jeudi, octobre 20, 2022

Louis XV (P. Del Perugia)

Paul Del Perugia (1910-1994) est un diplomate-historien.

Il annonce la couleur : on ne peut pas dire qu'il soit un grand démocrate. Pour lui, la démocratie est un régime tout juste bon pour des boutiquiers anglais mais certainement pas pour un grand peuple qui reçoit son destin de Dieu. Quant aux fameuses Lumières, je n'insisterai pas, il en pense la même chose que moi.

L'orphelin

L'enfance de de Louis XV commence fort mal, puisqu'à cinq ans, à la mort de Louis XIV, en 1715, il est orphelin de tout : de père, de mère, de frère, de grand-parents, d'arrière-grands parents. Atroce destin que celui de cet enfant sans famille proche.

Les Orléans, ces extrêmes-centristes, comme aujourd'hui les Bayrou et les Raffarin, dont le destin est toujours de trahir la France et de la mettre en danger de mort, rôdent, avides et hypocrites.

En France, le parti de la modération est toujours celui de la trahison.

Il est vrai que les modérés ne sont pas très modérés dans la modération. Ce sont des enragés de la modération, et donc la trahison (je vous renvoie au subtil distinguo des deux types de centrismes de Fabrice Bouthillier).

Sur son lit de mort, Louis XIV prend, pour son successeur, quelques unes des décisions les plus judicieuses de son règne.

Il ne se fait aucune illusion, il se doute bien que son testament en faveur de la régence du duc du Maine va être cassé par les orléanistes dès qu'il aura rendu son dernier soupir. Tout ce que le royaume compte de minables intrigants à la Voltaire, les ambitieux sans frein dans les salons et à la cour, les parlementaires, les robins, les épais bourgeois, les nobles frivoles et frondeurs, sont impatients de prêter la main à cette forfaiture et d'en recueillir les fruits sonnants et trébuchants.

Sur décision de Louis XIV, l'enfant-roi sera élevé au château de Vincennes, par Madame de Ventadour (« maman Tadour ») et par l'évêque de Fleury. C'est un coup de génie. La cour de Versailles se désintéresse de ce petit roi dont elle croit qu'il va être vite emporté par sa santé fragile. Il a donc une enfance presque normale, où l'on fait bien attention qu'il puisse fréquenter des enfants du peuple (ce petit-fils de province connait beaucoup mieux le peuple français, et l'aime beaucoup plus, qu'un bourgeois-bolchévique urbain d'aujourd'hui).

En 1712,  maman Tadour sauve le jeune duc d’Anjou lors d’une épidémie de rougeole en s’enfermant dans sa chambre pour empêcher les médecins (qui viennent de tuer son frère) d’approcher.

Fleury est de ces personnalités en apparence ternes, qui dissimulent une ambition d'acier si on leur donne l'occasion de la nourrir. Il protège le roi en arrière-plan. Quant la cour orléaniste commencera à voir en lui un danger dans la compétition politique, il sera trop tard pour elle. Louis XIV a été fin juge de l'évêque.

Le caractère de Louis XV se ressentira toujours de cette enfance sans protection familiale. Il craindra toujours les têtes nouvelles et gardera un fond de renfermement. Il est très pieux d'éducation et très inquiet de nature.

Le roi  

En 1725, à quinze ans, il épouse Marie Leszczynska, de sept ans son ainée, choix surprenant et pas très heureux. Mais elle fait l'essentiel pour la France : donner des successeurs, ce qui évite les dangereuses incertitudes dynastiques.

L'année suivante, le roi fait un coup de majesté comme ses aïeux Louis XIII et Louis XIV. Le premier ministre, le duc de Bourbon, imposé par les Orléans, passe la journée à la chasse avec le roi. Le soir venu, au pied de son carrosse, le capitaine des gardes lui remet une lettre de cachet pour l'exil avec les mots qui ont terrifié des générations de courtisans, les mêmes que Vitry à Concini, que d'Artagnan à Fouquet : « Par ordre du roi ! ».

Del Perugia est violemment anti-jésuite. Moi aussi (1). Concernant spécifiquement Louis XV, ils ont utilisé ses adultères pour lui faire un chantage absolument ignoble et, grâce à leur influence sur la reine, pour retourner la famille royale contre leur père. Ce sont des pourritures.

Louis XV souffrit beaucoup d’un problème qui commença à se manifester sur la fin du règne de Louis XIV : le désert d’hommes d’Etat. Il manquait de serviteurs de talent, notamment militaire. L’explosion de talents issus de la roture à la révolution fit bien voir où était le problème : ce que nous appelons l’ascenseur social était bloqué.

En 1745, Fontenoy est une victoire personnelle de Louis XV. Alors que la situation est mal engagée et que le maréchal de Saxe tergiverse puis ordonne la retraite, le roi fait donner sa maison et renverse le cours de la bataille, piégeant les Anglais trop avancés.

Louis XV est un authentique roi très chrétien. Sa piété a retardé de quelques décennies la catastrophique déchristianisation de Paris et des milieux intellectuels. L’Etat est déjà miné par la franc-maçonnerie, l’Eglise aussi. Comme aujourd’hui, la formation théologique des prêtres est lamentable (sauf que le pape n’est pas encore franc-maçon).

Louis XV contre l'Angleterre

C’est très simple : la lutte de Louis XV contre l’Angleterre, c’est le combat du Christ contre l’Argent. Si Louis XV a échoué, c’est par manque de soutien de l’Eglise de France, gangrenée par les jésuites. Il est dommage que Louis XV n'ait pas cherché dans l'Eglise plus de soutien contre les jésuites et contre les parlements dans la société française, il l'aurait sans doute trouvé.

Del Perugia est un farouche ennemi de Paris : « Cette ville est dirigée par des bateleurs, comme l’indique son blason. Chaque fois qu’elle a pesé sur le pouvoir, ce fut une honte pour la France ». Il trouve que Louis XIII n’est pas allé assez loin à Versailles, les rois de France auraient dû rester sur la Loire.

Nul doute qu’il souscrirait sans difficulté à l’explication d’Eric Zemmour de la propension des élites françaises à la trahison par le parisianisme.

Cette fâcheuse guerre perdue

Le gros reproche à Louis XV, c'est d'avoir perdu la guerre de sept ans.

Mais elle était déjà perdue quand elle a été engagée. Assurément, la Grande-Bretagne a eu des moments difficiles. Cependant, la France a été constamment trahi par sa bourgeoisie, l'ennemi était à l'intérieur.

Au Canada, le gouverneur Vaudreuil, commis des grands propriétaires, qui ne s'entendent pas si mal avec leurs compères anglais, a systématiquement oeuvré contre Montcalm, transformant des prouesses d'héroïsme en victoires sans lendemain et en défaites définitives.

Après la défaite et la mort de Montcalm sur les plaines d'Abraham, une éphémère commune bourgeoise, opposée au peuple, s'auto-proclame à Québec, juste le temps d'ouvrir les portes aux Anglais. Perugia voit là une prémice de cette révolution en gestation, bourgeoise et néfaste pour la France, qu'il déteste (j'aime bien le mot de Jean Dutourd : « Sous nos rois, il arrivait que les Français fussent malheureux mais la France n'était jamais en danger de mort. Sous la république, c'est l'inverse : il arrive que les Français soient heureux mais la France est sans cesse en péril mortel ». Et il n'a pas connu 2022 !).

Les Peaux-Rouges
Tiens, au fait, pourquoi ne nous parle-t-on jamais de repentance coloniale à propos du Canada français ? Parce que les Français étaient alliés des Peaux-Rouges. Le chef Pontiac a choisi de mourir sous le drapeau à fleurs de lys plutôt que de se rendre aux Anglais.

Des froidures du Canada à la moiteur de la Louisiane, les gestes héroïques d’amour pour la France se multiplient. On ne compte plus les sacrifices dignes d’images d’Epinal.

Pendant ce temps, les Anglais se demandent comment leur filer la variole.

Ce fut cela, la France américaine.

La racaille salonarde

Quant à la racaille des salons parisiens, les Voltaire et compagnie, chaque défaite de notre pays y déclenche des orgasmes.

C'est un crève-coeur de lire cela dans le détail : la trahison est à chaque page, tout ce qui abaisse et humilie la France est accueilli dans les salons parisiens avec enthousiasme, tout ce qui pourrait la relever est critiqué avec une acrimonie vétilleuse. Cette haine viscérale me rappelle beaucoup l'anti-gaullisme, la psychologie m'en semble identique. Le désir irrépressible de se coucher, de se rouler dans la fange, des âmes basses.

Le secret du roi et la revanche américaine

En 1763, au désastreux traité de Paris, le rire sardonique de Sade et de Voltaire a gagné la première manche. Dans cette défaite, beaucoup voient l’origine de notre lamentable révolution.

Louis XV, dans l’ignorance de Choiseul (à qui on a attribué à tort cette stratégie), travaille à séparer l’Amérique de l’Angleterre. Son successeur saura prendre avec éclat cette revanche.

S’appuyant sur une poignée d’hommes dévoués (Tercier, de Broglie, …), le roi cultive les ferments de discorde entre Boston et Londres et prépare cette flotte qui permettra à de Grasse de réussir la tenaille de Yorktown.

Cela a été très bien raconté par Gilles Perrault, se lit comme un roman.

Del Perugia se livre à un éloge étrange mais profond de Napoléon qui a compris ce que le destin des nations tient du sacré. Pendant la retraite de Russie, il confie « Si j’étais né sur le trône, si j’étais Bourbon, il m’aurait été facile de ne point faire de faute » (bien sûr, on vole là des kilomètres au-dessus du pathétique adolescent Macron, en proie à l’obsession de tuer le père, qu’il assouvit en ravageant la France).

La forêt et la chapelle 

Comme tous les Bourbons, Louis XV était fou de chasse.

C’était bien plus qu’un loisir : une union concrète avec la nature et le peuple de son royaume. Nos post-modernes « écolos » urbains sont mille fois moins unis à la nature que ce roi chasseur, ce n'est pas seulement une connaissance intellectuelle, c'est une union intime. Ce n'est pas leur yorkshire et leur quinoa qui changeront la donne.

Union avec la terre, union avec le ciel. C'est parce que Louis XV était très pieux que ses confesseurs jésuites qui lui furent imposés ont pu le persécuter au prétexte de ses moeurs. Coincé entre les  « philosophes » et les dévôts, le roi était dans une position très inconfortable.

La désignation de son dernier confesseur, le seul qu'il ait vraiment choisi, est exemplaire et pittoresque.

Louis-Nicolas Maudoux est issu du plus bas clergé, véritable produit de l'ascenseur social ecclésiastique (études de théologie, Sorbonne et compagnie).

Le roi, lors d'une de ses chasses, a discuté avec des ouvriers de Choisy (on remarquera que le roi de France discutait beaucoup plus souvent et beaucoup plus librement avec des ouvriers et avec des paysans qu'un Emmanuel Macron, puisqu'il était souvent presque seul, la course de la chasse dispersant son entourage, et cela deux fois par semaine) et ceux-ci lui ont raconté que leur curé était un saint homme. Renseignements pris, le voilà embauché et Versailles accueille avec curiosité un curé de campagne qui battra une sorte de record puisqu'il sera le confesseur de quatre rois ou futurs rois et d'une reine : Louis XV, Louis XVI, Louis XVIII, Charles X et Marie-Antoinette.

Sans le latin, sans le latin ...

Del Perugia déplore le déclin de l'enseignement du latin sous Louis XV.

De même qu'on dit que la syntaxe et l'orthographe sont les premières formes de pensée rigoureuse que rencontre l'enfant (c'est pourquoi ceux qui traitent l'orthographe de « science des ânes » sont ... des ânes), on peut considérer que le latin est une forme supérieure d'entrainement de l'intellect.

Pas étonnant que tous les nihilistes aient tenté (et réussi) à en éradiquer l'enseignement.

Cinq ans

Hier comme aujourd'hui, les magistrats, cette bourgeoisie urbaine de merde, sentencieuse, vaniteuse, fumeuse et irresponsable, mettent en péril la France (je n'ai jamais eu beaucoup d'estime pour les Montesquieu et consorts).

La réaction nobiliaire est une catastrophe pour notre pays.

En 1771, Louis XV, aidé du chancelier Maupéou, exile par un coup de majesté les parlements (et les remplace par de nouveaux, ceux que Beaumarchais, tête de linotte, ridiculisera). En 1774, son petit-fils Louis XVI (2), bon homme mais un peu concon, sous la pression de ce qu'on nommerait aujourd'hui l'opinion médiatique, les rappelle. Maupéou dira : « J'ai gagné au roi une querelle de trois cents ans. Libre à lui de la reperdre. » Plus trivialement, en privé : « Il est foutu ».

Cinq ans de vie, c'est en gros ce qu'il a manqué à Louis XV pour faire entrer cette réforme salutaire dans les mœurs et la rendre irréversible. Comme on dit, quand ça veut pas, ça veut pas.

Une catastrophe inévitable ?

Louis XV est pris dans une contradiction : ce fut 60 ans de règne sur le tout début de la révolution industrielle. La prospérité fait un bond, notamment l'agriculture (il y aura encore des inquiétudes frumentaires, mais plus jamais de disettes et de famines, malgré l'explosion démographique). Dans ces conditions où des fortunes gigantesques incontrôlables se créent (un peu comme aujourd'hui), comment le roi très chrétien peut-il lutter contre le règne de l'Argent ?

Le racisme libéral nordique

Del Perugia rappelle que les vertueux Nordiques qui faisaient l'admiration des « Lumières » étaient racistes comme jamais un méridional. Le pays le plus eugéniste après l'Allemagne nazie fut la Suède (maintenant, tous les pays sont eugénistes comme jamais, à cause du diagnostic pré-natal).

Le denier roi très chrétien

Le 10 mai 1774, Louis XV meurt de la variole, muni des sacrements de l'Eglise, après une agonie exemplaire. Non sans avoir déjoué un dernier complot des grands francs-maçons qui tentaient d'empêcher un prêtre de l'approcher (quel triomphe cela aurait été pour eux une mort royale impie).

Sa mort réjouit la bourgeoisie urbaine mais afflige le petit peuple.

Son image historique, construite par les scribouillards au service de la bourgeoisie, est déplorable et très injuste : comme ses ancêtres Louis XIII et Louis XIV, Louis XV avait un sens aigu de ses devoirs.

Mais l'essentiel était joué avant son accession au trône : la terrible querelle du jansénisme (le roi ordonnant de labourer les tombes de Port-Royal !) avait commencé à déchristianiser la France et la trop longue fin de règne de Louis XIV avait ôté sa vitalité à la royauté.



********
(1) : leurs jésuitières ont détruit l’université française. De plus, les jésuites sont formés à l’hypocrisie et au goût du pouvoir. Ils sont théologiquement très douteux. Tout le monde a sous les yeux la catastrophe d’un pape jésuite.

(2) : encore une fois, un Bourbon qui se retrouve isolé faute d'une descendance suffisante. Autant les Capétiens avaient été bénis par une descendance toujours suffisante pour assurer un gouvernement stable de  la France, autant les Bourbons après le décès du Grand Dauphin (fils de Louis XIV) ont été maudits de ce point de vue.

lundi, octobre 17, 2022

Nécessaire ?

 Dans la video en pied de billet, Ariane Bilheran dit les choses suivantes :

1) Nous vivons un délire totalitaire qui ira jusqu'au bout. Il changera d'objet (COVID, puis Ukraine, puis « crise climatique », puis autre chose ...) pour ne pas que les gens se mithridatisent et se révoltent.

Mais le fond de tous les totalitarismes restera : l'homme n'est pas une fin mais un moyen, sacrifiable à un bien commun fantasmé, avec tous les comportements profondément immoraux, inhumains, génocidaires, au nom de ce bien collectif délirant, tels que nous avons déjà connus pendant la folie covidiste et que nous reverrons encore et encore.

Les prétextes (COVID, Ukraine, « urgence climatique » ...) ne sont que cela, des prétextes, même si les plus vulnérables y croient sincèrement. L'important, c'est la pulsion suicidaire, sacrificiel et sectaire, qui est commune à tous ces prétextes.

Certains voient superficiellement des incohérences (« Sauver des vies » pendant le COVID contre « Sacrifier des vies pour l'Ukraine ») mais la cohérence profonde persiste : toujours sacrifier les individus, sacrifier le bonheur de vivre, sacrifier les libertés.


La phrase d'Ariane Bilheran « On est coupable de vivre » va au cœur du problème.

A travers ses différents reproches (reproche de polluer, reproche de consommer de l'essence, reproche de transmettre le COVID, reproche de manger de la viande, reproche de ne pas vouloir cohabiter avec n'importe qui, reproche de se déplacer en voiture et en avion etc.), la caste nous reproche de vivre, elle a clairement un projet génocidaire (d'ailleurs les plus fous, Gates, Harari, Alexandre nous le disent ouvertement).

2) Le bout du délire totalitaire, c'est la destruction aussi totale que possible (pensez à l'Allemagne en 1945).

3) Ariane Bilheran se demande si l'humanité survivra à la guerre atomique qu'elle pense désormais inévitable. Physiquement, c'est certain : au fin fond de l'Afrique et de l'Amérique du Sud, il restera toujours des hommes après la guerre atomique, mais psychologiquement ne déprimeront-ils pas ? Ne se laisseront-ils pas mourir ? Feront-ils assez d'enfants pour que l'humanité survive ? L'espérance de vie de l'humanité est de 50 ans : si toutes les femems refusent de faire des enfants, au bout de 50 ans, elles sont

4) Enfin, Ariane Bilheran réfléchit : et si ce délire totalitaire était nécessaire (« nécessaire » ne signifie pas « souhaitable ») ? La nécessité étant la liquidation d'une civilisation décadente. L'empire romain noyé dans un esclavage délirant.

Cette question terrible mérite d'être posée.