vendredi, septembre 22, 2006

Suède : quand la bien-pensance gauchiste est désarçonnée

La bien-pensance gauchiste pensait avoir trouvé en Suède, un paradis, un modèle, comment concilier collectivisme et économie de marché ; je m'y suis aussi laissé aller. Le rêve, le pied, le bonheur : l'économie de marché et ses richesses sans l'affreux, l'horrible, le terrible libéralisme (car chaque bien-pensant aime sa liberté mais pas celle des autres).

Seulement voilà : les électeurs suédois n'ont pas "bien" voté, ils ont voté libéral. Alors que fait Le Monde ? Avec un culot qui laisse pantois, il explique que les Suédois n'ont pas voté si libéral que ça, qu'ils en avaient ras-le-bol du sortant et que leur vote témoigne surtout de leur envie de nouveauté (bref, qu'ils ne savaient pas bien pour qui ils votaient).

Et si, au contraire, les électeurs suédois savaient parfaitement ce qu'ils faisaient ? Si ils en avaient eu marre qu'une fraction de plus en plus réduite de la population soit obligée par l'Etat de payer pour une fraction de plus en plus grande de profiteurs, d'oisifs, de subventionnés et d'assistés de toutes sortes ?

Un mouvement analogue se dessine en Grande-Bretagne où David Cameron pourrait avoir ses chances contre Gordon Brown.

Or, quand on y regarde, l'Etat suédois est beaucoup plus efficace que l'Etat français et l'Etat britannique beaucoup moins présent. On pourrait donc imaginer que les Français auraient depuis longtemps demandé à leur Etat de se remettre en cause, dans ses missions, dans ses procédures et dans son comportement.

Le seul rempart de l'Etat contre une plus grande exigence de la part des citoyens-contribuables-administrés français est la croyance étatique, largement répandue et entretenue. La croyance étatique s'énonce comme suit : sans l'Etat, la France serait en guerre civile, l'Etat est le garant de l'égalité et de la paix entre les Français et peut être considéré, de ce fait, comme d'essence supérieure. En conséquence, il n'est pas sage de le contester au delà de détails et encore moins d'en exiger une réduction de son emprise sur la société.

Bien sûr, il s'agit d'une pétition de principe (encore !). Rien ne démontre que la France exploserait sans l'Etat. Au contraire, de nombreux indices indiquent que c'est l'impostion de directives administratives à tous, nécessairement inadaptées à chacun, vrais lits de Procuste, qui est génératrice de tensions.

Telle la mère abusive, la tutelle administrative infantilise les Français en un cercle vicieux : les Français dépendent en tout ou presque de l'administration, ont pris de ce fait la mauvaise habitude d'en attendre beaucoup, et l'administration prend prétexte de cette dépendance pour renforcer son emprise, se payant le luxe au passage d'ironiser sur le peuple qui la critique tout en en attendant trop ; schéma bien connu des parents toxiques : je ne te laisse pas la liberté et les moyens de l'expérimenter et j'argue de cette inexpérience de la liberté pour t'en laisser encore moins.

L'homme qui vit encore chez ses parents à 40 ans encourt le ridicule. Il peut se révolter par bouffées pour relâcher la pression puis retomber dans la routine, vieille tradition française, ou sombrer dans la neurasthénie et l'auto-dénigrement, également vieille tradition française ou s'émanciper, calmement mais fermement. La France pour diverses raisons n'est parvenue à ce dernier stade que temporairement, sous l'Ancien Régime et sous la IIIème République.

Mais il se pourrait bien qu'on arrive à un moment décisif. Par exemple, le début de remise en cause de la "carte scolaire" est significatif : y a-t-il plus infantilisant pour des parents que l'administration considèrant qu'elle sait mieux qu'eux où leurs enfants doivent aller à l'école ?

Bien sûr, je ne m'attends pas un sursaut thatcherien, il n'est probablement pas né l'homme politique français qui parviendra à la présidence avec le slogan de Ronald Reagan : "L'Etat n'est pas la solution, c'est le problème."

Néanmoins, à défaut d'une révolution, une nette évolution est possible, peut-être même probable : en effet, par son comportement, l'Etat mérite de moins en moins le respect, perd son caractère sacré ; de plus en plus de Français comprennent que l'Etat est d'abord au service de lui-même et de ses personnels, et, seulement en deuxième intention, au service du pays.

J'ai été surpris par les réactions plutôt positives à l'évocation de la réforme des "régimes spéciaux" (c'est-à-dire privilégiés) de retraite. Il est vrai que certaines situations, "roulants" de la SNCF par exemple, atteignent de tels sommets d'iniquité par rapport au régime général qu'il faut la plus extrême mauvaise foi ou un égoïsme opiniatre (1), denrées abondantes, pour ne point convenir qu'il y a effectivement une injustice.

(1) : je me souviens d'un conducteur de train marseillais gréviste qu'on interrogeait sur le fait de savoir s'il n'avait pas quelques remords à gravement emmerder dans leurs déplacements des gens qui travaillaient plus que lui, gagnaient moins et partaient à la retraite plus tard. Réponse sans complexe : "Putè ! Ils ont leurs problèmes, moi j'ai les miens."

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    C'est toujours avec un certain intérêt que je lis ce blog. Les jugements sont quelques fois à l'emporte pièce, dérangeant, apparaissent souvent provocant, mais n'y a-t-il pas finalement rien de plus provocant que la vérité?

    Je viens donc de lire les dernières livraisons, si elles confirment mes impressions précédentes, je vous conseille, à toutes fins utiles, de lire, si ce n'est déjà fait, l'ouvrage de Michel Schneider, Big Mother, psychopathologie de la vie politique, qui reprend assez largement votre analyse.

    Merci en tout cas de m'avoir éclairé vers la revue Commentaires. C'est effectivement du Pommard... ( bien que je préfère en matière viticole le Vaquéras et le Châteauneuf du pape.)

    RépondreSupprimer
  2. Salut.Le changement des mentalitées dans notre pays devrait débuter en haut de la pyramide:faire sauter toutes les immunitées politiques,s'interesser aux systèmes de retraite des hauts fonctionnaires de l'etat,arreter les depenses inutiles en frais de bouche et autres privilèges royalistes....et j'en passe....
    Je sait c'est utopique , mais bon personnelement je trime au smic dans le privé et je comprends que personne ne veuille lâcher son bout de gras.On nous monte les uns contre les autres pour que pérdure cette mascarade politique.Ce sera dur de réformer quoi que ce soit dans ce pays tant que nos énarques nous diviseront de la sorte.Les idées constructives sont mises en marge et chacun ne regarde que son nombril.
    je suis pas toujours d'accord avec toi mais je vient régulierement sur ton blog que j apprecie beaucoup.Steph.

    RépondreSupprimer