lundi, novembre 26, 2018

Zemmour et Pétain

Ca commence à me gonfler. Eric Zemmour défend le pétainisme avec habileté et ses contradicteurs, pétris de caricatures, de savoir rétrospectif et de jugement contemporain, sont à chier.

Paul Thibaud décevant et Finkielkraut égal à lui-même, c'est-à-dire bien brave mais pas très intelligent :



Et Guillaume Durand en-dessous de tout, et hargneux :



Quand on regarde ces débats, Zemmour a raison :

1) la collaboration entendait bien sauver les meubles face à l'occupant allemand.

2) le statut des juifs est un produit direct de la défaite et de l'occupation allemande. Il s'agissait d'amadouer les Allemands en les devançant sur les juifs pour essayer d'obtenir des concessions sur autre chose.

3) oui, les juifs français ont moins souffert que les autres juifs d'Europe à cause de la mauvaise volonté de l'administration française, encouragée par Vichy, à aider les Allemands (des historiens contestent ce point, mais c'est qu'ils ne veulent pas perdre leur place à l'université).

Alors, où est le problème ?

C'est simple : les contradicteurs de Zemmour sont des pétainistes incohérents alors que Zemmour est un pétainiste cohérent. Il est donc bien normal que Zemmour l'emporte dans les débats.

Expliquons nous.

Le pétainisme considère que l'armistice était la moins mauvaise solution dans une situation dramatique (8 millions de Français sur les routes, 2 millions de prisonniers).

Mais de cette prémisse, découlent mécaniquement la collaboration, le statut des juifs et la rafle du Vel d'Hiv. En effet, à partir du moment où on met en face de l'occupant allemand, non plus une simple administration mais un gouvernement, quelle que soit sa légitimité, celui-ci ne peut qu'enchainer les concessions et les finasseries, quand on tient compte des 2 millions de prisonniers et de l'occupation de la moitié du territoire métropolitain.

Tous ceux qui nous racontent que le gouvernement de Vichy n'aurait pas du collaborer sont des imbéciles ou des salauds, des irresponsables. C'est totalement irréaliste.

Or, les contradicteurs de Zemmour sont des paxtoniens (du nom de Robert Paxton, historien américain qui traite le gouvernement de Vichy comme si les Allemands n'avaient pas existé). Ils sont totalement intoxiqués par le discours de trahison chiraquien « Vichy, c'était la France ».

Comme disait Philippe Seguin « Si Vichy c'était la France, les Résistants sont des traitres, les Justes des rebelles, le général De Gaulle un félon. Il faut débaptiser immédiatement l’aéroport de Roissy et le rebaptiser Aéroport Philippe Pétain et de même avec la place de l’Etoile et un bon paquet de rues et d’avenues de France ».

Les contradicteurs de Zemmour partant des mêmes présupposés pétainistes que lui mais étant moins rigoureux ne peuvent qu'avoir le dessous. D'ailleurs les pétainistes contemporains, qui considèrent que l'armistice était inéluctable, sont souvent aussi des néo-pétainistes, qui considèrent que la France ne doit pas défendre son indépendance et doit se coucher devant l'Allemagne, au nom de l'Europe (typiquement, Macron).

Alors, que répondre à Zemmour ?

C'est simple : l'ennemi du pétainisme existe, ça s'appelle le gaullisme. Il ne fallait pas signer l'armistice et toutes les conséquences, bonnes ou mauvaises, qui en découlent auraient été évitées.

Tout est déjà dit dans le discours du 18 juin 1940 et dans celui du 22 juin 1940.

Comme Zemmour n'est pas idiot, il sait (contrairement à ses contradicteurs !) que la position purement pétainiste est intenable, c'est pourquoi il soutient la thèse du glaive et du bouclier, De Gaulle et Pétain complémentaires. C'est un jeu intellectuel assez vain, ça rassure, mais cette analyse ne tient ni dans la psychologie ni dans la politique.

Que dit De Gaulle ? Qu'il ne faut rien négocier, ne pas se compromettre avec l'occupant et continuer le combat à partir de l'Algérie, ou de Londres par défaut. Faire ce qu'ont fait les gouvernements belges et hollandais.

Des gens ont étudié la question : c'était possible, incertain mais possible.

C'est le point qui sépare De Gaulle et Pétain : armistice ou pas armistice, le reste en découle. Le choix est binaire, c'est pourquoi la théorie du glaive et du bouclier est un sophisme. On remarquera pourtant que De Gaulle et Pétain font en 1940 la même erreur : il voit des ennemis allemands, ils ne voient pas les particularités du nazisme (ils ont d'ailleurs en partie raison : je suis navré de le rappeler, mais le nazisme ne sort pas de nulle part, il est très allemand). De Gaulle se rattrape par la suite. Pétain a été roulé dans la farine par Hitler, pas De Gaulle.

Mais là où ça devient comique, c'est que si le gaullisme l'avait emporté en 1940, c'est-à-dire si le gouvernement Reynaud avait déménagé en Algérie en laissant l'administration se démerder avec l'occupant, les juifs français auraient probablement beaucoup plus souffert, comme en Hollande.

Bref, la victoire de la politique gaulliste en 1940 aurait été meilleure pour la France et moins bonne pour les juifs. Avec Pétain, c'est l'inverse.

Mais, évidemment, quand on est inculte et endoctriné par une vision anachronique comme les contradicteurs de Zemmour, on ne peut faire une analyse correcte.

Pétain eut une occasion de revenir sur son erreur initiale en novembre 1942, lors de l'invasion de la zone sud : certains de ses conseillers l'encourageaient à prendre l'avion pour Alger. Il a refusé. C'est ce qui le condamne vraiment, bien plus que le statut des juifs (l'obsession contemporaine du judéocide fait oublier qu'il y avait une guerre en cours), un peu comme les Cents Jours condamnent plus Napoléon que tout ce qui a précédé.

A la décharge de Zemmour, je pense qu'il s'amuse bien face à des ignares pareils (quoique ça doit fatiguer à la longue).

Quand cet abruti de Durand rappelle à Zemmour que les députés communistes n'ont pas voté les pleins pouvoirs à Pétain. Et pour cause ! Ils étaient en prison du fait du pacte germano-soviétique.

Ou quand le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, cite Maurras sur la distinction entre le pays réel et le pays légal en croyant citer Marc Bloch, il y a de quoi se pisser dessus de rire, car cette distinction n'est pas anecdotique, c'est un des fondements du maurrasisme. C'est comme citer Marx en croyant citer Tocqueville.

Zemmmour se fait plaisir en signalant que le De Gaulle d'après 1958 applique le programme diplomatique de Maurras dans Kiel et Tanger, en sachant que tous les imbéciles qui prennent Maurras pour le diable,  comme Nathalie Kosciusko-Morizet qui avait traité Patrick Buisson de maurassien, n'ont pas la moindre idée de la pensée de Maurras, un des plus grands penseurs français du XXème siècle (à part que Maurras, c'est mal, ce qui est tout de même un peu sommaire).

Pompidou a dit que Kiel et Tanger était un fondement de la diplomatie française, mais bon, comparer Pompidou à des phares de l'intelligence comme Castaner, Griveaux ou Macron, il y a comme un effet comique.

Bref, j'aimerais bien débattre avec Zemmour, il bosserait plus qu'avec les crétins qu'on lui oppose habituellement.






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