lundi, janvier 10, 2005

Glucksmann, Montaigne et l'Irak

André Glucksmann, un "philosophe" (une spécialité française, comme le fromage, quelque fois la même odeur et la même intelligence, mais, comme pour les fromages, il y en a une poignée qui valent le détour. Seulement, les fromages, eux, ne sont pas narcissiques) déclare dans un interview :

"Lire Montaigne aurait davantage d'impact que les imprécations anti-américaines de Jacques Chirac."

Entièrement d'accord puisque je considère préférable de lire Montaigne que d'écouter le verbiage de n'importe quel membre de notre classe politique, ce brouillard d'hommes. Le jour où l'un d'entre eux dira des choses me faisant dresser l'oreille d'intérêt, je vous le signalerai (j'espère que ce jour arrivera).

Néanmoins, puisque moi aussi je peux me laisser aller à la facilité de faire parler les morts, je me demande quelle est l'opinion de Montaigne sur l'Irak :

"Le bien public requiert qu'on trahisse, et qu'on mente, et qu'on massacre : resignons cette commission à gens plus obeissans et plus soupples. [...] Le Prince, quand une urgente circonstance, et quelque impetueux et inopiné accident, du besoing de son estat, luy fait gauchir sa parolle et sa foy, ou autrement le jette hors de son devoir ordinaire, doibt attribuer cette necessité, à un coup de la verge divine : Vice n'est-ce pas, car il a quitté sa raison, à une plus universelle et puissante raison : mais certes c'est malheur.
De maniere qu'à quelqu'un qui me demandoit : Quel remede ? nul remede, fis-je, s'il fut veritablement gehenné entre ces deux extremes, il le falloit faire : mais s'il le fit, sans regret, s'il ne luy greva de le faire, c'est signe que sa conscience est en mauvais termes. "

Approbation de George Bush pourvu que sa conscience le travaillât.

ou :

"Nous nous sommes servis de leur ignorance, et inexperience, à les plier plus facilement vers la trahison, luxure, avarice, et vers toute sorte d'inhumanité et de cruauté, à l'exemple et patron de nos moeurs.

Qui mit jamais à tel prix, le service de la mercadence [commerce] et de la trafique ? Tant de villes rasees, tant de nations exterminees, tant de millions de peuples, passez au fil de l'espee, et la plus riche et belle partie du monde bouleversee, pour la negotiation des perles et du poivre [ou du pétrole]: Mechaniques victoires. Jamais l'ambition, jamais les inimitiez publiques, ne pousserent les hommes, les uns contre les autres, à si horribles hostilitez, et calamitez si miserables."

Condamnation toujours actuelle du missionnaire en armure.

Mais Montaigne, soyons honnête, avait trop de personnalité pour qu'on le fasse parler contre son gré.

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