lundi, septembre 25, 2023

The making of the atomic bomb (Richard Rhodes)

Livre passionnant, même s'il s'attarde un peu trop sur les éléments biographiques des acteurs.

Il retrace l'histoire de la bombe atomique, des premiers travaux sur les radiations au XIXème siècle jusqu'aux bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki (la bombe H, c'est un autre livre : Dark sun).

Je vous invite à le lire (hélas en anglais).

Quelques réflexions :

Les hommes font l'histoire mais ils ne savent pas l'histoire qu'ils font.

C'est un peu raide de commencer par cette citation de Karl Marx rabâchée, mais elle est très adaptée.

Dans les années 1900, beaucoup imaginent libérer l'énergie contenue dans les atomes par une réaction en chaine. L'auteur HG Wells, inspiré par le physicien Frederick Soddy, futur Prix Nobel, en parle même dans un de ses romans en 1914.

Mais, à mesure que la connaissance du noyau atomique progresse, sa mystérieuse stabilité est mieux comprise et « le consensus scientifique  prouve » (si vous voyez dans le choix de ces termes une malice contemporaine de ma part, vous n'avez pas tort (1)) qu'il est impossible de fracturer un noyau.

Les Français Joliot-Curie ratent la découverte de la fission de l'uranium alors qu'ils avaient fait les bonnes expériences et avaient toutes les données expérimentales en main, parce qu'ils refusaient de voir ce qu'ils avaient sous les yeux. Ils avaient déjà raté de même la découverte du neutron, ce sont les serial losers de la physique atomique.

Lorsque Otto Hahn et Lise Meitner (un couple dans le travail mais pas dans la vie) établissent le 13 janvier 1939 la preuve qu'ils ont réalisé une fission de l'uranium, ils doutent tellement qu'ils en parlent d'abord à Niels Bohr avant de publier. Celui-ci les encourage. La nouvelle se répand comme une trainée de poudre chez les physiciens.

Dès 1934, la physicienne Ida Noddack a contesté l’idée que la fission atomique était impossible, mais les esprits n’étaient pas mûrs. La nouvelle de la possibilité théorique d’une bombe atomique est instantanément publique dans le tout petit cercle des atomistes avant que quiconque puisse arrêter l’information.

Cela n’a pas de sens de penser que les physiciens auraient dû arrêter leurs recherches : avec la fission, ils ont trouvé une chose qu’ils ne cherchaient pas et dans laquelle ils ne croyaient pas (pour la bombe H, la situation est différente). Plus tard, quelques physiciens, dont Niels Bohr et Lise Meitner, refusent de participer au projet Manhattan (Bohr sera nommé conseiller de Manhattan, mais n'y prendra pas une part active).

C'est un scandale que Lise Meitner, discrète jusqu'à l'effacement, n'ait pas reçu le prix Nobel en même temps qu'Otto Hahn.

Fermi fait une prédiction : une chance sur dix pour que l'énergie atomique soit exploitable.

Alors, en 1939, à la veille de la guerre, il y a une discussion fort éclairante entre Fermi et Szilard : Fermi estime qu'à 1/10 de probabilité, il est prudent de continuer à chercher. Szilard qu'à 1/10 de probabilité, le risque est trop grand, qu'il faut mettre le couvercle sur tout cela et passer à autre chose.

En réalité, cette discussion est oiseuse : trop de gens savent déjà pour arrêter le cours des choses.

Niels Bohr a un éclair de génie. Il quitte la table où il dinait et se précipite à son bureau pour noter l'idée fugace qui est en train de lui échapper. L'U235 (0,7 % dans l'uranium à l'état naturel) a une réaction différente de l'U238 et c'est ce qui explique la difficulté d'interprétation des résultats expérimentaux, qui mesurent non pas un phénomène, mais deux phénomènes mélangés. Dans la foulée, Bohr fournit l'explication théorique.

Mais cela ne rapproche guère la bombe atomique : en 1939, on ne sait pas séparer les isotopes.

La machine s'emballe. Ou pas.

Le 22 avril 1939, les Français Joliot, von Halban et Kowarski montrent qu'une fission d'U235 émet en moyenne 3,5 neutrons : la réaction en chaine devient théoriquement possible.

En juillet, Szilard et Fermi pensent à utiliser le graphite et l'eau lourde comme modérateurs (l'eau ordinaire absorbe trop de neutrons, elle éteint la réaction en chaine). Szilard ne veut pas mettre les mains dans le cambouis et trouve un étudiant pour faire les manipulations à sa place. Fermi, expérimentateur compulsif, est choqué et évitera Szilard autant que faire se peut.

Les savants allemands s'y mettent très vite et bien (la course aux armements n'est donc pas une illusion. Enfin, pas tout à fait. Voir la conclusion de ce billet). Mais, ensuite, ils se fourvoient sur l'eau lourde (il se peut que le calcul de Walther Bothe, anti-nazi, sur le graphite ait été volontairement erroné) et ils ne croient plus à la bombe, ils s'orientent vers la production civile d'énergie, qui n'est pas prioritaire pour leur gouvernement.

Le Japon aussi.

En octobre 1940, Roosevelt est longuement informé de la lettre d'Einstein et de Szilard décrivant la possibilité d'une bombe atomique.

En 10 mois, on est passé d'une hypothèse théorique que le consensus refusait à une possibilité pratique connue au sommet de l'Etat.

Et puis ... plus rien. Sur décision de Roosevelt, un comité bureaucratique est mis en place pour coordonner les efforts. Il se révèle contre-productif : ses trois membres ne comprennent pas l'enjeu, ils croient avoir à faire à une lubie de savants fous.

Les Anglais, poussés par deux immigrés allemands (Frisch, le neveu de Lise Meitner, et Peierls) crée aussi un comité atomique, mais composé de physiciens. Il a donc une tout autre mentalité que le comité américain. Il comprend les potentialités de l'U235 et décide d'étudier la séparation d'isotopes. Nous sommes au printemps 1940.

La course à l'eau lourde (les Français achètent à la Norvège le seul stock d'eau lourde existant et le transfèrent en Angleterre dans des conditions rocambolesques, en pleine débâcle) induit les Allemands en erreur (involontairement : les connaissances ne sont pas assez fermes pour que cela soit une intoxication délibérée).

Les échanges des deux côtés de l'Atlantique permettent aux Américains de ne pas être à la traine malgré leur carence de soutien politique.

Au printemps 1941, les Américains découvrent le plutonium en bombardant l'uranium et savent immédiatement qu'il est fissile.

Bizarrement, la bureaucratie américaine n'arrive toujours pas à prendre la mesure des enjeux.

Deux personnages subalternes mais clés dans la chaine de commandement bloquent la diffusion de l'information parce qu'ils ne comprennent pas et voudraient réserver les fonds à d'autres projets. Il faut l'envoi officiel du rapport britannique sur la possibilité d'une bombe atomique en octobre 1941 pour débloquer enfin la situation. Roosevelt est informé, il est alors impossible de continuer à jouer l'obstruction. Un an a plus ou moins été perdu.

En octobre 1941, Heisenberg vient à Copenhague sonder Bohr sur la bombe atomique, laissant à celui-ci l'impression fausse que les Allemands sont très avancés.

Robert Manhattan

Le 6 décembre 1941, les atomistes se réunissent à New York pour se concerter sur un programme.

On passe alors de la théorie à l'ingénierie :

1) Comment séparer industriellement l'U235 de l'U238 ?

2) Comment fabriquer industriellement du plutonium ?

3) Comment déclencher une réaction en chaine ?

Malgré l'entrée en guerre des Etats-Unis, ça patachonne encore quelques temps, faute d'organisation. Ce n'est pas avant septembre 1942 et la nomination par les militaires du général Leslie Groves comme chef de projet, que l'entreprise est vigoureusement prise en main.

Edeward Teller se désintéresse de la bomba A, considérant qu'il a fait le tour des problèmes théoriques qu'elle pose et commence à s'intéresser à la « Super », la future bombe H. Il dira que l'été 1942 été le plus stimulant intellectuellement de sa vie.

En octobre, Robert Oppenheimer est nommé directeur scientifique, choix doublement astucieux : ses accointances gauchistes permettent d'avoir barre sur lui en mettant sa loyauté en doute, il a ce type de personnalités bulldozers qui vont au bout de ce qu'elles font. Il deviendra le symbole du projet Manhattan.

Quand ils décident de s'organiser enfin, les Américains le font naturellement, parce que c'est ce qui fonctionne, en se rapprochant des règles de Kelly Johnson, le patron de Lockheed : prenez les meilleurs, mettez les tous au même endroit, ne chipotez pas sur les moyens que vous leur donnez, les effectifs doivent être réduits et la responsabilité généreusement déléguée, secret absolu, un seul interlocuteur chez le client qui a tout pouvoir de dire oui ou non.

Trois sites : Los Alamos pour les bombes (U235 et Pu), Hanford pour la production de plutonium, Oak Ridge pour la production d'U235.

Après 3 ans à merdouiller de manière difficilement compréhensible, les Américains ont le feu au cul.

Le 2 décembre 1942

Date historique : la pile atomique CP1 sous la direction de Fermi diverge. Pour la première fois, l'homme maitrise l'énergie atomique.

La Chicago Pile-1 (CP-1), constituée d'un habile empilage de 50 000 briques de graphite représentant 400 tonnes de carbone avec, répartis à l'intérieur, 6 tonnes d'uranium et 36 tonnes d'oxyde d'uranium devient critique le 2 décembre 1942, dans une ancienne salle de squash, sous les gradins du Stagg Field à Chicago.

Cette épisode ne va pas sans anecdotes savoureuses, par exemple le recrutement de l'équipe de football américain du campus pour manipuler les lourdes briques d'uranium et de graphite. Mais les témoins ont conscience de participer à un instant historique.

Szilard sert la main de Fermi et lui dit « C'est peut-être un jour noir de l'histoire de l'humanité ».

Un problème de concordance des temps

L’échelle des phénomènes mécaniques et explosifs est la milliseconde. L’échelle des phénomènes atomiques est la nanoseconde, un million de fois moins. Là est la difficulté de conception de la bombe atomique.

La théorie est simple : on réunit deux ou plus masses sous-critiques de matière fissile pour passer le seuil de criticité et boum !

En pratique :

_ si la réaction en chaine démarre avant que les masses soient correctement rassemblées, pétard mouillé (équivalent de quelques tonnes de TNT quand même). D’où les problèmes de géométrie et d’explosifs rapides.

_ si la réaction en chaine démarre trop lentement, la matière fissile se disperse avant que l’explosion ait atteint son plein potentiel. D’où l’ajout d’activateurs de neutrons (polonium) au centre du corps fissile et l’enveloppe de confinement (ce qui compte, ce n’est pas la résistance du matériau de l’enveloppe, rien ne résiste, mais son inertie, retarder de quelques nanosecondes la dispersion).

On ne peut pas expérimenter la réaction en chaine et, à l’époque, on ne pouvait pas la simuler (mais il y a eu des expériences risquées s'en approchant). C’est un véritable exploit intellectuel d’avoir réussi à comprendre et à calculer correctement ce qui se passe pendant ces quelques nanosecondes.

Ca ne se passe pas toujours aussi bien : la deuxième explosion de bombe H, Castle Bravo, en 1954, a été 50 % plus puissante que calculé, parce qu’il y a eu un rebond imprévu de la fusion (des éléments fusionnés ont fusionné entre eux, comme dans une soirée chez Dominique Strauss-Khan). Des spectateurs ont été irradiés. Cela met en perspective l'excellence de la conception de la bombe A.

Le général Groves, dont la qualité principale n’est pourtant pas la modestie, disait qu’il était parfois mal à l’aise d’être entouré de tant d’esprits supérieurs.

Oppenheimer (c’est lui qui a conceptualisé les trous noirs, il aurait eu le Prix Nobel s’il n’était pas mort relativement jeune), Von Neumann (qui faisait des blagues en grec ancien avec son père à 6 ans, a inspiré le Dr Folamour de Kubrick), Bohr (quasi absent de Los Alamos), Teller étaient des génies, des gens qui comprenaient des choses que les autres ne comprenaient pas, qui pensaient à des choses auxquelles les autres ne pensaient pas. Des gens comme Fermi et Lawrence étaient « seulement » brillants et travailleurs.

L’implosion

La bombe à uranium est de conception si simple (un bloc d’uranium projeté sur un autre bloc d’uranium par un pseudo-canon) qu’il n’y a pas eu de test, que le premier essai a été le bombardement d’Hiroshima (avec l’idée que, si ça foirait, il y aurait quand même une explosion impressionnante).

En revanche, la bombe à plutonium est nettement plus complexe. Pour des histoires d’impuretés (Pu240) amorçant la réaction en chaine trop tôt, la milliseconde de la solution canon est une mise en place trop lente (on est dans des ordres de grandeurs qui donnent le tournis). La solution est une implosion (on entoure la boule creuse de plutonium d’explosifs déclenchés tous en même temps . C’est environ 100 fois plus rapide que la solution canon). Cette solution est si complexe que Oppenheimer et Fermi n’y croient pas mais laissent faire. En quelques nanosecondes, la matière fissile se vaporise. L’implosion, c’est comme essayer de retenir une boule d’eau en serrant le poing.

Deux problèmes :

_ il faut que les détonateurs soient synchronisés de l’ordre de la microseconde.

_ les fronts d’onde des explosions de compression doivent être plans et non sphériques comme naturellement, pour ne pas que la matière fissile s’échappe à la frontière des sphères (l’eau qui s’échappe entre les doigts). Le problème a été résolu avec des lentilles explosives : des trucs qui ressemblent à des charges creuses, avec des explosifs rapides pour faire le cône et des explosifs lents à l’intérieur du cône. Bonjour le type qui a calculé ça à la mano en 1943.

Les essais des lentilles explosives consomment une tonne d'explosif par jour pendant 6 mois ! 20 000 explosions tests au total. C'était la première fois qu'on usinait des explosifs. Il n'y a pas eu d'accident.

Il y a aussi quelques problèmes métallurgiques avec le plutonium pour que la sphère creuse se déforme symétriquement, mais c’est anecdotique par rapport au reste.

Un activateur de neutrons de la taille d'une noisette mais à la géométrie très étudiée (et toujours secrète) est au centre du dispositif. Il n'émettra que quelques neutrons (moins d'une dizaine !) mais, par la magie de la fonction puissance, ils seront des millions quelques nanosecondes plus tard.

Une entreprise industrielle inédite

Les industries d'armement ont toujours eu des liens avec les sciences mais l'ambition du projet Manhattan est inédite. Jamais une arme à la pointe de la science n'avait été industrialisée.

Pour produire quelques kilogrammes de matière fissile, il faut multiplier par des millions les techniques de laboratoire pour en produire quelques milligrammes. C'est un projet gigantesque.

Il y a beaucoup de problèmes de recrutement : la guerre, c'est le plein-emploi et même la pénurie de main d'œuvre. C'est ainsi que Norma Jean Baker se retrouve à peindre des avions.

Tout le monde ne hurle pas d'enthousiasme à l'idée d'aller vivre dans des cahutes inconfortables au fin fond de trous paumés. Surtout que 90 % des employés ignorent sur quoi ils travaillent. Même des scientifiques quittent le projet, pour aller travailler en ville sur les radars, les sonars, les fusées de proximité, dont on peut pas dire qu'ils soient inutiles à l'effort de guerre.

Aussi surprenant que cela puisse paraitre, le développement et la fabrication des bombes atomiques ont couté à peine plus cher (un peu en dessous de 2 milliard de dollars) que le développement du bombardier B29 (beaucoup des coûts cachés dans le développement des moteurs) qui transporte ces bombes et environ 10 fois moins que le programme Apollo. La concentration des talents et des efforts ...

Anecdote : tension et hystérie

A notre époque débile (2023) où l'hystérie collective et l'exaltation stupide du consensus (une conjonction très dangereuse) sont devenues la norme, cela vaut le coup de raconter cette anecdote, qui vient d'Oppenheimer lui-même.

La semaine précédant l'essai Trinity, en juillet 1945, la tension est à son comble à Los Alamos.

Un matin, des gens s'aperçoivent qu'un objet volant non-identifié passe dans le ciel. La foule grossit et certains se mettent même à tirer à la mitrailleuse sur cet objet.

Un astronome de Los Alamos, un brin soucieux, se rend dans le bureau d'Oppenheimer et lui dit : « Vous êtes au courant qu'il y a des gens qui tirent sur Vénus ? ».

Trinity 16 juillet 1945

Première explosion atomique de l'histoire.

Les spectateurs (placés à 10 km ou à 20 km) sont unanimes : le plus impressionnant est la boule de lumière (silencieuse, puisque le son n'a pas encore parcouru la distance) qui donne l'impression qu'un projecteur est dirigé directement vers soi et parait durer une minute (deux secondes en réalité). Aucune photographie ne peut rendre cette sensation.

L'essentiel de l'énergie atomique est libérée en rayons gamma et en neutrons, qui ionisent l'air alentour et produisent des rayons X très intenses. La boule de feu est le siège de phénomènes complexes qui transforment ces radiations en lumière visible, radiations diverses, chaleur et énergie mécanique.

Il y a ensuite le premier flash thermique, produit par le refroidissement de la boule de feu de plusieurs millions de degrés à environ 300 000 °C. Un deuxième flash thermique dans les longueurs d'onde habituelles (ultraviolet, infrarouge) vient ensuite avec l'expansion de la boule feu.

L'onde de choc, pour puissante qu'elle soit, impressionne moins que la boule de lumière. Fermi, expérimentateur dans l'âme, a préparé des petits papiers qu'il laisse tomber au passage de l'onde de choc. Il évalue ainsi la puissance de la bombe à 10 kT (18 en réalité).

Après la  satisfaction de la réussite de « la plus grande expérience de physique jamais réalisée », beaucoup d'acteurs sont pris de malaise devant la puissance qu'ils ont déclenchée. C'est une chose de savoir en théorie, c'en est une autre de voir en pratique. Ils ont la gueule de bois.

Comment utiliser la bombe ?

Je l'ai déjà expliqué dans la recension de Atomic Tragedy: Henry L. Stimson and the Decision to Use the Bomb Against Japan (Sean L. Malloy ) : les autorités politiques se sont mêlé très tard, trop tard, de l'utilisation de la bombe.

En mars 1944, a lieu un entretien désastreux entre Niels Bohr, qui endosse le rôle de penseur moral, politique et philosophique de la bombe atomique et de son usage, et Winston Churchill. Celui-ci se présente sous son plus mauvais jour : bougon, obtus et manquant singulièrement de jugement (c'est son plus gros défaut) : il dit à Bohr que la bombe atomique n'est qu'une bombe de plus, qu'elle ne change pas la philosophie de la guerre et qu'elle ne nécessite aucune mesure particulière. Bohr est durablement et défavorablement choqué.

Les autorités politiques commencent à s'intéresser à l'usage concret de la bombe en avril 1945. Il faut bien dire que, à part Stimson, le Secrétaire d'Etat à la Guerre, les quelques uns mis au courant ne sont pas à la hauteur des enjeux. Truman est un abruti, mais, du moins, il a le bon sens de s'inquiéter. Tokyo et Kyoto sont rayées de la liste des cibles pour des raisons culturelles.

De nos jours, beaucoup se demandent pourquoi les Américains ne se sont pas contentés d'une démonstration dans le désert. Plusieurs raisons :

1) Le gouvernement japonais a repoussé plusieurs contacts de paix, et comme il y a peu de bombes disponibles, il semble risqué d'en gaspiller dans une démonstration inutile. Le fanatisme des Japonais à Iwo Jima et Okinawa a marqué les esprits des décideurs.

2) Une raison qui rejoint la première : le gouvernement japonais est dysfonctionnel, ce qui rend difficilement interprétables des signaux qui paraissent contradictoires et pousse le gouvernement américain au maximalisme. Cette situation est toujours très dangereuse. Et les signaux de jusqu'auboutisme de la part des Japonais ne manquent pas.

3) Les bombardements atomiques paraissent aux décideurs le moyen de mettre fin le plus rapidement possible à la guerre, ce qui est un but hautement louable.

4) Les rapports avec l'URSS ont joué. Mais moins qu'on ne l'a dit, parce que les Américains sous-évaluaient la capacité des soviétiques à acquérir rapidement la bombe.

Le général Eisenhower, prévenu à la conférence de Potsdam des bombardements atomiques, exprime poliment (ce n'est pas son théâtre d'opérations) son désaccord. Il considère que c'est une faute morale des Etats-Unis d'utiliser les premiers une telle arme.

La conclusion est plus terre à terre : quand un pays en guerre dépense deux milliards de dollars pour développer une arme, il l'utilise.

Je suis persuadé que, au vu des atrocités commises par les uns et par les autres dans cette guerre, n'importe lequel des belligérants aurait pris la même décision.

Hiroshima et Nagasaki

Les deux bombardements atomiques, c'est en gros un total de 400 000 morts. Il n'y a pas de bombardement moins discriminant : la mortalité est directement proportionnelle à la distance de l'épicentre. 100 % à l'épicentre, presque 0 à 3 km.

Nagasaki est bombardée parce que les Américains ne reçoivent pas de reddition japonaise après le premier bombardement atomique. En fait, il s'agit d'un quiproquo à 200 000 morts : la dévastation d'Hiroshima est telle que toutes les communications avec Tokyo sont coupées et que les Américains connaissent bien mieux l'état d'Hiroshima que le gouvernement japonais.

Malgré tout, le bombardement de Nagasaki n'est pas vain. C'est à peine croyable mais l'empereur doit forcer la main de son gouvernement pour obtenir une reddition (presque) sans conditions.

Certains pensent que la plus grande faute morale des Américains est cette exigence de reddition sans conditions (qu'ils ont fini par amender) qui a poussé les Japonais à l'extrême. Mais c'est une conséquence indirecte de la conclusion bâclée de la première guerre mondiale : plus jamais ça.

En tout cas, Truman, secoué par les premiers rapports, interdit l'usage de la 3ème bombe disponible.

Il n'empêche : depuis le 6 août 1945, l'humanité sait qu'elle a les moyens de s'auto-détruire.



L'arme-miracle ?

Une théorie dit qu'il n'y a jamais d'arme-miracle renversant le cours d'une guerre, car, si vous acquerrez une technologie de pointe que l'ennemi n'a pas, elle est tellement chère que vous ne l'avez jamais en quantité suffisante.

La bombe atomique vérifie cette théorie : les deux bombardements atomiques n'ont pas fait plus de dégâts que les 3 nuits de bombardement conventionnel du 9 au 13 mars 1945 (tempête de feu à Tokyo et à Nagoya), mais les bombardements conventionnels étaient renouvelables le mois suivant alors qu'il aurait fallu attendre 6 mois pour avoir une bombe atomique supplémentaire en plus des 3 disponibles (Hiroshima, Nagasaki et une qui n'a pas été utilisée).

Un goût du savoir aujourd'hui perdu.

Les conditions du développement de la science atomique sont aujourd'hui perdues :

1) un extraordinaire goût du savoir et de la découverte (le même qui fournira les ingénieurs pour aller sur la Lune). De nos jours, peu de jeunes gens ambitieux envisagent de faire carrière dans la science, à l'époque c'était l'inverse.

Les Américains qui psychologisent tout, ont étudié le profil des physiciens atomistes. Souvent une insécurité due à l'absence de père compensée par une plongée dans la science.

Et les QI de 160 étaient courants dans les labos atomiques ! L'ingénieur qui a mis au point les lentilles explosives a décidé d'apprendre le poker à Von Neumann et de le plumer. Effectivement, il l'a plumé ... au début.

Prenons un exemple : en 1914, à 16 ans, Leo Szilard prédit que l'Allemagne perdra la guerre et que la Russie sera détruite. Il dira plus tard qu'il était au pic de ses performances intellectuelles.

En 1937, il écrit qu'il s'exilera aux Etats-Unis un an avant le début de la guerre. Avant ? Comment pourrait-il connaitre la date de déclenchement des hostilités ? Pas mal vu : il s'exilera 9 mois avant.

Comme entre les marins et les pilotes, se dégage une hiérarchie du compagnonnage, indépendante des hiérarchies officielles. Parmi les atomistes, Niels Bohr est la référence, le sage.

Le problème des QI de 160 est qu’ils peuvent être catastrophiques quand ils s’égarent. Mieux vaut ne pas avoir de QI de 160 que de prendre le risque d’avoir des QI de 160 hors de contrôle. Dans une société saine, il n’y a pas vraiment de problème : il n’y a pas d’individus incontrôlés.

2) des systèmes éducatifs occidentaux exceptionnellement performants, l'exact opposé des universités woke actuelles. Ernest Rutherford, « le Newton de l'atome », sort du fin fond de la Nouvelle-Zélande.

De nos jours, tout à l'inverse, Samuel Huntington a classé le désintérêt pour le savoir parmi les cinq symptômes de décadence de l'Occident. C'est pourquoi des exploits scientifiques comme la bombe atomique, aller sur la Lune ou même le Concorde sont devenus impossibles : nous n'en avons plus ni le goût ni les capacités.

Hitler perd les atomistes juifs

Interrogé sur l'exil des savants juifs, Hitler répond que l'Allemagne peut se passer d'eux. S'il y a un domaine où c'est faux, c'est bien la science atomique.

Seule une centaine d'atomistes juifs part en exil, mais ce sont tous des pointures, des Nobel ou des graines de Nobel.

Après guerre, Lise Meitner regrette d’être partie d’Allemagne en 1938, sous la pression des lois raciales, alors, que, en morale, elle aurait dû s’exiler dès 1933.

Elle écrit une lettre très dure (non expédiée) à Otto Hahn à propos des savants qui sont restés comme lui en Allemagne pendant toute la guerre. Il y a tout de même une morale : l’Allemagne devient vassale et la science allemande ne retrouve pas son prestige, le flambeau étant passé aux Etats-Unis.

Mais on s'aperçoit que cette course à l'armement (les gens de Los Alamos étaient motivés pour empêcher Hitler d'avoir la bombe avant eux) était sans doute un leurre dès le départ.

Ironie de l'histoire humaine.

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(1) : Michael Polanyi, physicien contemporain de l'ère de la découverte atomique, a des considérations très fines sur la preuve en science. Nul doute que les clowneries du « consensus » carbophobe l'auraient fait rire ou pleurer mais ne l'auraient pas surpris.

Pour Polanyi, la preuve scientifique est le fruit d'un état d'esprit. Etat d'esprit résultant d'un compagnonnage entre maitre et élève où le premier donne au second assez d'assurance pour le contester.

Autrement dit, pour Polanyi, le consensus est bien la preuve scientifique ultime, mais à la condition expresse que la contestation de ce consensus ne soit pas seulement permise, mais encouragée, récompensée, imprégnée dans la culture.

Nous sommes à l'exact opposé de La Science™ institutionnalisée de 2023 « Conteste la thèse officielle et je te flingue, je te coupe les crédits, puis BFM et l'Express te trainent dans la boue ».

En réalité, La Science™ est un culte du cargo : on mime les gestes de la science en croyant faire venir le savoir mais en niant totalement l'essentiel : l'esprit, comme les iliens mimaient l'aéroport en croyant faire venir les biens matériels.

Ceci explique notre stagnation scientifique depuis quelques décennies, voire notre régression (dans le domaine climatique, par exemple. Nous en savons moins aujourd'hui qu'il y a 30 ans, parce que nous restons religieusement figés dans des dogmes faux).


lundi, août 21, 2023

Pourquoi je suis moyennement démocrate / Pourquoi je serais plutôt aristocrate (Vladimir Volkoff)

Ces deux opuscules de moins de 100 pages sont écrits sur un ton léger, mais qui peine à dissimuler l'inquiétude de Volkoff.

Quand on essaie de tirer un bilan réaliste de la démocratie (exercice  classique), on est très loin du « pire régime à l'exception de tous les autres » que nous serine la nouvelle religion droits-de-lhommiste.

La démocratie a, comme tous les régimes politiques, ses avantages et ses inconvénients, dont le poids varie en fonction des circonstances, et ses dégénérescences possibles. Aristote a fait le boulot, je ne vais pas recommencer.

Volkoff remarque qu'il n'y a aucune raison que la majorité veuille et connaisse le Bien et le Juste.

De toute façon, les gens qui cherchent à obtenir le pouvoir sont malsains, les systèmes où on donne le pouvoir à des gens qui ne le cherchent pas sont meilleurs.

Il fait aussi remarquer qu'aucune démocratie véritable n'a jamais fonctionné correctement (à part la démocratie suisse) : les démocraties athénienne et américaine s'appuyaient massivement sur l'esclavage, ce qui est moyennement démocratique.

Le principal reproche moral que fait Volkoff à la démocratie, c'est son absolutisme. Elle ne tolère aucune opposition interne (« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ») et fait la guerre extérieure pour se répandre (guerres coloniales au XIXème siècle, guerres américaines au XXème).

Aucune monarchie n'a jamais eu ce comportement prosélyte fanatique.

Pour Volkoff, la démocratie moderne est ce qui se fait de plus proche du totalitarisme.

Limitons à nos circonstances : la démocratie est-elle le meilleur régime possible pour un peuple gravement décadent ?

D'abord que le peuple français soit gravement décadent est difficilement contestable : on le voit aux mœurs, aux comportements, à la culture, aux principe et même au physique (1).

Mais, surtout, Volkoff en vient au point essentiel : la démocratie est-elle possible en nos temps de matraquage médiatique incessant, où les opinions divergentes sont systématiquement insultées et ridiculisées ? 

Réponse claire : non.

Remarque : c'est écrit en 2002, donc bien avant le « re-vote » du référendum de 2005 et le délire macrono-covidiste.

C'est pourquoi Volkoff est pour une aristocratie, le gouvernement des meilleurs. Et se heurte à l'éternelle difficulté des aristocraties : comment distinguer et faire accéder au pouvoir les meilleurs ? Et comment empêcher que le pouvoir les corrompe ?

Il a bien conscience que nous sommes en ploutocratie : une démocratie dégénérée où le pouvoir va à ceux qui ont les finances pour acheter les votes, soit directement (c'est ce que font pour se maintenir ceux qui sont déjà au pouvoir, avec l'argent des impôts) soit indirectement (par la propagande omniprésente et insidieuse).

Malheureusement, sur la question pratique, Volkoff s'évapore.

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(1)  : une plage française en 1970. Pas d'obèses, pas de téléphone, pas de « difficultés », pas de burkini.












vendredi, août 04, 2023

Christine: SOE Agent & Churchill's Favorite Spy (Madeleine Masson)

La vie de Krystina Skrabek, dite Christine Granville, illustre bien la phrase (avec un rien de coquetterie) de d'Astier de la Vigerie sur les Résistants : « Nous étions des ratés ».

Une enfance libre

Krystyna Skrabek est née en 1915 d'un comte polonais volage et d'une fille de banquier juif. Élevée très librement, elle excellait dans les activités d'extérieur, équitation, marche, natation ... En revanche, elle était réputée pas très douée de ses mains, on dit qu'elle ne savait ni coudre ni tirer. Elle parlait un français impeccable, comme souvent les Polonais de la haute à cette époque.

Sans être laide, loin de là, elle n'était pas une beauté de concours, mais il émanait d'elle un grand charme, du à sa forte personnalité. Elle trainait une ribambelle d'hommes derrière elle.

Ses parents furent ruinés par la crise de 1929 et rien dans son éducation ne l'avait préparée à gagner sa vie.

Elle  tenta de travailler dans un garage FIAT à Varsovie mais fut intoxiquée par les fumées (cela lui servirait plus tard).

Mariée et divorcée à 18 ans, remariée, elle vivota jusqu'à la guerre. Il se disait déjà qu'elle était un agent anglais usant de ses multiples contacts dans la haute société polonaise. On n'en a pas de preuves.

La guerre l'a probablement sauvée d'une déchéance inéluctable : elle était inadaptée à vivre de son travail dans une société ordinaire.

Un agent exceptionnel

Son pays envahi, elle se mit à la disposition des Anglais.

La guerre révéla son talent exceptionnel d'espionne. Jugement, sang-froid, imagination, endurance.

A l'hiver 1940, elle se rendit en Pologne occupée en passant par la Hongrie et par la montagne.

Arrêtée par la Gestapo, elle se mordit la langue, fit croire à une tuberculose (le voile sur les poumons made in FIAT, bien utile) et parvint à s'échapper (les Teutons, ces grands hypocondriaques).

Avec son amant, elle fit passer des dizaines, probablement des centaines de pilotes polonais.

Elle ramena de Pologne des documents extraordinaires : les préparatifs allemands de l'attaque de l'URSS. Churchill demanda immédiatement qu'ils soient transmis à Staline ... qui crut à une intoxication.

Mise sur la touche pendant deux ans au Caire suite à d'obscures bisbilles au sein du gouvernement polonais en exil, elle en profita pour se perfectionner (parachute, radio, etc.).

Parachutée dans le Vercors, elle obtint la reddition d'un poste allemand par l'intermédiaire des Polonais qui y étaient enrôlés. Elle survécut à la débâcle de ce maquis grâce à ses capacités de marcheuse.

Elle avait un talent particulier avec les animaux. Histoire incroyable s'il n'y avait pas eu des témoins : un chien d'une patrouille allemande la détecta et, au lieu d'aboyer, la lécha et la suivit.

A Digne, en août 1944, trois officiers anglais étaient en attente d'exécution pour espionnage, elle prit contact avec le geôlier et le corrompit, avec un sang-froid remarquable (elle parlait plutôt d'inconscience !).

L'après-guerre

L'après-guerre fut terrible: les Anglais se comportèrent en parfaits ingrats et ne l'aidèrent pas. Très instable, elle était probablement atteinte de ce qu'on appelle aujourd'hui un syndrome post-traumatique.

Les talents de la dame étaient évidents, vraiment dommage que les Anglais n'aient pas fait le moindre effort, probablement par xénophobie latente. 

Assurément, elle avait une mauvaise réputation : un peu tendance à coucher avec les hommes avec qui elle partageait ses aventures. Ca passait moins bien à l'époque.

Il est très probable (c'est un anglicisme pour dire « certain ») que Christine, qui fut la maitresse de Ian Fleming, a inspiré la première conquête de James Bond, Vesper Lynd.

Elle se retrouva hôtesse de cabine sur une ligne maritime et mourut poignardée en 1952 par un marin jaloux (qui sera pendu).

C'est vraiment une fin très triste pour une femme aussi talentueuse.

Dans la ferveur de ses amis à garder sa mémoire, il y avait sans doute le remords de ne pas l'avoir aidée plus de son vivant.



jeudi, juillet 13, 2023

Pierre CLOSTERMANN Journal de sa vie opérationnelle Janvier 1943 - Août 1945 (George-Eric Coisne)


L'auteur compare :

> Le Grand Cirque (3 millions d'exemplaires vendus).

> le carnet de vol de Pierre Clostermann.

> les journaux de marche et d'opérations (JMO en français, ORB en anglais) des unités où il a volé.

Il relève de nombreuses erreurs, qui sont aussi des licences d'auteur. Clostermann regroupe souvent plusieurs incidents disparates dans une seule mission. Il s'attribue aussi quelques aventures arrivées à d'autres.

D'un point de vue historiographique, c'est intéressant : les ORB et le carnet de vol contiennent aussi des erreurs.

C'est qu'ils étaient écrit quand on pouvait, quelques fois plusieurs jours après l'action.

C'est l'occasion de revenir sur la mort du commandant René Mouchotte le 27 août 1943.

Dupérier, successeur de Mouchotte et militaire de carrière qui n'aimait pas Clostermann pour son côté fantasque (les militaires de carrière sont de grands psychologues, comme chacun sait), lui reproche d'avoir, en tant qu'ailier, abandonné Mouchotte et l'interdit de facto de vol (en ne l'inscrivant plus pour aucune mission). Ce qui entrainera le transfert de Clostermann dans une escadrille anglaise où il sera, finalement, plus à l'aise.

La version de Clostermann qui est que Mouchotte est mort de fatigue a quelque vraisemblance : il se plaignait d'un épuisement général et, quand son corps a été retrouvé après guerre, il n'était ni blessé ni noyé. Il est donc possible que son cœur ait lâché.

Il participe au débarquement en Normandie, après quoi mise au repos.

En 1945, Clostermann retourne en opérations après passage de six mois en état-major à Paris à se tourner les pouces (on n'avait pas tellement d'as, on ne voulait pas les perdre).

Le rythme d'opérations est effréné, puisque la Luftwaffe a ratiboisé les autres escadres alliées lors de l'opération surprise Bodenplatte (qui a aussi marqué la fin de la Luftwaffe en tant qu'armée cohérente). Les pilotes carburent aux amphétamines.

Ca ne dure que quatre mois mais très intenses.

Puis la paix.

jeudi, juillet 06, 2023

Le complot de la Réserve Fédérale (Anthony C. Sutton)

Livre de 1995.

Les suppôts du pouvoir emploient l'épithète « complotiste » pour disqualifier les opposants auprès des crétins (qui sont hélas fort nombreux).

Parlons donc d'un complot avéré et documenté. Et pas des moindres puisqu'il aboutit en 1913 à la création de l'organisme peut-être le plus puissant du monde : la Réserve Fédérale américaine (FED).

Qu'est-ce que la FED ?

Dans un régime d'étalon (par exemple bi-métallique or-argent), il n'y a pas besoin de banque centrale. Un organisme d'émission (la Monnaie de Paris, par exemple) émet autant de monnaie qu'il y a de métal disponible et le tour est joué. Les taux fixés aujourd'hui par les banques centrales sont fixés par le marché et voilà.

Avant la création de la FED, la politique monétaire était du ressort du Congrès, mais c'était réduit à pas grand'chose.

Milton Friedman proposait une fixation de l'émission de monnaie par un algorithme, ce qui ressemble fortement au Bitcoin.

Il y a alors une concurrence des monnaies : si l'organisme émetteur se comporte de manière à déprécier sa monnaie (le rognage des pièces), les gens peuvent utiliser d'autres monnaies (c'était courant au moyen-âge).

Les banques centrales ont été créés pour financer les guerres (France 1800). Elles ont le monopole de la monnaie et l'utilisation en est obligatoire (puisque l'idée sous-jacente à la création des banques centrales est toujours de pervertir la monnaie, il faut bien forcer les gens à utiliser cette monnaie de singe). Kaputt la concurrence des monnaies sur un territoire donné.

La FED est une banque dont les actionnaires sont d'autres banques. Hé oui, ce n'est pas un organisme public, mais semi-public. Pourtant, elle bénéficie d'un privilège public exorbitant : le monopole de la monnaie.

La FED est une banque centrale indépendante : ses décisions ne sont pas sujettes à l'autorisation du président des États-Unis ou d'une autre partie du gouvernement fédéral, elle ne reçoit pas de budget du Congrès, et les mandats des gouverneurs sont beaucoup plus longs que ceux des élus fédéraux. Le gouvernement peut cependant exercer un contrôle : l'autorité de la Fed est définie par le Congrès et celui-ci peut exercer son droit de surveillance (congressional oversight). Les membres du bureau des gouverneurs, y compris le président et le vice-président, sont nommés par le président des États-Unis et confirmés par le Sénat. Le gouvernement nomme également les hauts fonctionnaires de la banque et fixe leur salaire.

En réalité, la combinaison de la complexité du système et de la longueur des mandats fait que le contrôle démocratique sur la FED est inexistant. On peut d'ailleurs dire à peu près la même chose du FBI (1908) et de la CIA (1947). Et de la BCE.

On notera au passage que le délit d'initiés est consubstantiel à la FED puisqu'il y a des gens qui, plusieurs fois par an, savent à la minute près dans quel sens vont évoluer les marchés de taux. Il est comique que deux membres de la FED aient été grondés récemment (on leur a fait les gros yeux et une commission sénatoriale rendra un rapport en ... 2027) pour quelques dizaines de millions de dollars alors que certains calculateurs estiment ces profits depuis la création de la FED en dizaines de milliards de dollars (sans compter les profits plus subtils, comme un pouvoir illimité).

Une opposition farouche des Pères Fondateurs

L'opposition des premiers dirigeants américains (à part Hamilton, vendu aux banquiers new-yorkais) est sans ambiguïté : la création d'une banque centrale fédérale, c'est la fin de la démocratie.

L'argument brûlant d'actualité est simple : une banque qui dispose du privilège de manipulation de la monnaie peut fausser les élections. Trump s'en est suffisamment plaint (mais bien sûr, on l'a traité de « complotiste ». Comme c'est facile !).

Thomas Jefferson a continué sa carrière politique pour empêcher cette création. On peut se demander si la polémique récente sur les esclaves de Jefferson n'arrangeait pas les financiers.

Le dernier président à avoir été violent dans son opposition est Andrew Jackson (1836). Ensuite, la finance a patiemment grignoté de l'influence.

Tous ces présidents sont critiqués comme démagogues par les universitaires. Car il y a une règle implicite mais très forte aux Etats-Unis : si on veut faire carrière (université, politique, journalisme), on ne critique pas le principe de la FED. Seuls des marginaux (Hayek, Ron Paul) peuvent se le permettre.

Il y a un tabou carriériste aussi fort en Europe sur l'Euro et l'UE.

Le grignotage : communisme et planche à billets

La famille Roosevelt, celle de deux présidents des Etats-Unis, est fondatrice et dirigeante pendant longtemps de la Banque de New-York, une de celles qui vont être à l'origine de la FED.

Sutton exhume une brochure de Clinton Roosevelt (un prénom pareil, c'est prémonitoire) qui ressemble étrangement au manifeste du parti communiste, avec quelques années d'avance et écrit par un banquier.

Et c'est logique : les cocos et les financiers communient dans la destruction du vieux monde et de tous les liens non-matériels.

Un argument plus technique : le communisme a besoin de la planche à billets pour se financer. Et la planche à billets a besoin des nécessités du communisme pour justifier son existence. Ces deux phrases expliquent toute la vie monétaire et l'Etat-Providence en parallèle depuis 1945. Et, aujourd'hui, le parallèle entre Monnaie Numérique de Banque Centrale et Great Reset.

Et la création d'une banque centrale est le cinquième point du Manifeste du Parti Communiste de Marx en1848. Je remarque qu'Hitler détestait l'étalon or.

Sutton insiste un peu trop sur le fait que Marx aurait été payé par les banquiers (il travaillera plus tard pour le New York Tribune) : cette thèse est très fragile et elle n'apporte rien, ces idées étaient dans l'air. Comme la plupart des socialistes, c'était un sale type (méchant, envieux ...).

Lincoln est coincé par la nécessité de financer la Guerre de Sécession et doit céder du terrain aux banquiers.

Le complot de 1910

En 1907, JP Morgan et ses copains new-yorkais orchestrent une panique boursière. Episode documenté par une commission parlementaire de 1976 (mieux vaut tarte que jamais, n'est-ce pas ?).

Cette panique, présentée à l'époque évidemment comme un phénomène naturel, sert d'argument pour la FED : « Avec une banque centrale, ça ne serait pas arrivé ».

Toute l'ironie (pour ne pas dire plus) de l'argument est que la FED jouera un rôle central et délibéré dans le krach de 1929 ; le but (atteint) étant d'éliminer le maximum d'institutions financières indépendantes « quoi qu'il en coûte » (c'est-à-dire une guerre mondiale, fort lucrative pour certains).

En 1910, des banquiers se réunissent sur Jekyll Island sous de faux noms, c'est donc bien un complot (deux d'entre eux en ont témoigné dans leurs mémoires).

Plan en 2 étapes :

1) Faire élire Woodrow Wilson en 1912, qui fait campagne contre Wall Street, alors que les deux tiers de son budget de campagne viennent de quatre financiers. C'est déjà un énorme mensonge anti-démocratique.

2) Faire passer la loi sur la FED en utilisant l'opposition contrôlée, qui soulève un tas d'objections, sauf les deux tabous essentiels, qui sont étouffés : la concession d'un monopole public à des intérêts privés, l'absence de responsabilité démocratique.

La loi sur la FED est très probablement anticonstitutionnelle. En effet, en commission de convergence Sénat-Chambre des Représentants, ont été introduits des amendements qui n'avaient été votés par aucune des deux chambres. Wilson (le même enculé qui plus tard sabotera la paix au détriment de la sécurité de la France) s'empresse de signer la loi le surlendemain.

Sutton dresse la liste (assez amusante d'un certain point de vue) des allers-retours public-privé de Paul Volcker, mythique gouverneur de la FED.

Aujourd'hui, la FED est intouchable.

On ne peut critiquer son fonctionnement et, encore moins, son principe, sans voir sa carrière brisée par de mystérieux maléfices (des financements qui se tarissent, des commanditaires qui se dédissent, une mauvaise réputation qui s'installe, des rumeurs qui courent, des invitations qui se raréfient, un éditeur qui a piscine etc.). Ce qui est très compréhensible : des fortunes colossales, tout un système de richesse et de pouvoir, dépendent de la FED.

La FED est l'instrument principal de l'euthanasie de la classe moyenne et de la fin de la démocratie.

A Montfaucon !

Conclusion : les financiers sont vraiment des êtres par essence sataniques (les exceptions ne font que confirmer la règle : pour faire métier de manier l'argent, il faut n'avoir aucune morale). Le moyen-âge avait bien raison de s'en méfier comme de la peste et d'en pendre quelques uns à intervalles réguliers.

Tant que nous vénérerons Mammon et que nous ne reprendrons pas le fil de cette saine pratique, nous serons dans la merde.

jeudi, juin 22, 2023

La guerre de succession de France: Henri IV devait-il être roi ? / le sabordage de la noblesse (Fadi El Hage)

J'ai lu ces livres dans l'ordre chronologique (Henri IV, puis noblesse du XVIIIème siècle, ordre inverse de leur écriture).

Dans les deux cas, l'auteur passe en revue les différentes sources de légitimité. Il essaie un peu d'humour, mais ça reste écrit en style universitaire.

C'est intéressant aujourd'hui que tout notre système politique (y compris les maires) est frappé d'illégitimité (si vous croyez que « on est en démocratie, si t'es pas content, t'as qu'à aller en Corée du Nord », vous êtes con).

Légitimité dynastique, légitimité des succès militaires, légitimité de défenseur du pays, légitimité de défenseur de la religion ...

Vous noterez qu'il n'y a pas de légitimité économique à l'époque, pas de « Le duc de Guise, il est bien, il a réduit le chômage de 3 % ».

Les légitimités s'entrecroisent : le duc de Guise, défenseur de la religion, est aussi un traitre au service de l'Espagne.

Mais à la fin des fins, le verdict est sans appel : ce qui fait la légitimité, c'est la défense de la nation.

Les Valois ont déserté les armées, leur crédibilité a décliné.

Henri IV l'a bien compris. Il n'était pas un grand stratège (Montaigne le lui reprochait implicitement) mais il mettait en scène sa présence aux armées (« Ralliez vous à mon panache blanc etc »).

Même problème pour la noblesse un siècle plus tard.

Quelle est sa raison d'être ? La guerre. Perdre la moitié de ses enfants mâles dans la défense du pays.

Mais quand il n'y a plus la guerre, comme au XVIIIème siècle ?

Il y a une réflexion autour du commerce et de la cupidité des nobles qui s'ennuient de la guerre.

La noblesse est victime de maux physiques : dénatalité (maladies vénériennes ?) et consanguinité.

Ce problème de la perte de légitimité de la noblesse fut très débattu, mais, comme dans tous les systèmes décadents, chaque tentative de réforme étant trop peu trop tard, ce remue-ménage n'aboutit qu'à accélérer la chute.

De nombreux aristocrates participèrent avec enthousiasme à la dissolution de leur ordre, ce qui témoigne d'une belle inconscience (j'allais écrire « rare », mais c'est faux : la plupart des hommes sont des crétins qui suivent la mode même si celle-ci doit finir par les tuer).

mardi, juin 20, 2023

Le livre de raison de Glaude Bourguignon (Henri Vincenot)

Récit semi-autobiographique, resté inédit jusqu’à la mort de l’auteur.

Texte plaisant mais contenant une ode au pacifisme paysan (les envahisseurs passent, la terre reste et le paysan serait bien idiot de se mêler de tout cela) fort désagréable.

D’une part, le pacifisme est toujours une ignoble tartufferie qui prospère à l'abri parce que d’autres ne se donnent pas le luxe d’être pacifistes et vont à la riflette.

Je n'ai pas connaissance que les ancêtres celtes de Vincenot fussent particulièrement pacifistes.

D’autre part, je n’aime pas ces terres de mollesse patriotique, de compromis politique, Corrèze, Charente, Bourgogne, terres qui, logiquement, n’ont cessé de donner des politiciens catastrophiques à la France.

Vincenot a deux excuses :

1) il n’a pas publié cette œuvre de jeunesse.

2) Il écrit en 1942. Il se peut qu’il brouille les pistes puisqu’il a eu quelques activités Résistantes.

Sinon, c'est du Blondin bourguignon : ça picole et ça baffre à doses d'hommes (je suis bien content qu'il mette du Puligny avec le lapin : le vin rouge avec le conil m'a toujours paru une faute de goût).

lundi, mai 22, 2023

Jeanne du Barry

 Ce qui ne va pas dans ce film :

1) Johnny Depp en Louis XV. Ridicule (Louis XV qui parle français avec un accent ricain !).

2) Maïwenn ne ressemble pas du tout à la du Barry.

3) Les gens d'Eglise forcément méchants (alors que la du Barry était plutôt du parti dévot).

4) Le très dispensable couplet antiraciste.

Mais, pour le reste, c'est plutôt un bon film dans le contexte de 2023.

dimanche, avril 02, 2023

The Big Rig (Patrick Byrne)

C'est un livre pour l'histoire. A garder dans le fond de sa bibliothèque et à ressortir à ses enfants ou petits-enfants dans vingt ans.

Il démontre que l'élection de 2020 a été truquée et que Biden a été élu, et Trump battu, par fraude électorale.

Tous ceux qui ont de la jugeote, de l'honnêteté et un peu de culture politique américaine (espèce finalement fort rare de nos jours) n'avaient aucun doute.

Très révélateur de notre époque : ce livre a été peu attaqué, les fraudeurs considérant sans doute que la vérité ne compte pas, du moment qu'ils continuent à régner sur les représentations (on a 50 articles dans la presse européenne "fact-checkant", c'est-à-dire réfutant, les trumpistes, pour 1 concédant qu'ils ont probablement raison).

Les Echos nous offre un magnifique exemple de journalisme très peu curieux « Les autorités soupçonnées d'avoir organisé la fraude nous disent qu'il n'y a pas eu de fraude. Croyons les ».




Un peu d'histoire et de système électoral

« Le régime politique américain est la démocratie tempérée.

Tempérée par l'assassinat politique et par la fraude électorale. »

On peut ajouter « et par la corruption ». Je ne sais pas de qui est cette citation mais elle est terriblement exacte.

Le mode de scrutin présidentiel américain (combinant cantons-clés, vote par correspondance étalé sur plusieurs semaines, vote électronique et modalités de vote variant localement) est tellement propice à la fraude que les mauvais esprits comme moi se demandent si ce n'est pas fait exprès.

A contrario, ceux qui croient que Macron a été élu et réélu par fraude électorale sont des crétins. Nos politiciens sont aussi malhonnêtes que les autres mais notre mode de scrutin est plus robuste.

C'est pourquoi Macron a été élu par fraude médiatique et judiciaire et réélu par fraude médiatique, et non par fraude électorale.

Les cas de fraude électorale à l'élection présidentielle américaine ayant changé le résultat :

1876 : Hayes contre Tilden (fraude prouvée).

1960 : Kennedy contre Nixon (fraude prouvée. Collusion avec la mafia. Résultat corrigé 3 ans plus tard par balles à Dallas.)

2000 : Bush Jr contre Gore (fraude probable)

Contrairement au"narratif" pour les cons, évoquer la possibilité d'une élection présidentielle truquée aux Etats-Unis n'est ni sacrilège, ni « complotiste », ni délirant. Ca témoigne juste d'une bonne connaissance de ce pays (plus que 99 % des journalistes français).

Des moyens fort simples

La fraude de 2020 repose sur des moyens fort simples, à la portée des trop riches nababs de la Silicon Valley :

1) un bourrage massif des urnes sur le vote par correspondance, les fameuses 2000 mules : le délire covidiste y a joué un grand rôle en favorisant à outrance le vote par correspondance, mais c'est encore de l'artisanat. 

 


2) un trucage des machines à voter Dominion. C'est l'essentiel du livre de Byrne.

Le système américain est tel qu'il suffit de faire basculer 6 villes (Atlanta, Philadelphia, Detroit, Milwaukee, Phoenix et Las Vegas) pour inverser le résultat. Or, les machines à voter ont arrêté de transmettre les résultats (les fraudeurs ne sont même pas fins) puis ont redémarré en transmettant du vote Biden à fond.

Cette fraude se voyait d'ailleurs comme le nez au milieu de la figure pendant la nuit électorale : des tas de comtés ont commencé pro-Trump et fini pro-Biden, on nous a expliqué (sans le prouver) que c'était parce que les électeurs Biden votaient plus par correspondance.

Comme par hasard, les comtés dont le mode de scrutin est le plus rigoureux (vérification d'identité, vote papier et comptage manuel) n'ont pas eu cet effet.

Des pirates se sont introduits dans les machines, ont reproduit ce phénomène, tout enregistré et ... rien.

3) une campagne de presse et une campagne judiciaire violentes pour paralyser les enquêtes sur les machines à voter. Le parti-pris démocrate du FBI (qui ne fait aucun doute pour ceux qui connaissent les Etats-Unis) a joué un grand rôle.

Pourquoi la fraude est en faveur des Démocrates et pas de Républicains ? Pas parce que les Républicains sont plus honnêtes mais parce que seuls les Démocrates détiennent les moyens de la fraude : la Silicon Valley, le FBI et la presse.

La démocratie américaine est-elle morte ?

Oui. Mais elle n'était déjà pas très vivante.

Dès les années 20, le journaliste à succès Walter Lippman, pas du tout un marginal, écrivait que la démocratie devait être factice, orientée par les élites. C'était censé être une réponse aux fascismes !

L'Etat Profond américain a été théorisé dans les années 50 comme une nécessité face à une attaque nucléaire. Des fonctionnaires inconnus et bien sûr non-élus devaient avoir le pouvoir de faire fonctionner le pays même si les institutions démocratiques étaient à terre.

On notera avec intérêt que la plupart des Républicains, y compris à la Cour Suprême, préfèrent fermer les yeux sur cette fraude patente plutôt que de mettre en cause le système qui les fait vivre.

Même si les partisans du système arguent qu'aucun procès n'est allé au bout (c'est faux, des mules ont été lourdement condamnées), de nombreux défauts ont été relevés en 2020. Aucun n'a été corrigé pour 2024. Cela prouve bien que la fraude n'est pas une anomalie mais une composante normale du système électoral américain, admise comme telle par les protagonistes. Cette complaisance pour la fraude électorale patente témoigne d'un écroulement moral de proportions apocalyptiques.

Mais, en 2024, le cirque électoral  américain reprendra et les medias nous présenteront une compétition démocratique, juste et loyale.

Le moderne est très très malade dans sa tête : il ne vit plus la réalité, mais dans la réalité telle que la représente les écrans. C'est un fou enfermé dans une cellule capitonnée virtuelle.

Et, pendant ce temps, dans la réalité, l'espérance de vie des blancs américains régresse.

lundi, mars 27, 2023

L'extinction de l'homme, le projet fou des antispécistes (Paul Sugy)

Paul Sugy est un jeune normalien de 26 ans.

Il démontre clairement, irréfutablement (d'ailleurs, les antispécistes les plus honnêtes l'admettent), que l'antispécisme est une haine génocidaire de l'humanité (dans les deux sens du mot : l'ensemble des humains et la condition des humains).

Heureusement que les Petites Dindes Diplômées vegans (les femmes sont plus influençables par la mode que les hommes) sont inaccessibles à toute forme de surmoi, de remise en cause de leurs habitudes, sinon un gouffre s'ouvrirait sous leurs pieds à la perspective que les écologistes sont pires que les nazis (les nazis voulaient exterminer les juifs et quelques autres, les écologistes veulent exterminer toute l'humanité).

La négation de l'homme

Pour dire que l'homme est un animal comme les autres et que les animaux ont des droits, il faut nier tout ce qui fait l'homme : la conscience, la science, l'intelligence, la tradition, l'art, la beauté, il faut nier la Chapelle Sixtine et la bombe atomique.

Les évolutionnistes considèrent que le fait que l'homme soit carnivore a eu un impact direct sur le développement de son cerveau.

Les anti-spécistes emploient souvent un argument ... spécieux : « Donner des droits aux animaux n'enlève rien aux hommes ». Non, ça nie juste leur humanité. Trois fois rien, une broutille. Peter Singer, le gourou de l'anti-spécisme, lui, est plus logique : il préfère expérimenter sur des handicapés mentaux, humains déficients, que sur des animaux sains.

L'antispécisme, l'anti-christianisme à la portée des caniches

Si les antispécistes sont aussi à l'aise pour considérer les animaux pour ce qu'ils ne sont pas, c'est qu'ils n'en ont rien à foutre des animaux. Leur vrai problème est la haine des hommes, ils sont dans un combat anti-humain.

Evidemment, l'ennemi suprême de l'antispécisme est le christianisme, cette religion qui croit que l'homme est fait à l'image de Dieu, que la vie, celle des hommes, donnée par Dieu est bonne et que la nature est à la disposition de l'homme.

En réalité, l'antispécisme est comme tous les anti-christianismes : une révolte d'adolescents pourris contre le Père.

Les deux philosophies

Il n'y a, en pratique, que deux systèmes philosophiques :

1) Le déontologisme : on pose des règles a priori (« Tu n'auras qu'un seul Dieu », « Tu ne commettras pas de meurtre », « Tu ne commettras pas d'adultère » (1) ...) qui servent de référence à juger les actions.

2) L'utilitarisme : on juge chaque action en fonction de son utilité par rapport à un étalon, en général le bonheur (individuel ou collectif ? Les difficultés commencent). Par exemple, on peut juger utile, et donc moral, de tuer Hitler. Malheureusement, ça dérive vite : tuer les bébés dans le ventre de leur mère et tuer les vieux dans les maisons de retraite.

Le propre de l'homme

Que les Petites Dindes Diplômées vegans croient qu'il y a une continuité parfaite entre le singe et l'homme, qu'il n'y a pas de propre de l'homme, c'est normal : le propre de l'homme est l'intelligence et, justement, elles en sont fort dépourvues.

Mais que des gens écrivent des livres entiers pour dire qu'il n'y a pas de propre de l'homme me fait irrésistiblement penser à Orwell : « Vous devez être un. intellectuel. Jamais quelqu'un de normal ne croirait une chose pareille ».

Bien sûr qu'il y a un propre de l'homme, mais il n'est pas de l'ordre du matériel, c'est pourquoi les matérialistes scientistes n'y comprennent rien.

Ce propre de l'homme est pourtant évident, il saute littéralement aux yeux. GK Chersterton : « Donnez un pot d'ocre à un singe. Même si vous attendez des milliers d'années, jamais il ne vous peindra Lascaux. ».

L'antispécisme, une gnose millénariste

Oh ! Quelle surprise ! L'antispécisme est une gnose millénariste !

Vous savez que c'est mon dada (voir les billets ici et ) :

1) Gnose : la vie est mauvaise, la chair est mauvaise (donc on peut la prostituer, la tatouer, la mutiler pour la faire « changer de sexe », la priver de nourriture animale etc.).

2) Millénarisme : si on fait une action sacrificielle appropriée  (c'est toujours un massacre : tuer les riches, tuer les juifs, tuer les mangeurs de viande ...), on fait advenir le Paradis sur Terre pour mille ans.

Bien sûr, ce délire (les gnoses sont toujours des délires sectaires : aucune société basée sur la Gnose ne peut être viable. Cf l'URSS) a été démonté par Saint Augustin à coups de cric de camion dans la chetron (Marie-Eugène Camion, bienfaiteur de l'humanité, inventeur éponyme du véhicule, l'a spécialement imaginé pour le cric qui l'accompagne, afin de pouvoir donner des coups de cric de camion dans la gueule des Petites Dindes Diplômées vegans de son époque, déjà insupportables).

Sugy cite (ça me fait bien plaisir) La postérité spirituelle de Joachim de Flore, du cardinal de Lubac, qui est un hénaurme pavé (le livre, pas l'auteur) et Karl Marx, le roi moderne des gnostiques millénaristes.

Homme moderne, homme diminué

L'homme moderne, l'individu des droits de l'homme, est un homme diminué : il est amputé de sa dimension sacrée (nous sommes la première civilisation, plutôt fin de civilisation, à considérer que l'homme n'est que matière) et de sa dimension historique (nous sommes aussi les premiers à considérer que les hommes ne sont pas des passeurs, entre le passé, le présent et l'avenir, où la lignée, la famille, le clan ne comptent pas).

Gunther Anders (ex-mari de Hannah Arendt et plus intéressant qu'elle) a baptisé cela L'obsolescence de l'homme.

Puisqu'on a implicitement amputé l'homme de ce qui le différencie de l'animal, il est facile de comprendre que certains esprits systématiques poussent la logique jusqu'au bout, explicitent le sous-entendu et en tirent les conséquences extrêmes.

L'anti-spécisme n'est possible que dans monde où on considère déjà que la Pietà de Michel Ange (qu'aucun animal ne fera jamais) est superflue, accessoire.

Ca énerve beaucoup les écologistes et les végétariens quand on leur dit qu'Hiler était végétarien, qu'il a pris les premiers lois écologistes et de protection des animaux. Mais ce rappel est justifié parce que le végétarisme d'Hitler n'est pas un accident.

Les outils mentaux sont en place pour traiter les hommes comme des animaux.

Mal barrés

Tout n'est pas parfait : Sugy croit (mollement, semble-t-il) au catastrophisme climatique. Il n'a pas compris que c'est la même logique de haine viscérale de l'humanité que l'antispécisme.

Les idées à retenir :

1) L'homme n'est pas un animal comme les autres. Parce qu'il a une conscience, il est infiniment supérieur à tous les animaux. De ce fait, il a des droits sur eux (et éventuellement quelques devoirs). Oui, il a entre autres le droit de les tuer pour manger et pour certains rituels (je pense à la corrida).

2) non, les antispécistes et les vegans ne sont pas de gentils crétins qui aiment bien faire des mamours aux animaux. Ce sont de très méchants crétins qui détestent l'humanité, qui sont disposés à la génocider pour assouvir cette haine, ils n'en ont en réalité rien à foutre des animaux, qui ne sont que des prétextes de leur narcissisme pathologique.

Les antispécistes me font très peur : toutes les catastrophes humaines commencent par des catastrophes dans l'ordre des idées (Claude Tresmontant). Or, la catastrophe dans l'ordre des idées qu'est l'antispécisme a gagné ou est en passe de gagner (« Les animaux sont gentils, les hommes sont méchants, tuer des animaux c'est mal » est devenu un lieu commun), la catastrophe humaine va suivre.

Un dernier mot : à tous ceux qui sont tentés de dire « Meuh non, tu exagères, ils sont marginaux », réfléchissez au fait que vous disiez exactement la même chose des transexuels il y a dix ans. Depuis, leur folie furieuse a été transformée en lois que la police fait respecter.

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(1) Histoire juive :

Moïse descend du Mont Sinaï avec les tables de la loi et s'adresse au peuple d'Israël :

« Je suis monté, j'ai prié, j'ai reçu les Commandements de Dieu.

Voilà : j'ai une bonne et une mauvaise nouvelles.

La bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a plus que Dix Commandements.

La mauvaise nouvelle, c'est que l'adultère reste interdit ».