lundi, avril 30, 2018

Camerone


La mort de Staline

Le film le plus anti-communiste que j'ai jamais vu. C'est évidemment un gros compliment.

On pense immédiatement au Dictateur de Chaplin, même si on n'atteint pas ce niveau.

Ce qui fait la qualité de ce film, c'est qu'il met en lumière le grotesque du communisme et fait rire (jaune, ou rouge) sans s'éloigner des faits historiques.

Bon, ça exécute beaucoup, c'est normal, c'est le communisme. Mais dans la joie et la bonne humeur.

La conclusion qu'on tire, c'est que communisme était (est) une bouffonnerie et les communistes des bouffons. Criminels, affreusement criminels, dangereux, très dangereux, mais bouffons quand même.

Ce film est donc le pastiche d'une bouffonnerie.

Place publique

Le sens de la fête, en plus aigre et en moins attachant.




dimanche, avril 29, 2018

Alfie n'était pas un enfant syrien

Les Grands-Bretons, en pleine hystérie anti-russe, ont bombardé la Syrie au nom d'enfants morts dans une hypothétique attaque chimique.

Au même moment, la justice britannique a condamné le petit Alfie Evans à être débranché et à mourir.

L'actualité a quelquefois une ironie qui dévoile les Tartuffe de ce monde.

Je suis effrayé par ce monde où l'Etat peut décider, sans que vous soyez coupable de rien sinon d'exister, que votre vie ne mérite pas d'être vécue, la plupart du temps pour raisons économiques.

Et on va nous en faire des tartines sur l'horreur nazie. Mais on agite ce vieil épouvantail pour nous détourner des saloperies du présent. Car, sous l'emballage compassionnel et dégoulinant de mièvrerie, nos Etats sont-ils si loin de l'inhumanité nazie ?

Nota : extrait de l'article du Figaro :

Egalement au Royaume-Uni, les parents du petit Ashya King avaient défié en 2014 les médecins en enlevant d'un hôpital leur enfant atteint d'une tumeur au cerveau, l'emmenant à Prague pour qu'il y reçoive un traitement aux protons, non disponible en Grande-Bretagne. Le petit garçon a été déclaré guéri.

samedi, avril 28, 2018

Presse française : surtout, ne rien croire

MACRON CHEZ TRUMP : VALEURS PARTAGÉES, VALEURS BAFOUÉES

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Il y a quelques années, pour se faire une idée point trop partiale des événements, il suffisait de croiser Le Monde et Le Figaro, les plus méfiants jetant à la rigueur un coup d’œil sur L’Huma et Présent.

Aujourd’hui, la grande presse française vante de manière unanime la réussite de la visite de Macron aux États-Unis, la chaleur de l’accueil et l’importance de l’événement. Et, naturellement, il ne faut rien en croire. L’actuel président étant soutenu par la quasi-totalité des médias, ce qui n’était sans doute arrivé à aucun chef d’État depuis Napoléon III, ces dithyrambes étaient prévisibles.

Il fallait donc se tourner vers la presse américaine pour en savoir un peu plus. Et là, surprise, le New York Times, grand journal de référence s’il en est, ne parle pas de cette visite, sauf un dessin très méchant pour Macron le deuxième jour, les dépêches de Reuters, très factuelles, n’étant reproduites que sur le site. Le reste de la presse anglo-saxonne a été fort discrète. Pour la plupart des Américains, dût notre fierté nationale en souffrir, cette visite aura été un non-événement.
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Pendant des années, les journalistes ont fait partie, avec les politiciens, sondage après sondage, des professions les moins respectées.

Depuis quelques temps, on est monté d'un cran : c'est une des professions, toujours avec politicien, les plus détestées.

Et c'est parfaitement justifié : comme le démontre Ingrid Riocreux, la mission véritable des journalistes n'est pas de nous informer mais d'être les grands prêtres de la morale qui justifie l'existence de l'hyperclasse mondiale. Ils sont la police politique qui protège les idées qui nous tuent. Idées mortelles qui sont mises en application sans faiblir par les politiciens. Il est donc tout à fait logique, dans l'ordre des choses, de les détester à mort de manière égale.

Mais, me direz vous, les gens regardent BFM TV, LCI, CNN et compagnie.

Ce paradoxe nous mine. Je rencontre souvent des gens qui me disent « Je n'en crois pas un mot ». D'où ma réaction, « Alors, pourquoi regardes-tu ? ». En général, la réponse est assez vaseuse, du genre « Pour être informé ». Oui, mais quel sens ça a d'être informé par des informations qu'on ne croit pas ? La vraie réponse que je n'entends jamais parce qu'elle est trop difficile à avouer est « Parce que c'est plus fort que moi. Si je ne m'abrutissais pas avec les infos, où il se passe toujours quelque chose, je serais obligé de contempler le vide de ma vie où il ne se passe rien ». C'est le divertissement pascalien dans toute sa splendeur. Ressentir la vie contemplative comme vide est une aberration, mais on ne va pas refaire ces gens.

Bref, la majorité est accro à des infos qu'elle ne croit pas. D'où le complotisme : plutôt que l'indifférence, on prend le contrepied des infos, comme si l'inverse du mensonge était la vérité alors cela peut être un autre mensonge.



mercredi, avril 25, 2018

Son Amérique à lui

Lors d'une émission un peu barbante où BHL s'est montré égal à lui-même (je déteste le personnage et ses idées) et Alain Finkielkraut aussi (j'apprécie le personnage mais ne tiens pas ses analyses en haute estime, il parle compliqué mais ses idées sont convenues, grossières, et souvent erronées), Eric Zemmour a conseillé à tous les atlantistes de lire, dans les mémoires de guerre de Mongénéral, sa conversation avec Harry Hopkins.

Bien qu'ayant lu plusieurs fois les dits mémoires, je ne voyais pas à quoi il faisait allusion, et pour cause : je ne suis pas atlantiste, les propos gaulliens me sont une évidence et j'avais oublié qu'ils pouvaient provenir d'ailleurs que de ma petite tête.

Voici cette conversation :

De Gaulle - Hopkins

L'Amérique n'est pas notre amie. Elle est, occasionnellement, notre alliée et, trop souvent, notre rivale ou notre maitresse (pas du tout dans le sens amoureux, ou alors sado-maso).

Elle poursuit ses intérêts et elle a bien raison. Nous sommes coupables quand nous nous mentons en prétendant qu'ils coïncident avec les nôtres systématiquement et qu'en suivant servilement l'Amérique nous ne trahissons pas l'intérêt national français.

Bien sûr, quand on est, comme Macron et tant d'autres young leaders, corrompu dès la jeunesse par l'Amérique, par sa propagande, par sa mythologie et par son argent, on refuse de voir ces choses en face. On se comporte obséquieusement, quémandant une attention, un geste flatteur du maître, qui, quelquefois, parce qu'il n'est pas trop chien, y condescend. On fait le guignol à Washington et on est grotesque.

J'aime l'Amérique par certains cotés, mais je ne l'idéalise pas, n'en fais pas un absolu et ni même un modèle. J'ai honte que mon pays se subordonne à l'Amérique comme j'aurais honte qu'il se subordonnât à n'importe quel autre pays, l'Allemagne (ah non, merde, celui-là aussi, on y est subordonné), l'Algérie (ah non, merde, celui-là aussi, on y est subordonné), l'Angleterre (ah non, merde, celui-là aussi, on y est subordonné), le Zimbabwé, l'Ouganda ou Monaco (on n'est pas subordonné à Monaco, au moins ?).

Addendum

mardi, avril 24, 2018

Brexit : frontière irlandaise et trésorerie américaine

Ceux qui suivent un peu les événements savent que les gnomes de Bruxelles utilisent le levier de la question de la frontière irlandaise pour pourrir les négociations du Brexit.

Seulement, la république irlandaise voit, suite à la politique de Trump, fuir massivement la trésorerie des entreprises américaines qui retourne au pays.

Donc il se pourrait que les Britanniques soient bien plus en position de force que l'impression qu'on en a.

Malheureusement, en Grande-Bretagne comme partout, les élites font sécession et la classe dirigeante trahit sa mission. Les Anglais sont dirigés par des gens qui ne croient pas au Brexit, comme Theresa May, voire sont de francs opposants, comme les Lords.

Ils gâchent donc leurs atouts. Dommage.

Le salut pourrait venir d'Italie (rappelons qu'aux dernières élections, les europhiles ont fait seulement un quart des voix).

De qui Salah Abdeslam est-il l'échec ?

De qui Salah Abdeslam est-il l'échec ?

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À Molenbeek, l'ancien bourgmestre Philippe Moureaux (PS) a institué un véritable système de clientélisme électoral et religieux ...

[…]

Et une partie du personnel politique entretient donc ce communautarisme, il l'alimente même. Des élus se rendent dans les mosquées, ils mettent aussi à disposition des locaux publics pour que les imams puissent enseigner le Coran. Le voile, bien sûr, est omniprésent, mais ce qui est bien plus grave, on observe surtout une montée de l'antisémitisme qui est trop souvent toléré par les autorités: des politiques participent presque toujours aux manifestations contre Israël, alors même que dans ces cortèges on voit surgir des inscriptions antisémites, quand ce n'est pas tout simplement le drapeau d'Israël qui est recouvert d'une croix gammée! La Shoah n'est d'ailleurs plus toujours enseignée à l'école, alors qu'elle fait partie du programme scolaire. Et cette tolérance ne s'arrête pas là: le jour de la fête de l'Aïd el-Kébir, la plupart des écoles de la commune sont désertées.

[…]

Non, la thèse sociologique classique du djihadisme qui prospère sur la misère sociale ne résiste pas à l'épreuve des faits : Salah Abdeslam en est le contre-exemple le plus flagrant !

Comme son père, il a travaillé à la STIB, l'équivalent bruxellois de la RATP. La famille Abdeslam avait des revenus de 104 k€ par an, et pourtant bénéficiait d'un logement social ; du reste, et c'est tout de même significatif, le frère de Salah Abdeslam travaillait pour la commune et le bourgmestre.

La radicalisation de Salah Abdeslam ne résulte pas de conditions de vie difficiles ou misérables, c'est d'abord une conversion spirituelle. L'enracinement religieux de ses convictions est si fort qu'elles n'ont rien perdu en intensité malgré sa captivité, et il a encore publiquement réaffirmé sa foi lors de son procès.

Cette radicalisation, même si elle ne va pas toujours jusqu'au djihadisme, se manifeste chez de nombreux individus du quartier au travers de trois points fondamentaux qui vont à l'encontre de nos valeurs: l'antisémitisme, l'inégalité homme-femme, et l'interdiction d'apostasier sa foi. Du reste, quelques élus musulmans refusent de serrer la main des femmes. Cette semaine encore, Redouane Ahrouch, le président du parti «Islam» - et oui cela existe - et candidat aux élections communales a refusé de regarder la chroniqueuse qui le questionnait lors d'une émission de télévision.

[…]

Cela pose surtout la question de la responsabilité d'Angela Merkel : il est temps à présent que soient révélées au grand jour les conséquences désastreuses de l'ouverture massive des frontières européennes qu'elle a délibérément orchestrée. La chancelière allemande est donc directement responsable de l'arrivée d'un million de migrants, et bientôt plusieurs autres millions grâce au regroupement familial contre lequel nous ne pouvons pratiquement rien faire tellement la jurisprudence de la CEDH verrouille ce sujet. Elle est responsable de la montée de l'antisémitisme dans les quartiers concernés par cette immigration massive, qui a vu arriver des personnes ayant souvent grandi dans des environnements nettement hostiles aux juifs. Elle est responsable de l'apparition de partis de droite radicale, comme l'AfD en Allemagne. Elle est responsable du rejet par les Britanniques de la politique migratoire européenne, qui a contribué à provoquer le Brexit. Elle est responsable enfin d'avoir divisé l'Europe, non seulement entre l'Est et l'Ouest, mais à l'intérieur même des pays entre les tenants de l'immigration et ceux qui la rejettent fermement, en polarisant les débats sur ce sujet.

En somme, le bilan d'Angela Merkel pour l'Europe est, à bien des égards, désastreux.
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Delamarche, Gave, Sabatier

Une synthèse de beaucoup de choses que j'ai déjà écrites ici. D'autres inédites. La conclusion n'est pas sans rappeler le billet précédent :


L'université française en action (miam !)


La désaméricanisation de l’économie mondiale

C’est une stratégie de long terme : la Chine et la Russie s’entendent pour désaméricaniser l’économie mondiale.

Les Russes ont créé un système de paiement substitut à SWIFT (le système mondial sous contrôle des Américains, votre compte en banque a un numéro SWIFT), après avoir été ennuyés par les sanctions américaines.

La Russie et la Chine achètent à tour de bras de l’or. Il se dit (et eux-mêmes s’en cachent à peine) qu’ils veulent recréer un étalon-or et ainsi faire concurrence au roi-dollar.

La Chine « yuanise » petit à petit ses transactions dans sa sphère de co-prospérité asiatique et tente d’imposer le « pétro-yuan ».

Je n’y crois pas trop. Je suis dubitatif, j’attends de voir.

En effet, le fondement réel d’une monnaie n’est pas l’or mais la puissance de l’économie émettrice. Je ne suis pas sûr que l’économie chinoise soit à la veille de dépasser l’économie américaine (les statistiques quantitatives sont trompeuses, il y a aussi la qualité). Les GAFA sont toujours américains et leurs équivalents chinois ne sont que des copies.

Nous vivons des temps intéressants.

Quant à la France, elle est supplétive, soumise au maître américain. J’ai honte.

Les amours de Valls : je vire la vieille et je prends une jeune. Et vous lui faites confiance ?

Des types qui ont 15 ans d’âge mental, vous leur donnez les clés du pays ?

lundi, avril 23, 2018

Une analyse juridique du néo-pétainisme

Un lecteur, que je remercie vivement, m'adresse le texte ci-dessous sur les positions du Conseil d'Etat donnant un contenu juridique au néo-pétainisme.

Je rappelle que le néo-pétainisme est cette doctrine, hégémonique dans notre classe politico-médiatique, qui dit que le gouvernement de Vichy était légitime, que les crimes de Vichy sont ceux de la France et que le gaullisme était une illusion, certes louable mais farfelue.

Il en découle logiquement que les Résistants sont des traitres, les Justes des rebelles, le général De Gaulle un félon. Il faut débaptiser immédiatement l’aéroport de Roissy et le rebaptiser Aéroport Philippe Pétain et de même avec la place de l’Etoile et un bon paquet de rues et d’avenues de France.

Le néo-pétainisme n'est pas qu'une vision de l'histoire, il a des conséquences dans la politique contemporaine. La France est un pays déchu, qui a besoin d'un protecteur, à Berlin ou à Washington, et même dans ces deux capitales à la fois, et l'indépendance nationale est une folie, au mieux un caprice puéril.

Le néo-pétainisme est la politique des gens qui se croient raisonnables et ne sont que petits, égoïstes et mesquins. On ne s'étonnera pas qu'il soit soutenu par les descendants intellectuels, parfois génétiques, des pétainistes originels, très présents à Vichy et fort peu à Londres : les socialistes hypocrites, les centristes faux-jetons  et les petits-bourgeois de la droite molle, qui, comme d'habitude, seraient tous prêts à vendre leur âme, s'ils en avaient une, pour protéger leurs intérêts et faire carrière.

La macronisme, alliance des bourgeois français, petits et grands, de gauche et de droite, est l'expression la plus aboutie du néo-pétainisme. Comme son géniteur, le néo-pétainisme est une trahison. Et Macron est notre nouveau Pétain : prêt à brader notre pays pour préserver son idéologie et les intérêts de sa classe.


Addendum du 14 février 2022 : à la relecture de ce billet, je me dis que je n'ai pas assez insisté sur le fait que cette bourgeoisie de merde, traitresse par essence, parce que « raisonnable » (l'indépendance est toujours déraisonnable), était génétique. De très nombreux exemples de néo-pétainistes descendants de pétainistes. Je ne peux hélas pas citer de de noms. Tel bloggueur magistrat à la retraite, tel conseiller de Sarkozy, tel patron de grandes surfaces, ...

Dans la haute, les descendants de Résistants comme Bollloré sont plutôt rares.

De plus, en politique intérieure, je n'ai pas fait le parallèle, qui lui aussi est pertinent : le suivisme du chef patelin, le fascisme gris, le refus du risque, de la jeunesse, de l'aventure ... Le panurgisme techno-bureaucratique « apolitique » à tous les étages.

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Dans la foulée de vos nombreux billets sur le sujet, en particulier …


… je me suis amusé à identifier la position de la justice au sujet des légitimités respectives du gouvernement de Vichy et de la France Libre.

Il s’agit d’un simple pense-bête que je me suis fait pour être au courant des arrêts rendus ces derniers mois par le Conseil d’État ; mais je pense que cela peut vous intéresser.

Avant toutes choses, il convient de rappeler que, du strict point de vue constitutionnel, il y a tout lieu de penser que la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, et par conséquent, le gouvernement de Vichy, étaient contraires à la constitution de la IIIe République.

Il résulte en effet de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 que « Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la majorité absolue des voix (…), de déclarer qu’il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles. Après que chacune des deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à la révision. Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale » (art. 8). Cette disposition a été clairement méconnue au moment du vote de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, puisque l’Assemblée nationale n’a pas procédé à la révision : elle a délégué ce pouvoir au maréchal Pétain. De fait, elle a méconnu la procédure imposée par la constitution de la IIIe République (Cf. Julien Laferrière, Le nouveau gouvernement de la France, Paris, Sirey, 1941).

La France Libre, en tant qu’elle perpétuait le régime de la IIIe République, était donc le seul gouvernement conforme à la constitution, et donc, le seul gouvernement à avoir légitimité pour agir.
Ce raisonnement purement doctrinal a été confirmé par la loi puisque, vous le savez sûrement, à la Libération, l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a eu pour double effet, d’abord, de rappeler la solution constitutionnelle, à savoir, que la IIIe République « n’a pas cessé d’exister » en droit (art. premier), et ensuite, de tirer la conséquence logique de cette affirmation, en frappant de nullité « tous les actes constitutionnels législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu’au rétablissement du gouvernement provisoire de la République française » (art. 2). 

Comme la nullité est, par nature, rétroactive, les actes pris par le gouvernement de Vichy sont non seulement retirés de l’ordre juridique (ils ne peuvent plus produire d’effets de droit pour l’avenir), mais aussi, et surtout, réputés n’avoir jamais existé (tenus pour inexistants, ils ne peuvent donc plus fonder de prétentions juridiques, dans le cadre d’un litige ultérieur).

C’est ce qui a d’ailleurs été plusieurs fois jugé sous la IVe République. 

Concernant notamment les arrêts d’assignation à résidence pris en exécution de la loi du 15 octobre 1941, le Conseil d’État a pu décider que les actes pris en application de cette loi, « déclarée nulle par l’ordonnance du 31 mars 1945, doivent être considérés comme des actes dépourvus de toute valeur juridique », de sorte que « les victimes de tels actes ne sont pas fondées à demander à l’État une indemnité en l’absence d’un texte législatif déterminant les conditions dans lesquelles les victimes de tels actes pourraient prétendre à réparation » (CE, Ass., 4 janvier 1952, Époux Giraud, n° 1530, Lebon p. 14).

Or, aujourd’hui, le Conseil d’État prétend exactement le contraire ! 

D’après lui, « si l’article 3 de l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental constate expressément la nullité de tous les actes de l’autorité de fait se disant "gouvernement de l’État français" [c’est-à-dire, le gouvernement de Vichy] (…), ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de créer un régime d’irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par l’administration française dans l’application de ces actes, entre le 16 juin 1940 et le rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental » (CE, Ass., 12 avril 2002, Maurice Papon, n° 238689, Lebon, concl. Frédéric Lénica. Adde Mattias Guyomar et Pierre Collin, « Les décisions prises par un fonctionnaire du régime de Vichy engagent la responsabilité de l’État », AJDA 2002, p. 423). 

Bel exemple d’interprétation contra legem – les actes du gouvernement de Vichy étant, on l’a dit, présumés n’avoir jamais existé !

L’argument du Conseil d’État vaut d’ailleurs qu’on s’y arrête : pour la haute juridiction administrative, les actes du gouvernement de Vichy devraient engager la responsabilité de l’État français au motif « que (…) les dispositions précitées de l’ordonnance ont, en sanctionnant par la nullité l’illégalité manifeste des actes établissant ou appliquant cette discrimination, nécessairement admis que les agissements auxquels ces actes ont donné lieu pouvaient revêtir un caractère fautif » (id.). 

Ce n’est pas logique. En effet, contrairement à ce que prétend le Conseil d’État, cette corrélation est tout sauf « nécessaire », puisque l’ordonnance du 9 août 1944 est comparable à tous les actes, pris après un changement de régime politique, suite, notamment, à une révolution ; on ne peut donc en déduire que le gouvernement du général de Gaulle a entendu assumer les actes du gouvernement de Vichy – sauf à dire que la Restauration a entendu assumer les actes pris pendant la Révolution et l’Empire, que la Seconde République a entendu assumer les actes de la Monarchie de Juillet, etc., etc., etc.

D’ailleurs, il ne faut pas s’y tromper : la justice a méconnu la logique juridique, aux seules fins de neutraliser l’ordonnance du 9 août 1944, qui empêchait d’indemniser les victimes du gouvernement de Vichy. Pour le juge, il ne s’agit plus de dire, comme sous la IVe République : « si vous voulez une indemnisation, demandez au législateur qu’il adopte une loi prévoyant une telle réparation » ; il s’agit de dire : « venez à moi, juge, qui ferait dire aux textes le contraire de ce qu’ils disent, pour qu’il n’y ait pas à voter une loi (et discuter de vos prétentions devant le Parlement, comme le voudrait la démocratie la plus élémentaire). » Un rapporteur public l’a au moins avoué franchement, en déclarant, devant le Conseil d’État, que cet arrêt « a mis fin, au moins sur le plan jurisprudentiel, à la fiction juridique résultant de l’ordonnance du 9 août 1944 (…). En réintégrant dans le chef de la République les dettes nées des agissements de Vichy, vous [c’est-à-dire, les membres du Conseil d’État] avez ôté les parenthèses qui entouraient l’existence juridique de ce gouvernement : en procédant ainsi, vous avez nécessairement neutralisé l’effet rétroactif qui s’attachait jusqu’alors à la déclaration de nullité opérée par l’ordonnance du 9 août 1944 » (concl. Frédéric Lénica sur CE, avis, 16 février 2009, Mme Hoffman-Glemane, n° 315499, RFDA 2009, p. 316).

« Neutraliser » une loi, c’est y mettre un terme, ni plus, ni moins !


Or, cela est interdit aux juges, qui ne peuvent censurer une loi que si elle est contraire à une norme supérieure (constitution ou traité international). 



Rien de tel ici. Le juge se permet donc d’écarter une loi… sans se référer à aucun texte, ce qui est inacceptable !

L’autre problème, c’est que si l’on admet cette jurisprudence, alors il faut considérer que la France a simultanément connu deux chefs de l’État… ce que la justice – qui n’est pas à une incohérence près – n’a pas hésité à faire.

Le Conseil d’État vient de juger qu’en application de l’ordonnance du 9 août 1944 – qu’il faut bien appliquer, puisqu’elle n’a jamais été abrogée – la légitimité appartient au général de Gaulle. En conséquence de quoi, « la France libre et la France combattante et, par la suite, le Comité français de la libération nationale et le gouvernement provisoire de la République française, ont été, à compter du 16 juin 1940, dépositaires de la souveraineté nationale et ont assuré la continuité de la République ». Le général de Gaulle est donc, pour cette période, « le chef de l’État » (CE, Ass., 13 avril 2018, Association du musée des lettres et manuscrits, Société Aristophil et autres, n° 410939 : arrêt rendu sur le fondement de l’article L. 211-4 du code du patrimoine, relatif aux archives publiques). L’arrêt précise bien que cette solution est sans incidence sur le fait que les agissements « de l’autorité de fait se disant "gouvernement de l’État français" et de l’administration française qui en dépendait engagent la responsabilité de la puissance publique » (id.).

Or, le maréchal Pétain a d’ores et déjà été considéré comme « chef de l’État français » pour cette même période (Cass., Civ. 1e, 22 février 2017, Société Librairie Jean-Claude Vrain, n° 16-12.922 : arrêt rendu sur le fondement de l’article L. 211-4 du code du patrimoine, relatif aux archives publiques).

La justice… ne tranche donc pas, ou plutôt, décide en fonction des circonstances, dans une casuistique byzantine, et incompréhensible.

Il s’ensuit que les juges – ou plutôt, les hauts-fonctionnaires qui font office de juges dans ce pays – ont décidé que si « de Gaulle, c’était la France », « Vichy, c’était aussi la France » et que donc, « les crimes de Vichy sont les crimes de la France ».


Les politiques n’ont fait que suivre puisque, dit-on, « le Conseil d’État a dit le droit. »
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Addendum : 
 ce texte de Maxime Tandonnet :


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L’impression qui domine cet ouvrage est celle d’une dérive constante, pendant quatre ans, dans la servilité et l’esprit de soumission à l’occupant allemand. On n’est pas seulement dans le calcul et encore moins dans un double jeu. L’état d’esprit est celui de l’asservissement mental, de plus en plus marqué, au Führer allemand.

[…]

Les discours s’enchaînent et convergent vers un narcissisme total. De quoi cet accès de narcissisme, cette invasion du « je » proprement stupéfiante, sont-ils le signe? Du néant et de l’impuissance.

[…]

Le naufrage permanent dans le logique d’un asservissement toujours plus grand ne semble pas être à titre principal le fruit d’un alignement idéologique progressif sur le nazisme. Le mécanisme d’une déroute est ailleurs que dans l’idéologie: il est dans l’aveuglement, la perte des repères, la déconnexion du monde des réalités. Certes, tout cela est facile à dire, avec le recul et la connaissance des événements. Mais quand même, la lecture attentive de cet ouvrage donne le sentiment d’un homme et de son entourage qui glissent dans un monde virtuel, privés de toute conscience de la réalité et de toute notion des événements en cours.
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Ces petits-bourgeois qui tuent la France à petit feu (car ils font tout petit)

« Orwell reprochait à la gauche petite bourgeoise son mépris implicite des classes populaires »


La sécession des « élites » ou comment la démocratie est en train d'être abolie

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Le livre pose l'hypothèse que ce n'est plus la « révolte des masses » qui menace désormais la vie démocratique, mais la coupure de plus en plus prononcée entre le peuple et les « élites ». Une coupure tant économique et matérielle qu'éducative et intellectuelle, dont résulte le repli sur eux-mêmes des privilégiés. Ces derniers ne parlent plus qu'à leurs pareils, c'est-à-dire non seulement à ceux qui bénéficient d'un même niveau de richesses, mais également à ceux qui partagent le même niveau d'instruction. Ils adorent mettre en scène leur pouvoir et le font de mille façons: exhibition des signes extérieurs de richesse, bien sûr, mais également - et de plus en plus - de leur patrimoine culturel. Le discours, ahurissant de cuistrerie, du président Macron sur l'intelligence artificielle (29 mars 2018) en est un exemple qui confine au grotesque. En revanche, ils n'assument plus que de mauvaise grâce les charges et responsabilités qui devraient leur incomber, et préfèrent le service de leur intérêt bien compris à celui d'un «intérêt général», dont ils ne conçoivent même plus qu'il pût exister.
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« En 1968, des gendarmes ruraux qui travaillaient depuis l’âge de 14 ans ont fait face à une jeunesse dorée »

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Que sait-on des gendarmes qui ont fait face aux étudiants ?

Ce sont essentiellement des ruraux, des fils d’agriculteurs, de mineurs, d’ouvriers. Pour entrer en gendarmerie, il fallait le niveau du certificat d’études, ce qui, pour l’époque, n’était pas rien. Cependant, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, guerre d’Algérie oblige, on a pris un peu plus de monde parce qu’il en fallait… Et puisque la moyenne d’âge du gendarme de 1968 est de 30-35 ans, beaucoup ont connu l’Algérie, soit comme appelés du contingent, soit comme gendarmes. Les plus anciens, notamment les gradés, avaient fait les campagnes d’Indochine, voire de la Seconde Guerre mondiale. Finalement, les gendarmes de l’époque – à la grande différence d’aujourd’hui – ont souvent eu une première vie professionnelle avant le service. Après leur certificat d’études, beaucoup avaient travaillé comme apprentis artisans, paysans ou ouvriers.

Comme l’a observé Pasolini, il y a donc un fossé sociologique entre les étudiants et les gendarmes ?

Oui. Parallèlement au choc physique, il y a un véritable choc sociologique. Ces provinciaux, ruraux, peu instruits, qui travaillaient depuis l’âge de 14 ou 15 ans ont fait face à une jeunesse dorée qui n’avait pas connu la guerre. Pour eux, ce sont des gens favorisés, à qui on paye des études et qui pratiquent le vandalisme, ce que les ouvriers faisaient rarement à l’époque. Il y a donc une incompréhension totale. En même temps, contrairement à ce qu’il en est pour les étudiants, Mai 68 ne représente pas grandchose…

Par rapport à ce qu’ils ont vécu en Algérie, ce n’était pas très grave. Une fois Paris pacifié, ils sont passés à autre chose.
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jeudi, avril 19, 2018

Nouvelle flambée d’inquisition féministe en France

Nouvelle flambée d’inquisition féministe en France

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Cette violence-là [du vrai viol, style dans nos riantes banlieues] n’a rien à avoir avec ce qui se passe dans une chambre d’hôtel entre un homme qui court un jupon et une femme que personne n’a forcée à être là et qui sait pour le reste à quoi s’en tenir.

Mais chez l’accusatrice, la notion de viol semble se confondre avec la notion de libido. Cette synonymie progressivement nourrie dans les esprits est un sujet majeur pour notre époque: progressivement, c’est le procès du désir et de sa liberté qui est dressé par d’improbables accusatrices. L’argument de l’emprise est ici terrible. Manifestement, la FEMEN était fascinée par cette vedette de théâtre… et elle semble décidée aujourd’hui à reprocher à la vedette la fascination qu’il exerçait sur elle.

C’est peut-être d’ailleurs le principal procès qui est dressé ici : celui de la fascination qu’un homme peut exercer sur une femme.

[...]

On lira notamment cette mesure :

Créer une charte d’engagement destinée aux médias relative à la lutte contre les stéréotypes sexistes. Cette charte posera les grands principes d’une communication non sexiste.

Bien entendu, on comprendra, dans la « communication non sexiste » le principe d’une communication dévalorisant le sexe masculin.

La fin de la campagne anti-masculine n’est pas pour demain.
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Macron : fort avec les faibles, faibles avec les forts

Macron faible avec : Trump, Merkel, les islamistes, les zadistes.

Macron fort avec : les catholiques, les contribuables salariés, les honnêtes citoyens, les quelques rares journalistes encore libres.

mardi, avril 17, 2018

Etat de la France : Pierre Vermeren

Au fond, le problème tient dans la boutade de Warren Buffett : « Oui, il y a une lutte des classes et c'est ma classe, celle des riches, qui l'a gagnée ». Exactement ce que pourrait dire Macron s'il avait une once de franchise (on ne risque rien).





Pierre Vermeren : «Ces causes du “populisme” qu'on préfère oublier»

TRIBUNE - La coupure entre élites et classes populaires dans les démocraties contemporaines est un fait établi, mais les ressorts de ce phénomène dramatique restent trop peu étudiés, argumente l'historien*.
La vague «populiste» qui, après les États-Unis et l'Italie, vient à nouveau de submerger la Hongrie d'Orban, est un phénomène international contemporain. Dans chaque pays concerné, le vote contestataire est le fait d'un électorat composite, populaire en majorité, qui cesse de s'abstenir, ou de suivre les consignes électorales de ses représentants bourgeois habituels, pour faire triompher des leaders qui répondent  à ses préoccupations. Des voix non autorisées imposent ainsi leurs priorités de l'heure.
L'hypothèse qu'on défend ici est que le sort fait aux classes populaires et ouvrières des anciennes nations industrielles - dépossédées par la concurrence de l'Asie et par une mécanisation souvent plus idéologique que nécessaire - crée le terreau favorable de ce phénomène, accentué par le repli sur soi des classes aisées. Claquemurées en France dans des forteresses urbaines, littorales et alpines, dans les métropoles, des institutions et réseaux de sociabilité, dans les TGV et avions, elles ne côtoient plus la France (ou l'Amérique) invisible dont elles n'attendent rien, sauf à en redouter le vote.
La « tiers-mondisation » économique et sociale de l'Occident sape ce qui constituait la spécificité des sociétés industrielles avancées : l'existence d'une classe moyenne majoritaire au centre de la société.
La «tiers-mondisation» économique et sociale de l'Occident sape ce qui constituait la spécificité des sociétés industrielles avancées: l'existence d'une classe moyenne majoritaire au centre de la société. Fragilisation et paupérisation des classes moyennes d'une part, et enrichissement du décile le plus aisé de l'autre rapprochent cette société en sablier des sociétés inégalitaires du Sud. Or cette nouvelle société, déjà établie aux États-Unis et dans l'Europe latine, bute sur le suffrage universel, reliquat des sociétés démocratiques dont les fondations ont été inventées par les révolutions du XVIIIe siècle. Le XIXe siècle a promu l'ascension des classes populaires par l'école et la libre entreprise.
Le XXe siècle a forgé un État social tentaculaire pour élargir la classe moyenne. Mais la belle mécanique est en pleine déréliction, puisque les classes laborieuses de l'Occident n'ont plus d'utilité économique (comme l'a révélé l'économiste Pierre-Noël Giraud dans L'Homme inutile), sauf à installer des produits importés (le syndrome Ikea, qui consiste à assembler des biens fabriqués ailleurs). Pour masquer cette triste évolution, l'audiovisuel, qui n'a jamais été si puissant, fait écran entre les préoccupations ordinaires de la population et le récit qui en est donné, de plain-pied avec la société du spectacle.
Qu'il nous soit permis de lister quelques maux qui dressent les classes populaires des pays riches contre leurs élites, libérales comme socialistes, les deux ayant fini par fusionner dans le renzisme, le trudisme ou le macronisme.
Dans les années 1830, Paris était peuplée de 36 % d'ouvriers, chiffre tombé à 5 % aujourd'hui, les élites sociales les ayant remplacés.
La relégation géographique et l'assignation à résidence sont un phénomène connu. Elles se matérialisent par l'expulsion des classes populaires des métropoles, même si immigrés et migrants sont supposés peupler les «quartiers populaires», et par la concentration des établissements scolaires de la réussite dans le centre des métropoles. Dans les années 1830, Paris était peuplée de 36 % d'ouvriers, chiffre tombé à 5 % aujourd'hui, les élites sociales les ayant remplacés.
Les conséquences sont très diverses et sous-estimées: en médecine, les étudiants étant maintenant recrutés dans les classes supérieures des métropoles, les jeunes médecins refusent d'être affectés en dehors d'elles (là où vivent pourtant les trois quarts de la population). Cela oblige à y recruter des médecins venant de pays pauvres, qui en manquent pourtant (Balkans, Asie, Maghreb, Afrique). Il fut un temps où les élites sociales se sentaient investies d'une mission d'éducation, de formation et d'encadrement du peuple, surtout dans une société cléricale comme la nôtre. Cette situation a laissé place à leur désengagement et à leur désinvolture.
Au lieu d'édifier les masses, les plus cyniques proposent aux jeunes le panem et circenses du XXIe siècle : du sexe, du crime et du néant
L'exemple des médias de masse est édifiant. L'ORTF d'antan était peut-être ennuyeux, mais il s'évertuait à éduquer le peuple, en diffusant ce qui était considéré comme le meilleur de la culture artistique et intellectuelle. Mise à l'école du Berlusconi des années 1980 puis de la sous-culture de masse américaine, la télévision, y compris publique, a sombré dans l'indigence. Au lieu d'édifier les masses, les plus cyniques proposent aux jeunes le panem et circenses du XXIe siècle: du sexe, du crime et du néant (la téléréalité offre à ses auditeurs le spectacle de leur propre vacuité).
La France fut jusqu'aux années 1950 un jardin de 140 millions de parcelles appartenant à 10 millions de propriétaires. Ce trésor était connu, entretenu et cultivé depuis des centaines d'années. Par étapes (remembrement, décentralisation qui a transféré le pouvoir de déterminer les zones constructibles des fonctionnaires de l'État aux maires, effondrement des revenus agricoles), la terre est devenue une stricte source de spéculation marchande, et le grand jardin une «zone» revendue à la découpe. Les Français sont devenus les épiciers de leurs propres terres, monnayant à vil prix ce qui constitua la fierté et la richesse de leurs ancêtres. Certaines sont livrées à une agriculture industrielle (de surcroît désormais en crise) et d'autres cédées aux infrastructures (autoroutes et échangeurs du tout-automobile, parkings) et aux activités commerciales et marchandes (entrepôts géants, déchetteries). Dans ce no man's land, qui évoque l'organisation de l'espace aux États-Unis, consommation et destruction de l'espace sont désormais sans limite. Ainsi, l'ancien jardin qu'était la France est jonché de centaines de millions de déchets plastiques que plus personne ne ramasse, comme les autoroutes urbaines d'Île-de-France en offrent le triste spectacle.
À l'inverse de Churchill, qui réduisit fortement dès l'été 1940 les taxes sur le tabac et l'alcool pour doper le moral des travailleurs, nos dirigeants veulent des pauvres vertueux.
La caporalisation moralisatrice des masses, doublée de leur intoxication alimentaire et marchande, nourrit le terreau «populiste». Pour les ouvriers français au smic, fumer un paquet de cigarettes par jour coûtera bientôt 25 % du revenu mensuel. Faute d'argent disponible chez ces mêmes clients, la quasi-totalité des bistrots de France a fermé: il en reste 29.000 sur 600.000 il y a cinquante ans (selon France Boisson). Ainsi est mort un des principaux lieux de sociabilité français, une évolution inconnue en Espagne, dont la «modernisation» fut moins brutale et plus tardive.  À l'inverse de Churchill, qui réduisit fortement dès l'été 1940 les taxes sur le tabac et l'alcool pour doper le moral des travailleurs, nos dirigeants veulent des pauvres vertueux.
L'État peut bien promouvoir le sport et les cinq fruits et légumes par jour, la grande distribution ventile ses produits ultra-transformés.
La grande distribution et la restauration de masse ont aussi reconfiguré la société française. On mange de la perche du Nil à Boulogne-sur-Mer, le plus grand port de pêche d'Europe, du cochon est-allemand en Bretagne ou du cèpe des Balkans à Bordeaux! La grande distribution choisit et définit les fêtes en fonction de stricts impératifs commerciaux: le Nouvel An chinois a supplanté le mardi gras. Et le Coca-frites-burger est souverain pour un Français sur deux, bel exploit. L'État peut bien promouvoir le sport et les cinq fruits et légumes par jour, la grande distribution ventile ses produits ultra-transformés.
La destruction de toute culture héritée et des liens anthropologiques est le dernier étage de cet édifice. Les cultures populaires et professionnelles (langues, fêtes) ont été laminées par excès de jacobinisme et par l'exode rural, sauf dans quelques villes ou régions périphériques de l'Hexagone (Bretagne, Vendée, Nord-Pas-de-Calais, Alsace). Le grand Bassin parisien et le centre de la France ont été déculturés au sens propre. La déconstruction de l'école et le refus de la transmission ont laissé le peuple très démuni, d'autant que des phénomènes complexes se sont intriqués: effondrement du maillage catholique dense jusqu'aux années 1970, arrivée de populations aux systèmes culturels les plus divers et diffusion d'une culture marchande de masse dénuée de toute signification. La construction du sens a fait défaut, projetant ses effets sur les structures familiales (effondrement du couple stable et multiplication des enfants ballottés ou sans père).
Aux États-Unis, cette alchimie complexe a conduit à l'élection de Donald Trump, ainsi que l'a précisément décrite à l'époque la correspondante du Figaro, Laure Mandeville. Elle est désormais en train de ronger l'Europe et détourne les pays d'Europe centrale de l'Union européenne. Si ces mêmes lignes sont poursuivies, le risque est parfaitement identifié.
* Ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé et docteur en histoire, Pierre Vermeren a notamment publié «Le Choc des décolonisations. De la guerre d'Algérie aux printemps arabes» (Odile Jacob, 2015) et «La France en terre d'islam. Empire colonial et religions» (Belin, 2016).
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 16/04/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici











lundi, avril 16, 2018

Moyen-Orient : 2 bonnes synthèses

Une courte mais efficace :



Une un peu plus développée :

Mais que se passe-t-il au Moyen-Orient ?

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Tout le monde au Moyen-Orient connait la blague du scorpion et de la grenouille. Un scorpion veut traverser une rivière et demande à une grenouille de le porter sur son dos. La grenouille refuse en lui disant qu’elle craint d’être piquée, ce à quoi le scorpion répond que ce serait idiot de sa part puisque tous les deux se noieraient. Bonne fille, la grenouille, convaincue par l’argument, accepte de faire traverser le scorpion. Au milieu du fleuve, bien entendu, le scorpion pique la grenouille qui avant de couler lui demande » Mais pourquoi as-tu fait ça ? » Et le scorpion de répondre « parce que nous sommes au Moyen-Orient ».

Voila une historiette qui résume parfaitement ce qui se passe là-bas depuis des décennies…
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dimanche, avril 15, 2018

Syrie : je pense à Lucrèce

Dans le De natura rerum, Lucrèce dit : « Dans la tempête, il est bon d'être sur le rivage et d'observer un bateau faire naufrage au large ».

C'est exactement ce que je ressens en lisant les journalistes et les chroniqueurs occidentaux, spécialement les Anglais, à propos des actuelles histoires syriennes.

Nous n'avons aucune certitude, la manipulation n'est pas improbable, la circonspection est de mise chez l'honnête homme et eux chargent bille en tête, montent sur leurs grands chevaux, font ronfler les épithètes, donnent des leçons de morale grandiloquentes. Bref, ils se ridiculisent. D'ailleurs, à lire les commentaires sous les articles, il est clair que la plèbe se moque d'eux.

Je préfère être à ma place qu'à la leur.

Mais il est vrai que, s'ils avaient le sens du ridicule, ils auraient changé de métier depuis longtemps.

Guerre extérieure et maintien de la tyrannie intérieure

EDITORIAL : LES ÉLITES ONT CESSÉ DE RECHERCHER LE CONSENSUS, ELLES PASSENT EN FORCE. UNE ANALYSEDE LA SITUATION , Y COMPRIS MILITAIRE.

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Les chefs de gouvernements savent bien que leurs actions de guerre et leurs positions de politique étrangères ne sont pas soutenues par les peuples, les peuples en ont marre des guerres, des migrations, de dépenses idiotes et des mensonges qui les accompagnent. Mais les gouvernements ont cessé de rechercher les consensus et les unités nationales nous sommes dans un régime de cynisme généralisé, les gouvernements passent en force et on l’a encore vu ces derniers jours lors des interventions de Macron sur les médias : ils ne sont pas contents , oui et après ?

Le cynisme a remplacé la recherche des consensus et le viol des consentements populaires est devenu une pratique institutionnelle. Il se fait maintenant à la faveur des institutions politiques scélérates qui permettent de construire des majorités bidons, des majorités minoritaires. Les institutions politiques permettent de gouverner sans le peuple grâce au rejet des extrêmes, même si ces extrêmes sont majoritaires.

Toute l’habileté des ingénieurs sociaux et politiques consiste à rejeter les extrêmes hors du champ politique efficace et en même temps à les monter les uns contre les autres, bref on construit des extrêmes et on fait en sorte qu’ils ne puissent s’entendre. Il faut dire qu’ils sont aidés par les simplets qui servent de dirigeants aux (mal)formations politiques extrêmes, je pense à Mélenchon et Marine.

Cette construction permet de gouverner avec les gens sans conviction, les indécis, sans squelette, le marais, le centre, ce que j’appelle le trou du cul de la politique.

Je vous conseille de relire et de réflechir sur mon dernier éditorial dont le résumé est éloquent , il permet de comprendre la liaison étroite, l’articulation de l’intérieur et de l’extérieur et ce au sein d’un même projet des élites: perpétuer leur ordre inique, leur désordre.
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Je trouve les texte de Bruno Bertez souvent fumeux, mais, ici, il nous dit que nous vivons une situation très classique : le pouvoir, chez nous, entretient une tension extérieure artificielle (en l'occurrence, avec la Russie) pour maintenir à l'intérieur un ordre politique et social de plus en plus injuste.

Comme c'est classique, nous savons qu'il n'y a que deux issues possibles :

1) La révolution, plus ou moins violente. C'est la moins mauvaise solution dans ce contexte pourri.

2) La maladie de langueur.

Il n'y a pas, en France, d'alternative. Dans les pays anglo-saxons, du fait de leur longue tradition démocratique, il peut y avoir, presque par miracle, un changement de politique radical et pacifique (Trump ? Brexit ?), pas chez nous.

Nous sommes obligés de passer sur le corps de la bourgeoisie macroniste ou de nous résigner au déclin.

Fausse démocratie : la fabrique des preuves

Syrie, Tarnac, Tapie : la comédie des « preuves » comme art de gouverner

Trois exemples de preuves fabriquées comme dans un bon vieux régime communiste.







Syrie : tout ça pour ça

Tout ce foin médiatique pour bombarder quelques les hangars vides. Ridicule. Mais raisonnable application d'une idée conne dès le départ. Il semblerait que Trump et Mattis aient eu un effet modérateur sur le choix des cibles.

Je suis assez content de moi : je m'en doutais, je commence à comprendre Trump. Plus il aboie moins il mord. Evidemment, ce n'est pas ce que vous diront nos crétins des medias, mais je pense que vous avez compris qu'ils sont des ennemis de Trump avant d'être des journalistes (ou plutôt : ils sont des ennemis de Trump parce qu'ils sont journalistes).

Le plus gros défi, peut-être impossible à relever, est la restauration de la crédibilité des occidentaux. Parce que, vus d'ailleurs, d'Afrique d'Asie, nous sommes d'énormes menteurs qui nous cachons derrière les leçons de morale pour défendre nos intérêts, et le plus navrant est que nos détracteurs ont parfaitement raison.

J'ose espérer au moins que mes fidèles lecteurs ne croient pas aux raisons niaises que nos gouvernants donnent, ça serait vraiment atteindre le fond la bêtise.

samedi, avril 14, 2018

Six minutes in May (N. Shakespeare)

Le titre est un clin d’œil au fameux Five days in London.

Nicholas Shakespeare (relation avec William inconnue. NS, pour la suite) raconte les événements tumultueux qui conduisent Churchill au pouvoir en mai 40.

Churchill Premier Ministre, c’est une surprise, et même pas divine, pour beaucoup. Pourtant, un observateur dira qu’elle est le signe le plus clair de l’intervention de Dieu dans l’histoire des hommes, mais ça, c’est après.

Churchill a, dans l’Angleterre d’en haut, une réputation exécrable : brouillon, pas fiable, exalté à tort et à travers, verbeux, trop vieux. Mais chacun reconnaît son énergie. La plupart, dont le roi, préfèrent cependant Halifax. On compte aussi une dizaine de candidats plus ou moins sérieux.

Churchill, en tant que Lord de l’Amirauté, montre tous ses défauts lors de l’affaire norvégienne de Narvik et cela ne l’empêche pas d’être deux jours plus tard au pouvoir suprême. Cette histoire ressemble à un miracle (Bernanos disait que c'était une histoire d'enfants : « Il était une fois, sur une petite île, un grand peuple, seul contre tous ... »).

NS peine à le comprendre parce que, romancier d’origine, il s’attache beaucoup trop aux circonstances et aux personnes et pas assez à la politique. Le fait que Churchill fut le Cassandre de la montée du nazisme est traité quasiment comme une anecdote.

Le débat sur la crise norvégienne qui commence aux Communes le 7 mai 1940 ne semble pas menacer le gouvernement Chamberlain. Mais, tout au long des discours, les heures passant, merveille du parlementarisme anglais, la pression monte. Roger Keyes, avec son uniforme constellé de décorations, étrille les ministres. Puis, Leo Amery assène son terrible « Vous avez occupé cette place trop longtemps pour le peu de bien que vous y avez fait. Au nom de Dieu, partez et qu'on en finisse avec vous ». Chamberlain se défend très maladroitement « Moi aussi, j’ai des amis », ramenant un débat historique à un problème personnel.



Photo (interdite à l'époque) prise en cachette par un parlementaire, de la séance du 7 mai. Chamberlain est debout, en train de parler. On devine Churchill assis.

Le débat reprend le 8 mai, dans une atmosphère électrique, les bancs et les tribunes sont pleins à craquer (Churchill insiste ailleurs sur le fait que la disposition physique des Communes est pour beaucoup dans le fonctionnement de la démocratie anglaise), il fait très chaud. Lloyd George, le « vainqueur » de la première guerre mondial, assassine Chamberlain. La haine entre les deux est palpable. Churchill, à son meilleur, défend habilement son chef, sans se griller.

Le vote a lieu en fin de soirée. Il est minuté par un antique sablier. Les parlementaires doivent choisir entre deux couloirs, l’un Oui, l’autre Non. Ils ont six minutes pour s’y rendre.

Chamberlain garde la majorité, mais très diminuée et, surtout, les parlementaires en uniforme (hé oui, il y avait des parlementaires revenus du front) ont massivement voté contre lui. C’est une humiliation.

Le 9 mai et le 10 mai, Chamberlain s’accroche un peu, hésite à démissionner. Il apparaît clair qu’il faut un gouvernement d’union nationale et que Chamberlain sera refusé par les travaillistes (justement pour son rôle avant-guerre, ce que NS, négligeant la politique, ne voit pas bien). Halifax refuse le poste, NS y voit principalement des raisons personnelles, le manque de couilles. Là encore, il faut aussi prendre en compte la politique. Le destin de Churchill ressemble à celui de Clemenceau : la liste de ses ennemis est très longue, celle de ses défauts encore plus, mais chacun sent, même ses adversaires, que son heure est venue.

On connaît la suite, à son chauffeur qui le félicite, Churchill répond en écrasant une larme : « Je crains qu'il ne soit trop tard. J'espère que non ». Une habileté politique extraordinaire jusqu'en septembre 1940 et un peu au-delà, quelques discours immortels, puis Churchill viré par l'électorat anglais en 1945.

Je suis anglophobe, comme tout Français conséquent, mais j’admire sans réserves le fonctionnement des institutions rosbifs.

Ce n’est pas la vénération de cette saloperie d’Etat de droit des casques à pointe allemands et des connards bien-pensants, genre énarques, prétexte de toutes les saloperies actuelles contre nos pays.

C’est un mélange de tradition, de coutumes et de vieux écrits. C’est beaucoup plus subtil que le juridisme borné. Aucun texte n'obligeait Chamberlain à démissionner, pas plus que Mitterrand en 1986  et 1993 ou Chirac en 1997, mais la tradition voulait qu'un Premier Ministre désavoué démissionnât, ça fait toute la différence. Les pratiques politiques britanniques sont tortueuses, en apparence irrationnelles, mais le résultat est là : à l'époque de Jeanne d'Arc, le pays était cinq fois moins peuplé que la France et assez miséreux. Voyez ce qu'il est devenu.

Bien sûr, le pays parfait n’existe pas et Theresa May, ce n’est pas ce qu’ils ont fait de mieux.

Pendant que les Anglais se donnent Churchill, Reynaud échoue à virer Daladier et Gamelin.





Syrie : un SMS suffit

Cette nuit, les anglo-franco-américains ont bombardé la Syrie.

On m'a envoyé un SMS « On est fou ».

J'ai répondu :

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Non, esclaves : les colonies n'ont pas de politique indépendante. Notre maître américain a des raisons de bombarder, nous n'en avons aucune mais nous suivons. J'adore les journalistes, toujours aussi crétins et marionnettes de propagande. Quand c'est Assad, les mots les plus crus sont de rigueur, quand c'est nous, on euphémise, on ne bombarde pas, on « frappe ».
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Serbie, Kosovo, Irak 1, Irak 2, Libye ... il est inutile de se fatiguer à tenter de convaincre ceux qui ne tirent aucune leçon de ces précédents.

Quant aux autres, ils ont compris depuis longtemps.

Ce billet s'arrête donc ici.

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Nota : pour ceux qui en voudraient plus Caroline Galactéros: «Pourquoi la France ne doit pas s'associer aux frappes en Syrie»

Addendum :

Yves Daoudal :




C'est bien mon impression aussi que Trump a eu un rôle modérateur.

Un journaliste suspendu pour avoir dit «pédé » en privé

Denis Balbir, carton rouge d’une croisade morale



Condamné pour un propos privé anodin (oui,  «pédé » c'est anodin et ça doit le rester, marre des militants qui s'évanouissent au moindre mot de travers et appelent au lynchage au réveil, «pédé » est une insulte française classique et, par définition, les insultes ne font pas plaisir), et il y en a qui font encore semblant de ne pas comprendre que nous vivons sous une tyrannie totalitaire.

On notera la lâcheté de ses collègues, qui ne se sont pas mis immédiatement en grève.

Ce qui est privé doit rester privé. J'appelle régulièrement en privé Brigitte Macron « la vieille peau » ou « la vioque », je ne le répéterais pas en public.


La France d'avant : Caudron.

Photos de l'association Renaissance du Caudron Simoun :