSY, Vice Président de l’ADEFDROMIL
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Il y a guerre et guerre ! L'Afghanistan, une grande cause patriotique ? Décidée par qui ?
RépondreSupprimerVous avez la mémoire très courte, Canut.
RépondreSupprimerVous semblez avoir oublié que l'engagement français en Afghanistan faisait l'unanimité au moment où il a été décidé.
Il a été décidé par ceux qui en avaient la responsabilité, c'est-à-dire le gouvernement.
On peut mettre en question cet engagement.
Ma réponse est claire : il est impossible de contrôler l'Afghanistan. Par contre, qu'il reste en permanence une petite force pour empêcher les talibans et les djihadistes d'en prendre trop à leurs aises me parait raisonnable.
Je sais, ce n'est pas terrible comme situation, mais il faut faire avec.
"une grande cause patriotique"? Mais lutter contre le totalitarisme islamique n'en est-il pas une? Maintenant, on peut effectivement avoir de sérieux doutes quant à la manière de le faire... surtout si on n'est pas prêt à se défendre sérieusement car, à n'en pas douter, il s'agit là d'un combat de longue haleine, et les démocraties y rechignent toujours...
RépondreSupprimerDonc à quand le retour au bercail, la queue entre les jambes?