Tentative intéressante de dégager une philosophie gaullienne à partir des écrits et des actes de De Gaulle.
PM Couteaux part d'une évidence : De Gaulle avait conscience de rétablir dans sa personne la vieille pratique française des deux corps du roi, le corps physique (le « pauvre Charles », comme disait De Gaulle lui-même) et le corps mystique (le Général).
Claude Guy raconte, à propos d'une exposition au Grand Palais, que Charles aurait bien aimé s'y rendre mais que le Général ne le pouvait pas.
Or, ce principe des deux corps est essentiel en France, où le pouvoir est sacré, c'est lui qui permet de faire vivre la France à travers ses malheurs.
On peut déchiffrer l'appel du 18 juin à cette aune : la France physique est vaincue, mais la France mystique demeure intacte, incarnée par le Général. C'est à bon droit (même si, pour moi, ce n'est pas péjoratif) que ses détracteurs ont dit de De Gaulle qu'il se prenait pour Jeanne d'Arc, puisque la démarche est similaire.
Seulement, tout cela implique la présence du sacré, or la république, en guillotinant Louis XVI, a précisément voulu évacuer le sacré.
C'est pourquoi nos politiciens considèrent très péjorativement l'attente de l'homme providentiel, mais on peut tout à fait leur répondre que loin d'être mauvaise, c'est l'essence même de la France de s'incarner dans quelque chose dans plus grand qu'elle.
La foi chrétienne de De Gaulle ne faisait aucun doute. Il a laissé entendre qu'au dessus de la France, il mettait Dieu, ce qui l'empêchait de tomber dans un nationalisme étriqué. Malraux a traduit cela en « la France n'a jamais été plus grande que lorsqu'elle parlait au nom de tous les hommes ».
Il y a une dimension christique dans le roi de France. C'est pourquoi le symbole de notre monarchie est le lys fragile et non lions, léopards ou aigles.
On connaît évidemment le chemin christique de Louis XVI mais, en regardant bien, on peut le retrouver ailleurs : Louis XIV, se faisant opérer d'une fistule à la fesse sans anesthésie, a étonné ses médecins en ne laissant pas échapper un cri.
En France, le roi, en même temps qu'un maître, est un serviteur. Le parallèle avec de De Gaulle est là encore frappant : combien de fois se plaint-il dans ses écrits du joug du pouvoir, du poids de l'incarnation ? L'imitation royale et christique de De Gaulle est poussée très loin : souvenez vous de ces foules se pressant pour le toucher (dont mon père), cela ne vous rappelle-t-il pas « le roi te touche, Dieu te guérit » ?
On chercherait en vain chez l'aventurier hongrois (1), chez ses ministres et chez ses opposants cette dimension du sacrifice de sa personne et de son ego au service du pays. Cette remarque est également valable pour ses prédécesseurs. C'est d'ailleurs ce qui fait que le gaullisme n'est pas un bonapartisme (Bonaparte s'est couronné lui-même) alors que le sarkozysme pourrait l'être.
Bien sûr, la monarchie ne reviendra pas et le gaullisme ne fut que passager parce qu'ils sont intimement liés au sacré, qui est nié par les modernes, même si, la nature humaine étant ce qu'elle est, le sacré resurgit irrépréssiblement de loin en loin, malgré tous les efforts de la bien-pensance pour l'étouffer (elle en est elle-même victime sous la forme de la religion écologiste).
Ce besoin humain de sacré peut réserver le meilleur et le pire. Le meilleur quand ils invitent des hommes exceptionnels à se vouer à ce sacré. Le pire quand il devient un instrument de manipulation et de prise de pouvoir.
De Gaulle est un essentialiste, par opposition à l'existentialisme. Pour lui, l'essence précède l'existence. Dans l'expression célèbre «une certaine idée de la France», le mot important, c'est «idée». La France doit être fidèle à l'idée qu'il s'en fait. Il est le contraire d'un Mitterrand ou d'un Pétain, privilégiant la France physique, celle du petit village avec clocher de l'affiche «la force tranquille».
De Gaulle est aussi un platonicien : les hommes qui se fient à l'apparence des choses, la France vaincue par exemple, sont dans la caverne et doivent se réveiller à la lumière des idées qui rend aux choses leur réalité vraie, leur sens profond.
On comprend alors mieux la profondeur des expressions favorites de De Gaulle, dont ses adversaires se sont moqués sans les entendre, «les choses étant ce qu'elles sont», «la France étant la France» : il s'agit en rendant les choses à leur essence, de les mettre à leur vraie place, rôle fondamental du chef, pour ne pas dire du prophète.
C'est au nom de cette logique de la vraie place des choses et des êtres que De Gaulle a été choqué qu'en mai 68 «les professeurs se mettent à quatre pattes devant les étudiants».
On comprend mieux aussi le dégoût de De Gaulle pour l'information moderne, en continu : le flot permanent de nouvelles éphémères dissimule l'ordre profond.
Dans une phrase à Peyrefitte, De gaulle oppose l'ordre apparent des choses à leur ordre réel. Là encore, on retrouve Jeanne d'Arc, l'ordre apparent, c'est le petit roi qui règne sur Orléans, Beaugency, Notre Dame de Cléry, Vendôme mais l'ordre réel, c'est que le roi sacré à Reims est roi de France.
La Vème république réconciliait l'apparence et l'essence : le président préside, le gouvernement gouverne et le parlement légifère. Aujourd'hui, le président tient tous les rôles y compris celui du bouffon, les régimes en fin de décomposition se caricaturent eux-mêmes et nomment des caricatures. Ne trouvez vous pas que le gouvernement est un théâtre de Guignol, les ministres étant des caricatures de politiciens ?
Aujourd'hui, les enfants sont des tyrans, on félicite les hommes qui agissent comme des femmes (la mode est aux pulls roses) et on exalte les homosexuels, qui sont des hommes qui ne sont pas des hommes et des femmes qui ne sont pas des femmes, les familles ne sont plus des familles, la France est niée au nom d'une Europe inexistante, on fait comme si les immigrés étaient des Français et la seule manière pour un Français de ne pas être un salaud est de renoncer à être français (2), l'école refuse d'enseigner. Non seulement les choses ne sont plus ce qu'elles sont, mais on pousse et on promeut tout ce qui fait sortir les choses et les êtres de leur essence.
On refuse la nature des choses. Au nom du refus de la nature humaine, on se permet des manipulations génétiques. Au nom du refus de la nature féminine, on légitime l'avortement. Au nom du refus de la nature nationale du pays, on se permet des abandons de souveraineté etc.
La société conserve malgré tout un ordre apparent, il y a toujours une police, une justice, un Etat, mais l'ordre réel est détruit. Nous sommes encore mieux placés que De Gaulle pour percevoir le désespoir engendré par ce désordre, ce nihilisme triomphant. Tous ces gens, spirituellement épais comme des feuilles de papier à cigarette, qui alternent de la frénésie consumériste à l'abrutissement télévisuel, épicés quelquefois de vagabondage sexuel et sentimental, sont d'un triste ...
Comment renverser la vapeur ? C'est d'une extrême difficulté. Une fois l'homme abaissé, dépouillé de son humanité, comment le faire « viser haut et se tenir droit » ?
Résumons la philosophie gaullienne :
> la foi chrétienne. Au-dessus de tout, il y a Dieu. On doit se mesurer à ses exigences.
> en-dessous de Dieu, il y a le monde des idées, qui dévoilent la vraie nature, durable, des choses et des êtres, par opposition à leur changeante incarnation physique. Et dans ce monde des idées, se détache la France, « fille ainée de l'Eglise ».
> la mission du chef est de réconcilier l'ordre apparent avec l'ordre réel, en faisant « viser haut et se tenir droit ».
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(1) : pour De Gaulle, la France était une idée, pour Mitterrand des sensations. Pour Sarkozy, la France ce sont des mots, le plus souvent creux et estropiant la langue française, c'est-à-dire pas grand chose. Que peut-on attendre d'autre de quelqu'un qui met dans un gouvernement français un demi-libanais élevé par un égyptien et une sénégalaise ?
(2) : la position de De Gaulle sur l'immigration est très nette : « les choses étant ce qu'elles sont » et « les hommes étant ce qu'ils sont », les Algériens ne peuvent pas plus devenir français que les Français ne peuvent devenir algériens. On a plusieurs notations en ce sens. Logiquement, De Gaulle était opposé au regroupement familial. La fameuse phrase sur la « France chrétienne, de race blanche et de culture grecque et latine » et sur « Colombey-les-deux-mosquées » n'est donc pas un « dérapage » (comme disent aujourd'hui les juges du patinage bien-pensant) isolé, elle s'intègre de façon cohérente dans une vsion du monde et des hommes. Il faut de cette gigantesque mauvaise foi dont la bien-pensance nous étonne toujours pour passer sous silence ou minimiser ce fait. On remarquera que De Gaulle n'avait pas une conception raciale de la nation mais que le juste ordre des choses imposait un seuil très bas au mélangisme.
Le transfert d'une mémoire, Benjamin Stora, éd. la Découverte, 1999
C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne.
C’était de Gaulle, tome 1, Alain Peyrefitte, éd. éditions de Fallois/Fayard, 1994
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CDG, le dernier des thaumaturges !
RépondreSupprimerL'expression correcte n'est pas "Le Roi te touche, Dieu te guérit", mais "Le Roi te touche, Dieu te GUÉRISSE."
RépondreSupprimerLe subjonctif était utilisé au cas où Dieu ne veuille pas se manifester.
Je me suis posé la question.
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