mardi, mai 20, 2008

Les OGMs et les scientifiques

OGMs : un fossé entre politiques et scientifiques

Je trouve déjà que le débat sur le réchauffisme ne vole pas bien haut, mais celui sur les OGMs, c'est le bouquet. Ca me rappelle les difficultés de M. Parmentier : quand il a essayé de promouvoir son célèbre tubercule, les paysans l'ont qualifié de «plante du diable».

Le vocabulaire a changé, pas l'attitude.

La position scientifiquement raisonnable vis-àvis des OGMs me semble pourtant tout à fait claire :

> il n'y a pas de danger générique des OGMs. Il faut étudier l'autorisation de cultiver au cas par cas.

> certains OGMs présentent des avantages, notamment écologiques.

> nous avons aujourd'hui une gamme d'OGMs cultivés depuis suffisamment longtemps pour conclure à l'absence de nocivité de ces types.

Je suis navré que les scientifiques aient déserté le débat, chassés par ce qu'il faut bien appeler l'obscurantisme.

Il est instructif d'observer le comportement des semenciers multinationaux, notamment américains. Ils semblent avoir renoncé à populariser les OGMs en Europe. Il y a à cela plusieurs raisons auxquelles feraient bien de réfléchir leurs adversaires :

> le jeu n'en vaut pas la chandelle : la surface d'OGMs cultivée dans le monde augmente tous les ans. L'Europe est un marché intéressant mais on peut s'en passer provisoirement.

> ils croient en leurs produits. Persuadés qu'il sont qu'un jour l'Europe sera forcée d'adopter les OGMs, dans la précipitation du fait de son retard volontaire, ils font le pari du lobbying auprès des instances dirigeantes en espérant contrôler les conditions hâtives de l'autorisation des OGMs mieux que lors d'une mise en place progressive.

> l'interdiction des OGMs en Europe a ce mérite insigne d'affaiblir les concurrents européens. Déjà la firme française Limagrain se pose des questions sur son avenir et investit pour délocaliser sa recherche hors d'Europe des sommes qui auraient eu meilleur usage en France (1).

En conclusion, je pense que les anti-OGMs sont les alliés objectifs (comme disait Karl), les idiots utiles (comme disait Vladimir), des semenciers américains.

Après tout, ça ne serait que justice : il faut bien payer le prix de sa bêtise.

Ajout du20/05 :

Les OGMs, querelle idéologique

Article du Monde qui reflète bien mon point de vue.

Il a déchainé l'ire des abonnés-commentateurs du Monde. Maintenant, je suis persuadé d'avoir identifié à coup sûr un effet nocif des OGMs : ils rendent idiots ! Hé hop, le prix Nobel pour Boizard.

(1) : j'attire votre attention sur ces phrases extraites d'un article du journal Le Monde sur Limagrain (c'est moi qui graisse) :

«Les difficultés de la recherche privée ne sont pas sans répercussions sur la recherche publique. "Quand il y a moins de partenaires privés, c'est toute la recherche qui souffre, note Alain Veil, conseiller au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). La France est en train de décrocher dans le domaine de l'innovation végétale."

Avec un risque supplémentaire : l'expertise française pourrait être prise en défaut quand il s'agira d'autoriser ou non les OGM américains qui s'impatientent aux frontières de l'Europe

12 commentaires:

  1. et toujours le manichéisme, l'obligation de choisir entre deux camps hérissés de barbelés !

    oui ou non, Monsanto et C° ont-ils pesé pour faire interdire en Europe la mention des OGM sur les étiquettes?

    oui ou non était-ce là un comportement inadmissible et de nature à attiser toutes les inquiétudes ?

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  2. Argh ! Pour une fois, c'est vous qui me lisez mal. Je ne suis pas manichéen : je pense effectivement que les anti-OGMs sont des imbéciles, mais ce n'est pas pour dire que les semenciers sont les gentils. Je suis tout à fait capable d'englober tout le monde dans mon noir mépris :-)

    Je dis juste que les anti-OGMs jouent le jeu des semenciers.

    J'ai ajouté un article de JP Oury qui exprime au mieux ma position.

    Vous y verrez que la question de l'étiquetage est abordée dans un sens qui devrait vous plaire (pour ma part, n'étant pas convaincu de la nocivité des OGMs, cet étiquetage me laisse indifférent, mais si certains estiment que ça leur est utile, pourquoi leur refuser ? De toute façon, si mon analyse est juste, la majorité des produits alimentaires contiendra des OGMs. Les gens s'y habitueront.)

    JP Oury a écrit un livre, La querelle des OGMs, qui est intéressant en ceci qu'il ne néglige pas les aspects psychologiques et philosophiques.

    Je n'attache pas OGMs une importance excessive : ils ne méritent ni excès d'honneur ni excès d'indignité.

    Ce qui m'énerve dans cette querelle et y attache mon attention, c'est l'obscurantisme et la bêtise des arguments. Ca rend la démocratie inquiétante.

    Je sais, je devrais suivre le précepte de Montaigne comme quoi il est idiot d'être énervé par des idiots. Mais je n'ai pas la sagesse de Michel.

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  3. ***je pense effectivement que les anti-OGMs sont des imbéciles, mais ce n'est pas pour dire que les semenciers sont les gentils.***

    content de l'apprendre... vraiment !

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  4. A ma connaissance, les seules catastrophes de grande ampleur de l'histoire humaine ont été des régimes politiques.

    L'homme a toujours réussi à maitriser ses inventions techniques parce qu'à mesure qu'elles devenaient plus puissantes, lui-même devenait plus savant et plus puissant. Je ne vois pas pourquoi Il en serait différemment pour les OGMs.

    C'est d'ailleurs parce qu'il n'y a pas de rupture épistémologique -l'heure est grave : j'emploie un mot de plus de trois syllabes- que je traite les anti-OGMs d'obscurantistes : au fond, c'est la démarche même du progrès technique, faite de risques, qu'ils contestent. D'où leur exigence, absurde scientifiquement parlant, de prouver de manière absolue l'absence de nocivité des OGMs ; on ne peut jamais prouver qu'un niveau relatif acceptable d'innocuité, et au vu des millions d'ha d'OGMs cultivés ce niveau relatif acceptable est prouvé depuis longtemps.

    Citez moi l'invention humaine, à usage non guerrier, qui a fait le plus de morts. Je crois bien que c'est l'automobile (on pourrait d'ailleurs l'exclure car certains considèrent visiblement leur véhicule comme une arme de guerre). Ceux qui demandent à en réserver l'utilisation aux laboratoires sont rarissmes (mais c'est souvent les mêmes qui veulent restreindre les OGMs aux labos ! Ils sont cohérents.)

    De toute façon, les anti-OGMs ont une faille fondamentale dans leur raisonnement : ils finissent toujours par conclure que les dangers (non avérés) des OGMs ne sont pas équilibrés par leurs avantages, illusoires. Pourquoi pas ? Mais dans ce cas, pourquoi interdire la culture des OGMs ? Si ils n'ont pas de vrais avantages, ils tomberont dans l'oubli.

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  5. Bonjour,

    Je n'ai pas vraiment d'avis sur les OGMs. Je me méfie un peu mais je n'y suis pas completement opposé.
    Je n'ai qu'une question à vous poser M. Boizard. Si dans 10 ans nous apprenons que les OGMs sont très nocives pour la santé (ce n'est qu'une hypothèse je reconnais volontiers qu'il peut très bien n'y avoir aucune conséquence)quel sera votre discours?

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  6. Je peux vous répondre en vous disant ce que je pense de l'amiante :

    > compte-tenu des connaissances de l'époque de sa diffusion, l'emploi de amiante était justifié.

    > l'erreur a été de continuer à l'employer quand les effets nocifs ont été découverts et prouvés.

    Pour l'instant, rien de tel concernant les OGMs.

    Si on prouve un effet nocif significatif des OGMs, on en reparlera.

    Veuillez noter que c'est la démarche générale concernant les inventions humaines : on ne sait pas avant d'essayer.

    Si l'on avait écouté ceux qu'effrayait le chemin de fer, nous serions encore en carrioles. Il n'y a qu'en essayant qu'on a su si ces craintes étaient justifiées ou non.

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  7. Comme je pense que vous répondais à côté de ma question je vais la reformuler (en effet cela vient peut être de moi).
    si dans 10 ans vous êtes malade (bien sur je ne le vous souhaite pas le moins du monde) et que c'est à cause des OGMs que direz vous?
    (je sais qu'il est fort probable qu'il ne se passe rien mais comme je vous trouve fort affirmatif et peu ouvert au dialogue pour quelqu'un qui aime citer Montaigne et Benda, j'aimerais votre avis sur une situation qui serait contraire à vos convictions)

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  8. Ca ne change rien à mon raisonnement que ce soit moi la victime ou d'autres : me croyez vous indifférent au sort d'autrui et préoccupé seulement de ma petite personne ?

    Montaigne et Benda n'étaient pas particulièrement patients avec la bêtise.

    Montaigne va même jusqu'à se reprocher son irritabilité vis-à-vis des sots.

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  9. Bon je pense que c'était une erreur de vouloir refaire un essai de discutions avec vous.
    Je trouve cela dommage car même si je ne pense pas comme vous, je vous trouvais intéressant à lire et il est plus stimulant de discuter avec des gens qui pensent différemment de vous qu'avec des gens qui ont les mêmes opinions que vous (je ne suis pas très content de cette tournure mais bon).
    Car une fois de plus vous ne répondez pas à ma question et vous qualifiez ceux ne sont pas d'accord avec vous de sots ou d'imbéciles.
    En effet je pense que (comme tout le monde) vous vous moquez des maladies ou des accidents tant qu'elles ne vous touchent pas.

    Je termine simplement en disant que l'exemple de l'amiante est parfait mais (je le crois) contredit justement vos théories.
    Au début on ne savait pas que cela était nocif, il est donc normal de l'avoir utilisé. Mais pourquoi avoir continué une fois que l'on a su que c'était nocif? Pour l'argent tout simplement. Je ne qualifie pas cela d'erreur. Une erreur ce n'est pas jouer avec la vie d'autrui pour faire des économies.
    Nous sommes bien d'accord que je ne dis pas que cela n'est pas forcément le cas pour les OGMs et j'ai encore assez confiance dans l'espèce humaine pour espérer que si c'était dangereux on nous le dirait. Mais l'histoire humaine est remplie d'exemples où on a choisi le profit plutôt que la santé du peuple (et cela n'est pas resserves aux méchants actionnaires puisque l'état nous a déjà fait le coup).
    Je vous laisse donc et vous souhaite une vie longue et heureuse loin de tout soucis et de maladie, en espérant que vos prédictions pessimistes ne se réalisent pas (petite pique pour finir mais pas bien méchante).

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  10. «vous vous moquez des maladies ou des accidents tant qu'elles ne vous touchent pas.»

    C'est absolument le contraire de ce que je vous ai répondu !

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  11. "C'est absolument le contraire de ce que je vous ai répondu !"

    Il faut parfois admettre de ne pas être cru, sinon compris.

    Nous touchons du doigt le fait que le pragmatisme est aujourd'hui quelque chose qui effraie certaines personnes parce qu'elles ont peur de ce qu'impliquent les réponses qu'on leur fait.

    Transcrivons un peu :

    "Julien : imaginons que l'eau mouille et qu'il pleuve dehors ; Franck, vous évoluez à l'extérieur : que pensez-vous de votre situation ?

    Franck : je serais sans doute mouillé.

    Julien : quoi, il pleut, ça mouille et vous acceptez d'être trempé !"

    La différence entre un Julien et un Franck tient dans leur manière de se laisser éventuellement tremper : là où un Julien interdirait la pluie, ou interdirait à la pluie de mouiller, ou interdirait les sorties par temps pluvieux, un Franck inventerait le parapluie, le ciré et/ou les bottes. Par la suite, si et seulement si le parapluie, le ciré et/ou les bottes s'avéraient insuffisantes, Franck déciderait de ne plus sortir par temps pluvieux.


    Autre constat :

    "Mais pourquoi avoir continué une fois que l'on a su que c'était nocif? Pour l'argent tout simplement."

    Mais pas seulement pour l'argent, Julien. On a continué à utiliser l'amiante malgré sa nocivité parce que c'était dans l'intérêt du plus grand nombre... comme TOUJOURS...
    Quand l'intérêt du plus grand nombre devient l'interdiction de l'amiante, on décide de l'interdire, non pas parce qu'il est dangereux, mais parce qu'il est de l'intérêt du plus grand nombre de ne plus l'utiliser.


    Finalement, on en revient toujours à un malaise entre deux thèses :
    - l'idéal du bien pour tous : personne ne doit être mouillé ;
    - l'idéal du mieux pour chacun : j'ai besoin de sortir et personne ne vous force à m'accompagner dehors par temps de pluie.

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  12. Je remercie Epicier Vénéneux qui m'épargne bien des fatigues par ses explications et ses images claires.

    J'avais envisagé que Julien ne m'ait pas compris, je n'avais pas envisagé qu'il ne m'ait pas cru.

    Un avion, il arrive que ça tombe et, comme je vole plus que la moyenne, il y a plus de chances que ça m'arrive qu'à d'autres. Et alors ? C'est la vie. Il faut essayer que ça n'arrive pas, mais ce n'est pas une raison pour arrêter de vivre.

    Je pense que le déclin des études scientifiques ouvrent la porte à l'irrationnel et à l'absolu et ce n'est pas sans m'inquiéter.

    Je vous remercie d'avoir au passage démonté l'éternel poncif «Les salauds ! Ils font ça pour les profits.» (il est bien évident que les salauds qui travaillent pour les profits, ce sont toujours les autres).

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