Comme l'auteur le prévoit lui-même dans son avant-propos, ce livre ne risque pas de rencontrer le succès commercial, il dérange trop.
L'antiracisme est devenu le «communisme du XXIème siècle» (Finkielkraut), le combat du Bien contre le Mal. Il ne s'embarrasse pas de scrupules et surtout pas des faits. Et il refuse à tout prix d'être remis en cause dans sa vision manichéenne du monde, qui est sa substance même.
L'antiracisme d'après-guerre ne se sent pas pisser, il croit qu'il a tout inventé, que si les nazis ont pu massacrer des juifs, c'est parce que personne n'avait pensé avant Harlem Désir à combattre le racisme. Avant la «génération Mitterrand», pas de sentiment, pas de courage et pas d'intelligence.
C'est d'une vanité risible et bien entendu totalement faux : l'actuelle LICRA a été créée dans l'entre-deux-guerres. La réalité est plus désespérante que les fadaises pour lycéens décérébrés de «Touche pas à mon pote». Il y a bien eu un antiracisme, mais il a échoué à protéger les juifs. Pire encore que cela : beaucoup d'antiracistes sont devenus collaborateurs. Ce n'est pas hélas un phénomène négligeable qui ne toucherait que quelques individus.
Simon Epstein dresse un annuaire de ces convertis assez impressionnant (1), au point que le taire est déjà un aveu de malaise. Les raisons de ces conversions ne sont pas toujours faciles à cerner, mais on peut dégager trois causes principales entremêlées : le gauchisme, séduit par le coté social et révolutionnaire du nazisme et du pétainisme, le pacifisme (Giono :«Mieux vaut être Allemand vivant que Français mort») et enfin l'air du temps, la mode change, les girouettes tournent.
Logiquement, Simon Epstein en est venu à étudier le phénomène inverse, les résistants antisémites. Il est exagéré de dire que la France libre de 1940 était un repaire de cagoulards, mais, tout de même, ce n'était pas un congrès de la SFIO. Les raisons en sont assez symétriques à celles de leurs adversaires : le conservatisme, le patriotisme, et aussi un certain goût de la rebellion (2).
Simon Epstein fait un sort particulier à François Mitterrand, qui a réussi l'exploit de cumuler au cours de sa vie toutes ces catégories.
Je suis sorti de cette lecture conforté dans mon opinion pascalienne : qui veut faire l'ange fait la bête. Vouloir sauver la France, c'est un but bien assez grand. Quand on commence à raconter qu'on veut sauver l'humanité ou la planète, méfiance.
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(1) : Simon Epstein s'est intéressé aux antiracistes devenus collabos et aux antisémites devenus résistants. C'est volontairement qu'il a ignoré les antiracistes devenus résistants et les antisémites devenus collabos.
(2) : la vraie, pas la rebellitude actuelle qui est conformiste jusqu'à la caricature.
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Bonjour,
RépondreSupprimerIl semblerait que livre ait été publié en mars 2008 et la moindre des choses est de constater qu'il n'a pas eu une grande publicité.
Dans un genre différent, sur la même époque, je vous recommande la lecture de l'ouvrage (2 tomes) de Patrick Buisson, "1940-1945 Années érotiques", chez Albin Michel. Sa lecture éclaire d'une façon pertinente l'attitude contemporaine de nos élites et de nos médias en matière de morale et de mœurs. Une des œuvres les plus éclairantes sur une période qui conditionne bien plus qu'on ne le pense notre société "progressiste".
On ne peut pas prétendre préparer l'avenir sans une compréhension suffisante du passé. L'amnésie dans laquelle se complet notre pays ne me rend pas sur ce point optimiste.
Bonne journée
«On ne peut pas prétendre préparer l'avenir sans une compréhension suffisante du passé. L'amnésie dans laquelle se complet notre pays ne me rend pas sur ce point optimiste»
RépondreSupprimerC'est pire : il y a eu une falsification organisée du passé.
J'ai oublié de signaler que S. Epstein relate quelques cas émouvants de fraternisation dans la Résistance d'antisémites et de juifs.
Evidemment, quand on vit dans la perspective de finir au poteau ensemble, ça aide.
Cette impréparation est évidemment aggravé quand le passé est falsifié. Il n'est qu'à voir comment l'Histoire est enseignée aux petites têtes blondes. Dur dans ces conditions de développer un vrai esprit critique.
RépondreSupprimer« Dur dans ces conditions de développer un vrai esprit critique.»
RépondreSupprimerC'est normal, c'est étudier pour : la bien-pensance a besoin de bons petits robots.
Les techniques totatlitaires de manipulation ont été adoucies, mais leur esprit a été préservé.
Vous imaginez le scandale si nos chères têtes étudiaient Homère, Sophocle, Corneille, Pascal, Stendhal, Flaubert ?