Vous trouverez ci-dessous un extrait d'article des Echos sur la (pseudo) gratuité, c'est-à-dire la générosité étatique payée par le contribuable et par la dette.
La gratuité forcée est un mécanisme extrêmement pervers : F. Hayek considérait le marché comme un mécanisme de découverte. Par l'intermédiaire du marché, par ajustements successifs de l'offre et de la demande, grâce aux mécanismes de prix, les acheteurs découvrent de nouvelles manières de satisfaire de nouveaux ou d'anciens besoins, les vendeurs creusent ce gisement.
En supprimant le prix, qui est un signal, on se prive d'un régulateur très puissant pour trier ce qui est intéressant et ce qui ne l'est pas. Autrement dit, un service gratuit est toujours, à la longue, sous-optimisé.
Alfred Sauvy et Paul Fabra considèrent que la gratuité est un leurre. Je ne peux que me ranger à leur avis.
Mais, je divague, raisonnons "à la française" : puisqu'on n'y connaît rien en économie, utilisons les sentiments, les pétitions de principe et les jugements de valeur : la gratuité, c'est généreux ; la générosité, c'est bien ; donc la gratuité, c'est bien.
J'écrirais un autre message pour discuter si faire payer le contribuable, qui n'en peut mais, pour cette générosité, c'est aussi bien !
Le prix de la gratuité
La gratuité joue un rôle social majeur : quand on ne peut pas donner d'espèces sonnantes et trébuchantes, on accorde la gratuité. Dans nombre de cas, c'est une planche de salut. Dans beaucoup d'autres, c'est un simple effet d'aubaine. Ce faisant, le « prix de la gratuité » étouffe tout autour de lui. Et là où elle passe, l'herbe des activités marchandes ne repousse pas, sauf si les prestations gratuites sont par trop défaillantes. Or il peut exister, surtout dans le monde actuel, des façons beaucoup plus efficaces et intelligentes de produire les mêmes services.
Il s'agit, en fait, d'un élément très fort de l'« offre politique » sous la forme du « toujours plus de gratuité ». Le drame, c'est qu'elle apparaît vraiment comme un don du ciel, la gratuité. C'est l'effet d'aubaine garanti. En même temps, c'est la sclérose assurée du corps social et de l'économie comme dans les pays de l'Est de l'Europe qui étaient parvenus à un état (plus ou moins) parfait d'inefficacité pathétique jusqu'à la faillite finale. Dans ce contexte, tout ce qui est différé pour nous-mêmes (ou pour nos petits-enfants) dans l'endettement du pays donne l'impression que si l'on est malin on pourra y échapper.
Ce faisant, au fil des dernières décennies, nous avons ouvert très largement l'accès aux services publics gratuits en donnant un formidable droit de tirage à un nombre croissant de bénéficiaires (la santé avec la CMU, l'accès à la propriété pour tous, le bac à 80 % d'une classe d'âge, etc.). Or, ne pouvant plus compter sur la planche à billets, nous faisons de la cavalerie. Et, de plus en plus, nous « débloquons des crédits à crédit » sans nous rendre compte à quel point nous sommes « socialisés à crédit ». La prise de conscience, récente, des bornes à l'endettement public oblige à s'interroger sur les limites de la « promesse de service public » (ainsi les hésitations récentes dans la bouche des ministres sur les dettes et sur les engagements de l'Etat : 1.000 milliards d'euros, 2.000, 2.500 !).
La gratuité, c'est la revanche du collectif sur le marché. C'est aussi la fracture entre deux mondes : celui des échanges monétaires et celui des prestations sans échange d'argent. Il n'y a plus de segmentation du marché par le prix dans l'utopie d'un monde sans argent.
Pourtant, il serait bien préférable de solvabiliser le client et de lui laisser le libre choix entre plusieurs prestataires et types de prestations, comme l'ont fait les parlementaires britanniques en janvier 2005 en décidant qu'à partir de 2007 les étudiants anglais payeraient au moins 4.500 euros par an pour suivre leurs études universitaires (avec des bourses et des prêts), considérant que l'on n'allait pas demander à leurs futurs petits-enfants de payer l'éducation de leurs grands-parents.
Tôt ou tard, les impératifs de compétitivité qui s'appliquent à l'économie marchande avec des gains de productivité de 4 % à 8 % par an finiront par s'imposer à l'économie non marchande, qui, sinon, s'effondrera sous son propre poids dans une économie exsangue.
JEAN RUFFAT est président de Sudria SAS.
mercredi, avril 19, 2006
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