C'est un débat assez récurrent sur ce blog « La bourgeoisie française a-t-elle un tradition de trahison, notamment au profit de l'Allemagne ? ». Ma réponse est clairement positive (comme celle de Clemenceau et de Gaulle, entre autres).
Bien sûr, cela varie dans le temps : peu entre 1914 et 1918 ; beaucoup entre 1940 et 1944. Il y a des nuances : je n'oublie pas que la sociologie des Résistants était au-dessus de la moyenne.
Mais globalement, je maintiens mon analyse.
En tout cas, après guerre, c'est très clair : il y a une veine politique d'extrêmes centristes, forcenés de la trahison, combinant atlantisme et européisme, toujours prêts à brader les intérêts de la France pour complaire à Washington et à Berlin (auparavant, à Bonn) sans que la France en tire aucun avantage significatif en retour. C'est vrai aussi dans le domaine industriel (EADS, Alstom, ...).
Il y a continuité dans la trahison des bourgeois mous (sauf quand il s'agit de trahir. Là, ils savent être durs) : Schuman, Giscard, Hollande, Macron.
Vichy n’était pas la France, c’était le gouvernement des élites
Une tribune de Guillaume Bigot autour du livre "L'Etat contre les Juifs" de Laurent Joly
par
Guillaume Bigot
- 8 novembre 2018
Guillaume Bigot. ©GB
Saluant la publication du brillant essai, L’Etat contre les Juifs, que publie l’historien Laurent Joly, Guillaume Bigot en conteste néanmoins une partie des thèses. Bloc de traîtrise, de bêtise et de haine, le régime antisémite de Vichy a cependant empêché, selon lui, une extermination totale des juifs français.
Une brillante synthèse consacrée à la politique antisémite de Vichy vient de sortir : L’Etat contre les Juifs, signée de l’historien Laurent Joly. Ce travail d’une grande clarté permet à la France contemporaine de resituer précisément sur la fresque nationale cette tâche morale indélébile que fut Vichy. La resituer avec justesse, sans la minimiser mais sans non plus l’étendre à tout un peuple qui a subi le choix de ses dirigeants et à qui on n’a jamais demandé son avis. Ce n’est pas le moindre mérite du livre de Joly que de dénoncer cet amalgame permanent entre Vichy, la France et l’Allemagne. L’Etat contre les Juifs tord le cou à trois idées fausses.
Abject, l’antisémitisme français n’était pas nazi
La première, c’est que Vichy n’a jamais été comparable à l’Allemagne nazie. Cette conclusion saute d’autant plus aux yeux si l’on se place du point de vue des crimes antisémites. Certes, le régime de Vichy va, de son propre chef, édicter, le 3 octobre 1940, un statut des Israélites, faisant de nos compatriotes juifs des citoyens de seconde zone.
Il n’en reste pas moins que l’antisémitisme de Vichy différait fort de l’antisémitisme génocidaire des nazis. L’écrivain royaliste et résistant Bernanos poussera d’ailleurs un cri surréaliste à la Libération : « Le nazisme a déshonoré l’antisémitisme. » Joly écrit : « La tradition antisémite autochtone n’était pas assez puissante pour aboutir à l’adoption d’une loi raciale. »
Vichy n’était pas Berlin : jamais le port de l’étoile jaune ne sera imposé en zone libre.
L’Etat français n’est pas le Reich : même des antisémites virulents, comme Xavier Vallat (insultant Léon Blum à la Chambre, le 6 juin 1936 : « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un juif ».) ne veulent pas que l’on arrête les « juifs respectables » ! En novembre 1943, René Bousquet écrit à un officier SS : « Pour les services de police, (…) le fait d’être israélite ne constitue une présomption de responsabilité, ni en matière politique, ni en matière de droit commun. »
Le zèle administratif français facilite les rafles
L’Etat contre les Juifs montre aussi comment le zèle administratif français va grandement faciliter la tâche criminelle des Allemands. A l’été 1942, les hommes de Vichy, au nom d’une pathétique « reconquête administrative », disent en substance aux Allemands : « On vous donnera le nombre de juifs que vous voulez mais laissez-nous faire et épargnez les juifs français ». A l’été 1942, l’Etat français opère donc en effet un choix déshonorant et ignoble.
Joly montre ainsi comment Vichy a sacrifié les juifs apatrides sur l’autel de la collaboration. C’est exactement le même argument que l’on retrouve sous la plume de Zemmour et dont on ne comprend pas bien pourquoi Joly tient absolument à dire qu’il est en désaccord avec lui. Des Juifs français sont raflés au passage et, horreur dans l’horreur, abomination au carré, les enfants nés sur notre sol, donc français, sont également livrés.
Contrairement à Zemmour et à Joly, l’historien Pierre Vidal-Naquet, contestant l’évidence de cette ignoble troc écrivait : « Des mesures n’ayant affecté que des étrangers… si cela était vrai, le crime n’en serait pas moins éclatant ! » Vidal-Naquet a moralement raison mais mathématiquement tort. Car si Vichy n’avait pas existé, le sort des Juifs dans l’Hexagone aurait été pire, bien pire. En France, 90 % des Juifs français, 86 % des enfants juifs français et étrangers et 60 % des Juifs étrangers survivront à la guerre. Partout ailleurs, les nazis détruiront entre 50 et 90 % des communautés israélites.
Pour autant, Vichy n’a jamais été un moindre mal.
La France n’était pas Vichy
Sur 280 000 juifs recensés (sur 320 000) en 1941, il y aura tout de même 74 150 morts.
Vichy est un bloc de traîtrise, de bêtise et de haine qui a livré les apatrides, arrêté ses concitoyens juifs et fait couler le sang des résistants et des alliés.
En jouant à cette farce tragique d’une souveraineté à la botte, Vichy va libérer deux millions de soldats nazis qui auraient dû autrement occuper notre vaste pays et saborder notre flotte qui était, en 1940, la première du monde, devant la Royal Navy.
La deuxième démonstration irréfutable de Joly, c’est que la France n’était pas Vichy. En marge d’un projet de loi antisémite, le chef adjoint du cabinet civil de Pétain note : « Le pays n’est pas antisémite… On dira que c’est un asservissement devant l’Allemagne, le racisme n’est pas apprécié dans ce pays parce qu’il est allemand. »
Bien sûr, un antisémitisme bien de chez nous a existé mais que pesait-il ? Le Journal Au Pilori, tiré à 65 000 exemplaires, organise un concours en 1943 à propos des juifs intitulé « Où les fourrer? » La gagnante en est une habitante de Clichy qui propose de stériliser les juifs. 65 000 exemplaires, c’est à comparer, avec les quelque 1200 journaux résistants qui seront distribués à plus de 2 millions d’exemplaires.
La France n’était pas Vichy en témoigne encore les rapports des préfets qui atterrissent sur le bureau du vieux maréchal. Ces rapports sont sans appel : l’étoile jaune ne passe pas, les restrictions alimentaires ne passent pas, la poignée de main avec Hitler ne passe pas.
Une minorité de héros… et de salauds
L’historien Henri Amouroux a raison : en juillet 1940, il y a bien 40 millions de pétainistes. Quelques mois plus tard, le 24 octobre, le soutien populaire s’effondre. C’est l’entrevue de Montoire. La France copine avec l’ennemi. Les Gaulois réfractaires ne l’acceptent pas. Vichy n’est pas la France… En témoigne le stoïcisme des populations civiles, notamment en Normandie, lourdement bombardée par les anglo-américains et qui réserve pourtant un accueil triomphal aux alliés qui débarquent en juin 44.
Certes, les héros furent peu nombreux. Mais les salauds aussi. Le sentiment dominant des Français, c’est la détestation du Boche qui pille et qui fusille. Quant au sort des Juifs, il est incompréhensible à la majorité. Le livre de Joly contient ce témoignage bouleversant d’une Française anonyme qui écrit à Pétain, en voyant passer des autocars chargés de femmes et d’enfants raflés : « Ce sont des charrettes de condamnés. »
La troisième leçon de vérité de ce livre, et sans doute la plus importante pour la France de 2018, c’est que les élites furent derrière Vichy et le peuple derrière la Résistance et les Alliés. Le principal mérite de Laurent Joly est sûrement de faire éclater la vérité sociologique de la Collaboration.
Qui étaient les collabos ? Les magistrats, les hauts fonctionnaires, les journalistes, les intellectuels et les pipoles… Comme c’est étrange. Le conseiller d’Etat Louis Canet, les hauts fonctionnaires Bousquet et Papon. Canet, Laval, Bousquet, trois petits marquis de bureau qui incarnent parfaitement un certain conformisme de classe.
Les petits marquis de la Collaboration
Écoutons Laurent Joly croquer le portrait de ces petits marquis : « Chez l’un comme l’autre, le franc-parler et le volontarisme affichés marquent une constante soumission aux forces dominantes du moment, sur fond d’égo hypertrophié et d’amour immodéré du pouvoir. »
Cynique, méprisante et vaniteuse, notre classe dirigeante a semble-t-il peu changé.
« Par ces temps de terreur, il est trop grave de faire connaître ses sentiments s’ils ne sont pas absolument conformistes », note l’avocat Maurice Garçon dans son Journal (1939-1945).
En d’autres termes qu’à l’époque, dans Paris occupé, existait un politiquement correct, socialement très marqué [votez Macron !]. Entre 1940 et 1944, la « France d’en haut » pariait sur Hitler. Or, aujourd’hui, les élites qui veulent brader la souveraineté veulent aussi charger les épaules du peuple français du fardeau de la culpabilité morale des classes dirigeantes d’hier ! Les couches, les CSP les plus représentées dans la défense des sans-papiers, dans la haine de Trump et du Brexit, dans l’apologie de la mondialisation et de l’UE… étaient surreprésentés dans la collaboration [votez Macron !] !
De là à penser que, pour nous faire avaler la monnaie unique et le renoncement au volontarisme et à la démocratie nationale, il fallait préalablement aligner la France sur l’Allemagne, il y a un pas que… l’on peut envisager [votez Macron !] !
Pourquoi déshonorer le peuple français ?
L’alignement moral a précédé et préparé l’alignement monétaire. L’Etat contre les Juifs dénonce en tous cas un révisionnisme grave qui veut à tous prix déshonorer le peuple français. Le révisionnisme de François Hollande dont le discours du 22 juillet 2012 ne comportait aucune allusion au contexte de l’occupation et au nazisme. Plus grave encore et toujours plus éloigné de la réalité historique, Emmanuel Macron, dans une allocution prononcée le 16 juillet 2017, ose dire que c’est la France seule qui est responsable de la mort des juifs. Plus d’Allemands donneurs d’ordre et même plus de génocide, que des Français antisémites. Édifiant. L’occupation allemande n’était pas un détail. Vichy n’a jamais été la France. La France n’est pas et ne sera jamais l’Allemagne !
vendredi, novembre 09, 2018
Les carottes Vichy (la bourgeoisie française y était)
Libellés :
bourgeoisie,
néo-pétainisme,
trahison de la classe dirigeante
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