jeudi, août 22, 2024

Le grand rafraichissement (Benoit Duteurtre)

J'avais son dernier livre sur ma table de chevet quand j'ai appris la mort de Benoit Duteurtre d'une crise cardiaque.

C'est une grande perte mais sa finesse et son intelligence n'étaient plus adaptées à notre époque de grossiers abrutis. Il sera plus utile et mieux reçu là-haut.

Parisien détestant Hidalgo (mais je n'ai pas cru comprendre qu'il appréciait Dati), il était d'une autre époque, son humour pince-sans-rire et cultivé était incompréhensible pour les cyclistes adulescents qui « sauvent la Planète » et se prennent très au sérieux.

Comme Houellebecq, je ne pourrai plus manger d'œufs mayonnaise sans penser à lui (c'était déjà le cas).

Dans cet ultime roman, il imagine que le prétendu réchauffement climatique laisse place à un refroidissement.

Il se permet quelques digressions, comme la loi Justice Equitable, dite loi LJE, qui oblige la police et la justice à condamner par quotas. Il raconte les rafles de bourgeoises blanches dans le XVIème arrondissement, condamnées lourdement pour des peccadilles (évidemment pour équilibrer statistiquement les arrestations de zyvas dans le 9-3). C'est terrifiant parce que le lecteur ne peut s'empêcher de penser que c'est plus une anticipation qu'une fiction.

Il décrit l'acceptation résignée des bourgeoises blanches à leurs injustes condamnations par « souci d'équité ». On s'y croirait.

Petite baisse de régime de Benoît Duteutre : ses amis intellos (de gauche, forcément de gauche) éclatent de rire quand il se prétend de gauche. Il croit qu'il existe une « vraie gauche » (dont il se réclame, évidemment) soucieuse des pauvres et des injustices. Il n'a pas compris que l'essence de la gauche était le nihilisme, la destruction. Oui, il y a bien eu par le passé des gauchistes soucieux des pauvres et des injustices, mais seulement comme des moyens de détruire la société.

La conclusion de ce livre, un peu en baisse par rapport à ses meilleurs, résonne très étrangement : il écrit qu'il ne se voit pas continuer à vivre dans ce monde où touts les plaisirs de vivre ont été stérilisés, aseptisés.


mercredi, août 21, 2024

Chateauvallon

 L'avantage de ne pas avoir de télévision, c'est qu'on peut regarder ce qu'on veut à la télévision.

Je regarde Chateauvallon, une série française de 1984, en 26 épisodes, un peu imitée de Dallas, en moins violent et moins sexué.

L'histoire de la famille Berg, notables propriétaires du journal La dépêche républicaine, en 1978 et 1979 dans le val de Loire. Furieusement inspirée de la famille Baylet à Toulouse, propriétaires de La dépêche du Midi.

La série est restée célèbre par l'accident de voiture de sa vedette, Chantal Nobel, qui l'a interrompue.

D'abord, je suis très déçu par les bagnoles : quelques maigrichonnes Alfa, une 205 GTI, des Peugeot 305 et 604, pas de Mercedes pagode ni de Porsche. C'était une série « à la française » dont se moquaient les Inconnus : budget étriqué et ça se voit. Bref, rien d'extraordinaire de ce côté. Il y a quand même un Robin R3000.

Mais, enfin, c'est pas mal.

Mon personnage préféré est Antonin Berg, le patriarche, joué par l'excellent Jean Davy. Ses répliques cinglantes sont un délice. Il est intéressant parce qu'il est une fiction très réaliste : il correspond bien à ses fortes personnalités forgées dans la Résistance et la France Libre (Gaston Defferre prenant le journal Le Provençal le pistolet à main, par exemple. Ou Pierre Messmer, de légionnaire à Bir Hakeim, à premier ministre).

Il tient sa famille et son journal d'une main de fer et sa mort est évidemment le début des vraies emmerdes.

Question gouvernement des hommes, on est à des kilomètres des managers et des Petites Dindes Diplômées style Aurore Bergé, c'est un autre monde. C'est à se demander, comment, en 50 ans, on est passé de ce monde au nôtre.

Hélas, il meurt d'un cancer au 6 ème épisode. Cela a enlevé beaucoup de mon intérêt.

Je note que, quand il décide de se faire incinérer, toute la famille est scandalisée. En 2024, la mode de l'incinération reste pour moi un scandale.

Ensuite, ça se perd un peu. il y a un flic tout à fait marrant qui imite Galabru dans les moments de tension.

Mais ça me permet de revoir toute une époque, celle où pas un Français sur mille avait entendu le mot « hallal » et où un noir dans la classe était une curiosité, où les hommes étaient des hommes et les femmes étaient des femmes.