vendredi, novembre 28, 2008

En défense d'Angela

J'adore penser à contre-courant. C'est mon coté provocateur (c'est des fois un peu facile), mais l'unanimité injectrice commence vraiment à me gonfler (en plus d'être terriblement dangereuse).

C'est pourquoi j'ai apprécié cet article d'Eric Le Boucher dans Les Echos, en défense d'Angela Merkel.


L'égoïsme allemand a été critiqué de toutes parts à l'étranger au point qu'Angela Merkel a cru devoir s'en expliquer devant le Bundestag, mercredi. Sa réponse est très intéressante parce que, comme toujours outre-Rhin, elle va au fond des choses.

1) Ces plans de relance sont dangereux. Ils ouvrent les vannes du crédit alors que c'est un trop-plein de crédits (immobiliers aux Etats-Unis) qui a provoqué la crise. En clair, les pays anglo-saxons, qui ont fait des bêtises avec de l'argent facile, nous invitent, nous vertueux Allemands, à les suivre. « Nein ».

2) Le rôle du gouvernement n'est pas « de surmonter la crise » mais de « préparer un pont pour la reprise qui viendra en 2010 ». Comme les ménages allemands n'ont pas perdu confiance (les indices l'indiquent en effet) et que la baisse du pétrole va apporter du pouvoir d'achat, il suffit de mesures ciblées de sauvegarde (automobile par exemple). Si les choses s'aggravent, on verra.

« Ce sont des arguments pré-keynésiens », dénonce Jean Pisani-Ferry de l'institut Bruegel. L'effondrement de la demande des ménages impose aux Etats de prendre le relais. La récession, si aucun plan de relance n'était décidé, pourrait vite devenir dépression. « La Commission l'a compris, elle a basculé. Mais pas l'Allemagne, qui n'a toujours pas pris conscience de l'ampleur de cette crise. » Patrick Artus, de Natixis, va plus loin en évoquant « une politique économique constante, ces dernières années, de passager clandestin ». L'Allemagne a baissé ses coûts en réduisant ses salaires depuis sa réunification. Ses exportations se portent bien, elle croît grâce aux marchés des autres. Mais, inversement, son propre marché est terne et ses partenaires ne peuvent rien y vendre. Berlin recommence avec le plan européen. Cette attitude « non coopérative pose problème de la part du plus gros pays européen ».

L'Allemagne a, chevillée au corps, la certitude de mener une bonne politique, celle de la rigueur des salaires, celle de l'orthodoxie budgétaire. Ce sont les autres, laxistes, qui se trompent. En pleine année électorale (vote en septembre prochain), le débat a peu de chances de remettre en cause cette idéologie allemande. Mais les faits pourraient l'y conduire tout de même. L'approfondissement de la crise pourrait forcer l'Allemagne à ne plus seulement pouvoir compter sur la relance des autres. Si son moteur des exports s'éteint, ne va- t-elle pas être contrainte à relancer sa propre consommation interne ? La gauche allemande défend désormais ce virage politique.

Reste un point de blocage fondamental. Au Bundestag, Mme Merkel n'a pas donné un troisième argument, moral celui-là, mais qui est dans toutes les têtes : nous, Allemands, avons fait des efforts budgétaires au contraire d'autres pays membres (en premier la France) et il faudrait maintenant récompenser leur laxisme ? Nicolas Sarkozy, plutôt que de faire semblant de s'entendre avec Angela Merkel, devrait passer un grand accord avec elle : vous relancez, moi je m'engage à réduire vraiment et drastiquement mon déficit sitôt la reprise venue. Voilà le plan européen idéal.

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