vendredi, février 24, 2006

Libéralisme (P. Salin) (2)

Dans le message précédent déjà long, j'ai oublié trois exemples importants de solutions libérales :

L'immigration

> ouverture totale des frontières à l'immigration (liberté des individus)

> protection sociale (santé, retraite, chomage) par assurance individuelle. Donc une mauvaise incitation à l'immigration (profiter de la protection sociale financée par les autres) disparaît.

> liberté totale des employeurs et des bailleurs de choisir leurs employés et leurs locataires (suppression des lois anti-discrimination : on peut porter à titre personnel un jugement négatif contre le racisme et l'immigration, mais l'Etat et la loi n'ont pas à s'immiscer dans ses questions qui relèvent du délit d'opinion, seule est condamnable la violence)

Pour Salin, les problèmes d'immigration vienne d'une mauvaise répartition des responsabilités : la protection sociale est collectiviste alors qu'elle devrait être individuelle, d'où des effets "pervers", notamment en matière d'immigration, qui ne sont, dans l'optique libérale, que des effets normaux de l'adaptation des hommes aux circonstances.

Je suis d'autant plus en accord avec Salin sur ce point que deux constations viennent le renforcer :

> c'est exactement le système qui a été pratiqué aux USA au 19ème siècle et personne ne peut nier que l'intégration des immigrés se soit faite, et dans des proportions bien plus considérables qu'en France. Bien sûr, ce système a des inconvénients, mais, à moins de refuser de penser et de réfléchir (ce dont je soupçonne certains anti-libéraux, qui réagissent comme si l'intention prétendument altruiste -mais tout le monde peut se dire altruiste- suffisait à garantir le résultat), il faut bien constater que tous les systèmes, même et surtout ceux qui se disent les plus généreux, ont des inconvénients, il s'agit donc de peser le pour et le contre et de choisir.

> la combinaison d'un système social collectiviste et d'une immigration dite "de peuplement" (c'est-à-dire pour appeler un chat un chat : de gens qui ne sont pas venus pour travailler mais pour profiter des diverses prestations dites sociales) conduit à des résultats dévastateurs en France qu'on peut constater tous les jours. Pour ne prendre qu'un exemple : je connais (vaguement) un jeune Français d'origine marocaine, qui n'est dans sa tête ni français (le genre "Je hais la France") ni marocain (il est dépaysé au Maroc) ; il est au RMI, il ne cherche pas de travail, n'a pas l'intention d'en chercher, il vit chez ses parents, il fait quelques petits boulots au noir une fois tous les six mois et traficouille à droite à gauche le reste du temps. Je ne vois pas bien quel avenir il peut avoir. Et je pense qu'il en est là en grande partie parce que les autres, sous le concept vague de "la collectivité", ont toujours payé pour lui (les allocs, l'école gratuite, le RMI). A quelle étape de son éducation notre société lui a-t-elle signifié concrètement "Tu gagneras ta vie à la sueur de ton front" ? Jamais. Il est un assisté, et ce n'est pas généreux, c'est dégradant.

La relance par l'épargne

Pascal Salin considère, et si vous connaissez mon blog, la rengaine vous est connue, que la relance de la consommation est de la foutaise démagogique. Par contre, la relance par l'épargne (cesser de taxer outrageusement l'épargne) est efficace, à condition que cette épargne s'investisse dans la création de richesses et non dans de stériles bons du trésor, car c'est l'investissement, et non la consommation, qui prépare l'avenir. Mais pour cela, il faudrait que l'Etat se serre la ceinture, autre rengaine connue.

Mais Salin raisonne très peu en macro-économie puisqu'il estime que ça n'a pas de sens, son argumentation pour la relance par l'épargne s'appuie sur deux points :

> la responsabilité est individuelle, l'argent dépensé par un organe où il n'y a pas de propriétaire humain, individuel, en l'occurrence l'Etat, est de l'argent dépensé de manière irresponsable.

> au contraire, l'épargnant est fortement motivé pour gérer son argent de manière responsable.
Donc, il faut préférer l'épargne à l'impot, même redistribué.

La spéculation et les fonds de pension

Salin ne condamne pas la spéculation, puisqu'il considère que spéculer est dans la nature humaine (presque chaque transaction est le résultat d'une spéculation : vous vendez qq chose en espérant en tirer plus que ce qu'il vous a couté), donc il ne condamne pas la spéculation financière.

Cependant, il a une analyse du rôle des fonds de pension intéressante : il considère que, dans beaucoup de cas, les responsabilités y sont mal définies, les épargnants sont connus, mais ils ne sont pas réellement propriétaires au sens où peuvent l'être des propriétaires d'une compagnie d'assurance par exemple. Les managers de ces fonds ont donc les mains libres pour se laisser aller au court-termisme, puiqu'ils ne sont pas vraiment des propriétaires voulant faire fructifier leur bien sur le long terme et qu'ils ne sont pas controlés par de vrais propriétaires. C'est un exemple non étatique où une définition floue du duo propriété-responsabilité conduit à de mauvais effets.

Implicitement, il préfère une définition claire : une compagnie d'assurances avec des propriétaires bien définis et des assurés-retraites traités comme tous les assurés, plutôt que la structure batarde, qui ressemble à celle d'une association, de certains fonds de pension.

Nota : ce qui fait la différence entre une association et une société, c'est que l'association n'a pas de propriétaires. Comme il n'y a pas de titres de propriété pour définir les apports de chacun, chacun doit apporter la même chose que les autres, c'est pourquoi le législateur, pour une fois sage (mais c'était en 1901, à l'époque, on ne faisait pas des lois uniquement pour plaire au public du 20 h suivant la dernière émotion ou la dernière mode), oblige à ce que la cotisation soit la même pour tous les membres.

Une réflexion influencée par Montaigne et La Boétie

Je suis imperméable à l'esprit de système. C'est ce qui m'intéresse dans l'approche libérale : on pose quelques principes, puis ensuite les hommes s'en débrouillent, il n'y a pas besoin d'avoir réponse à tout, un avis sur tout. Ceci étant, il y a hic : le libéral considère que la liberté est souhaitable pour des questions de principes (c'est la liberté qui permet aux hommes d'interagir de manière à ce que le tout soit supérieur à l'ensemble des parties), indépendamment des désirs des hommes.

Mais il se trouve que si la liberté n'est pas désirée, ce qui est de plus en plus le cas en France (1), le mécanisme de l'éthique de responsabilité qui va avec peut se détraquer en une sorte de dédoublement, où l'on admet sa responsabilité tout en la niant, les exemples sont légion : le juge Burgaud, les protagonistes du sang contaminé, les nonistes du 29 mai, etc.

Il n'empêche : le libéralisme est un humanisme, peut-être le seul.

(1) je suis en train de lire Gérard Mermet, l'auteur des Francoscopies, qui passe en revue l'état de l'opinion française et il a des mots absolument terribles : pour lui, une partie des Français fuit le monde tel qu'il est, donc la liberté et la responsabilité, au profit du fantasme politique ("un autre monde"), du repli sur la famille et de l'importance croissante donnée aux loisirs. Et surtout, en corollaire à tout cela, pour répondre à ceux qui ne verraient dans cette orientation que des choix légitimes, il constate que le niveau d'exigence morale des Français est un des plus bas d'Europe (Par exemple, à la question "A-t-on toujours tort de frauder l'assurance-chomage ?", les Français répondent oui à 69 % alors que les Danois sont autour de 90 % -je n'ai pas le chiffre sous la main). Mermet fait clairement le lien entre attente de l'Etat (refus de la liberté individuelle, priorité aux solutions collectives) et sens moral bas (faible sens des responsabilités).

J'avoue que j'ai été surpris, bêtement, que Mermet parle d'exigence morale et de sens des responsabilités : je le prenais plutôt pour un type de gauche, ce qu'il est d'ailleurs peut-être, et ces dernières années, la gauche nous a tellement habitué à parler de responsablité collective (expression vide de sens à mes yeux) que ça en devient surprenant de lire un présumé gauchiste évoquant la responsabilité (nécessairement individuelle à mon avis).

1 commentaire:

  1. salut,
    merci pour cette réflexion intéressante. J'ai moi même découvert "Libéralisme" de Salin il y a quelques mois, et j'ai trouvé que c'était un grand livre, plein d'idées rafraichissantes et cohérentes.
    à bientôt pour en rediscuter !

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