Quand on regarde la politique française et qu'on prend un peu de recul, on éprouve un sentiment d'irréalité saisissant.
Je prends deux exemples récents :
> la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. Je suis assez stupéfait que dans aucune des interventions, articles et entretiens, la dure réalité ne soit jamais évoquée : l'armée française peut très difficilement mener une opération seule. Le choix n'est pas entre une France indépendante et une France atlantiste. Le choix qui nous reste est celui de notre dépendance (1) et, dans ce cadre, la réintégration du commandement intégré est une question qui ne se pose même pas. Tant qu'à dépendre de l'OTAN, autant essayer d'avoir quelques strapontins décisionnaires.
> la polémique «rigueur or not rigueur». L'Etat dépense 50 Md € par an de plus que ce qu'il gagne, ce déficit est du gaspillage pur. Si l'Etat français était géré comme un Etat anglo-saxon ou scandinave, il aurait un budget équilibré ou en excédent. On ne peut donc appeler une économie de 4 Md € étalée sur 5 ans «rigueur». La droite ne peut se glorifier d'un quelconque courage et la gauche est ridicule de décrire cela comme un extrêmisme libéral fanatique.
J'ai choisi deux exemples d'actualité. Mais on pourrait multiplier ces exemples à l'infini : ceux qui parlent de «modèle social français» semblent oublier que le propre d'un modèle est d'être copié, or le monde entier évite soigneusement de nous imiter !
D'où vient cette schizophrénie, ces discours qui tournent à vide, totalement détachées des réalités, ses polémiques où les mots qui s'affrontent ne recouvrent que du vide ?
Je pense qu'un facteur primordial est le temps : toute une classe politique ne se détache pas du réel en un jour.
A cet égard, 1981 a joué un rôle fondamental : à l'époque où R. Reagan et M. Thatcher s'orientaient vers une prise à bras le corps des problèmes de leurs pays, la France se lançait dans une «autre politique» qui n'a jamais eu d'efficacité que dans les discours de fond de bistro.
Mais le ver était dans le fruit bien avant : De Gaulle tenait des discours dont le souffle lyrique était souvent loin des réalités, il compensait par un pragmatisme personnel constant.
Ses successeurs n'ayant pas gardé le pragmatisme, le lyrisme est devenu creux.
A mon sens, le septquinquennat de Jacques Chirac sera jugé très sévèrement dans quelques années.
Ainsi, une erreur, celle de Mitterrand de se payer de mots, n'a pas été corrigée mais amplifiée.
Cela n'a été possible que parce que le terrain y était propice, c'est ce fameux «esprit classique» français, dénoncé par Taine, qui voit non des hommes mais des types, non des événements mais la manifestations d'abstractions.
Pourtant, ce fameux esprit classique français existait bien avant Mitterrand. Ce qui a rendu ce poison plus violent est une dépression de l'intelligence collective suite à la seconde guerre mondiale (2) et la suprématie des énarques qui a empêché l'air d'entrer et d'aérer la poussière sous les crânes d'oeuf.
L'intelligence est un aller-retour permanent entre le réel et l'abstrait. En France, cet échange semble bloqué, on sait encore extraire et ordonner des faits à partir d'une abstraction, mais on ne sait plus faire le chemin inverse, créer un nouveau cadre théorique quand les faits dérangent.
Les symptômes de grave maladie de cette abstraction qu'est l'Etat sont tellement patents que peu songent à les nier.
Mais on préfère parler d'autre chose que de remettre en cause l'idée comme quoi l'Etat serait le gardien de l'intérêt général et toutes ses interventions a priori légitimes.
Etrange et funeste paralysie de l'intellect.
(1) : pour avoir une armée indépendante, il faudrait réformer l'Etat, de manière à augmenter le budget de la défense d'une bonne moitié sans augmenter les impots. On sait bien que ce n'est la priorité ni à droite ni à gauche. Il est donc particulièrement hypocrite de verser des larmes de crocodile sur une indépendance perdue alors qu'on a tout fait pour que se priver des moyens de cette indépendance.
(2) : que Sartre, fasciné par la violence politique, ait pu être un «maitre à penser» laisse songeur.
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Ce qui me sidère, c'est qu'il faille 150 mesures pour espérer d'ici 4 ans, peut-être 7 Mds d'€ de réduction de déficit.
RépondreSupprimerOn n'en est plus à faire dans la dentelle et autres ajustements d'horloger. Je persiste à penser qu'à ce stade la serpe est l'instrument adapté...
Il faudra en effet un jour faire le procès de de Gaulle et du gaullisme.
RépondreSupprimerCertes, la belle histoire qu'il a racontée aux Français les a aidés à vaincre le nazisme et à reconstruire leur pays.
Mais chaque mythe a son temps. Celui cultivé par le général colle à l'intellect politique français comme le sparadrap au capitaine Haddock. C'est un peu comme si les Anglais continuaient de célébrer l'Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais.
Quand je pense à la fréquence avec laquelle on nous ressort Malraux pour justifier la moindre subvention à une bande de branleurs intermittents du spectacle, titulaires de la licence "Arts du clown-services à la personne"... (*)
___
(*) Cette licence existe.
Sur le déficit et la dentelle: je ne suis pas un expert de la chose militaire, mais quand on voit qu'on en est à annoncer comme une énooorme économie le fait de fusionner les services qui s'occupent des uniformes pour les trois armes...
RépondreSupprimerJe crois que l'erreur que le courant Libéral commet ,c'est de croire qu'il suffit de prendre des mesures économiques pour que tout aille mieux.
RépondreSupprimerCe n'est pas faux en théorie, mais cela peux avoir des conséquences catastrophiques en pratique.
Regardons la réalité en face, les Francais sont dressés a regarder le libéralisme comme étant une hérésie et un discours vaguement capitaliste comme étant l'expression du mal.
Plus les Francais ont des problémes, plus ils grognent pour qu'on les résolvent avec plus de causes de problémes.C'est un beau cercle vicieux.
Réformer le pays de facon trop "dure" peux conduire le pays a l'émeute voire a la guerre civile.
Si il y a des politiciens qui veulent vraiment améliorer les choses, ils doivent étre extrémement prudent et mentir comme des arracheurs de dents.
J'ignore de quel bois est fait sarkozy, je suis sur par contre qu'il ment en permanence comme tous les autres sur ses objectifs reels, mais peux étre cette fois pour notre bien.
Par conséquent , le chiffre annoncé de 4 Milliard ne permmet selon moi de ne tirer aucune conclusion.
«Je persiste à penser qu'à ce stade la serpe est l'instrument adapté...»
RépondreSupprimerBastiat disait qu'il vaut mieux couper la queue d'un chien d'un coup plutôt que par petits bouts.
Mais si on dit cela à nos politiciens, surtout de gauche, mais de droite également, qui sont tellement habitués à jouer avec les mots, nous aurons droit à «Quel scandale ! Le gouvernement nous prend pour des chiens !» et patati et patata. Comme d'habitude, des conneries qui s'attachent à la forme pour ne pas aborder le fond.
«voit qu'on en est à annoncer comme une énooorme économie le fait de fusionner les services qui s'occupent des uniformes pour les trois armes...»
Sous prétexte que les militaires ne manifestent pas et ne font pas grève, qu'ils ont le sens du devoir, l'armée, même si reste des choses à faire, s'est beaucoup réformée, l'essentiel des blocages venant des élus locaux.
«Plus les Francais ont des problémes, plus ils grognent pour qu'on les résolvent avec plus de causes de problémes.C'est un beau cercle vicieux.»
L'Etat crée des problèmes qu'il s'impose ensuite pour résoudre.
A bartlett : ce discours convenu suffit! Cela fait des dizaines d'années qu'on nous le ressert tel un repas archi réchauffé!
RépondreSupprimerIl faut bien être conscient que l'on ne peut faire de réformes quand un pays en est arrivé à un tel état de délitement que dans la douleur! Et plus on attend, plus on recule, plus cette douleur sera grande, plus les conséquences en seront dévastatrices!
Malheureusement, comme l'a très bien montré J. Marseille dans son livre, la France a toujours avancé suite à des révoltes ou révolutions ; c'est toujours après celles-ci que l'état s'est réformé mais bien souvent sous la férule d'un homme à poigne, pour ne pas dire d'un dictateur!
Croyez-vous un seul instant que les cautères appliquées depuis plus de 30 ans (et même bien davantage) sur la jambe de bois française aient pu faire avancer les choses, améliorer la situation de ce pays?
Que nenni! Avec une dette qui dépasse les 4500 milliards d'euro, une structure économique déliquescente, une fuite des cerveaux et des entrepreneurs, un accroissement considérable de l'immigration, etc. Croyez-vous un seul instant que nous ayons encore 1 seule minute à perdre en tergiversation?
Et le problème de notre faiblesse militaire bien réelle n'est que la partie émergée de l'iceberg...
Je ne comprends pas pourquoi personne ne dit clairement que pour mener une politique - n'importe quelle politique! - il faut des moyens sonnants et trébuchants? Pourquoi nos "intello" de service en sont venus à inventer les 35 heures alors que c'était clairement une absurdité digne de Keynes... pourquoi nos politiques continuent leur croisade anti-libérale alors qu'ils sont les premiers à profiter de ce système et seraient également les premiers, pour la plupart d'entre eux, à passer sur la charrette si la révolution éclatait!
Soyons clair ! Ce ne sont pas les mesurettes actuelles ni les effets d'annonce permanents qui feront une bonne politique efficace! Bien au contraire! Cela va permettre la poursuite de l'enlisement et peut-être même son accélération!
Avez-vous un seul instant envie que des têtes soient coupées? Telle est la vraie question... et je ne parle pas au figuré!
«"Arts du clown-services à la personne"... (*)
RépondreSupprimer___
(*) Cette licence existe.»
Vous me direz que j'ai le rire facile, mais tout de même, je ne savais pas que mes impots finançaient des fantaisies de ce genre. Tordant.
Un blog que j'ai découvert et qui se veux critique...
RépondreSupprimerhttp://endirectdelacrise.blog.lemonde.fr/
A lire avec le sens critique en éveil !
Les fondements philosophiques du libéralisme sont bien plus vieux que Milton et s'inscrivent dans la dimension sociale de l'humanité.
J'ai bien peur que tout cela finisse mal
"pleurs et grincements de dents"
Les Français sont tellement habitués à obtenir des avancés au détriment des autres que toute reforme d'envergure semble impossible. L'inertie des individus et des appareils est si lourde que jamais
vous ne cristallisez le changement.
Une guerre civile ? oui on pourrait en arriver là.
Quand ?
Voyez comment on a enterrer le soulèvement des banlieues en 2006 ? c'est le feu qui couve sous la braise.
Désolé de faire entendre ma petite fausse note !
RépondreSupprimerLe problème numéro 1, et de loin, c'est l'Europe-paillasson sur laquelle les Etats-Unis et la Chine s'essuient les pieds depuis des années.
Face à ces deux Etats qui ont pas mal de progrès à faire vers la démocratie, en matière de peine de mort notamment, et de suffrage universel (le premier mandat de Bush n'a-t-il pas été entaché d'une tricherie originelle sur le comptage des bulletins, et croyez-vous que l'histoire l'oubliera si facilement ?), elle a imposé avec des nuances nationales l'idée que le respect des travailleurs organisés en syndicats était non seulement un fait de civilisation, mais un pilier d'une bonne santé économique.
Le thatchérisme n'a pas encore franchi la Manche, nulle part, et Sarkozy a bonne mine de vanter un jour le modèle allemand à Berlin, et le lendemain l'anglais à Londres.
La constitution repoussée en 2005 aurait pérennisé l'impossibilité d'obliger nos concurrents, sous peine de barrières douanières, à envahir nos marchés à coups de produits fabriqués par des ados non scolarisés et presque pas payés, sans couverture maladie ou accidents.
La grève des ouvriers roumains représente à cet égard une grande lueur d'espoir que, j'en suis sûr, nous saluons tous.
Donc ce dont nous avons besoin avant tout c'est de démocratie. Notre président s'est vanté qu'avec lui les promesses électorales cesseraient d'en être : prenons-le au mot, exigeons, comme il l'avait promis, que plusieurs fois par an il y ait à cet égard un bilan comparatif des paroles et des réalisations. Certes nous serons vite devant des contradictions : il avait promis à la fois de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, et que cela ne toucherait pas l'enseignement ! Il y aurait eu beaucoup à gagner chez les douaniers... eh bien c'est le moment de mettre la charrue après les boeufs, comme cela n'a pas été fait pour les retraites des cheminots etc. et d'envisager d'abord les problèmes, et les solutions ensuite. Un élève ça se forme comment, ça a besoin d'être suivi dans une classe de combien, etc.?
Rien n'est à exclure a priori, sauf la violation des promesses : si on est amené à s'en écarter grandement, vite, dissolution de la Chambre ou démission-réélection du président.
Le thatcherisme n'a pas passé la Manche : je considère cela comme une mauvaise nouvelle.
RépondreSupprimer"Le thatchérisme n'a pas encore franchi la Manche, nulle part." (François Delpla)
RépondreSupprimerVous avez mal regardé.
Suisse: assurance-maladie privée soumise à la concurrence (solution récemment choisie par référendum).
Portugal: suppression massive d'une grande partie des postes de fonctionnaires en très peu de temps (et pas seulement non-remplacement partiel des départs à la retraite, comme chez nous).
Allemagne: une grande partie des fonctionnaires est désormais hors statut et travaille sous contrat de droit privé. Salaire au mérite.
Italie: véritable service minimum dans les transports (et non mascarade de "consultation" et d' "information" comme chez nous).
Suède: quasi-suppression du ministère des Finances (il ne reste que 300 fonctionnaires). La perception des impôts est sous-traitée au privé. Le ministère du travail ne compte que quelques centaines de fonctionnaires.
Estonie: réforme de l'Etat par application littérale des recommandations de Milton Friedman. Remplacement de l'impôt progressif par l'impôt proportionnel.
Nombreux pays de l'Est: impôt proportionnel.
Suède, Danemark, Finlande, Italie, Espagne, Hongrie, République tchèque: chèque-éducation, libre choix de l'école par les parents.
France: euh...
Et ça, c'est juste ce qui me vient en tête à l'instant. Si vous cherchez des exemples de réformes libérales en Europe, vous en trouverez beaucoup d'autres. Nous sommes les derniers.
La licence Arts du clown:
RépondreSupprimerhttp://tinyurl.com/6amdjq
Ils ont l'air d'avoir enlevé la mention "Services à la personne", sans doute après avoir lu ça:
http://tinyurl.com/5r3ajw
Les critères de recrutement sont larges, puisque l'on admet "des clowns ayant une formation acquise sur le tas". Comme le note le Grand Charles, ça fait du monde.
doucement les basses !
RépondreSupprimerd'une part vous répondez en isolant une phrase, d'autre part l'assimilation du thatchérisme au libéralisme est un sacré cadeau fait à l'ultime groupie de Pinochet.
Ma propre définition du thatchérisme est : la réforme libérale par en haut, en brisant préalablement le mouvement ouvrier.
@Delpa
RépondreSupprimerMettre sur le même plan les limites de la démocratie Chinoise et la Dictature des USA est bien la marque d'un esprit ouvert qui sait apprécié la réalité dans toutes ces nuances.
Cette capacité d'analyse et de prise de recul reforce bien évidemment votre message...
Cordialement
Claude
il ne manquait plus que cela !
RépondreSupprimerMême Marchenoir n'avait pas osé déformer à ce point ! Va-t-il vous le reprocher, cela, c'est une autre affaire ...
@ delpla,
RépondreSupprimer"La constitution repoussée en 2005 aurait pérennisé l'impossibilité d'obliger nos concurrents, sous peine de barrières douanières, à envahir nos marchés à coups de produits fabriqués par des ados non scolarisés et presque pas payés, sans couverture maladie ou accidents."
Le protectionnisme permet surtout de taxer à l'importation les produits venant concurrencer les produits nationaux (rien donc de social ou d'humain, rien que de l'économique) cela souvent au détriment des pays en développement.
(dans le même ordre de conséquence, il serait d'ailleurs souhaitable que l'Europe cesse, par exemple, de subventionner son agriculture.)
La proposition de mettre les résultats de Sarko en face de ses promesses est une idée mais dans les faits il n'aurait qu'à réussir une petite pirouette rhétorique et le tour serait joué (et c'est très facile : contexte international, résultats visibles que sur le long terme, ...).
Même si je vous rejoins, à ménager la chèvre et le choux, Sarko ne met guère de coup de pied dans la fourmilière.
Vous savez je crois que les problèmes sont simples et connus, mais les français, en général, ne veulent pas des solutions : quand on est endetté jusqu'au coup on essaye de réduire ses dépenses avant tout (= créer des emplois, diminuer le budget de l'état).
Et comme les français n'aiment pas les solutions, Sarko non plus (because côte de popularité...).
"L'Etat dépense 50 Md € par an de plus que ce qu'il gagne, ce déficit est du gaspillage pur."
RépondreSupprimerPrétendre parler de finances publiques et confondre "déficit" et "gaspillage"...
Un petit effort! Vous allez comprendre la différence.
Anonyme, vous n'avez encore rien compris : lisez lentement et attentivement, nom de Dieu.
RépondreSupprimerJe n'écris pas que toutes les dépenses de l'Etat sont du gaspillage ni que tout déficit est du gaspillage (de mon point de vue, un déficit public pour des frais de fonctionnement est plutôt de la corruption de l'électorat, c'est différent).
J'écris que le montant du déficit de public représente approximativement le montant minimal du gaspillage de l'Etat tel qu'estimé par un organisme aussi peu suspect de libéralisme que la cour des comptes.
Et donc, si l'Etat français ne gaspillait pas, il n'y aurait pas de déficit public.