Excellent article d'Anne-Marie Le Pourhiet :
Juges partout, démocratie nulle part !
Vous me permettrez de me citer et me pardonnerez cette auto-référence :
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Fait peu connu parce qu'il ne cadre pas avec l'enseignement «républicain» d'une histoire linéaire conduisant mécaniquement à l'heureuse révolution (vous savez, celle de la guillotine pour tous) : les années 1750-1770 furent troublées par la réaction féodale.
Les parlementaires (c'est-à-dire les gens de robe, les magistrats) avaient été ennoblis sous Louis XIV. Ennoblissement consolidé par des mariages et des alliances. Leurs intérêts sociaux, fiscaux et politiques se sont donc mis à coïncider avec ceux de la noblesse d'épée, alors qu'auparavant ils étaient liés à l'administration royale.
Les robins ont commencé à tenir des discours complètement fumeux (une habitude qui perdure) les présentant comme les gardiens de la vieille tradition franque, face à un pouvoir royal usurpé. Tout cela pour justifier le rétablissement à leur profit de droits féodaux archaïques, oubliés depuis des siècles.
Et ils n'y sont pas allés avec le dos de la cuillère : ils se sont montrés rebelles et maillotiniers, ils ont excité le public contre l'ordre, ils ont trainé la Cour dans la boue, ils ont financé des libelles injurieux.
Leur prétention fut extrêmement grave parce qu'elle délégitimait le pouvoir royal, garant de l'unité du royaume. Autrement dit, les magistrats ont trahi leur mission de gardiens de l'ordre et mis en péril l'unité du pays pour pousser leur idéologie de demi-intellectuels et leurs petits intérêts corporatistes (si cela vous rappelle l'actualité, ce n'est pas un hasard).
L'esprit des lois, de Montesquieu, a été écrit pour justifier cette réaction féodale. Alors, on ferait mieux d'y réfléchir à deux fois avant d'ériger en dogme absolu la séparation des pouvoirs mise à la mode par le baron de La Brède.
Finalement, Louis XV rétablit l'ordre par un coup de force (qu'on nomme, belle expression, un coup de majesté) quatre ans avant sa mort et on peut regretter, même si l'on comprend son scrupule, qu'il n'ait pas, à cette occasion, fait pendre quelques juges séditieux qui le méritaient bien.
Les magistrats français ne sont pas des «traitres génétiques», mais ils se trouvent dans une situation où ils ont plus de pouvoir que de responsabilité, état propice au développement de tous les vices. La théorie de la séparation des pouvoirs justifie cette impunité, c'est pourquoi il faut s'en méfier comme de la peste. Dans les pays anglo-saxons, on a essayé d'instaurer des mécanismes pour éviter l'impunité des magistrats et les obliger à répondre de leurs actes.
En tous les cas, le bordel avait été tel que les intellectuels, y compris les très surfaites Lumières, se rallièrent à la théorie de la monarchie héréditaire comme meilleur système pour garantir la paix civile. Rousseau renia même son Contrat social, expliquant qu'il était adapté à de très petits pays, comme la Suisse, mais pas à de grandes nations.
Pourtant, le pouvoir royal avait été ébranlé, avec les conséquences funestes que l'on vit vingt ans plus tard.
La leçon pour aujourd'hui n'incite pas à l'optimisme.
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Le peuple français est seul.
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