jeudi, janvier 02, 2014

1914-2014 : l'Europe sortie de l'histoire ? (JP Chevènement)

Suite au billet précédent, je fais un effort alors que je n'avais pas prévu cette recension.

Commençons par ce qui fâche. Avec sa vision communiste de l'économie totalement subordonnée à la politique (pas très marxiste, passons), Jean-Pierre Chevènement multiplie les contresens économiques.

Pour lui, si les Anglo-Saxons sont libéraux, c'est pour imposer un modèle hégémonique.

Il ne lui vient pas à l'idée que si les Anglo-Saxons sont libéraux, c'est parce que le libéralisme est dans leur culture et que, à l'expérience, le libéralisme économique les a rendus riches et que c'est bon d'être riches.

Dans toute politique économique, Chevènement voit une manoeuvre politique contre les voisins. On tombe vite dans l'absurde par inversion des causalités.

Heureusement, Chevènement est un bon connaisseur de la politique allemande (pas un petit prof d'allemand comme Ayrault) et, dès qu'il s'éloigne de l'économie, cela redevient intéressant.

Résumons :

1) Les nationalismes sont en partie responsables de la guerre de 14. Mais il est abusif de les confondre, comme le font les européistes, avec les nations, données non idéologiques fruits de l'histoire. Il est clair que JP Chevènement n'aime pas la clique des Monnet, Gasperi, Schumann et compagnie (et il a bien raison). Il fait remarquer qu'ils ont tous (sauf Monnet) été allemands dans leur vie (Schumann en qu'Alsacien).

Il insiste sur les saloperies que les commémorations du centenaire vont être l'occasion de raconter (vous connaissez mon inquiétude).

2) Les élites européennes ont failli et sont responsables de la guerre de 14, pas les peuples. Je suis plutôt d'accord. Pour comprendre cette idée, il faut analyser finement l'enchainement des événements (lire le livre). Ce qui n'empêche pas que les peuples ont participé à la guerre avec entrain. De nouveau, en 2014, les Européens sont victimes de leurs élites.

3) L'Allemagne est, conformément à l'article 231 du traité de Versailles, la principale responsable de la guerre. Cette analyse historique a été occultée par les européistes, qui avaient un intérêt idéologique à renvoyer tout le monde dos à dos, mais elle est plutôt validée par les recherches les plus récentes.

On remarquera aussi que refuser la responsabilité de l'Allemagne, c'est donner raison aux thèses revanchardes hitleriennes, cela interroge.

4) La «construction européenne», niant les nations européennes et se subordonnant aux Etats-Unis, est le plus sûr instrument du déclin européen. De plus, elle est anti-démocratique car il n'y a pas de démocratie sans nation. La «construction européenne» est une véritable catastrophe historique, un suicide politique des nations européennes (peut-être un jour sortira-t-on Jean Monnet du Panthéon pour avoir passer sa vie à planifier et à promouvoir ce suicide. Ce jour-là, la France ira beaucoup mieux).

5) L'Euro, supposant qu'il n'y avait que des différences superficielles et aucune différence profonde entre les économies de la zone, est le type même de l'utopie européiste construite en niant farouchement les cultures, les histoires et les nations. Elle était donc, par son irréalisme foncier, destinée à échouer. Ce qu'elle a fait brillamment.

6) La France subit une crise monétaire et une crise budgétaire (ce point est cité par le Che en passant, moi, j'y insiste). Il est illusoire de vouloir résoudre l'une sans l'autre : faire les réformes sans sortir de l'Euro (solution UMPS, quand ils en parlent) ou sortir de l'Euro sans faire les réformes, ou, même, pour ne pas faire les réformes (solution FN). Les exemples étrangers (Suède, Islande, Grande-Bretagne etc.) ont montré que la dévaluation était indispensable pour que les réformes soient supportables (et vice-versa). Cette analyse est valable pour les autres pays du sud, mais je m'en fous : ce qui m'intéresse, c'est la France (j'en ai assez des fuites dans un pseudo-altruisme pour éviter de prendre à bras le corps nos problèmes).

Je suis d'accord avec la plupart des idées ci-dessus. Néanmoins, il suffit de rappeler que JP Chevènement a appelé à voter pour François Hollande. On mesure, en dehors de l'Europe, le fossé qui nous sépare.

Pour vous dire à quel point l'idéologie peut égarer un homme, le Che du Belfortain ose écrire «la république tient la France debout», ce qui est une absurdité manifeste, l'universalisme apatride des républicains étant le plus grand facteur de destruction de la nation française (nos nihilistes de gouvernement ne cessent de se réclamer des «valeurs républicaines», pour mieux occulter toute référence à la France et à son histoire, ce n'est pas par hasard).

Chevènement est totalement étranger à l'idée des bienfaits d'une bonne politique économique, c'est-à-dire à l'idée que la politique économique puisse avoir ses propres buts (la prospérité) et ne soit pas seulement l'esclave d'ambitions hégémoniques.

Mener une bonne politique économique, donc libérale, a un intérêt en soi. La libéralisme économique n'est pas une idéologie parmi d'autres, mais c'est ce qui fonctionne.

Le général De Gaulle, tout souverainiste qu'il était, l'avait beaucoup mieux compris.

En conclusion, cela fait bien plaisir qu'un politicien, même à la retraite, soit capable d'écrire un livre, malgré tout, de cette qualité. Quant à l'ensemble des idées chevènementistes, nous pouvons nous retrouver sur la politique internationale, sujet de ce livre, mais sur le reste, politique intérieure et économique, c'est le désaccord le plus complet.

Il est tout de même dommage, et tragiquement révélateur des déficiences de nos élites, que ce que nous avons de mieux en journaliste, c'est Zemmour et en politicien, c'est Chevènement.




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