samedi, juin 06, 2009

Les GIs venaient-ils libérer l'Europe ?

Il est de bon ton, dans certains milieux, de faire la fine bouche sur l'engagement américain en Europe en 1944-1945 (voir par exemple l'entretien de Olivier Wieviorka accordé au Point de cette semaine).

Vous aurez reconnu la vielle rancune française : on ne pardonne pas, surtout quand on est de gauche, ce qui est le cas de la quasi-totalité de notre intelligentsia, aux Américains d'avoir eu besoin d'eux pour se débarrasser des Allemands que nous avons laissé rentrer chez nous au printemps 1940.

Le raisonnement est comme suit : l'infanterie américaine était réservée aux plus cons, les fantassins n'étaient pas très motivés et, de toute façon, les Américains étaient plus ennemis du Japon que de l'Allemagne. Ils ne seraient venus que contraints et forcés et non par enthousiasme libérateur.

Comme tout mensonge ou comme toute demi-vérité orientée, cette thèse comporte une part de vérité.

C'est exactement la même erreur de raisonnement, de perspective, involontaire j'espère, mais je n'en suis pas certain, que quand on fait dire aux carnets des poilus de 14 qu'ils n'étaient pas motivés pour la guerre.

Il y a d'abord un manque de critiques des sources : les carnets et lettres intimes ne sont pas un lieu d'épanchement patriotique, c'est avant tout le soulagement des peines. Il est donc normal qu'ils aient une tonalité sombre, qu'ils fassent état de tout ce qui ne va pas, des contrariétés, des frustrations, des peurs.

Ensuite, ce n'est pas parce que le patriotisme et la motivation altruiste ne s'expriment pas par des mots qu'ils sont inexistants, il y a la pudeur des choses qui vont de soi. Le meilleur exemple en est la Résistance : il est peu probable que le paysan qui, tout ce qu'il y a de plus volontairement, hébergeait un radio au risque de sa vie ne devait pas être du genre à se répandre en flamboyantes tirades patriotiques.

C'est, me semble-t-il un travers de certains intellectuels (pas tous, heureusement) qui consiste à croire que ce qui ne se traduit pas en mots n'existe pas.

Alors, bien sûr, l'enthousiasme fut moins grand et plus mélangé que ne le laissait croire la propagande, mais ce n'est pas une raison pour tomber dans l'excès inverse qui serait tout aussi infondé.

9 commentaires:

  1. "ce n'est pas parce que le patriotisme et la motivation altruiste ne s'exprime pas par des mots qu'ils sont inexistants"

    C'est oublier la censure féroce mise en place par l'armée pour surveiller de très près le courrier des soldats de 1914-1918 car il s'agissait de ne pas affoler le moral de l'arrière lors des gros durs. Je ne sais pas si les officiers contrôlaient aussi les carnets personnels des soldats. S'ils le faisaient, les poilus devaient s'auto-censurer pour éviter les ennuis.

    Certains mythes ont la vie dure, comme celui des poilus partis en guere la fleur au fusil. J.J Becker a fait un sort à ce mythe coriace.

    Dans son interview Wievorka oublie un élément important concernant les USA : le courant isolationniste. Bon nombre d'Américains ne comprennent pas pourquoi leurs gouvernements les entraînent dans des guerres qui ne les concernent pas. Courant isolationniste alimenté entre autres par le mythe des marchands de canons qui se sont enrichis pendant que le peuple trimait et se faisait trouer la peau sur le front.

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  2. Oubli : coups dans le premier paragraphe.

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  3. Je n'ai pas le temps de vous écrire toutes les nuances que requiert ce sujet. Je tacherai d'en parler plus longuement prochainement.

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  4. Eh bien voici un petit couplet pro-américain... il devrait apparaître tel en tout cas aux yeux de ceux qui pour anti-bushisme m'avaient expéditivement taxé du contraire.

    D'une part je n'aime pas beaucoup l'article de Wieviorka, symbole de ce que peut réaliser un historien quand il se croit chargé uniquement de doucher les mythes, au lieu de les déborder et de les mettre à leur place.

    D'autre part Obama a dominé et ses prédécesseurs, et les chefs d'Etat ou de gouvernement présents en rendant hommage à la contribution soviétique à la réussite de ce débarquement.

    Le plus goujat avait été Clinton en 1994 avec son petit complice Mitterrand. Il n'avait parlé de l'URSS que comme du "troisième totalitarisme" qu'on avait gardé pour plus tard car on ne pouvait s'occuper que de l'italien et de l'allemand.

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  5. «Il n'avait parlé de l'URSS que comme du "troisième totalitarisme" qu'on avait gardé pour plus tard car on ne pouvait s'occuper que de l'italien et de l'allemand.»

    C'est faux ?

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  6. Quel reste ? Comprends pas.

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  7. vous m'approuvez d'approuver Obama pour avoir, enfin, mentionné la part soviétique dans la victoire et de réprouver Brown et Sarko pour ne toujours pas l'avoir fait et être restés bien au chaud à cet égard dans les traces de Clinton et de(s) Bush ?

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  8. "Il n'avait parlé de l'URSS que comme"

    l'autre disait : mon verre n'est pas grand mais je bois dans mon verre".

    Moi, c'est mon QUE !

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