Je vous livre ces textes pêle-mêle, sauf celui de Bérénice Levet sur Soljetnitsyne, que je place délibérément en conclusion :
Benedetti : « Le macronisme est monologue, là où la démocratie est dialogue »
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Le Président parle, son Premier ministre parle, ses
ministres parlent. Le macronisme est monologue, là où la démocratie est dialogue. Cet
enfermement communicationnel symbolise des décennies de perte de contacts des
dirigeants avec la société, le peuple, les gens. Ce déracinement, Macron, jeune énarque
sans histoire, ni cicatrice, en est le produit. Il ne saurait être tenu pour responsable d'un
passif dont il n'est que le légataire sans doute transitoire. À mesure que la paupérisation
économique des classes moyennes et populaires s'accroît, ces dernières prennent
conscience de la dépossession citoyenne dont elles ont été l'objet depuis des décennies.
Le jaune des gilets exprime d'abord cette prise de conscience.
[…]
On ne joue pas
impunément avec les nerfs d'un peuple qui ne boucle pas son budget. Ce faisant, le chef
de l'État a cru que sa parole était suffisamment performative pour faire surgir ce
«nouveau monde» dont il se voulut tant le héros que le héraut. Au résultat, c'est la
conflictualité qui partout s'exacerbe: un pouvoir qui parle une langue morte, des corps
intermédiaires qui n'en finissent pas de se dévitaliser, et surtout ce parfum dont la
société libérale avancée nous avait fait oublier l'épice révolutionnaire, la guerre des
classes. De ce point de vue, la macronie, bien plus que le macronisme au demeurant, a
par une forme d'inexpérience historique réveillé de ces pulsions que l'on imaginait
dissoutes dans les conforts ouatés de la société de la consommation et du loisir. Tout se
passe comme si sur les ronds-points de France et de Navarre une nouvelle fraternisation
de classe, détachée des atavismes politiques, poussait un fort ressentiment contre des
élites que l'on amalgame progressivement dans un même rejet.
La macronie, ultime reflet d'un Impérium technocratique qui a peut-être présumé de ses
forces, n'a pas vu venir cette « drôle de révolte » sur les ailes de réseaux sociaux, qui ont
révolutionné l'espace public en rendant possible son accès à tout un chacun, en facilitant
des agrégations inédites et rapides , en démocratisant l'expression et la prise de paroles.
D'une certaine manière, cette réappropriation de l'enjeu démocratique, enjeu fiscal
aidant, a trouvé dans le gilet son signe de ralliement et dans le rond-point sa nouvelle
agora. Une révolution ? Peut-être pas encore ; un tournant assurément ...
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H16 (fonctionnaire européen anti-européiste !) pointe avec raison les contradictions des gilets jaunes, mais, à ce stade, elles ne me semblent pas importantes. Il n'y a que dans la vision des abrutis de technocrates (et, avec les ingénieurs qui m'entourent, je suis servi) que la vie est carré comme un jardin à la française :
Gilets jaunes, transition énergétique et modèle français
J'aime bien Henri Temple :
La transition énergétique, un sacrifice humain
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Or, s’il s’agissait vraiment de réduire la pollution due à la combustion d’énergies fossiles, quid des centrales à
charbon allemandes, des camions transfrontières, des porteconteneurs
chinois, qui polluent l’atmosphère
infiniment plus que l’infirmier du Massif central ou la mère de famille de Normandie ou d’Île de France. Car
pouvoir aller et venir pour les besoins de sa vie avec son véhicule est un droit citoyen. Et si nos véhicules
polluent, c’est que l’État et ses voisins ont été incapables, depuis des décennies, de se soustraire aux lobbys
pétroliers et de faire un grand effort scientifique, industriel et réglementaire pour aller vers des véhicules moins
polluants. N’oublions pas le scandale Volkswagen.
Où en sont les plans de ferroutage et de merroutage en panne depuis 30 ans ?
Et s’il s’agit de préserver les ressources naturelles, quid encore de la destruction massive et délirante de nos
terres agricoles et des sites naturels ? Fautil
toujours plus de voies ferrées, de lotissements, de parkings de
supermarchés, d’autoroutes privatisées, de TGV ?
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Jean-Yves Le Gallou dresse un bilan implacable de Macron (qu'aucun électeur de Macron, de premier ou de second tour, ne devrait pouvoir lire sans que la honte ne lui monte au front. Hélas, je suis convaincu que bien des électeurs de Macron referont la même connerie. Ceux que j'ai autour de moi me semblent incapables d'apprendre) :
Gilets Jaunes. Le jour où les oligarques lâcheront Macron …
Et deux videos de Christian Combaz :
Enfin, pour vous réconforter et vous élever (car, lorsqu'on parle de Macron, on est obligatoirement dans la bassesse), Soljenitsyne, ce géant dans le siècle :
Bérénice Levet : « Soljenitsyne, penseur des limites »
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La judiciarisation est une capitulation, une reddition signée par l'homme en son
humanité.
Ce mode de vie nous conduit à méconnaître, oublier que chacun de nous est à lui-même,
pour lui-même, en lui-même, cette instance de limitation. Que l'homme n'est pas que ce
vivant avide de s'étendre, de se répandre, qu'il est un être capable de tenir la bride à ses
appétits, de se maîtriser, de se contrôler. « Un homme, ça s'empêche », disait Albert
Camus, « ça » n'attend pas de la loi, seule, qu'elle le freine. Le principe de limitation est
inscrit au coeur de l'homme et là est sa grandeur, sa noblesse. L'homme est une créature
morale, spirituelle.
Avec la liberté, et pour temporiser cette liberté lui a été donnée la faculté de se contrôler,
de se limiter. Léo Strauss parlait d'une « terreur sacrée » qui allait de pair avec la
conscience de la liberté, une « sorte de pressentiment que tout n'est pas permis ». « Nous
pouvons appeler cette terreur sacrée, écrivait le philosophe, la conscience naturelle de
l'homme », Et il avait la ferme conviction que « le frein est aussi naturel, aussi immédiat
que la liberté. ». Et c'est bien tout le tragique de la vie juridique que de poser un éteignoir
sur cette conscience naturelle, de l'engourdir.
Il s'agit avec Soljenitsyne de penser la liberté comme auto-nomie, capacité à se donner
soi-même des lois -les modernes, eux, ont joué la liberté contre l'autonomie - et comme
responsabilité. C'est un thème qu'on retrouve chez tous les grands penseurs des
totalitarismes, chez Hannah Arendt, Leo Strauss, chez les dissidents communistes :
Qu'est-ce qu'un citoyen ? demande Vaclav Havel «Un être ouvert à la responsabilité pour
le monde». Répondre de, répondre de ses actes, répondre de la civilisation unique,
mortelle qui nous est confiée, répondre de ce que nous faisons et ce devant les morts,
devant nos contemporains, et devant ceux qui viendront après nous - preuve que même
en des temps sécularisés, une forme de transcendance peut être introduite.
[…]
Soljenitsyne est de ceux qui nous ont permis de saisir la nouveauté des régimes
totalitaires (avec un précédent dans l'épisode de la Terreur, mais sans atteindre à une
même ampleur). La passion idéologique définit en effet en propre les totalitarismes:
l'appréhension du réel à partir d'une Idée dont on dévide la logique et où les hommes
sont réduits à du pur matériau que l'on façonne selon ce programme abstraitement
défini, sans tenir le moindre compte des résistances que les hommes de chair et d'os
opposent, fait le tragique et l'horreur de ces régimes. L'action politique conçue comme
régénération des hommes ne peut qu'avoir des conséquences funestes.
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Et comme dit Charles Gave, les Français devraient arrêter de voter utile et commencer à voter intelligent.
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