samedi, mars 25, 2006

Les jeunes savent-ils encore raisonner ?

Dans Le Figaro :

Les discours [des jeunes manifestants anti-CPE] sont plus pratiques, moins brillants. La prolétarisation n'est pas uniquement sociale.

L'abaissement du niveau scolaire pour satisfaire les statistiques du baccalauréat a fait son oeuvre. Le refus de la sélection – entériné en 1986 – a créé d'innombrables filières (éducation physique, sociologie, etc.), sans débouchés professionnels. Des troupes désespérées sont ainsi conduites dans des mouvements sans discours construit, sans culture historique ni politique.
Sans ligne définie.

Le contraire des leaders de 68 qui, eux, se droguaient d'une logorrhée théorique, un fatras millénariste et marxiste, mais aux références livresques indéniables. Les vieux renards des mouvements de jeunes, passés depuis au PS, s'arrachent les cheveux. «Ils sont où on les pose. C'est le mouv !» confie, désabusé l'un d'entre eux. Sans ligne ni leader. Personne ne veut assumer la direction du mouvement. «On n'est pas là pour faire émerger des nouveaux Cohn-Bendit», proclame une étudiante lilloise. Autorité, supériorité, compétition – encore des mots tabous d'une génération.

Hé oui, à force de constructivisme, de "gentillesse", de GGT (Gentille Guimauve Totalitaire), de ne plus transmettre de savoirs construits, hiérarchisés et ordonnés, on a des "jeunes" (c'est plus politiquement correct, car dire "élèves" soulignerait la faillite de l'Education Nationale) qui ne savent plus penser, bâtir un raisonnement, analyser une situation, c'est-à-dire qu'ils sont exposés à tous les vents de la démagogie et de la manipulation.

Que penser de la situation de ce professeur de faculté de mathématiques expliquant qu'il est obligé d'apprendre à ses élèves de première année ce que signifie les locutions "donc", "en effet", "or" car ils en parsèment leurs copies à tort à travers, sans rime ni raison, au point de se rendre incompréhensibles ?

Voici un témoignage de Laurent Lafforgue :

Même en filière S, la plupart des élèves ne connaissent pas de mathématiques au sens où je l'’entends : des énoncés de théorème avec des hypothèses et conclusions précises, de la rigueur, des démonstrations, des raisonnements. Nombre des élèves qui arrivent en classe préparatoire aux grandes écoles ne maîtrisent pas les règles de la logique et, par exemple, ne font pas de différence entre équivalence et implication.

(Je peux témoigner qu'il y a quinze ans, nous ne présentions pas de telles lacunes. Si le sujet vous intéresse , le site de Michel Delord, un peu fouilli mais très documenté vous aidera. )

Y a-t-il beaucoup de tels élèves et de tels étudiants qui soient capables de comprendre et d'intérioriser des raisonnements économiques, alors que ceux-ci nécessitent une grande rigueur et sont facilement entachés d'erreurs logiques ?

Je crois hélas que non, en tout cas pas en nombre suffisant pour qu'au sein de cette communauté étudiante et lycéenne puisse se former une opinion éclairée.

J'ai conscience qu'écrire cela est terrible, mais le constater l'est encore plus, et ce n'est pas sans angoisse que je le fais.

Mon seul espoir est qu'il n'y a aucune raison pour que nos successeurs soient plus bêtes que nous l'étions ; ce qu'une éducation viciée par de mauvais principes a fait, une bonne instruction peut le corriger.

Les bonnes méthodes éducatives sont connues depuis longtemps, elles ont même été améliorées grâce aux découvertes sur le cerveau, de vrais spécialistes en pédagogie (je ne parle pas des guignols d'IUFM) ont trouvé refuge dans la recherche.

Manquent seulement, mais c'est le plus difficile, la renonciation à l'ancien dogme, l'apostasie de l'ancienne foi. Il manque seulement qu'on cesse de soutenir, qu'on laisse s'écrouler, l'ancien système qui procure encore places, honneurs, cooptations et copinages.

Une bonne nouvelle, certes minuscule, certes symbolique, mais nous vivons aussi d'espoir : Philippe Meirieu, le pape du constructivisme pédagogiste, le trépanateur en chef de l'EN, demande à ne pas être reconduit dans ses fonctions (à noter que Le Monde, Pravda du pédagogisme, lui accorde un entretien). Reste à savoir qui le remplacera.

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