Lisez cette biographie de Mohammed Merah. Elle est extrêmement inquiétante par sa banalité, ce qui ne me surprend pas. Le profil des tueurs genre Merah est connu. Des milliers de jeunes de banlieue correspondent à cette biographie.
Il est vain d'espérer une prise de conscience : qui se souvient de l'affaire Kelkal ? Kelkal avait le même âge que Merah et un parcours similaire. Il a été tué par la gendarmerie en 1995 après une série d'attentats. Les services de police en ont tiré des enseignements techniques, mais aucune leçon politique n'a été tirée par les dirigeants. Il en sera de même aujourd'hui : le pare-feu idéologique est déjà en place. Kelkal hier, Merah aujourd'hui, il y en aura d'autres demain.
Par malice, j'ai graissé les mots balises de la bien-pensance destinés à minimiser.
PARIS, 22 mars (Reuters) - Pour Mohamed Merah, ce jeune des faubourgs de Toulouse auteur des sept meurtres en France de militaires et d'enfants juifs, les chemins de la radicalisation sont passés par le Pakistan et l'Afghanistan avant de s'achever jeudi dans le sang.
Ce "moudjahid" autoproclamé, 23 ans, qui s'est vanté auprès des policiers d'avoir "mis la France à genoux", a remis en avant la menace islamiste sur le sol français, qui n'avait plus connu une telle ampleur depuis les attentats de 1995 et 1996.
Jusqu'au bout, ce jeune Français d'origine algérienne a surpris par sa détermination et sa violence, tirant par rafales sur l'unité d'élite du Raid donnant l'assaut final et se jetant par une fenêtre une arme à la main.
"Un fonctionnaire qui a pourtant l'habitude nous a dit qu'il n'avait jamais vu un assaut de cette violence", a témoigné le ministre de l'Intérieur Claude Guéant.
La question pour les enquêteurs, est désormais de savoir s'il s'agissait d'un "loup solitaire", éventuellement aidé par des proches, ou d'un maillon d'une filière d'Asie centrale.
Quelques dizaines de jeunes Français d'origine maghrébine, embrigadés dans l'islamisme djihadiste par des prêcheurs, ont été acheminés pour la formation militaire et le combat dans les années 1990 en Afghanistan, puis en Irak dans les années 2000.
Mohamed Merah a dit aux policiers avoir accepté une mission d'Al Qaïda pour un attentat lors d'un séjour au Pakistan mais avoir refusé de commettre un attentat-suicide, mais ce point devra être vérifié.
"Il a expliqué la façon dont il avait reçu des instructions d'Al Qaïda pendant son séjour au Pakistan", a dit le ministre de l'Intérieur Claude Guéant mercredi soir sur TF1.
"Il a expliqué sa formation dans un camp d'Al Qaïda", a renchéri François Molins le procureur de Paris, jeudi lors d'une conférence de presse.
DE LA DELINQUANCE ADOLESCENTE A l'INTEGRISME
Le procureur de Paris, qui coordonne l'enquête, avait parlé la veille d'une "auto-radicalisation" sans lien apparent avec une organisation, mais les enquêteurs ont mis en évidence la logistique dont bénéficiait le jeune homme.
Deux véhicules loués contenant des armes ont été en effet retrouvés sur les indications du tueur et des explosifs ont été découverts dans la voiture de l'un de ses frères, Abdelkader.
Le jeune homme, qui a grandi à la cité des Izards, au nord de la "Ville rose", semble avoir dérivé en quelques années de la délinquance adolescente à l'intégrisme religieux.
Il était connu des autorités pour une quinzaine d'actes de délinquance. "Ce garçon présente un profil violent dès l'enfance", a déclaré le procureur François Molins.
Mais Christian Etelin, l'avocat qui l'a défendu devant le tribunal des enfants, parle d'une petite "délinquance typique des quartiers", conduite sans permis, refus d'obtempérer ou petits vols.
"C'était un individu souple dans son comportement, doux, courtois et policé. Pas rigide au point de laisser penser à un certain fanatisme", disait-il au début du siège du domicile du jeune homme, qui a duré plus de 30 heures.
Des personnes disant avoir connu Mohamed Merah ont décrit un adolescent d'apparence normale, apprenti-carrossier, même s'il ne trouvait pas de travail stable, et aimant sortir.
Ce portrait d'un jeune homme "doux et normal" est contredit par la plainte, en 2010, d'une femme affirmant que Mohamed Merah a brièvement "séquestré" son fils, à qui il aurait montré des vidéos d'Al Qaïda et des décapitations, deux ans auparavant.
Interrogée par le Télégramme de Brest, une femme disant avoir assisté à la scène assure qu'il a également agressé la soeur de l'adolescent et qu'il est venu sous les fenêtres de l'appartement familial de la victime "en treillis militaire, armé d'un sabre et hurlant Allah akbar".
Le Dr Alain Penin, un psychiatre qui avait expertisé le jeune homme en 2009, a expliqué sur Europe 1 avoir conclu à "une forme de dangerosité, qui s'appuie sur des éléments de fragilité personnels importants et liés à son histoire individuelle."
Me Christian Etelin estime que le jeune homme a pu commencer à se radicaliser lors de ses séjours en prison où il a passé plusieurs mois entre 2007 et 2009.
"En prison, il s'est adonné au Coran", a déclaré le procureur François Molins.
Ironie du sort, Mohamed Merah tente pendant la même période de rejoindre l'armée française. En 2008, il est recalé de l'armée en raison de son casier judiciaire, a indiqué un porte-parole de l'armée.
En 2010, le jeune homme tente cette fois de s'engager dans la légion étrangère, où son passé judiciaire ne constituait pas un obstacle. Mais il en part de lui-même avant la fin du stage.
La même année, Mohamed Merah effectue son premier séjour en Afghanistan. Selon le procureur de Paris, il part par ses propres moyens, avec un visa touristique.
Arrêté à Kandahar lors d'un contrôle routier, il est remis aux forces américaines et revient en France. Le second séjour en 2011 aurait été interrompu par Mohamed Merah lui-même, victime d'une hépatite.
Fiché par le renseignement intérieur du fait de ces séjours et convoqué à ce sujet en 2011, il a expliqué aux policiers, photos à l'appui, qu'il avait effectué des voyages touristiques, a rapporté Claude Guéant.
Des voix se sont cependant élevées dans la classe politique sur la légèreté apparente des services de renseignement, qui auraient dû selon elles pousser plus avant leurs investigations [et ce sont les mêmes qui crient à la dérive liberticide dès que la police agit].
(Gérard Bon, édité par Marc Joanny)
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