Voici l'extrait de l'Effondrement, d'Henri de Wailly, que je vous avais promis.
L'effondrement
De Wailly est militaire de formation et, comme tous les militaires que je connais, il ne porte pas De Gaulle dans son coeur : trop différent, trop original, trop rebelle, trop politique et, pour tout dire, trop intelligent. A coté de De Gaulle, n'importe quel militaire a l'air un peu minable, ça n'incite pas à l'indulgence.
Sa conclusion est fort intéressante : il explique que choisir entre De Gaulle et Pétain était hors de propos en 1940. Mais lui-même s'enferme entre De Gaulle et Pétain. Raisonnant ainsi, il situe la faute de Pétain non le 17 juin 1940, mais le 11 novembre 1942, quand il n'a pas démissionné suite à l'envahissment de la zone libre.
Ca me rappelle la blague d'ingénieur : entre deux solutions, il faut choisir la troisième.
En effet, il existait une troisième solution, que Weygand a refusé de toutes ses forces, au nom de «l'honneur de l'armée» et Paul Reynaud a eu tort de lui céder : la capitulation de l'armée en métropole. L'honneur de l'armée, dont la raison d'être est de servir, était secondaire par rapport au destin du pays. Weygand, par son corporatisme, fut très français.
Là fut la faute majeure de tous les dirigeants de 1940, Pétain en tête bien évidemment : confondre la défaite militaire avec la défaite politique.
Que cette distinction fut possible à l'époque même des faits, qu'il ne s'agisse pas d'une sagesse rétrospective, aucun doute : Paul Reynaud ou la comtesse des Portes auraient dit quelque chose comme «Je ne suis pas la reine de Hollande». Refuser quelque chose, c'est déjà admettre que cela puisse être envisagé.
Ca restera un mystère de l'histoire qu'il n'y ait eu qu'un général de brigade à titre temporaire, sous-secrétaire d'Etat à la guerre et à la défense nationale d'un gouvernement démissionnaire, pour considérer que cette solution était la meilleure.
Il est vrai que la présence dans ce gouvernement des vaincus d'avance et des traitres en puissance, les Baudoin, de Villelume, et compagnie et, finalement, à sa manière, Paul Reynaud, ne facilitait pas les choses.
On en viendrait presque à oublier que l'histoire de France est remplie de gouvernants faisant front dans des situations dramatiques, d'Henri IV, que Montaigne trouvait encore plus grand dans la défaite que dans la victoire, à Clemenceau en passant par Gambetta.
jeudi, juin 12, 2008
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Wailly a des négligences (titres d'ouvrages cités inexacts : Pompidou, Bouthillier...), de fâcheux entraînements de plume (l'armistice sauverait la flotte de la reddition : et à qui donc ? aux amiraux allemands dix fois moins bien pourvus ?).
RépondreSupprimerJe rejoins globalement votre jugement.
Cependant je crois pouvoir éclairer le mystère, là encore, par Hitler. Il prend Pétain en laisse, dès avant l'armistice. Si par exemple le maréchal étrangle la république, c'est qu'il croit, parce que Hitler le lui a laissé espérer, qu'un alignement sur les dictatures en politique intérieure est urgent pour améliorer le sort du pays.
A cet égard Wailly oublie des pans entiers de la réalité quand il professe qu'en 1940 on n'avait encore aucune idée de la barbarie hitlérienne, à un Bernanos près. Tout, au contraire, avait été dit sur le sujet, mais en ordre dispersé, dans un climat polémique, non sans à peu près et exagérations que la propagande de Goebbels se faisait un plaisir de réfuter, etc. Bref on ne savait pas sur quel pied danser. Et le pacte germano-soviétique, oeuvre (et chef-d'oeuvre) du seul Hitler car Staline aussi est en laisse, vient à point nommé pour mettre le comble à la désorientation générale.
La vérité : dès 1933 l'Allemagne non seulement prépare la guerre, mais la mène, avec une efficacité d'autant plus grande qu'elle est inaperçue.
«Si par exemple le maréchal étrangle la république, c'est qu'il croit, parce que Hitler le lui a laissé espérer, qu'un alignement sur les dictatures en politique intérieure est urgent pour améliorer le sort du pays.»
RépondreSupprimerComment ?
«il professe qu'en 1940 on n'avait encore aucune idée de la barbarie hitlérienne, à un Bernanos près.»
C'est exact, je me suis fait cette même réflexion qu'il y allait un peu fort, mais j'ai oublié de la préciser dans mon commentaire.
Là où de Wailly est le plus intéressant, c'est quand il s'éloigne de la politique.