vendredi, novembre 30, 2018

Trois textes et une video : Bigot, Michéa, Zemmour et la Marion

Bigot a tout compris à la politique de Macron :

« Macron redoute davantage les amendes de Bruxelles que la colère de son peuple »

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Emmanuel Macron redoute davantage la sanction du marché ou les amendes de Bruxelles que la colère de son peuple. Le Président file donc un mauvais coton. Et le plus grave reste à venir. La situation n'est pas encore clairement perçue par les gilets jaunes (mais cela ne saurait plus tarder). Macron ne peut plus être le roi car il ne veut plus détenir le pouvoir suprême et déclare qu'il y a désormais au-dessus de lui (c'est-à-dire du peuple) Bruxelles.

Le vrai souverain, aux yeux du monarque, n'est plus le peuple mais l'euro. Ce n'est donc pas Macron qu'il faut décapiter mais Bruxelles. Macron, rappelons-le, n'est pas l'incarnation du principe de légitimité, il n'en est que le représentant, il est locataire et non propriétaire de sa fonction. Or, les présidents de la République, depuis Maastricht, font de la sous-location en Air BnB pour l'Europe. Pour ramener le pouvoir en France. Est-ce une révolution? Oui mais au sens étymologique du terme, un retour à l'origine.

[…]

Nous ne sommes pas dans une crise de légitimité mais de représentativité. Cette nouvelle représentation émergera-t-elle de la base ? Des Danton ou de Robespierre jusqu'ici inconnus vont-ils émerger ? Il faut le souhaiter. Surtout, ils devront porter des idées et des programmes neufs.

Car une autre signification profonde de cette crise, celle qu'Emmanuel Macron personnifie, c'est qu'une certaine classe dirigeante française est arrivée à bout de course. Après la République des Jules, celle des profs et des avocats, le général de Gaulle avait profondément régénéré la sociologie de la classe dirigeante comme le font tous les grands chefs en assurant la promotion d'une élite nouvelle.

[…]

Chateaubriand, dans ses Mémoires, résume brillamment la situation que nous avons sous les yeux sur BFM: «Une classe dirigeante connaît trois âges successifs: l'âge des supériorités, l'âge des privilèges, l'âge des vanités. Sortie du premier, elle dégénère dans le deuxième et s'éteint dans le troisième.».
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Un texte classique de Zemmour :

Éric Zemmour : « Deux peuples, deux mondes, deux France »

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Jadis, la gauche faisait le lien politique entre les élites et les classes populaires. Depuis de nombreuses décennies, la gauche, des universités aux médias jusqu'aux partis politiques, a choisi de célébrer «les minorités» et d'oublier les ouvriers et employés, coupables de mauvaises pensées «racistes», ou «homophobes». Ces nouveaux prêtres de la bienpensance, dont Benoît Hamon est une des figures de proue, ont soumis sans état d'âme leur progressisme sociétal à l'islamo-gauchisme. Au nom de l'internationalisme, elles ont abandonné le peuple français. A ses yeux, les «gilets jaunes» sont des « déplorables », le mot dont Hillary Clinton avait affublé les électeurs de Trump ; pour les « gilets jaunes », leurs adversaires sont de plus en plus assimilés au « parti de l'étranger ».

Les deux cortèges de samedi dernier incarnaient deux peuples, deux France, deux mondes. Les « gilets jaunes », c'est le « cher et vieux pays » du général de Gaulle, « les Gaulois réfractaires », dirait Macron ; interdits de centre-ville par la hausse du foncier, ils ont fui la banlieue, où «ils ne se sentaient plus en France», pour se réfugier dans des zones éloignées des métropoles oùla voiture est leur instrument de survie. Le cortège féministe incarne la France des métropoles, la France mondialisée, l'alliance des centres-villes et des banlieues. Ces deux France ne vivent plus ensemble ; ne se parlent plus, ne se comprennent plus. Se méprisent et se haïssent.
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Dans un autre fil de discussion, nous nous courrouçons de la saloperie d'un gauchisme foncièrement malhonnête, Romain Goupil, vraiment un connard à vomir, le genre de malhonnêtes qui pourrissent la vie en société. Michéa, lui, est foncièrement honnête. La différence saute aux yeux. Le texte qui me l'a le plus touché :

Jean-Claude Michéa : rencontre avec le penseur de la France des « gilets jaunes »

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Le philosophe, adepte de la décroissance et de la permaculture, est venu nous chercher dans un vieux diesel. Une provocation ? Non, un instrument de survie lorsqu'on habite à la campagne, loin de tout. «Je suis décroissant, mais le combat pour la décroissance doit être articulé au combat pour les classes populaires. On ne peut jamais commencer par supprimer quelque chose qu'on n'a pas remplacé. C'est comme enlever ses béquilles à un cul-de-jatte, explique le philosophe. J'ai un voisin qui vit avec 600 euros par mois et qui doit calculer le jour du mois où il peut encore aller faire ses courses à Mont-de-Marsan sans tomber en panne, en fonction de la quantité de diesel qu'il a encore les moyens de s'acheter.» Avec le géographe Christophe Guilluy , c'est l'un des rares penseurs emblématiques de la France périphérique. Celle des « gilets jaunes », dont le philosophe a récemment pris la défense dans une lettre publiée sur le site alternatif Les Amis de Bartleby. « La plupart des “gilets jaunes” n'éprouvent aucun plaisir à devoir prendre leur voiture pour aller travailler chaque jour à 50 kilomètres de chez eux, à aller faire leurs courses au seul centre commercial existant dans leur région, ou encore à se rendre chez le seul médecin qui n'a pas encore pris sa retraite et dont le cabinet se trouve à 10 kilomètres de leur lieu d'habitation », écrit-il. S'il a accepté exceptionnellement de nous rencontrer, c'est pour mieux nous faire toucher du doigt cette réalité trop souvent ignorée par nombre de médias parisiens.

[…]

La philosophe du conservatisme Laetitia Strauch-Bonart, qui a été son élève en terminale au lycée Joffre de Montpellier, en 2001, ne dit pas autre chose : « Son cours a été un déclic pour moi. Il avait quelque chose de magique comme pédagogue. » Mais celui qui vise le plus juste à propos de Michéa est peut-être le géographe Christophe Guilluy: « Au-delà de la richesse de sa pensée, il est l'incarnation de ce qu'il dit. Sa proximité avec le peuple n'est pas une posture. » S'il y a un fil rouge dans la vie et l'oeuvre de Michéa, c'est en effet son attachement aux classes populaires qu'il n'a jamais trahi.

[…]

Il y a deux ans et demi, il a décidé d'aller au bout de ses idées. Il a vendu son appartement montpelliérain pour acheter deux petits hectares de terre. Avec sa femme Linda Wong, fille de maraîchers vietnamiens, Michéa tente de vivre en autosuffisance, allant jusqu'à couper le bois luimême pour se chauffer. «Nous ne sommes pas des calvinistes puritains, mais c'était une démarche politique de ma part. On ne peut pas prétendre défendre les classes populaires si l'on ne partage pas leurs conditions de vie.» Et Michéa, malicieux, d'ajouter: «Mes voisins éleveurs connaissent mieux l'Europe que les journalistes parisiens. Ils maîtrisent parfaitement la législation européenne car ils en sont les premières victimes. L'idée qu'ils seraient perméables aux idées populistes car on ne leur a pas suffisamment expliqué l'Europe est absurde.»

L'ancien citadin s'est d'autant mieux intégré au village qu'il a compris l'univers des chasseurs. «Je n'ai jamais été chasseur en tant qu'urbain, mais j'ai découvert un monde incroyablement sensible et intelligent. C'est un plaisir d'échanger avec eux.» Cette nouvelle vie a également bouleversé son rapport à la nature et à l'animal. «Le végan dit: “Je ne mange que des légumes”, mais faire pousser le moindre légume, c'est devoir tenir à distance, voire exterminer, quantité incroyable d'animaux. On s'aperçoit que si on laisse les taupes, les étourneaux, les limaces, les pucerons, etc., le végan dans son restaurant parisien ne pourra pas manger sa tourte aux légumes, ironise-t-il. Les végans et les antispécistes rêvent de refonder la nature avec des araignées câlines, des requins et des crocodiles modifiés génétiquement qui viendront chercher des caresses. Ils ne voient pas qu'ils sont en train de créer le monde le plus urbanisé, technicisé, dénaturé, artificialisé qui existe.»


À la campagne, Michéa a dû renoncer à lire son journal avec son café le matin. Là-bas, les kiosques n'existent pas. Le téléphone fixe est le seul qui marche normalement dans la région alors que la réception des mobiles est très aléatoire voire impossible chez beaucoup de ses voisins. Le plan numérique de Macron n'est pas arrivé jusqu'à eux. «Ce que j'ai sous les yeux depuis deux ans et demi, c'est la vérification quotidienne des analyses et des intuitions de Christophe Guilluy», note le philosophe. Regrette-t-il pour autant son ancienne vie? Pas une seconde. «Ici, la vie est dix fois plus rude, conclut Michéa, mais cent fois plus belle.»
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Et une video de la Marion et de l'Eric :


jeudi, novembre 29, 2018

Gilets jaunes et intelligence collective

Je ne suis pas un grand démocrate. Et la démocratie participative, c’est encore moins mon truc. De plus, je pense que l’intelligence des occidentaux s’effondre.

Pourtant, je trouve que les gilets jaunes font preuve d’intelligence collective :

1) Ne pas avoir de chef ni de représentant, c’est génial. Ca évite la corruption habituelle, la magouille entre achetés, la fausse opposition, les syndicats faussement revendicatifs.

2) Les revendications en apparence contradictoires (bien que demander plus de services publics en campagne, moins d’impôts sur les pauvres, plus sur les riches, ce n’est pas si contradictoire) empêchent les mesurettes (les gros bourrins des medias ont du mal à comprendre que cette incohérence est plutôt un atout).

3) Refuser d’écouter en attendant des mesures factuelles prévient en partie les entourloupes de la « communication », c’est-à-dire de la manipulation professionnelle.

Nous sommes plus dans une situation révolutionnaire, où c’est le fonctionnement de la société qu’on met en cause, que dans une revendication catégorielle. Je ne crois pas que la situation soit encore mûre pour une vraie révolution (il ne faut pas se laisser emporter par le romantisme), mais c’est la tendance.

Quelle que soit la suite des événements, la fonction a créé l'organe : c'est parce que la démocratie représentative a fait faillite, parce que, concrètement, les hommes des partis politiques (1) et des syndicats (et, plus largement, de tous les corps intermédiaires, Eglise comprise) ont trahi leur mission représentative, préférant profiter benoitement des délices de l'intégration dans un système oligarchique confortable (2), que les gilets jaunes ont créé cette démocratie non-représentative spontanée et inédite.

Le destin « normal » est des gilets jaunes est d'être récupérés et phagocytés par les partis traditionnels (3).

Je suis curieux de la suite. Nous vivons des temps inquiétants mais passionnants.

Comparaison n’est pas raison… mais n’est pas forcément con non plus. La grande concertation lancée par Emmanuel Macron pourrait-elle déclencher unprocessus similaire à celui des Etats-généraux de 1789 ?




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(1) : en unissant les bourgeoisies de droite et de gauche, Emmanuel Macron a dévoilé l'imposture de la fausse alternance droite-gauche (qui en réalité sont d'accord sur l'essentiel, je ne vous fais pas la liste) et validé la notion d'UMPS popularisée par le FN. Mais le système est plus vaste : c'est l'UMPSFN. Le FN garantit que l'UMPS restera indéfiniment au pouvoir, puisqu'il empêche l'émergence d'une opposition plus sérieuse. Il faudrait une alliance FI + FN, façon M5S + La Liga en Italie, pour vraiment ébranler le Système. C'est peu probable.

(2) : le sous-titre du livre célèbre de Christopher Lasch La révolte des élites était La trahison de la démocratie. Tout est dit.

(3) : c'est dommage, je ne connais pas assez l'histoire du mouvement des Tea Parties aux Etats-Unis pour faire un éventuel parallèle. Ils on probablement contribué à l'émergence de Trump.


mercredi, novembre 28, 2018

Gilets jaunes et sujets connexes, méli-mélo

Je vous livre ces textes pêle-mêle, sauf celui de Bérénice Levet sur Soljetnitsyne, que je place délibérément en conclusion :


Benedetti : « Le macronisme est monologue, là où la démocratie est dialogue »

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Le Président parle, son Premier ministre parle, ses ministres parlent. Le macronisme est monologue, là où la démocratie est dialogue. Cet enfermement communicationnel symbolise des décennies de perte de contacts des dirigeants avec la société, le peuple, les gens. Ce déracinement, Macron, jeune énarque sans histoire, ni cicatrice, en est le produit. Il ne saurait être tenu pour responsable d'un passif dont il n'est que le légataire sans doute transitoire. À mesure que la paupérisation économique des classes moyennes et populaires s'accroît, ces dernières prennent conscience de la dépossession citoyenne dont elles ont été l'objet depuis des décennies. Le jaune des gilets exprime d'abord cette prise de conscience.

[…]

On ne joue pas impunément avec les nerfs d'un peuple qui ne boucle pas son budget. Ce faisant, le chef de l'État a cru que sa parole était suffisamment performative pour faire surgir ce «nouveau monde» dont il se voulut tant le héros que le héraut. Au résultat, c'est la conflictualité qui partout s'exacerbe: un pouvoir qui parle une langue morte, des corps intermédiaires qui n'en finissent pas de se dévitaliser, et surtout ce parfum dont la société libérale avancée nous avait fait oublier l'épice révolutionnaire, la guerre des classes. De ce point de vue, la macronie, bien plus que le macronisme au demeurant, a par une forme d'inexpérience historique réveillé de ces pulsions que l'on imaginait dissoutes dans les conforts ouatés de la société de la consommation et du loisir. Tout se passe comme si sur les ronds-points de France et de Navarre une nouvelle fraternisation de classe, détachée des atavismes politiques, poussait un fort ressentiment contre des élites que l'on amalgame progressivement dans un même rejet.

La macronie, ultime reflet d'un Impérium technocratique qui a peut-être présumé de ses forces, n'a pas vu venir cette « drôle de révolte » sur les ailes de réseaux sociaux, qui ont révolutionné l'espace public en rendant possible son accès à tout un chacun, en facilitant des agrégations inédites et rapides , en démocratisant l'expression et la prise de paroles. D'une certaine manière, cette réappropriation de l'enjeu démocratique, enjeu fiscal aidant, a trouvé dans le gilet son signe de ralliement et dans le rond-point sa nouvelle agora. Une révolution ? Peut-être pas encore ; un tournant assurément ...
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H16 (fonctionnaire européen anti-européiste !) pointe avec raison les contradictions des gilets jaunes, mais, à ce stade, elles ne me semblent pas importantes. Il n'y a que dans la vision des abrutis de technocrates (et, avec les ingénieurs qui m'entourent, je suis servi) que la vie est carré comme un jardin à la française :

Gilets jaunes, transition énergétique et modèle français

J'aime bien Henri Temple :

La transition énergétique, un sacrifice humain

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Or, s’il s’agissait vraiment de réduire la pollution due à la combustion d’énergies fossiles, quid des centrales à charbon allemandes, des camions transfrontières, des porteconteneurs chinois, qui polluent l’atmosphère infiniment plus que l’infirmier du Massif central ou la mère de famille de Normandie ou d’Île de France. Car pouvoir aller et venir pour les besoins de sa vie avec son véhicule est un droit citoyen. Et si nos véhicules polluent, c’est que l’État et ses voisins ont été incapables, depuis des décennies, de se soustraire aux lobbys pétroliers et de faire un grand effort scientifique, industriel et réglementaire pour aller vers des véhicules moins polluants. N’oublions pas le scandale Volkswagen.

Où en sont les plans de ferroutage et de merroutage en panne depuis 30 ans ? Et s’il s’agit de préserver les ressources naturelles, quid encore de la destruction massive et délirante de nos terres agricoles et des sites naturels ? Fautil toujours plus de voies ferrées, de lotissements, de parkings de supermarchés, d’autoroutes privatisées, de TGV ?
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Jean-Yves Le Gallou dresse un bilan implacable de Macron (qu'aucun électeur de Macron, de premier ou de second tour, ne devrait pouvoir lire sans que la honte ne lui monte au front. Hélas, je suis convaincu que bien des électeurs de Macron referont la même connerie. Ceux que j'ai autour de moi me semblent incapables d'apprendre) :

Gilets Jaunes. Le jour où les oligarques lâcheront Macron …

Et deux videos de Christian Combaz :





Enfin, pour vous réconforter et vous élever (car, lorsqu'on parle de Macron, on est obligatoirement dans la bassesse), Soljenitsyne, ce géant dans le siècle :

Bérénice Levet : « Soljenitsyne, penseur des limites »

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La judiciarisation est une capitulation, une reddition signée par l'homme en son humanité.

Ce mode de vie nous conduit à méconnaître, oublier que chacun de nous est à lui-même, pour lui-même, en lui-même, cette instance de limitation. Que l'homme n'est pas que ce vivant avide de s'étendre, de se répandre, qu'il est un être capable de tenir la bride à ses appétits, de se maîtriser, de se contrôler. « Un homme, ça s'empêche », disait Albert Camus, « ça » n'attend pas de la loi, seule, qu'elle le freine. Le principe de limitation est inscrit au coeur de l'homme et là est sa grandeur, sa noblesse. L'homme est une créature morale, spirituelle.

Avec la liberté, et pour temporiser cette liberté lui a été donnée la faculté de se contrôler, de se limiter. Léo Strauss parlait d'une « terreur sacrée » qui allait de pair avec la conscience de la liberté, une « sorte de pressentiment que tout n'est pas permis ». « Nous pouvons appeler cette terreur sacrée, écrivait le philosophe, la conscience naturelle de l'homme », Et il avait la ferme conviction que « le frein est aussi naturel, aussi immédiat que la liberté. ». Et c'est bien tout le tragique de la vie juridique que de poser un éteignoir sur cette conscience naturelle, de l'engourdir.

Il s'agit avec Soljenitsyne de penser la liberté comme auto-nomie, capacité à se donner soi-même des lois -les modernes, eux, ont joué la liberté contre l'autonomie - et comme responsabilité. C'est un thème qu'on retrouve chez tous les grands penseurs des totalitarismes, chez Hannah Arendt, Leo Strauss, chez les dissidents communistes : Qu'est-ce qu'un citoyen ? demande Vaclav Havel «Un être ouvert à la responsabilité pour le monde». Répondre de, répondre de ses actes, répondre de la civilisation unique, mortelle qui nous est confiée, répondre de ce que nous faisons et ce devant les morts, devant nos contemporains, et devant ceux qui viendront après nous - preuve que même en des temps sécularisés, une forme de transcendance peut être introduite.

[…]

Soljenitsyne est de ceux qui nous ont permis de saisir la nouveauté des régimes totalitaires (avec un précédent dans l'épisode de la Terreur, mais sans atteindre à une même ampleur). La passion idéologique définit en effet en propre les totalitarismes: l'appréhension du réel à partir d'une Idée dont on dévide la logique et où les hommes sont réduits à du pur matériau que l'on façonne selon ce programme abstraitement défini, sans tenir le moindre compte des résistances que les hommes de chair et d'os opposent, fait le tragique et l'horreur de ces régimes. L'action politique conçue comme régénération des hommes ne peut qu'avoir des conséquences funestes.
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Et comme dit Charles Gave, les Français devraient arrêter de voter utile et commencer à voter intelligent.

mardi, novembre 27, 2018

Elle est belle, la police du pouvoir macronien



Voici ce que j'ai répondu à commentateur à ce sujet :

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1) d'après ce que j'ai lu, vous avez raison, le pouvoir a joué la provocation. Les CRS, sans être des SS, sont des enculés : contrairement à d'autres polices, ils sont une police politique au service du pouvoir, quel qu'il soit. Ils savent très bien laisser une manifestation dégénérer quand ils ont des ordres en ce sens et cela a été le cas samedi.

Laisser exprès une manifestation dégénérer est un acte politique, c'est contraire à la mission non politique de maintien de l'ordre. C'est pourquoi je traite les CRS de police politique.

2) Je ne suis pas sûr que les gilets jaunes aient perdu cette manche. Il y a plutôt match nul. N'oubliez pas le discrédit énorme des médias (que les gens continuent pourtant à regarder, étrange comportement).
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Soyons cyniques : l'idéal pour les gilets jaunes serait que les CRS matraquent à mort un septuagénaire cardiaque, nous verrions alors si les medias font le même foin qu'avec Malik Oussekine (je plaisante, je connais déjà la réponse, mais il y a les réseaux sociaux ...).

Nous sommes dans un pur rapport de forces : ce que les gilets jaunes remettent en cause implicitement, c'est la mondialisation avec ses profiteurs, ceux d'en haut, la caste mondialisée, et ceux d'en bas, les immigrés. On arrêterait de payer pour les immigrés (1) et pour Bruxelles (2) et autres « machins », ce qui représente au minimum 60 Md d'€/an, soit 1 000 € par Français, nul doute que les gilets jaunes seraient satisfaits. Or, le gouvernement n'a pas le moins du monde l'intention de remettre en cause sa politique. Et il n'y a pas de raison que les difficultés des gilets jaunes provoquées par cette politique s'évanouissent comme par enchantement.

Nous sommes donc dans l'impasse. Mais le temps ne s'arrête pas, il va forcément se passer quelque chose. Cette fois ci ou une autre : les problèmes de cette importance non résolus ne disparaissent jamais d'eux-mêmes, ils resurgissent de loin en loin jusqu'à ce que l'élite les résolve ou que le pays change d'élite ou que le pays disparaisse (il me semble que ce triangle est de Pareto).

Je ne vois pas dans l'histoire de France d'équivalent du mépris de classe d'aujourd'hui, ni dans l'ancienne France, ni même pendant la première révolution industrielle, car, à ces époques, il y avait au moins des bonnes oeuvres qui gardaient le contact entre le haut et le bas, mais en 2018, ces bonnes oeuvres sont tournées vers les immigrés et délaissent le peuple français, qui n'a jamais été aussi abandonné de notre histoire.


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(1) C. Guilluy l'avait prédit : c'est la classe moyenne qui demandera le démantèlement de l'Etat-providence quand elle aura l'impression qu'il profite à d'autres avec lesquels elle ne se sent rien en commun, et surtout pas un pays.

(2) : ce que les Britanniques aimeraient bien faire.

lundi, novembre 26, 2018

Zemmour et Pétain

Ca commence à me gonfler. Eric Zemmour défend le pétainisme avec habileté et ses contradicteurs, pétris de caricatures, de savoir rétrospectif et de jugement contemporain, sont à chier.

Paul Thibaud décevant et Finkielkraut égal à lui-même, c'est-à-dire bien brave mais pas très intelligent :



Et Guillaume Durand en-dessous de tout, et hargneux :



Quand on regarde ces débats, Zemmour a raison :

1) la collaboration entendait bien sauver les meubles face à l'occupant allemand.

2) le statut des juifs est un produit direct de la défaite et de l'occupation allemande. Il s'agissait d'amadouer les Allemands en les devançant sur les juifs pour essayer d'obtenir des concessions sur autre chose.

3) oui, les juifs français ont moins souffert que les autres juifs d'Europe à cause de la mauvaise volonté de l'administration française, encouragée par Vichy, à aider les Allemands (des historiens contestent ce point, mais c'est qu'ils ne veulent pas perdre leur place à l'université).

Alors, où est le problème ?

C'est simple : les contradicteurs de Zemmour sont des pétainistes incohérents alors que Zemmour est un pétainiste cohérent. Il est donc bien normal que Zemmour l'emporte dans les débats.

Expliquons nous.

Le pétainisme considère que l'armistice était la moins mauvaise solution dans une situation dramatique (8 millions de Français sur les routes, 2 millions de prisonniers).

Mais de cette prémisse, découlent mécaniquement la collaboration, le statut des juifs et la rafle du Vel d'Hiv. En effet, à partir du moment où on met en face de l'occupant allemand, non plus une simple administration mais un gouvernement, quelle que soit sa légitimité, celui-ci ne peut qu'enchainer les concessions et les finasseries, quand on tient compte des 2 millions de prisonniers et de l'occupation de la moitié du territoire métropolitain.

Tous ceux qui nous racontent que le gouvernement de Vichy n'aurait pas du collaborer sont des imbéciles ou des salauds, des irresponsables. C'est totalement irréaliste.

Or, les contradicteurs de Zemmour sont des paxtoniens (du nom de Robert Paxton, historien américain qui traite le gouvernement de Vichy comme si les Allemands n'avaient pas existé). Ils sont totalement intoxiqués par le discours de trahison chiraquien « Vichy, c'était la France ».

Comme disait Philippe Seguin « Si Vichy c'était la France, les Résistants sont des traitres, les Justes des rebelles, le général De Gaulle un félon. Il faut débaptiser immédiatement l’aéroport de Roissy et le rebaptiser Aéroport Philippe Pétain et de même avec la place de l’Etoile et un bon paquet de rues et d’avenues de France ».

Les contradicteurs de Zemmour partant des mêmes présupposés pétainistes que lui mais étant moins rigoureux ne peuvent qu'avoir le dessous. D'ailleurs les pétainistes contemporains, qui considèrent que l'armistice était inéluctable, sont souvent aussi des néo-pétainistes, qui considèrent que la France ne doit pas défendre son indépendance et doit se coucher devant l'Allemagne, au nom de l'Europe (typiquement, Macron).

Alors, que répondre à Zemmour ?

C'est simple : l'ennemi du pétainisme existe, ça s'appelle le gaullisme. Il ne fallait pas signer l'armistice et toutes les conséquences, bonnes ou mauvaises, qui en découlent auraient été évitées.

Tout est déjà dit dans le discours du 18 juin 1940 et dans celui du 22 juin 1940.

Comme Zemmour n'est pas idiot, il sait (contrairement à ses contradicteurs !) que la position purement pétainiste est intenable, c'est pourquoi il soutient la thèse du glaive et du bouclier, De Gaulle et Pétain complémentaires. C'est un jeu intellectuel assez vain, ça rassure, mais cette analyse ne tient ni dans la psychologie ni dans la politique.

Que dit De Gaulle ? Qu'il ne faut rien négocier, ne pas se compromettre avec l'occupant et continuer le combat à partir de l'Algérie, ou de Londres par défaut. Faire ce qu'ont fait les gouvernements belges et hollandais.

Des gens ont étudié la question : c'était possible, incertain mais possible.

C'est le point qui sépare De Gaulle et Pétain : armistice ou pas armistice, le reste en découle. Le choix est binaire, c'est pourquoi la théorie du glaive et du bouclier est un sophisme. On remarquera pourtant que De Gaulle et Pétain font en 1940 la même erreur : il voit des ennemis allemands, ils ne voient pas les particularités du nazisme (ils ont d'ailleurs en partie raison : je suis navré de le rappeler, mais le nazisme ne sort pas de nulle part, il est très allemand). De Gaulle se rattrape par la suite. Pétain a été roulé dans la farine par Hitler, pas De Gaulle.

Mais là où ça devient comique, c'est que si le gaullisme l'avait emporté en 1940, c'est-à-dire si le gouvernement Reynaud avait déménagé en Algérie en laissant l'administration se démerder avec l'occupant, les juifs français auraient probablement beaucoup plus souffert, comme en Hollande.

Bref, la victoire de la politique gaulliste en 1940 aurait été meilleure pour la France et moins bonne pour les juifs. Avec Pétain, c'est l'inverse.

Mais, évidemment, quand on est inculte et endoctriné par une vision anachronique comme les contradicteurs de Zemmour, on ne peut faire une analyse correcte.

Pétain eut une occasion de revenir sur son erreur initiale en novembre 1942, lors de l'invasion de la zone sud : certains de ses conseillers l'encourageaient à prendre l'avion pour Alger. Il a refusé. C'est ce qui le condamne vraiment, bien plus que le statut des juifs (l'obsession contemporaine du judéocide fait oublier qu'il y avait une guerre en cours), un peu comme les Cents Jours condamnent plus Napoléon que tout ce qui a précédé.

A la décharge de Zemmour, je pense qu'il s'amuse bien face à des ignares pareils (quoique ça doit fatiguer à la longue).

Quand cet abruti de Durand rappelle à Zemmour que les députés communistes n'ont pas voté les pleins pouvoirs à Pétain. Et pour cause ! Ils étaient en prison du fait du pacte germano-soviétique.

Ou quand le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, cite Maurras sur la distinction entre le pays réel et le pays légal en croyant citer Marc Bloch, il y a de quoi se pisser dessus de rire, car cette distinction n'est pas anecdotique, c'est un des fondements du maurrasisme. C'est comme citer Marx en croyant citer Tocqueville.

Zemmmour se fait plaisir en signalant que le De Gaulle d'après 1958 applique le programme diplomatique de Maurras dans Kiel et Tanger, en sachant que tous les imbéciles qui prennent Maurras pour le diable,  comme Nathalie Kosciusko-Morizet qui avait traité Patrick Buisson de maurassien, n'ont pas la moindre idée de la pensée de Maurras, un des plus grands penseurs français du XXème siècle (à part que Maurras, c'est mal, ce qui est tout de même un peu sommaire).

Pompidou a dit que Kiel et Tanger était un fondement de la diplomatie française, mais bon, comparer Pompidou à des phares de l'intelligence comme Castaner, Griveaux ou Macron, il y a comme un effet comique.

Bref, j'aimerais bien débattre avec Zemmour, il bosserait plus qu'avec les crétins qu'on lui oppose habituellement.






dimanche, novembre 25, 2018

Les gilets jaunes vus par Marsault


Gilets jaunes : « Le peuple n'a ni raison ni tort, il décide »

Gilets jaunes : « Le peuple n'a ni raison ni tort, il décide »

C'est l'essence même de la démocratie  : le peuple est souverain, non parce qu'il a toujours raison, il ne s'agit pas de diviniser le peuple, mais parce qu'il est seul légitime à le faire (il manque juste un roi au-dessus pour symboliser le spirituel).

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« Beaufs », « racistes », « pas éduqués »... les « Gilets jaunes » n'ont pas échappé aux insultes ni au mépris, note Nicolas Vidal. Selon lui, cette attitude est caractéristique d'une élite libérale et mondialisée qui ne comprend ni n'écoute plus les classes populaires.
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En tant que Parisien d'importation, j'en connais des palanquées de ces demi-intellos qui se croient bien meilleurs que le peuple (écolos, végétariens, non fumeurs, féministes -mais pas en banlieue islamique, trottinetteurs, ...). Ils sont risibles car rien ne justifie leur vanité : ils sont au moins autant que ceux qu'ils méprisent le jouet de l'endoctrinement.

De plus, ce sont des enculés d'hypocrites : ils prônent l'ouverture mais eux ont les moyens financiers et sociaux de ne pas en subir les désagréments et ne s'en privent pas (ils vivent dans les bons quartiers, contournent la carte scolaire, ils compensent en partie le naufrage scolaire etc.).

On nous dit que Darmanin et Philippe ont des origines modestes. Mais, comme le dit Christophe Guilluy, c'est le destin de la plupart de ceux qui montent de trahir leurs origines (je le vois tous les jours -et ce n'est pas une image, j'ai les noms).

Le guignol en chef est finalement bien représentatif de ces gens :



Et :


Comment en sort-on ? C'est simple, je n'ai pas varié d'un iota de l'analyse de Philippe Seguin en 1992 (cet excellent discours dit tout et prévoit tout. Regardez le si vous ne le connaissez pas: ce sont 2h très bien employées) l'Euro est l'arme de l'oligarchie mondialisée pour vider de sa substance la démocratie dans les pays européens (1). L'invasion migratoire est l'autre branche de cette tenaille (2).



Comme Jeanne d'Arc, il faut aller à l'essentiel : on en sort en sortant de l'Euro. Tout le reste, c'est du bruit avec la bouche.

Les gilets jaunes, ces manants au sens étymologique (ceux qui restent), nous rapprochent-ils de l'éclatement de l'Euro ? Oui, dans la mesure où tout ce qui introduit un peu de réalité dans la vie politique fragilise ce monstre technocratique qu'est l'Euro.

Les possédants ont peur de la sortie de l'Euro ? La question qui se pose à eux est simple, c'est celle du patriotisme : préfères-tu la France ou ton patrimoine ? Certes, en réalité, la perte de patrimoine ne serait pas si importante qu'ils croient, voire nulle, mais c'est bien l'épouvantail qu'on leur agite et comme le courage n'est pas une vertu bourgeoise, ces cons votent Macron, au moins au second tour.

Je suis assez optimiste à long terme, disons à l'horizon 10-15 ans, mais, en attendant, ça va tanguer fort.

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(1) :



(2) : chacun aura remarqué la blancheur des gilets jaunes. Les colorés ne s'intéressent pas à la France mais à leur communauté (sauf, bien entendu, quand ils sont aussi français qu'un Auvergnat, comme dans nos vieux DOM-TOM).

samedi, novembre 24, 2018

Les méchants gilets jaunes contre les gentilles féministes : quand l’idéologie se cogne au réel

(suite à un problème technique, je ne peux pas mettre de liens)

Les féministes se plaignent que leur manif ait été occultée dans les médias par les gilets jaunes.

Le Huffington Post nous raconte que les féministes ont rassemblé plus de monde à Paris que les gilets jaunes. Ça prouve juste ce qu’on sait déjà : Paris, comme Londres, ne fait plus partie du pays, elle est en situation d’extra-territorialité.

L’écologie et le féminisme sont devenues des distinctions sociales. Leur combat n’est pas celui qui est affiché (sinon, par exemple, les néo-féministes se battraient dans nos riantes banlieues islamiques), c’est une guerre à outrance contre les peuples qui ne veulent pas être déracinés.

Dans un éclair de lucidité, un député LREM l’a dit : « Quand il reste 20 € à la fin du mois, on en a peu marre d’entendre parler d’égalité hommes-femmes à longueur de journées ».

Une fois de plus, les gilets jaunes jouent leur rôle de révélateur.

vendredi, novembre 23, 2018

Arnhem (A. Beevor)

Disons le tout de suite, je préfère le livre de Cornelius Ryan, Un pont trop loin. Tout simplement, mieux écrit.

Beevor dit ce que seul un Anglais peut dire sans retenue : l’opération Market-Garden est mal conçue, mal préparée et mal exécutée à cause de l’incompétence, de l’hypocrisie et de la vanité du maréchal Montgomery.

Et Eisenhower, sans être mauvais comme un cochon, n’était pas vraiment bon, ce n’était pas un Von Manstein. Il laissa par deux fois fin 1944 passer l’occasion d’abréger la guerre, avec Patton (septembre), puis avec Devers (novembre) qu'il n'aimait pas. Patton a très sévèrement critiqué le choix du front large et les Allemands sont plutôt d’accord.

Quelques éclairages :

1) En septembre 1944 et en Belgique, la priorité était de dégager le port d’Anvers, pas de traverser le Rhin. L’amiral Ramsay l’avait expliqué à Montgomery qui n’avait rien voulu entendre, obnubilé par l’idée de prouver sa supériorité aux Américains. Et Eisenhower est resté passif.

2) Franchir le Rhin à l’endroit le plus difficile (7 cours d’eau majeurs à traverser !) pouvait se concevoir, mais seulement dans des conditions qui n’étaient pas réunies du tout : image précise et fiable des dispositions ennemies (or, les renseignements qui arrivaient étaient négligés), audace des commandants de blindés (les cavaliers britanniques firent plusieurs fois montre d’un manque de dynamisme qui aurait mis un Patton ou un Leclerc dans une rage folle), logistique impeccable (ce fut très loin d’être le cas).

3) Lors de l’exécution, il y a eu un manque d’imagination et d’initiative difficilement explicable pour des troupes expérimentées. Peut-être le manque de préparation.

Très symptomatique de l'American way of war : ni Marshall, ni Eisenhower, ni Bradley n'ont l'expérience du combat  (contrairement à Patton et à Mc Arthur) ! Ce sont des administrateurs en uniforme. Inimaginable dans une armée européenne de l'époque (par contre, en 2018, il n'y a plus que ça).

Evidemment, l'armée allemande a fait comme d'habitude : elle a contre-attaqué avec mordant.

Dernière dégueulasserie de ce malheureux épisode qui en comporte beaucoup : Montgomery (dire que c'était un mesquin est un euphémisme) s'est servi du Polonais Sosabowski comme bouc-émissaire, alors qu'il n'y était vraiment pour rien.


Thanksgiving vu par Chesterton

Why Chesterton Despised Thanksgiving Day

En nos temps stupides qui allient puritanisme et morosité, Chesterton est une joie de l'esprit et de l'intelligence.

Chesterton serait épouvanté (mais probablement pas surpris outre mesure) par le néo-puritanisme qui détruit les université occidentales.

Avec son alacrité habituelle, Chesterton propose que la Grande-Bretagne fête Thanksgiving. Comme le jour béni où elle a réussi à se débarrasser de ses pénibles puritains.






jeudi, novembre 22, 2018

La décadence, les gilets jaunes, la CGT, l'Italie

Éric Zemmour : « Ce professeur de Chicago qui avait tout compris »

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Bloom n'est pas le premier ni le seul à établir sur ces bases la dénonciation de cette « pensée 68 ». Il n'est pas non plus le seul ni le premier à estimer que «l'engagement de Heidegger dans le mouvement nazi n'était pas une conséquence de son innocence politique, mais un corollaire de sa critique du rationalisme». Mais, confronté à la violence des mouvements étudiants des années 1960 qui menacent et molestent leurs professeurs, il n'hésite pas à écrire: « La formule usée de Marx ne cessait de me revenir à l'esprit: l'histoire se répète toujours deux fois, la première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une farce. L'université américaine des années 1960 faisait l'expérience du même démantèlement de la structure de l'investigation rationnelle (du champ de la raison) qu'avait connue l'université allemande dans les années 1930. »

Depuis lors, les étudiants des années 1960, aux États-Unis comme en France, sont devenus les patrons de l'Occident. Ils ont imposé leur relativisme en vérité suprême. «Le rationalisme occidental a abouti à un rejet de la raison. Le relativisme parvient à détruire les prétentions universelles de l'Occident […]. Privé de ce besoin de vérité, l'Occident s'effondrera.» Bloom est mort désespéré.
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Christopher Lasch ne dit pas autre chose :

La culture du narcissisme (1978)

Nous sommes vraiment cernés par les cons, et pas des cons rigolos, des qui se prennent très au sérieux.

Quel rapport avec les gilets jaunes ?

C'est simple : ce sont les mêmes cons qui ont abandonné leurs lourds devoirs (dont celui de guider et de protéger le peuple) et ont gardé leurs grands privilèges, donnant naissance à un mépris de classe dont je trouve plus facilement des précédents dans l'histoire orientale que dans la nôtre. D'où les gilets jaunes.

On m'a dit : « Pourtant, Edouard Philippe se targuent d'origines modestes ». Christophe Guilluy a répondu avant moi dans une conversation avec Eric Zemmour : « Il est fréquent que ceux qui s'élèvent trahissent leurs origines ».

Au moins, on sait quel camp a choisi la CGT. Ce n'est pas celui des Français qui souffrent (ça serait exagéré de dire qu'il s'agit de la surprise du siècle) :


Les Français sont seuls, totalement abandonnés par leur classe dirigeante, qu'elle soit politique, syndicale, administrative, intellectuelle ou religieuse.

C'est pourquoi je crois que nous ne nous en sortirons pas seuls. Et je compte pas mal sur l'Italie :

Le système aboie et les « populismes » passent. Le rejet par Bruxelles du budget italien profite aux partis au pouvoir.


mercredi, novembre 21, 2018

Ebola et la révolution

Je fais le lien entre cette vidéo :




Et ce texte :

« Pourquoi ce n’est sans doute pas une révolte mais une révolution » L’édito de Charles SANNAT


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Lorsque j’entends quelques éditorialistes de talents et médiatisés expliquer que la faiblesse du mouvement [des gilets jaunes] c’est son absence d’organisation et des revendications disparates, je me dis que vraiment, « ils » n’ont rien compris.

Bon, en fait, « ils » ont très bien compris que les vents de la grande histoire commençaient peut-être à souffler.

L’absence d’organisation et les revendications disparates sont la faiblesse d’un mouvement, mais la force d’une révolution.

[...]

Une vraie révolution est armée ?

Eh bien globalement non. Presque jamais. En 1917, quelques coups de fusil furent tirés, mais les vrais massacres arrivent après la chute du pouvoir en place. Avant, c’est de la « gnognotte ».

C’est plutôt qu’à un moment, les leviers de commande ne répondent plus et que les moyens ne sont plus suffisants pour enrayer la révolte plus ou moins pacifique.

Si l’on ne tire pas sur la foule, il arrive un moment où les grenades lacrymogènes ne sont plus suffisantes.

Ce jour-là, l’armée tire ou se retire. La police tire ou se retire. Si elle tire, le pouvoir sombre du côté du crime contre l’humanité. S’il ne tire pas, il tombe tout court comme un fruit mûr et prend la fuite. Macron ira à Berlin. Je pensais qu’il irait aux États-Unis, mais Trump le laissera certainement se démerder avec ses sans-dents au mordant acéré. Un remake de la fuite de Varennes.

[...]

Est-ce une révolution Sire ?

C’est encore un petit tôt pour le dire. On sera fixé samedi.

Si samedi prochain, le 24 novembre, les sans-dents montent à Paris et profitent de leur week-end pour bloquer le pays alors oui, on pourra dire à Macron, « Sire, c’est une révolution ».

Macron a voulu se comporter comme un monarque et risque de finir comme notre dernier roi.

Les journalistes sont étonnés. Les Parisiens sont étonnés. Cela relève un manque de culture historique crasse.

Quand de Gaulle lance l’appel du 18 juin, il appelle les officiers, les ingénieurs et les classes éduquées.

Il est rejoint par de « pauvres » bougres [ce n'est pas tout à fait vrai : la sociologie de la Résistance est plus bourgeoise que la moyennende la population. En revanche, les premiers Résistants ont souvent dans leur parcours antérieur des éléments originaux, ce sont rarement des bourgeois modèles, style premiers de la classe, ils ont des signes d'iconoclasme]. Des sans-dents de l’époque qui puaient déjà la clope et le gasoil, surtout quand ils rejoignaient l’Angleterre dans des rafiots puants.

Les nations sont toujours vendues par les riches et sauvées par les gueux…

Les beaux quartiers qui s’empiffrent peuvent frémir… Les gueux sont de sortie et ils sont très fâchés.
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Dans mon milieu de cadres parisiens, je me demande souvent quelle supériorité désigne le terme « CSP+  classe socio-professionnelle supérieure », car ils ne comprennent pas Trump, ils ne comprennent pas les gilets jaunes. En fait, ils ne comprennent pas grand'chose au monde qui les entoure, mais aimeraient bien qu'on leur laisse vivre peinards leur petite vie confortable et au diable ceux qui payent le prix de leur confort. Bref, ces « enragés du centre », qui montaient à l'assaut de la barricade de Marius dans Les Misérables, aussi extrémistes dans leur genre que les communistes ou que les fascistes. Depuis quarante ans (Giscard), ils croient malins en vendant la France à l'Allemagne pour que le monde qui les a faits ne change pas. L'Europe allemande, cette grande idée ...



Quel rapport avec Ebola ?

Le contrôle policier (écoutes, interceptions, espionnages divers) et social (lois scélérates, intériorisation du politiquement correct) est tellement fort que, contrairement à Charles Sannat, je n'ai aucun doute sur le fait que le mouvement des gilets jaunes ne se transformera pas en révolution. Sauf si ...

Sauf s'il se passe un événement qui concerne tout le monde, qui fait très peur et qui fait perdre toute confiance dans les autorités, comme une pénurie de pain ... ou une épidémie d'Ebola ... ou autre chose.

Le truc à comprendre, c'est que le Système devient de plus en plus fragile, car trop interconnecté, trop contraint, trop détesté, trop endetté (relire Antifragile). On ne sait ni le jour ni l'heure ni le moyen, mais on sait que la dislocation n'a jamais été si probable. Rien ne sert d'essayer de prévoir l'avenir, en revanche, il faut être prêt à saisir les occasions qui se présenteront.




Dans le jaune : un dessin vaut mieux que mille mots

Par un dessinateur du Monde, sur Twitter :



Ce monsieur a bien raison comme le prouvent les réactions à ce dessin :



Il trouve un soutien chez le petit marquis de Quatremer (encore un pseudonyme, c'est curieux, comme son patron, M. Mouchard) :


Et il précise, au cas où on ne l'aurait pas compris :


Mais il y a moins agressif, un peu moins injurieux  et encore plus à l'ouest :



Et :


Je comprends mieux les gens qui voulaient pendre quelques aristos à la lanterne.

D'un point de vue plus personnel, vivant cerné de cadres parisiens, je pourrais ouvrir une rubrique « choses entendues » sur les diverses expressions de mépris social, souvent inconscient, de gens qui, pour beaucoup, votent à gauche.

Et aussi, un grand moment de démocratie (je ne vois pas en quoi Jean Lassalle aurait un comportement perturbateur, injurieux ou indécent. On remarque aussi qu'il ne reçoit aucun soutien, de nulle part) :



Je me pose une question : ces gens sont-ils ignorants de la politique à ce point ? Je veux dire : de la vraie politique, celle qui meut les peuples et les nations, pas les ficelles pour raconter des conneries aux journalistes ? Moi, je serais à leur place, je serais mort de trouille, je ferais profil bas : un mouvement massif, incontrôlé, sans chef, aux revendications floues, c'est une possibilité de catastrophe. Hé bien, ces cons incultes et méprisants (car, au fond, c'est ce qu'ils sont) jettent de l'huile sur le feu.

Je pense aussi à C. Lasch, à ses textes sur la sécession des élites, le mépris social et la bêtise de la classe intellectuelle.

Heureusement, il y a d'autres réactions :

Les femmes, fer de lance des gilets jaunes (bin, ouais, maintenant, les hommes français sont tellement escouillés, que les mecs, c'est des femmes)

Quelles perspectives pour les Gilets Jaunes ?

Et, comme le début d'un commencement de solution, c'est l'éclatement de l'Euro (si vous ne le comprenez pas, c'est que vous n'avez pas assez fréquenté ce blog) :

Comment Bruxelles et les marchés empêchent l’Italie de respirer








lundi, novembre 19, 2018

Dans le jaune

Ce ne sont pas les mésaventures de Carlos Ghosn qui vont réconcilier les gilets jaunes avec l'hyper-classe mondialisée. Je n'ai jamais pu blairer ce rastaquouère : en plus de tout le reste (on pourrait discuter des « valeurs » de ce monsieur), un honnête homme n'a pas trois nationalités.

Les « Gilets jaunes » contre le mensonge et le mépris !

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Le pouvoir actuel a choisi la voie de la facilité : faire payer les Français en leur racontant des bobards !

Lorsque le mensonge est trop grossier, il est déjà méprisant, mais cette fois, le mépris devient systématique et multiforme. On peut le résumer en deux mots : d’abord, celui de pédagogie qui revient constamment. Le « paîs, paîdos » grec d’où vient le mot, c’est l’enfant. Le second mot, c’est celui que d’une voix doucereuse et attendrie, emploient nos ministres : « accompagner ». Les Français sont des enfants, des mineurs irresponsables à qui il faut expliquer ce qu’ils doivent faire, et qu’on va prendre par la main pour qu’ils le fassent. Cela va consister à redonner d’une main à quelques-uns ce qu’on a pris de l’autre à tout le monde ou presque. Les classes moyennes qui sont au milieu donnent mais ne reçoivent pas : elles sont dans la rue, et c’est une première. Avec effarement elles prennent conscience que les socialistes sont toujours au pouvoir avec quelques transfuges pour faire illusion : dépense publique, fiscalité répressive, libertés réduites, et inefficacité économique. Il n’est pas difficile de les reconnaître même s’il s’agit du socialisme de luxe qui supprime l’ISF et joue l’écolo. L’ineffable chien de garde Castaner traite d’ailleurs les gilets jaunes comme Valls naguère les marcheurs pour tous. Ces gens n’aiment pas le peuple, et ce sera de plus en plus réciproque !
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J'aime beaucoup Bertrand Renouvin :

Gilets jaunes : Macron dans la tenaille

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Depuis le 17 novembre, le président des riches est pris au piège.

Mandataire de puissants groupes d’intérêts, il est obligé de poursuivre les « réformes » ultralibérales qui s’abattent les unes après les autres sur les classes moyennes et populaires. Cela pouvait marcher tant que la « gouvernance » se trouvait face à un peuple d’individus ou à de petits groupes éparpillés et sans influence sur la vie dans les grandes métropoles. C’est fini.

Ce peuple s’est révolté et spontanément rassemblé hors des partis politiques, mêmes populistes de droite ou de gauche. Il n’offre aucune prise à la séduction et à la récupération et ce ne sont pas les « experts » de médias discrédités depuis belle lurette qui vont l’impressionner. La « gouvernance » ne peut faire de concessions, fiscales par exemple, car ce serait encourager des revendications intolérables pour l’oligarchie. Mais si elle persévère dans son ultralibéralisme, elle alimente l’incendie social.

Les dirigeants du pays ont choisi la guerre sociale, persuadés qu’ils allaient la gagner. Ils sont en échec. C’est une première victoire.
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Le grand retour des classes dangereuses ?

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Eric Verhaeghe : Les élites françaises ont mangé leur pain blanc. Depuis 1968, elles règnent sans vrai partage, imposant un régime politique somme toute autoritaire et très rude pour l'identité française traditionnelle. Dans la pratique, la France des petits bistrots, des marchés vivants, de la mixité sociale, de la laïcité militante, d'une société laissée largement vierge de toute intervention de l'État, qui a marqué les années 60, a cédé la place à une France hyper-administrée, hyper-réglementée, où les cafés disparaissent, les boucheries, les boulangeries aussi, pour céder la place à des hypermarchés installés aux abords des villes et même des villages. Au lieu d'une société mélangée, laïque, la France offre aujourd'hui le visage d'un communautarisme et de ségrégations à tous les étages. Ce bouleversement-là est largement le fait d'une élite mondialisée qui a proclamé un jour que la France était une puissance moyenne dont le modèle de base était la société anglo-saxonne. Je ne pense pas qu'une majorité de Français ne se soit jamais prononcée pour un mouvement de cette ampleur, et, de fait, la rupture est profonde entre la majorité silencieuse qui désapprouve ces changements et la minorité au pouvoir qui l'impose par un curiaçage savant des oppositions.

Le retour de bâton risque d'être brutal. Il faut dire que l'antienne du "populisme" est une bombe à retardement. Tous les nostalgiques de leur petit bistrot à trois sous aujourd'hui remplacé par un franchisé s'entendent depuis des années (en gros depuis le referendum sur Maastricht) traîner dans la boue sous cette étiquette de "populisme", si proche de populeux, de plébéien, de ces mots méprisants pour ce qui fait le fond de la société française. Des années d'humiliation peuvent coûter très cher à cette élite qui, avec Macron, déçoit en donnant le sentiment de ne pas tenir sa promesse de renouvellement. Donc oui, je pense que les élites peuvent trembler aujourd'hui, car une réaction chimique s'est produite dans la société française, une réaction de colère que la domination de la société par cette élite essentiellement administrative. Et si le pire n'est jamais sûr, il peut être craint...
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Enfin, un bon texte (bien qu'un peu long) d'Onfray :

MICHEL ONFRAY AU MERCENAIRE BHL EN MISSION STIPENDIÉE. DU ONFRAY TRÈS EN VERVE

Allez, pour finir, un grand moment d'information à la russe à la française :


dimanche, novembre 18, 2018

Les généraux sont des traitres comme les autres

Saint-Cyr : une promotion débaptisée par l'armée

Les généraux français sont des technocrates en uniforme. Le mot important n'est pas « uniforme » mais « technocrates ».

Depuis Bonaparte et Boulanger, la république a peur de ses généraux et a développé toute une méthode et des traditions pour sélectionner les plus serviles, les plus carriéristes, les moins susceptibles de se révolter, surtout quand la révolte est nécessaire (De Gaulle fut une malheureuse erreur de sélection de ce système).

Réciproquement, ceux-ci ont cultivé un talent pour dissimuler leur servilité sous une allure martiale (c'est la moindre des choses pour un militaire). Mais ne vous y trompez pas : il n'y a pas de haut fonctionnaire plus soumis qu'un général, moins susceptible de défendre les intérêts politiques de la France.

Avec le général Lecointre, c'est encore pire qu'avec ses prédécesseurs : sa promotion météorique garantit qu'il n'a qu'un appui très modéré de ses collègues et qu'il est entièrement dans la main du macronide élyséen.

Même quand il y a une guerre à gagner, le système ne change pas vraiment de priorité (Joffre est un troisième choix et ne parlons pas de Gamelin), alors, quand il n'y a pas de guerre à gagner ... Puis, la guerre finit toujours par arriver et on s'étonne que ça se passe mal. Bah, le sang des troufions, c'est pas cher.

Bref, toutes les institutions, y compris le sabre et le goupillon, sont gangrenées par la sécession des élites : le peuple d'en bas est abandonné par les traitres d'en haut.

Devant une telle crise de la classe dirigeante, le seul remède est une révolution, mais je ne sais pas comment.

En tout cas, la révolution au Portugal fut faite par les capitaines, pas par les généraux.


samedi, novembre 17, 2018

vendredi, novembre 16, 2018

Les gilets jaunes et les foies jaunes

Une jacquerie qui ne débouche pas sur une révolution n'a aucun intérêt. Elle renforce même le pouvoir en place.

Zemmour, Naulleau et leur orchestre laissent entendre exactement la même chose.

Edouard Husson, dans un article d'Atlantico,  met le doigt là où ça fait mal (1) : pas un de nos politiciens, pas un, pas même Marine Le Pen, n'a les couilles de se mettre réellement à dos l'establishment pour prendre une vraie défense des Français d'en bas.

Comprenez bien : faire le Trump, cela a des conséquences funestes très concrètes. Ca n'a rien d'aisé. Chaque passage dans les médias est une guerre, on n'est plus invité dans les diners en ville, on se fait plus insulter que féliciter par les puissants, on est persécuté par les contrôles fiscaux, on perd l'espoir d'enrichissantes sinécures et de lucratives conférences, les ors des palais nationaux s'éloignent ... C'est la mort sociale.

C'est pourquoi aucune organisation, aucun parti, ne prendra la fronde des gilets jaunes en charge pour la transformer en révolution.

Les manifestations des gilets jaunes n'ont donc presque aucun intérêt (j'explique ce « presque » en fin de billet) puisqu'elles n'auront pas de traduction politique. Si les gilets jaunes étaient sérieux, ils ne manifesteraient pas comme des cons aux ronds-points, ils auraient voté Le Pen en 2002 et en 2017. Non pas parce que les Le Pen sont la solution mais parce qu'ils sont la seule chance de rupture offerte à nos suffrages.

Quand on vote depuis trente ans pour les candidats du Système (ou qu'on les laisse passer par abstention), il ne faut pas se plaindre ensuite que le Système perdure.

Cette révolte des gilets jaunes permet aussi de mesurer la décadence de la France. Quand on compare la désormais fameuse Jacline et Pierre Poujade, il n'y a pas photo. Poujade avait un discours plus construit et s'exprimait mieux.

Alors, pourquoi « presque » sans intérêt ?

Parce que ce gouvernement manque tant de jugement qu'il en devient vulnérable. Face à un gouvernement pas constitué exclusivement de crétins cupides et narcissiques, ces manifestations des gilets jaunes n'auraient aucune chance. Mais, justement, ce gouvernement est constitué exclusivement de crétins cupides et narcissiques. Alors, une grosse bourde bien conséquente est toujours possible.

Bref, à mes yeux, ces manifestations pourraient être l'occasion pour le gouvernement de manifester (!) une fois de trop sa nullité.

Une petite utilité annexe : pour les derniers qui se faisaient des illusions, c'est un révélateur. Ils savent maintenant que les syndicats font partie de la France d'en haut.

Enfin, un satisfecit (si je ne m'envoie pas des roses, qui le fera ?). Cela fait des mois que je répète que la contestation surprendra, sera originale, car le pouvoir a verrouillé les formes de contestation institutionnalisées (pauvre Wauquiez, pauvres syndicats).


Même analyse de François Bousquet :

Les gilets jaunes, nouveaux «ploucs émissaires» ?

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Toutes ces protestations (et les protestations antifiscales furent de très loin les plus nombreuses) - des Jacques, Croquants et autres Nu-pieds jusqu'aux boutiquiers poujadistes - raconte la même histoire depuis le MoyenÂge tardif où elles commencèrent, avec la naissance de l'État : celle d'un échec programmé, tant il est dans la nature de ces soulèvements d'être des phénomènes irruptifs, spontanés et passagers. Au nom de quoi la révolte des gilets jaunes échapperait-elle à cette fatalité de l'échec ? Tout l'appelle, au grand regret des populistes, jusqu'à la composition socioprofessionnelle du mouvement (interclassiste), mêlant artisans, ouvriers, intérimaires, auto-entrepreneurs, chauffeurs routiers, ce qui n'est pas sans évoquer les « fureurs paysannes », lesquelles réunissaient « les trois ordres du royaume reportés à l'échelle du clocher », comme l'a dit un historien.

On a fait grand cas de la politisation du mouvement, à tout le moins de sa récupération partisane ou syndicale, mais la vérité, c'est que la révolte des gilets jaunes, pareille en cela à la plupart des révoltes (ce en quoi elles constituent l'exact antonyme des révolutions), est plus impolitique encore qu'elle n'est faiblement politisée. Or, c'est de politique qu'a besoin la France périphérique pour la tirer de son marasme économique et identitaire. L'homme ou la femme politique qui sera capable de tenir ce langage sera assurément susceptible d'en recueillir les suffrages. Les gilets jaunes auront alors vengé les ploucs émissaires.
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(1) : « Ce qui surprend le plus nos commentateurs, c’est l’efficacité de Trump. Comme ils ont pris pour argent comptant la propagande électorale démocrate, ils ne comprennent pas comment quelqu’un dont on leur dit qu’il est en fait stupide, incapable de se concentrer, instable etc…. arrive à faire tout ce qu’il a annoncé.

De ce point de vue, les Russes ou les Chinois sont beaucoup plus réalistes. Ils ne sous-estiment pas Trump. Ils le prennent au sérieux. J’ai été frappé, lors d’un récent voyage en Chine, d’entendre beaucoup d’interlocuteurs se demander à haute voix comment ils allaient limiter les dégâts que leur inflige la politique de Trump. La question n’était pas de savoir si Trump était simplet ni même s’il avait raison ou tort – au royaume des idées politiques - mais quel allait être l’effet sur la croissance chinoise d’une modification des traités commerciaux.

Nous sommes étonnés parce qu’en France nous n’avons pas connu de président efficace en économie depuis Georges Pompidou. Dans un entretien récent au journal Le Point, Nicolas Sarkozy évoque avec une certaine envie les régimes autoritaires qui auraient la durée et l’efficacité pour eux ; et dans le même entretien, il a tendance à minimiser les succès de Trump, qui se contenterait d’aller « de deal en deal » avec une certaine efficacité.

Mais le nœud du problème est bien là : accepter de regarder Trump avec recul et équanimité, cela revient à accepter que nos gouvernements démocratiques pourraient être efficaces. Nous devrions nous réjouir des leçons venues des Etats-Unis : sauf que cela voudrait dire, pour nos politiques, se couper, comme Trump l’a fait, d’une partie de l’establishment, pour quelques années de navigation solitaire. Nos dirigeants n’y sont pas prêts. »
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jeudi, novembre 15, 2018

Un discours de trahison

J’ai l’impression que le mot « trahison » est plus fréquent pour parler de nos politiciens et hauts fonctionnaires, qu’il remplace petit à petit « incompétence ».

Comme cela fait déjà longtemps que je pense que notre classe dirigeante trahit, au plein sens du terme, je suis peut-être victime d’un biais de confirmation.

La crise du sens derrière la crise de l'essence : comment une addition de réformes rationnelles produit un résultat politique qui ne l'est plus du tout

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Peut-on parler d'une faillite des élites ? Et comment en sortir ?

Eric Verhaeghe : C'est un joli débat. Je crains que le sujet ne soit pas la faillite des élites, mais la trahison des élites pour paraphraser Julien Benda. Nos élites sont toutes des produits du système républicain. Elles devraient toutes chérir la démocratie, le peuple comme corps social maître de son destin, et le rayonnement universel de la France comme objectif. Au lieu de cela, nos élites n'ont jamais de mots assez durs pour stigmatiser le populisme du peuple français, pour le rabaisser. Ecoutez Macron parler des Gaulois réfractaires. On croirait entendre le grand bourgeois parisien qui a honte de ses cousins de province. Macron a profité du système public pour s'élever dans la hiérarchie sociale. Il a fait l'ENA, école payée par les contribuables français. De quel droit méprise-t-il aujourd'hui ceux qui lui ont permis d'être là ? Nos élites n'ont jamais de mots assez durs pour la France elle-même. Leur leitmotiv est de répéter en boucle que la France est une puissance moyenne, que son destin solitaire est fini, qu'elle doit désormais se fondre dans une entité supra-nationale pour exister. Je ne pense pas que ce défaitisme corresponde à un mandat donné par le peuple français. Je ne pense pas non plus qu'il contribue à relever le pays de ses ruines industrielles.

Ce discours-là est, de mon point de vue, un discours de trahison dans la mesure où il valide, il assume, la désindustrialisation du pays.
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Pour ma part, j'entends cette trahison dans un sens plus concret : je pense que nos politiciens servent véritablement des intérêts différents et opposés à ceux de la France et en tirent personnellement des avantages (comme des conférences internationales grassement payées ou des sinécures rémunératrices, qu'on ne propose pas aux « populistes »).

mardi, novembre 13, 2018

France-Serbie : cent ans d’amitié piétinés par Macron

Décidément, le 11 novembre, ce n'était pas son jour, au Macron :

France-Serbie : cent ans d’amitié piétinés par Macron

Commémoration du 11 novembre : la Serbie injustement humiliée

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« On a merdé ». La formule émane d'un membre haut placé du service du protocole de l'Élysée

[…]

Le 6 décembre, Emmanuel Macron doit se rendre à Belgrade. Son homologue a promis un accueil « grandiose », histoire de lui faire comprendre que du côté serbe, quand il s'agit d'honorer l'amitié forgée dans le sang entre nos deux pays, on évite de « merder ». Cette fois, c'est la France qui risque de se sentir humiliée.
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« On a merdé ». Bien piètre excuse pour ignorer ce qu'un écolier de 6ème savait il y a quarante ans (aujourd'hui, les écoliers ne savent plus rien, mais c'est une autre histoire). Et Macron ? Qu'est-ce qu'il sait ? Bon d'accord, pour lui, la France n'existe pas, alors la Serbie ...

Là encore, le minus de l'Elysée est le digne successeur de François Hollande, qui avait oublié d'envoyer un ministre aux obsèques de Roland de la Poype, juste Compagnon de la Libération, Grand-Croix de la Légion d'Honneur, Héros de l'Union Soviétique, c'est-à-dire dans l'échelle des valeurs de la hollando-macronie, quelques crans en-dessous de Cyril Hanouna.



Allez, consolation, j'avais prévu toutes ces conneries (ce billet date de 2013) :

Frappe préventive sur les commémorations de 2014

En fait, cela ne me console de rien.

J'ai honte.

lundi, novembre 12, 2018

Le 11 novembre d'E. Macron n'est pas celui de la France

11 novembre 2018 : Emmanuel Macron a été lamentable, et même insultant, pour les raisons exposées dans les deux articles en lien (même si celui d’Edouard Husson est brouillon).

Je crois que, comme le dit Emmanuel Todd, notre président est un imbécile. Certes, il est sûrement plus intelligent que le Français moyen, mais on n’exige pas la même chose de ceux qui sont en haut que de ceux qui sont en bas : « Ceux qui nous gouvernent et commandent, s’ils ne sont très loin au-dessus de nous, sont très loin en-dessous ». Dans le marigot des chefs d’Etat, ce n’est pas une lumière : Trump, Poutine et Salvini sont probablement plus rusés et plus fins. Il est plutôt dans les médiocres technocrates, genre Merkel et May.

Mais, hélas, cela ne l'empêchra pas de gouverner.

Centenaire de 1918 : un rendez-vous manqué avec l’Histoire

Le fiasco du 11 novembre parisien

samedi, novembre 10, 2018

La préférence temporelle




Boule de cristal : Macron homme seul mais très soutenu

Je pense que Macron va être ré-élu en 2022 (1).

Mais il y a des signes d'espoir. Bien que Macron continuera à être soutenu par les milliardaires Drahi, Niel, Pigasse et compagnie, il a un grave problème : il est de plus en plus seul. On comprend qu'il s'appuie sur les petits marquis Alexis Kohler et Ismaël Emelien et ... Bin, et plus personne. Bon, il y a Castaner. Mais Castaner ou rien, où est la différence ?

Il ne manquerait plus que la vioque demande le divorce et les carottes sont cuites (mais elle ne le fera pas, elle tient trop aux honneurs).

Le parallèle avec Trump est intéressant : lui a démarré comme un homme seul et a su conquérir le parti républicain. Certes, il est aidé par les modes de scrutin qui forcent le bipartisme.

Macron est parti sans appareil, a rallié des seconds couteaux arrivistes (avec quel argent ?) et ceux-ci se font la malle.

Les imbéciles qui ont voté Macron ont une part de responsabilités (je ne fais pas de différence entre premier et second tour). Il faut vraiment avoir de la merde dans les yeux et de la bouillie dans la cervelle pour ne pas avoir vu et compris que Macron était un feu de paille médiatique. Mais je sais bien ce qu'ils avaient dans le crâne : la grande peur des bien-pensants, la chiasse au cul verdâtre, la trouille qui liquéfie les selles et vide le cerveau. Peur de perdre leur petit patrimoine et leur petite place. Penser à la France en dépassant leur petite personne ? Vous n'y pensez pas ! Des minables.

Cependant, que Macron soit un homme seul est une chance pour ses vrais opposants. Il est beaucoup plus vulnérable, beaucoup plus exposé à une connerie fatale.

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(1) : parce que :

1) Même configuration que 2017 : pas d'opposition structurée, coup d'Etat judiciaire, soutien de la presse.

2) Il y a bien un électorat macroniste, composé de salauds et d'imbéciles, j'en connais des deux catégories, voire mélangés. Est-ce que ça suffira ? Tangent, mais probable.

17 novembre : vaine manifestation ? Jacquerie ? Révolution ?

Je ne sais pas si j'irai bloquer le périphérique le 17 novembre.

Je m'interroge : vaine manifestation ? Jacquerie ? Révolution ?

Contrairement aux Parisiens, je ne trouve rien de péjoratif aux jacqueries. Mais l'histoire nous apprend que leur seul effet est de renforcer le pouvoir en place : quelques concessions et beaucoup de répression sur les ailes de la grande peur des possédants.

D'un autre côté, une brute qui marche va plus loin que deux intellectuels assis et il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre.

Qu'en pensez-vous ?


L'époque des vaines polémiques

On a honte d'une polémique aussi creuse :



Rappelons que la phrase de De Gaulle de 1966 à Verdun suffit à la régler de manière raisonnable et patriote (car dans cette polémique, il y a beaucoup de narcissisme communautaire/politique, et que je te fais mousser la moraline à deux balles pour te montrer ma belle âme, qui méconnaît la vision plus élevée, au niveau national) :

« Si, par malheur, en d'autres temps, en l'extrême hiver de sa vie, au milieu d'évènements excessifs [membre de phrase très important : Pétain n'aurait jamais été chef de l'Etat s'il n'y avait pas eu la défaite. Cela tempère ses responsabilités, même s'il n'est pas totalement innocent de cette défaite], l'usure de l'âge mena le maréchal Pétain à des défaillances condamnables, la gloire qu'il acquit à Verdun, qu'il avait acquise à Verdun vingt cinq ans auparavant et qu'il garda en conduisant ensuite l'armée française à la victoire ne saurait être contestée ni méconnue par la patrie. »

Ceux qui entretiennent cette polémique sont comme d'habitude l'anti-France qui veut culpabiliser les Français au nom d'une idéologie universaliste hors sol (et, Zemmour a raison, d'une instrumentalisation stalinienne de l'histoire).

Cette polémique ne m'intéresse donc pas : il est juste que soit rendu hommage à Philippe Pétain avec les autres maréchaux. Et si on ne le fait pas, c'est une injustice. Point barre.

En revanche, qu'on se perde dans cette polémique sans intérêt est navrant. Ce manque d'intelligence, de recul, de connaissances, dans les arguments (Zemmour à part) invite au mépris le plus cinglant. C'est ce symptôme de bêtise qui me travaille. Comme le dit Todd, la France est dans un état de décadence morale et intellectuelle dont je me demande si elle peut sortir.



vendredi, novembre 09, 2018

Les carottes Vichy (la bourgeoisie française y était)

C'est un débat assez récurrent sur ce blog « La bourgeoisie française a-t-elle un tradition de trahison, notamment au profit de l'Allemagne ? ». Ma réponse est clairement positive (comme celle de Clemenceau et de Gaulle, entre autres).

Bien sûr, cela varie dans le temps : peu entre 1914 et 1918 ; beaucoup entre 1940 et 1944. Il y a des nuances : je n'oublie pas que la sociologie des Résistants était au-dessus de la moyenne.

Mais globalement, je maintiens mon analyse.

En tout cas, après guerre, c'est très clair : il y a une veine politique d'extrêmes centristes, forcenés de la trahison, combinant atlantisme et européisme, toujours prêts à brader les intérêts de la France pour complaire à Washington et à Berlin (auparavant, à Bonn) sans que la France en tire aucun avantage significatif en retour. C'est vrai aussi dans le domaine industriel (EADS, Alstom, ...).

Il y a continuité dans la trahison des bourgeois mous (sauf quand il s'agit de trahir. Là, ils savent être durs) : Schuman, Giscard, Hollande, Macron.


Vichy n’était pas la France, c’était le gouvernement des élites


Une tribune de Guillaume Bigot autour du livre "L'Etat contre les Juifs" de Laurent Joly

par

Guillaume Bigot

- 8 novembre 2018

Guillaume Bigot. ©GB

Saluant la publication du brillant essai, L’Etat contre les Juifs, que publie l’historien Laurent Joly, Guillaume Bigot en conteste néanmoins une partie des thèses. Bloc de traîtrise, de bêtise et de haine, le régime antisémite de Vichy a cependant empêché, selon lui, une extermination totale des juifs français.

Une brillante synthèse consacrée à la politique antisémite de Vichy vient de sortir : L’Etat contre les Juifs, signée de l’historien Laurent Joly. Ce travail d’une grande clarté permet à la France contemporaine de resituer précisément sur la fresque nationale cette tâche morale indélébile que fut Vichy. La resituer avec justesse, sans la minimiser mais sans non plus l’étendre à tout un peuple qui a subi le choix de ses dirigeants et à qui on n’a jamais demandé son avis. Ce n’est pas le moindre mérite du livre de Joly que de dénoncer cet amalgame permanent entre Vichy, la France et l’Allemagne. L’Etat contre les Juifs tord le cou à trois idées fausses.

Abject, l’antisémitisme français n’était pas nazi

La première, c’est que Vichy n’a jamais été comparable à l’Allemagne nazie. Cette conclusion saute d’autant plus aux yeux si l’on se place du point de vue des crimes antisémites. Certes, le régime de Vichy va, de son propre chef, édicter, le 3 octobre 1940, un statut des Israélites, faisant de nos compatriotes juifs des citoyens de seconde zone. Il n’en reste pas moins que l’antisémitisme de Vichy différait fort de l’antisémitisme génocidaire des nazis. L’écrivain royaliste et résistant Bernanos poussera d’ailleurs un cri surréaliste à la Libération : « Le nazisme a déshonoré l’antisémitisme. » Joly écrit : « La tradition antisémite autochtone n’était pas assez puissante pour aboutir à l’adoption d’une loi raciale. »

Vichy n’était pas Berlin : jamais le port de l’étoile jaune ne sera imposé en zone libre. L’Etat français n’est pas le Reich : même des antisémites virulents, comme Xavier Vallat (insultant Léon Blum à la Chambre, le 6 juin 1936 : « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un juif ».) ne veulent pas que l’on arrête les « juifs respectables » ! En novembre 1943, René Bousquet écrit à un officier SS : « Pour les services de police, (…) le fait d’être israélite ne constitue une présomption de responsabilité, ni en matière politique, ni en matière de droit commun. »

Le zèle administratif français facilite les rafles

L’Etat contre les Juifs montre aussi comment le zèle administratif français va grandement faciliter la tâche criminelle des Allemands. A l’été 1942, les hommes de Vichy, au nom d’une pathétique « reconquête administrative », disent en substance aux Allemands : « On vous donnera le nombre de juifs que vous voulez mais laissez-nous faire et épargnez les juifs français ». A l’été 1942, l’Etat français opère donc en effet un choix déshonorant et ignoble.

Joly montre ainsi comment Vichy a sacrifié les juifs apatrides sur l’autel de la collaboration. C’est exactement le même argument que l’on retrouve sous la plume de Zemmour et dont on ne comprend pas bien pourquoi Joly tient absolument à dire qu’il est en désaccord avec lui. Des Juifs français sont raflés au passage et, horreur dans l’horreur, abomination au carré, les enfants nés sur notre sol, donc français, sont également livrés.

Contrairement à Zemmour et à Joly, l’historien Pierre Vidal-Naquet, contestant l’évidence de cette ignoble troc écrivait : « Des mesures n’ayant affecté que des étrangers… si cela était vrai, le crime n’en serait pas moins éclatant ! » Vidal-Naquet a moralement raison mais mathématiquement tort. Car si Vichy n’avait pas existé, le sort des Juifs dans l’Hexagone aurait été pire, bien pire. En France, 90 % des Juifs français, 86 % des enfants juifs français et étrangers et 60 % des Juifs étrangers survivront à la guerre. Partout ailleurs, les nazis détruiront entre 50 et 90 % des communautés israélites. Pour autant, Vichy n’a jamais été un moindre mal.

La France n’était pas Vichy

Sur 280 000 juifs recensés (sur 320 000) en 1941, il y aura tout de même 74 150 morts. Vichy est un bloc de traîtrise, de bêtise et de haine qui a livré les apatrides, arrêté ses concitoyens juifs et fait couler le sang des résistants et des alliés.

En jouant à cette farce tragique d’une souveraineté à la botte, Vichy va libérer deux millions de soldats nazis qui auraient dû autrement occuper notre vaste pays et saborder notre flotte qui était, en 1940, la première du monde, devant la Royal Navy.

La deuxième démonstration irréfutable de Joly, c’est que la France n’était pas Vichy. En marge d’un projet de loi antisémite, le chef adjoint du cabinet civil de Pétain note : « Le pays n’est pas antisémite… On dira que c’est un asservissement devant l’Allemagne, le racisme n’est pas apprécié dans ce pays parce qu’il est allemand. »

Bien sûr, un antisémitisme bien de chez nous a existé mais que pesait-il ? Le Journal Au Pilori, tiré à 65 000 exemplaires, organise un concours en 1943 à propos des juifs intitulé « Où les fourrer? » La gagnante en est une habitante de Clichy qui propose de stériliser les juifs. 65 000 exemplaires, c’est à comparer, avec les quelque 1200 journaux résistants qui seront distribués à plus de 2 millions d’exemplaires.

La France n’était pas Vichy en témoigne encore les rapports des préfets qui atterrissent sur le bureau du vieux maréchal. Ces rapports sont sans appel : l’étoile jaune ne passe pas, les restrictions alimentaires ne passent pas, la poignée de main avec Hitler ne passe pas.

Une minorité de héros… et de salauds

L’historien Henri Amouroux a raison : en juillet 1940, il y a bien 40 millions de pétainistes. Quelques mois plus tard, le 24 octobre, le soutien populaire s’effondre. C’est l’entrevue de Montoire. La France copine avec l’ennemi. Les Gaulois réfractaires ne l’acceptent pas. Vichy n’est pas la France… En témoigne le stoïcisme des populations civiles, notamment en Normandie, lourdement bombardée par les anglo-américains et qui réserve pourtant un accueil triomphal aux alliés qui débarquent en juin 44.

Certes, les héros furent peu nombreux. Mais les salauds aussi. Le sentiment dominant des Français, c’est la détestation du Boche qui pille et qui fusille. Quant au sort des Juifs, il est incompréhensible à la majorité. Le livre de Joly contient ce témoignage bouleversant d’une Française anonyme qui écrit à Pétain, en voyant passer des autocars chargés de femmes et d’enfants raflés : « Ce sont des charrettes de condamnés. »

La troisième leçon de vérité de ce livre, et sans doute la plus importante pour la France de 2018, c’est que les élites furent derrière Vichy et le peuple derrière la Résistance et les Alliés. Le principal mérite de Laurent Joly est sûrement de faire éclater la vérité sociologique de la Collaboration.

Qui étaient les collabos ? Les magistrats, les hauts fonctionnaires, les journalistes, les intellectuels et les pipoles… Comme c’est étrange. Le conseiller d’Etat Louis Canet, les hauts fonctionnaires Bousquet et Papon. Canet, Laval, Bousquet, trois petits marquis de bureau qui incarnent parfaitement un certain conformisme de classe.

Les petits marquis de la Collaboration

Écoutons Laurent Joly croquer le portrait de ces petits marquis : « Chez l’un comme l’autre, le franc-parler et le volontarisme affichés marquent une constante soumission aux forces dominantes du moment, sur fond d’égo hypertrophié et d’amour immodéré du pouvoir. »

Cynique, méprisante et vaniteuse, notre classe dirigeante a semble-t-il peu changé.

« Par ces temps de terreur, il est trop grave de faire connaître ses sentiments s’ils ne sont pas absolument conformistes », note l’avocat Maurice Garçon dans son Journal (1939-1945).

En d’autres termes qu’à l’époque, dans Paris occupé, existait un politiquement correct, socialement très marqué [votez Macron !]. Entre 1940 et 1944, la « France d’en haut » pariait sur Hitler. Or, aujourd’hui, les élites qui veulent brader la souveraineté veulent aussi charger les épaules du peuple français du fardeau de la culpabilité morale des classes dirigeantes d’hier ! Les couches, les CSP les plus représentées dans la défense des sans-papiers, dans la haine de Trump et du Brexit, dans l’apologie de la mondialisation et de l’UE… étaient surreprésentés dans la collaboration [votez Macron !] !

De là à penser que, pour nous faire avaler la monnaie unique et le renoncement au volontarisme et à la démocratie nationale, il fallait préalablement aligner la France sur l’Allemagne, il y a un pas que… l’on peut envisager   [votez Macron !] !  

Pourquoi déshonorer le peuple français ?

L’alignement moral a précédé et préparé l’alignement monétaire. L’Etat contre les Juifs dénonce en tous cas un révisionnisme grave qui veut à tous prix déshonorer le peuple français. Le révisionnisme de François Hollande dont le discours du 22 juillet 2012 ne comportait aucune allusion au contexte de l’occupation et au nazisme. Plus grave encore et toujours plus éloigné de la réalité historique, Emmanuel Macron, dans une allocution prononcée le 16 juillet 2017, ose dire que c’est la France seule qui est responsable de la mort des juifs. Plus d’Allemands donneurs d’ordre et même plus de génocide, que des Français antisémites. Édifiant. L’occupation allemande n’était pas un détail. Vichy n’a jamais été la France. La France n’est pas et ne sera jamais l’Allemagne !