Peut-être sont ce les conséquences de ma lecture assidue de François Furet ? Il se trouve que je pense que la France souffre du mythe révolutionnaire.
Moins que jamais, dans un monde ouvert et multiple, la révolution violente me paraît un bon mode de changement politique.
C'est pourquoi voir les étudiants et les lycéens jouer aux révolutionnaires de paccotille (et que je te bloque les facs, et que je te bouche le périf, et que je monte des barricades, etc.) m'inspire beaucoup de pitié, plus encore que de la colère : ils paraissent si bêtes, si immatures (1), si déplacés.
Ils agissent sous pression du mimétisme et non sous celle de la nécessité. Nous sommes en démocratie, le gouverment change tous les cinq ans, il n'y a nulle nécessité de manifester pour se faire entendre : il suffit de convaincre un nombre suffisant de citoyens de la justese de sa cause.
Je ne perds pas de vue que distribuer des tracts et argumenter sur les marchés est nettement moins jouissif que de défiler tous ensemble en hurlant des slogans à la con, surtout qu'à la fin, clou de la journée, on peut balancer des trucs -pavés, oeuvres complètes de J. Chirac, etc.-sur les CRS ou regarder d'autres le faire. On se donne ainsi l'impression de faire l'histoire alors qu'on ne fait que quelques gesticulations ridicules.
Tout ceci prêterait à sourire, si il ne s'agissait pas de comportements violents qui peuvent à tout instant dégénérer en drame, si une minorité ne monopolisait pas la parole (2), si le dialogue politique n'en était pas interrompu.
(1) : j'ai moi aussi manifesté à 16 ans. Avec le recul, je ne suis pas persuadé que c'est ce que j'ai fait de plus intelligent !
(2) : Alain Besançon fait la remarque dans le Commentaire de ce mois-ci que, quand on a ouvert les yeux sur un fragment du totalitarisme, un voile se déchire et on le comprend en son entier. Il cite Ronald Reagan et les syndicats d'acteurs de 1950, le futur Benoit XVI et la Fraction Armée Rouge dans les années 70.
Je suis bien prêt à parier que certains étudiants, excédés par le blocage des facs, auront appris à cette occasion un respect de la liberté et un dégoût des atteintes à celle-ci, d'où qu'elles viennent, qui leur restera encore quand ces histoires de CPE seront depuis longtemps oubliées. Il ne suffira plus de se draper dans les pseudo bons sentiments pour leur faire prendre les vessies pour des lanternes.
jeudi, mars 30, 2006
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