samedi, décembre 20, 2014

La conversation d'antan

Michael Oakeschott et Roger Scruton citent la conversation comme exemple d'ordre spontané.

La conversation était un art éminemment français (voir L'âge de la conversation) qui s'est beaucoup perdu, de pair avec la civilité et la civilisation. On peut relire l'immortel De l'art de conférer, de Montaigne, que Blaise Pascal, pourtant très critique de l'auteur des Essais, admirait sans réserve.

On disait qu'il fallait être plus que les grâces et moins que les muses, c'est-à-dire entre trois et neuf personnes.

Mon jugement est différent : mes plus intelligentes conversations furent en tête-à-tête avec des personnes du sexe opposé, mais c'est un type de conversation qui mérite un billet particulier.

Toujours est-il que cet art se perd à une vitesse stupéfiante.

On y trouve des phénomènes bien connus de certains ordres spontanés :

  • l'organisation d'une conversation n'est pas linéaire. Il y a une taille limite à partir de laquelle l'ordre spontané laisse place au chaos et un meneur déclaré et obéi devient indispensable.
  • la présence d'éléments perturbateurs est très handicapante. J'ai deux collègues (pas de noms, s'il vous plaît) amoureux du son de leur propre voix et adorant s'écouter parler. Ils tuent toute conversation dans un rayon de plusieurs mètres autour d'eux  en quelques secondes. C'est un supplice dont l'évitement donne lieu à de savantes manoeuvres pas toujours couronnées de succès.
Une bonne conversation est un plaisir sans guère d'équivalent. Mais cet art se perd pour nombre de raisons qui décrivent bien les maux de notre époque. Pour une conversation réussie, il faut :

  •  de bonnes manières.
  • un minimum de culture, disposer d'un éventail de cas et d'exemples pour nourrir le propos.
  • savoir se taire et écouter, laisser la conversation respirer. Paraît-il que l'écoute est aussi le secret de la séduction.
  • avoir l'esprit, ouvert, léger, ne pas s'appesantir.
  • avoir aussi l'esprit chevaleresque. Ne pas faire résonner ses triomphes, ne pas insister sur les erreurs de son interlocuteur, préférer abandonner un bon mot plutôt que de blesser.
Nous sommes à mille lieues de notre époque inculte, narcissique et bavarde.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire