mardi, juin 25, 2024

Rome, Naples et Florence (Stendhal)

Je n'aime pas Stendhal.

Je suis une brute : pour moi, égotisme rime trop facilement avec nombrilisme et cela m'ennuie terriblement, à m'en décrocher la mâchoire à force de bâillements. J'apprécie les natures plus vigoureuses. J'ai bien du mal à comprendre comment un homme aussi énergique que Jean Prévost a pu s'éprendre de ce mollasson de Stendhal.

J'ai pourtant lu sans déplaisir la Chartreuse, pourtant je ne suis pas allé au bout (Stendhal non plus, d'ailleurs).

Mais (banalité) quel styliste !

« Le 15 mai 1796, le général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée qui venait de passer le pont de Lodi, et d’apprendre au monde qu’après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur. »

J'ai attaqué Rome, Naples et Florence en me disant que nous avions au moins l'Italie en commun. Raté ! L'ouvrage m'est tombé des mains.

Bref, Stendhal, c'était mon dernier essai.

lundi, juin 24, 2024

L'affaire Bernard Natan. Les années sombres du cinéma français (Dominique Missika)

La « grande famille » du cinéma français dans toute sa splendeur.

Il me plait d'autant plus d'évoquer ce sujet que la résurgence de la judéophobie (1)  en France ne cesse de m'inquiéter.

Bien sûr, il y a la judéophobie musulmane, transplantée en France par le Grand Remplacement.

Mais pas seulement, d'autres (Soral, Meyssan, Jovanovic, Durain  etc), sous prétexte de critiquer le « judaïsme talmudique » et le « sionisme », remettent au goût du jour les pires clichés anti-juifs : peuple comploteur pratiquant les sacrifices humains. Et certains d'entre eux sont catholiques !

Ils se croient supérieurement intelligents, ayant compris des choses cachées que les naïfs dans mon genre ne comprennent pas. Il sont juste méchants et idiots : la complexité du monde les dépasse, ils ont besoin de s'inventer des mécanismes cachés simples. Les demi-habiles sont une calamité biblique.

Je soupçonne qu'il y a aussi une soumission femelle, plus ou moins consciente, au mâle viril du moment : le barbu musulman.

Quittons ce préambule.

Un passionné de cinéma

Nohum Tannenzapf est un juif roumain né en 1886. Passionné d'image, assez vite, il s'oriente vers le cinéma.

Il immigre en France. Il se marie à une Française.

En 1911, il est condamné pour outrages aux bonnes mœurs pour des films « grivois ». Ses ennemis en feront plus tard des tonnes sur ce sujet, le qualifiant, comme un dirait aujourd'hui, d'acteur porno. C'est très exagéré.

Il faut noter, pour remettre les choses dans le contexte, que beaucoup de maisons de production s'y livrent pour arrondir des fins de mois, parfois difficiles.

Il fait une « belle guerre », suivant l'expression de l'époque. Sa condamnation est effacée et il est naturalisé sous le nom de Bernard Natan.

Avec la réussite, les ennuis, et la jalousie, commencent.

Le premier en France, il tente une intégration verticale de la production de films, avec des techniques de pointe.

Première faute : il étale trop sa réussite, très parvenu, nouveau riche. On ricane dans son dos. Bien des pique-assiettes ayant profité de ses largesses et de ses soirées fastueuses sauront s'en méchamment souvenir. Il ressemble (hasard ?) au châtelain juif joué par Dalio dans La règle du jeu (un film que j'adore, mais c'est une autre histoire).

Il aide financièrement Mélies qui, tombé dans la misère, tient une petite boutique de fleurs à la gare Saint Lazare.

En 1929, il rachète ses parts à Charles Pathé et l'entreprise devient Pathé-Natan. Charles Pathé a alors une attitude ignoble, déshonorante : il savonne la planche, dans le dos, en traitre, de celui à qui il a vendu ses parts. Deuxième faute de Natan : il ne se méfie pas de Pathé.

Natan finance aussi les balbutiements de la télévision.

Mauvaise date : 1929, c'est l'année du krach de Wall Street, qui fera sentir ses effets en France deux ans plus tard. Pathé-Natan, comme tous ses concurrents, souffre beaucoup. Natan doit se battre pour survivre et ce n'est pas toujours blanc-bleu.

En 1936, Pathé-Natan dépose le bilan mais continue son activité.

En 1938, Natan est arrêté pour escroquerie après une campagne de presse immonde et condamné en 1939 à cinq ans de prison. C'est la vengeance des jaloux et des judéophobes.

La justice aussi est immonde. Le réquisitoire du procureur a un ton et un vocabulaire pamphlétaires, bien loin de la sérénité et de la mesure qui siéent à un magistrat. Le célèbre avocat Maurice Garçon, pourtant anti-juif, en est choqué.

Il y a bien eu escroquerie, mais fort légère, et les victimes en étaient des margoulins, elle a été grossie hors de proportion et la peine est très excessive.

On notera que Pathé n'a pas été liquidée et fut florissante après ce passage à vide. Il semble qu'Ernest Mercier, polytechnicien fondateur de ce qui s'appelle aujourd'hui Total, fut à la manœuvre pour profiter de la chute de Natan (Mercier est lié à la famille Dreyfus, difficile de l'accuser de judéophobie).

Natan est l'une des « vedettes » des expositions anti-juives organisées après la défaite.

En 1942, toujours en prison, il est déchu de sa nationalité française et livré aux autorités allemandes en tant que juif apatride (rappelons que c'est un décoré de guerre). Il meurt en 1942 à Auschwitz.

Sa réhabilitation commence en 1996, pour le centenaire de Pathé, et une plaque d'hommage est dévoilée à la FEMIS.

Un milieu de pourris

Cette histoire n'est à la gloire ni de la France ni du milieu du cinéma.

Jean Dréville poursuivra Marcelle Natan de ses injures jusqu'à la fin de sa vie. Elle est belle, la hauteur d'âme des « grands » artistes.

Un mot de conclusion : la Mal est partout en l'homme. Mais les gens de cinéma et de télévision vivent d'images et, souvent, de leur image. Cet état de fait, de profession, prédispose aux sentiments les plus bas. Il est dans l'ordre des choses que ce soit un milieu de pourris.

L'équipe du Splendid, vachement cool, n'est-ce pas ? Et bien, Anémone raconte que les Lhermitte, Jugnot et compagnie ont monté en douce une société sans lui en parler pour la spolier d'une partie des bénéfices du Père Noël est un ordure.

Cette grande dégueulasserie met en perspective l'élan purificateur qui s'est emparé des moralistes du cinéma français depuis quelques temps.

J'aime le cinéma, mais je n'ai jamais compris qu'on puisse admirer les gens de cinéma pour autre chose que pour leurs qualités professionnelles. Les opinons des acteurs et des metteurs en scène sur la vie, la mort, l'amour, la politique, je m'en fous comme de colin-tampon.

Le Caravage et de La Tour étaient des voleurs et même un petit peu des assassins,. Il ne serait pas venu à l'esprit de leurs commanditaires de tenir compte de leur avis sur quoi que ce soit à part la peinture.


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(1) : je préfère ce mot à « antisémitisme », plus flou, plus ambigu.

samedi, juin 22, 2024

Mosquito (Rowland White).

Une ode au meilleur avion de la deuxième guerre mondiale, le De Havilland Mosquito.

Il a excellé dans tous les rôles : chasseur, bombardier, reconnaissance et même transport (il a notamment transporté Niels Böhr hors de Suède).

Une hérésie selon le conformisme de l'époque : un avion en bois. Mais du bois sophistiqué, l'ancêtre des matériaux composites, un sandwich de bouleau et de balsa. Est-ce à dire que le conformisme a toujours tort ? J'ai tendance à le penser.

Hermann Göring aurait fulminé : « Non seulement ils font cet avion merveilleux, mais en plus, ils le font en bois, même pas un matériau stratégique, n'importe quel fabricant de pianos peut le faire ».

Le bureau d'études de Beechcraft, étudiant les plans du Mosquito, conclut que c'est un avion « sans utilité militaire ». Pas ce qu'ils ont fait de meilleur. Ce jugement peut étonner : les qualités du Mosquito sautent aux yeux, même si leur exploitation militaire peut poser problème. Tel est le poids du conformisme.

Evidemment, le projet est rejeté par l'administration, et Mr De Havilland s'arrange avec un officier moins con que la moyenne pour se faire financer une partie en douce (c'est pourquoi le bordel dans l'administration n'est pas forcément une mauvaise chose : ça laisse des marges de manœuvre aux intelligents, mais aussi aux imbéciles).

Le pilote et l'observateur-navigateur sont côte à côte. On a fait remarquer à Mr De Havilland que ce n'était pas le meilleur choix aérodynamique, il a répondu que son interlocuteur méconnaissait le prix de la chaleur humaine dans le stress du combat.

Les Allemands ont tenté une copie du Mosquito (subtilement baptisée Moskito) mais ils ont eu des problèmes de collage. La mise au point du collage est toujours la difficulté avec les avions en bois, un des fils De Havilland est mort quand un prototype s'est désintégré en vol, à cause d'une mauvaise colle.

Le Mosquito, avion pittoresque

Quand on a interrogé Keith Miller, champion de cricket et ancien pilote de Mosquito, sur la pression dans le sport, il a répliqué : « La pression, c'est quand tu as un Messerschmidt au cul. Le cricket, ce n'est pas de la pression ».

Les anecdotes sur le Mosquito sont innombrables. Un jour, un navigateur penché sur sa carte voit passer une ombre très rapide, il demande à son pilote :

_ Qu'est-ce que c'était ?

_ Un clocher.

C'est ce qui s'appelle voler bas.

La partie arrière était sans doute trop fine, d'où une certaine fragilité structurelle. Mais cela reste un avion formidable. Il a le taux de pertes le plus bas de tous les avions alliés alors qu'il effectuait des missions de pirate.

La spécificité opérationnelle du Mosquito était d'emporter le chargement d'un B17, plus 4 canons et 4 mitrailleuses, à la vitesse d'un Spitfire (et même un peu plus), jusqu'à Berlin, avec un navigateur. Sans le navigateur, les Mosquitos n'auraient pas pu voler aussi bas. Monopilotes, ils se seraient rapidement perdus. Quand on déboule à 500 km/h à 100 pieds/sol (voire moins), toute l'attention du pilote est à l'évitement des obstacles.

Les Mosquitos pouvaient aussi voler très haut, ce qui les rendait intouchables d'une autre manière.

Embry

Les Mosquitos sont commandés par Basil Embry (ultérieurement, Sir Basil Embry).

Il fait partie des marginaux de la Royal Air Force ne partageant pas l'idéologie du bombardement stratégique et qui ont tous eu des ennuis à un moment de leur carrière : HCT Dowding (le vainqueur de la Bataille d'Angleterre), Keith Park (Malte), Sidney Cotton (l'inventeur de la reconnaissance stratégique et un des modèles de Ian Fleming pour James Bond), Sailor Malan etc.

Embry est une légende de la RAF : en 1940, survivant d'une attaque de Blenheim malheureuse, il est fait prisonnier et tue ses gardes pour s'évader. Sa tête est mise à prix par les Allemands. Il vole aussi souvent que possible (sous pseudonyme), notamment les missions difficiles, ce qui le rend immensément populaire auprès de ses hommes (beaucoup moins auprès de ses chefs, que son franc-parler prend à rebrousse-poil).

C'est lui qui va chercher des étudiants d'Oxford un week-end pour les former comme opérateurs radar pour la chasse de nuit (évidemment, contre toutes les règles administratives). Première sortie, première victoire.

Aux missions de Mosquitos, il apporte ses qualités : rigueur, audace et imagination. Il recrute dans le personnel au sol des maquettistes (bien entendu, en contournant leurs fonctions officielles) afin d'avoir en quelques heures une maquette de la cible à partir des photos de reconnaissance.

Il met en place une équipe de navigateurs spécialisés dans la préparation de mission, en exigeant d'eux qu'ils tiennent à jour la position des batteries de DCA ennemies, un travail de Titans, même avec l'aide des services spécialisés.

A des fins de propagande et de debriefing, Embry fait filmer les raids les plus spectaculaires par un Mosquito caméra.

Il fait aménager en bout de piste un dépôt de bombes pirate, ce qui permet de charger directement les avions en cas d'urgence, avec un colosse qui porte sur son dos les bombes de 500 lb de la soute aux avions !

Ce travail paye : prévenue par la Résistance (les missions Jedburgh, un Français, un Américain, un Anglais, faisant la liaison avec la Résistance et les missions Sussex, des SAS en assistance de la Résistance,  étaient d'une efficacité redoutable) d'un dépôt d'essence de la division Das Reich à Châtellerault, son escadrille décolle trois-quart d'heures plus tard. Deux heures après la réception du renseignement, le dépôt d'essence a cessé d'exister.

Je ne suis pas sûr que toutes les forces aériennes de 2024 soient capables d'une boucle aussi rapide.

A Copenhague, Embry vole tellement bas qu'il s'enfile une avenue entre les immeubles. Avec cet humour anglais bien connu, un de ses pilotes dit : « Tiens, le Vieux fait du tourisme ».

Comme tout Anglais qui se respecte, il a fini sa vie éleveur de moutons. Il a eu 5 enfants.

Mosquitos contre Gestapo

Les Mosquitos ont un  ennemi « personnel » : la Gestapo. Prison d'Amiens, siège de la Gestapo à La Haye, siège de la Gestapo à Arrhus, siège de la Gestapo à Copenhague.

La précision des bombardements est stupéfiante, les quatre coins de la prison d'Amiens sautent, libérant les prisonniers. Il y a quelques victimes collatérales, mais pour l'époque, c'est très impressionnant (et aujourd'hui encore, d'ailleurs).

Bien dans leur manière, les gestapistes ont tenté une parade : les boucliers humains. Mais les Résistants estiment que le jeu en vaut la chandelle.

Seul vrai drame : à Copenhague, un Mosquito heurte un pylône d'éclairage (bas, c'est bas) et s'écrase. Les suivants se trompent de cible et bombardent l'incendie, détruisant une école, tuant 85 enfants et 18 adultes.

En revanche, 18 des 26 boucliers humains réussissent à s'évader, ce qui est inespéré.







Rowland White écrit à l'américaine, c'est-à-dire sans aucun style, avec tous les trucs qu'on apprend à l'université (semer des allusions au destin futur des personnages pour inciter le lecteur à continuer, varier les points de vue, etc). C'est insipide comme un thé sans thé.

Mais le sujet est intéressant. Ce livre est un hommage à un avion et à des hommes qui le méritent.

C'est du cinéma, dans la réalité ils volaient plus bas :